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La confrontation entre la justice légale, la loi divine et la loi humaine :

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<strong>La</strong> <strong>confrontation</strong> <strong>entre</strong> <strong>la</strong> <strong>justice</strong> <strong>légale</strong>, <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>divine</strong> <strong>et</strong> <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>humaine</strong> :<br />

Dans les Misérables, Victor Hugo oppose <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>humaine</strong> aux <strong>loi</strong>s que les hommes s’imposent, c’est-à-dire <strong>la</strong> <strong>loi</strong><br />

<strong>divine</strong> <strong>et</strong> <strong>la</strong> <strong>justice</strong> <strong>légale</strong> <strong>et</strong> les m<strong>et</strong> constamment en conflit afin de définir leurs limites mais aussi <strong>et</strong> surtout leurs<br />

lieux communs. A <strong>la</strong>quelle se plier quand elles sont contradictoires ? Il y répond en opposant les idéologies de<br />

plusieurs personnages, ce en quoi ils croient <strong>et</strong> ce qu’ils appliquent comme principes.<br />

Prenons tout d’abord Javert<br />

« Pour lui, bien entendu, l’autorité ecclésiastique était <strong>la</strong> première de toutes » [tome I, p. 398], dit Hugo en<br />

par<strong>la</strong>nt de lui, Javert, <strong>la</strong> personnification même de <strong>la</strong> <strong>justice</strong> <strong>légale</strong>. Il convient donc d’en déduire que, à l’époque<br />

du récit, <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>divine</strong> primait sur <strong>la</strong> <strong>justice</strong> <strong>légale</strong>, même pour ses représentants les plus fervents, tel Javert, pour<br />

qui <strong>la</strong> <strong>loi</strong> est plus importante que l’homme. Il semble que l’importance donnée à <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>divine</strong> à l’époque lui<br />

impose quelque respect envers c<strong>et</strong>te dernière, plus encore qu’envers <strong>la</strong> <strong>justice</strong> <strong>légale</strong> qu’il prend pourtant comme<br />

figure d’autorité. Quant à <strong>la</strong> <strong>justice</strong> <strong>humaine</strong>, il n’y entend rien.<br />

Vient ensuite Myriel.<br />

« Hé<strong>la</strong>s, Dieu donne l’air aux hommes, <strong>la</strong> <strong>loi</strong> le leur vend. Je n’accuse pas <strong>la</strong> <strong>loi</strong> mais je bénis Dieu » [Tome I,<br />

p.48], dit-il, dénonçant l’impôt des portes <strong>et</strong> fenêtres pendant un de ses sermons. Il y a deux conclusions à en<br />

tirer. Tout d’abord qu’il estime que l’homme s’arroge des droits qu’il n’avait pas initialement, tel celui de faire<br />

payer son égal pour avoir des ouvertures dans son habitat, c’est-à-dire en quelque sorte d’avoir accès à l’air libre,<br />

auquel Dieu avait initialement donné accès illimité à tout un chacun. Puis, <strong>et</strong> c’en est <strong>la</strong> conséquence, que, ce<br />

faisant, ils s’attribuent des droits qui n’appartiennent qu’à Dieu <strong>et</strong> qu’ainsi ils négligent <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>divine</strong> en faveur de<br />

<strong>la</strong> <strong>justice</strong> <strong>légale</strong> qui les arrange, alors même qu’il prétendait <strong>la</strong> privilégier. « Dieu donne l’air aux hommes, <strong>la</strong> <strong>loi</strong><br />

<strong>la</strong> leur vend. » L’homme ne respecte donc pas <strong>la</strong> création de Dieu, ce qu’il leur a donné inconditionnellement.<br />

Les plus chanceux d’<strong>entre</strong> eux tentent d’en tirer des privilèges qui ne leur appartiennent pas. Selon Myriel, <strong>la</strong> <strong>loi</strong><br />

<strong>divine</strong> devrait primer sur <strong>la</strong> <strong>justice</strong> <strong>légale</strong>, puisqu’il convient de ne pas m<strong>et</strong>tre de restrictions à ce que Dieu a<br />

donné à tous inconditionnellement.<br />

Mais Msg Bienvenu dit aussi que « c’est un tort de s’absorber dans <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>divine</strong> au point de ne plus s’apercevoir<br />

de <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>humaine</strong>. <strong>La</strong> mort n’appartient qu’à Dieu, de quel droit les hommes touchent-ils à c<strong>et</strong>te chose<br />

inconnue ? » [Tome 1, p.53], condamnant c<strong>et</strong>te fois <strong>la</strong> peine de mort, <strong>et</strong> le droit que se donne l’homme de<br />

décider de <strong>la</strong> vie ou de <strong>la</strong> mort de son égal. Selon lui, personne d’autre que celui qui <strong>la</strong> leur a donnée, c’est-à-dire<br />

Dieu, ne devrait avoir le droit de <strong>la</strong> reprendre. Par ce fait, il dit ainsi deux choses. Tout d’abord que <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>divine</strong><br />

prime sur <strong>la</strong> <strong>justice</strong> <strong>légale</strong>, parce que les hommes n’ont pas à s’imposer <strong>entre</strong> eux des restrictions que Dieu le<br />

Créateur ne leur a pas imposées. Mais surtout, que <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>humaine</strong> prime sur toutes, même <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>divine</strong>. Car <strong>la</strong> <strong>loi</strong><br />

<strong>divine</strong> va parfois à l’encontre de <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>humaine</strong>, <strong>et</strong> encore plus quand elle est soumise à l’interprétation de<br />

l’homme. Il convient donc de faire primer <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>humaine</strong> sur toutes.<br />

Pour confirmer c<strong>et</strong>te idées, Hugo dit de lui lorsqu’il accompagne les dernières heures d’un condamné à mort, « il<br />

fut père, frère, ami ; évêque pour bénir seulement. » [Tome 1, p.51]. Myriel prend ainsi ce qu’il y a de bon pour<br />

l’homme dans <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>divine</strong>, dans ce cas <strong>la</strong> bénédiction, dont avait besoin le condamné pour s’en aller en paix.<br />

Mais il se comporte avant tout comme un homme, un proche, plus qu’un évêque, <strong>et</strong> c’est ce dont avait besoin le<br />

condamné. De soutien. Un humain plus qu’un homme d’Eglise. Et ça, Myriel est capable de le faire, car « ce qui<br />

éc<strong>la</strong>irait c<strong>et</strong> homme, c’était le cœur. » [Tome 1, p. 102]<br />

Il reste enfin le Conventionnel, qui n’apparaît que dans son dialogue juste avant sa mort avec Msg Bienvenu à<br />

propos de <strong>la</strong> vie <strong>humaine</strong> <strong>et</strong> de <strong>la</strong> révolution. Il convient donc de s’intéresser à ce dialogue, à l’opposition <strong>entre</strong><br />

les idées de Myriel qui viennent d’être exposées, <strong>et</strong> celles du Conventionnel, qu’il expose dans ce dialogue, que<br />

l’on pourrait considérer comme <strong>la</strong> <strong>confrontation</strong> <strong>entre</strong> les différentes idéologies de Hugo, à travers chacun de ces<br />

personnages.<br />

« Je ne me crois pas le droit de tuer un homme mais je me sens le devoir d’exterminer le mal » [Tome I, p.81],<br />

dit le Conventionnel dans ledit dialogue. Ce dernier estime donc que <strong>la</strong> vie <strong>humaine</strong> à une certaine valeur, qu’il<br />

ne se donnerait pas le droit de <strong>la</strong> prendre, mais que le devoir d’éradiquer le mal passe avant tout, <strong>et</strong> ce malgré son


prix en vie <strong>humaine</strong>. En reprenant aussi les idées de Myriel, selon lequel l’homme ne devrait pas s’attribuer le<br />

droit de toucher à l’inconnu de <strong>la</strong> vie <strong>humaine</strong>, on voit s’opposer ces deux citations.<br />

Il y a premièrement le droit de tuer un individu pour le bien de communauté, que défend le conventionnel en<br />

disant qu’il ne se croit pas le droit de tuer un homme mais qu’il se doit d’exterminer le mal, c’est-à-dire qu’au<br />

nom d’une cause supérieure <strong>et</strong> infiniment conséquente que l’individu, alors le droit de tuer ne se discute pas, il<br />

lui semble légitime. Vient ensuite le respect infini qu’il faut accorder à <strong>la</strong> vie <strong>humaine</strong>, que soutient Myriel à<br />

travers ses propos selon lesquels les hommes se perm<strong>et</strong>tent des actes d’une portée inconsidérée en s’attribuant un<br />

droit sur <strong>la</strong> vie d’autrui que personne ne devrait s’arroger.<br />

Ce qui finalement revient à se poser <strong>la</strong> question, à quelle <strong>loi</strong> faut-il obéir ? Le conventionnel y répond en disant,<br />

« L’homme ne doit être gouverné que par <strong>la</strong> science. » [Tome I, p. 81] C’est-à-dire que, selon lui, on ne peut se<br />

fier ni à <strong>la</strong> <strong>loi</strong> du Ciel, qui est immuable quand le monde ne l’est pas, ni à <strong>la</strong> <strong>justice</strong> <strong>légale</strong>, qui n’est qu’un<br />

ensemble d’avantages que s’accordent les plus puissants de l’espèce, tel que justement celui de décider de <strong>la</strong> vie<br />

ou de <strong>la</strong> mort de son semb<strong>la</strong>ble, mais uniquement à <strong>la</strong> science qui est ce qu’il appelle « l’autorité prise dans le<br />

vrai » [Tome I, p.81]. Par autorité prise dans le vrai, il entend que <strong>la</strong> science se base sur le monde, sur le<br />

changement <strong>et</strong> qu’on ne devrait se référer qu’à elle puisqu’elle représente <strong>la</strong> vérité.<br />

Quant à Myriel, ses propos répondent d’eux-mêmes. Selon lui, pourtant représentant de <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>divine</strong>, rien ne<br />

passe avant <strong>la</strong> vie <strong>humaine</strong> ; personne, pas même <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>divine</strong>, n’a le droit de prendre <strong>la</strong> vie d’autrui, même en<br />

cas de péché. D’ailleurs, il dit bien que « être saint c’est l’exception, être juste c’est <strong>la</strong> règle. Errez, défaillez,<br />

péchez, mais soyez des justes » [Tome I, p.49] ainsi que, « Le moins de péchés possible, c’est <strong>la</strong> <strong>loi</strong> de l’homme.<br />

Pas de péché du tout, c’est le rêve de l’ange. » [Tome 1, p.49], montrant ainsi <strong>la</strong> primauté de <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>humaine</strong> sur<br />

<strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>divine</strong>, puisque <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>divine</strong> interdit le péché qui est humain. <strong>La</strong> <strong>loi</strong> <strong>divine</strong> est souvent inapplicable à<br />

l’homme <strong>et</strong> son imperfection alors que <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>humaine</strong> s’y adapte.<br />

A travers les voix de ces deux personnages, Victor Hugo semble trouver un compromis dans l’importance de <strong>la</strong><br />

vie <strong>humaine</strong> <strong>et</strong> <strong>la</strong> priorité de c<strong>et</strong>te dernière sur <strong>la</strong> <strong>loi</strong> tant <strong>divine</strong> que <strong>légale</strong>. Il n’arrive cependant pas à trancher<br />

<strong>entre</strong> <strong>la</strong> cause <strong>et</strong> <strong>la</strong> vie <strong>humaine</strong>, étant probablement incapable de faire un choix <strong>entre</strong> ces deux principes de<br />

grande importance. En eff<strong>et</strong>, tous deux porteurs de ses idées, Myriel se déc<strong>la</strong>re en faveur de <strong>la</strong> vie <strong>humaine</strong> <strong>et</strong> le<br />

Conventionnel défenseur du bien collectif avant l’individu, mais aucun ne modifie les idées de l’autre. Ils restent<br />

ancrés dans leur position initiale, du moins à ce propos.<br />

Par ce fait, Hugo se déc<strong>la</strong>re révolutionnaire mais respectueux de <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>humaine</strong> lorsque <strong>la</strong> <strong>justice</strong> <strong>légale</strong> ou <strong>divine</strong><br />

<strong>la</strong> viole. C’est <strong>la</strong> rencontre <strong>entre</strong> ses convictions religieuses, ses convictions politiques <strong>et</strong> ses convictions propres,<br />

leurs limites <strong>et</strong> leurs points communs.<br />

On décèle chez Hugo une certaine tendance à faire primer <strong>la</strong> vie <strong>humaine</strong> sur <strong>la</strong> <strong>justice</strong> <strong>légale</strong>, notamment dans<br />

son exergue, où il dit que son œuvre pourrait ne pas être inutile « tant qu’il existera […] une damnation sociale<br />

[…] compliquant d’une fatalité <strong>humaine</strong> <strong>la</strong> destinée qui est <strong>divine</strong>. »<br />

Il essaie ainsi de faire comprendre au lecteur, qu’au-delà des règles qu’on lui impose, celles de <strong>la</strong> société, <strong>et</strong><br />

celles de l’Eglise dans les cas où ces dernières renient <strong>la</strong> <strong>loi</strong> <strong>humaine</strong>, il existe des <strong>loi</strong>s qui sont ancrés en eux.<br />

Elles sont présentes en tout homme, ce sont les <strong>loi</strong>s <strong>humaine</strong>s, celles qui font qu’on se bat pour <strong>la</strong> vie, pour une<br />

cause ! Quand on ne sait pas à quelle <strong>loi</strong> se plier, quand nos devoirs se contredisent, c’est à elle qu’il faut se<br />

plier, <strong>la</strong> <strong>justice</strong> <strong>humaine</strong>. <strong>La</strong> religion guide les hommes plus que les <strong>loi</strong>s qui les limitent. Mais quand le guide<br />

contredit l’instinct naturel <strong>et</strong> non-égoïste, alors c’est à ce dernier qu’il faut se plier.<br />

« Le progrès doit croire en Dieu, le bien ne peut pas avoir de serviteur impie. C’est un mauvais conducteur du<br />

genre humain que celui qui est athée. » [Tome 1, p.86]<br />

Lei<strong>la</strong> Zimmermann

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