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DIT DE L'UPV N° 90 - Université Paul Valéry

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n° <strong>90</strong><br />

novembre 2005<br />

Les universités au cœur d’un accord de<br />

coopération multidisciplinaire<br />

Les trois universités de Montpellier et les établissements d’enseignement supérieur<br />

agronomique intensifient leurs collaborations pour structurer un «pôle agronomique»<br />

Les trois universités de Montpellier dont l’UPV ainsi<br />

que les établissements d’enseignement supérieur<br />

agronomique (Agro.M, CNEARC, ENSIA-SIARC,<br />

CEP de Florac, Centre ENGREF de Montpellier), qui se<br />

regroupent dans « Sup’Agro », ont signé un accord-cadre<br />

le 3 novembre dernier, visant à «renforcer les multiples<br />

collaborations déjà engagées» entre eux. Ces trois universités<br />

ont signé également une déclaration d’intention<br />

de coopération avec le Centre international des hautes<br />

études agronomiques méditerranéennes – Institut agronomique<br />

méditerranéen de Montpellier (CIHEAM-IAMM).<br />

Ces accords visent à apporter une meilleure lisibilité<br />

et attractivité au pôle d’enseignement supérieur<br />

agronomique.<br />

Dans le souci de se rapprocher du système universitaire<br />

montpelliérain, Sup’Agro sollicitera dès sa création son<br />

rattachement aux universités. Le CIHEAM-IAMM a<br />

souhaité s’associer pleinement à cette dynamique<br />

constructive dans la limite des contraintes imposées par<br />

son statut d’organisme international.<br />

Dans ce contexte, les signataires affirment leur volonté<br />

commune de développer des collaborations dans<br />

l’ensemble de leurs missions de formation, de recherche,<br />

de transfert et valorisation des connaissances scientifiques,<br />

de diffusion de la culture scientifique et technique, dans<br />

le respect des spécificités de chaque établissement.<br />

Leurs engagements portent sur la co-habilitation à tous<br />

les niveaux de formation et l’appui des universités au<br />

portage des projets de licences professionnelles.<br />

Les signataires de l’accord ont insisté également sur la<br />

mutualisation des compétences et des ressources pédagogiques,<br />

la facilitation de l’affiliation des équipes de<br />

recherche du «pôle agronomique» aux écoles doctorales<br />

universitaires compétentes, ainsi que le développement<br />

des structures fédératives de recherche et d’enseignement<br />

supérieur.<br />

L’université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong> a été un artisan très actif de<br />

ces accords qui vont permettre de structurer le pôle<br />

agronomique de Montpellier et vont également renforcer<br />

le volet Sciences de l’Homme et de la Société du site de<br />

Montpellier avec l’accueil dans l’École doctorale 60 de<br />

notre université, d’équipes issues de l’agronomie et avec<br />

la mise en place de masters cohabilités entre notre<br />

établissement et les établissements d’agronomie. ■<br />

[sommaire]<br />

De gauche à droite : J.-M. MIOSSEC, A.-Y. LEDAIN, C. NIQUE, D. <strong>DE</strong>VILLE <strong>DE</strong> PERIERE, J.-J MICHEL, G. MATHERON, J.-L. CUQ, A. GRASSIN<br />

>p.2 Carol Iancu : docteur Honoris Causa de l’université de Cluj (Roumanie)<br />

> p. 3, 4 Bon à savoir : Jean Boissel, professeur de littérature générale et comparée à la Faculté<br />

des lettres de Montpellier de 1969 à 1985<br />

> p. I et II Encart : Recherche et publications


2<br />

■ ACTUALITÉS<br />

BLOC-NOTES<br />

■■■ Le même et l’autre<br />

Colloque international et pluridisciplinaire,<br />

organisé par l’Équipe de recherche en<br />

philosophie (EA 738), les 29, 30 novembre et<br />

1 er décembre 2005 à la Maison des étudiants,<br />

salle Charles-Camproux.<br />

Jusqu’à quel point la pensée peut-elle appréhender<br />

la différence ? Rencontrant la différence,<br />

et l’appréhendant comme limite ou<br />

comme danger, la pensée n’est-elle pas tentée<br />

de contourner l’obstacle par une réduction<br />

de la différence à l’altérité – à l’autre par<br />

rapport au même – dans un cadre identitaire<br />

encore, fût-il dialectique ? Or une pensée,<br />

non réductrice, de la différence n’impliquet-elle<br />

pas une pensée différente ?<br />

La thématique du même et de l’autre franchit<br />

les barrières institutionnelles entre les<br />

différents champs du savoir : Les sciences<br />

humaines, la théologie, le droit ont euxmêmes<br />

à répondre à l’obstacle (?) de la<br />

différence et l’on voit la question surgir au<br />

cœur même des sciences de la matière et du<br />

vivant et dans les débats éthiques imposés<br />

par les nouvelles biotechnologies.<br />

Ce colloque a donc pour ambition de<br />

rassembler des chercheurs, venant de<br />

disciplines diverses, autour d'une réflexion<br />

commune sur le rapport de la rationalité<br />

occidentale à la « différence ».<br />

Programme détaillé du colloque sur :<br />

www.univ-montp3.fr/rech/activites/rechacti-som.htm<br />

Renseignement : marie-france.badie@tele2.fr<br />

===<br />

■■■ Médecine préventive<br />

> Alimentation et santé<br />

Le service de Médecine préventive de<br />

l’université, en partenariat avec la Mutualité<br />

française, la MGEN et la LM<strong>DE</strong>, vous<br />

propose une conférence du professeur<br />

Monnier (chef de service des maladies<br />

métaboliques au CHU de Montpellier) qui<br />

a pour thème «Alimentation et santé». Elle<br />

aura lieu le mardi 29 novembre 2005 de<br />

13 h à 14 h dans la salle des colloques, bât<br />

C au rez-de-chaussée.<br />

Cette conférence s’inscrit dans la prolongation<br />

de la manifestation «Petit resto santé»<br />

organisée au début du mois.<br />

> Parce qu’on ne guérit pas du SIDA<br />

Carol Iancu : docteur Honoris Causa<br />

de l’université de Cluj en Roumanie<br />

Nous avons le plaisir d’annoncer<br />

que M. Carol Iancu, historien, professeur<br />

à l’université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong>, a<br />

reçu le titre de Docteur Honoris Causa de<br />

l’université Babes-Bolyai de Cluj (Roumanie)<br />

comme une reconnaissance de ses<br />

contributions de marque à la recherche<br />

historique européenne.<br />

La cérémonie officielle a eu lieu le 8<br />

novembre dernier dans l’Aula Magna de<br />

l’université de Cluj, où le professeur Iancu<br />

a donné une conférence intitulée : « Considérations<br />

sur l’histoire des Juifs en Roumanie<br />

et l’historiographie juive ».<br />

Rappelons que Carol Iancu est également<br />

directeur de l’École des hautes études du<br />

judaïsme et codirecteur du centre de<br />

recherches Juifs, Arméniens et chrétiens<br />

d’Orient. Il est l’auteur de plusieurs<br />

ouvrages dont Les Mythes fondateurs de<br />

l’antisémitisme – De l’Antiquité à nos jours<br />

paru aux éditions Privat en 2003. ■<br />

En partenariat avec l’association A.N.G.E.L.,<br />

une journée d’information et de discussion<br />

autour du thème du SIDA aura lieu le mercredi<br />

30 novembre 2005 au service de Médecine<br />

préventive de 10 h 30 à 15 h.<br />

Un moment d’échange informatif et ludique<br />

vous sera proposé entre 13 h et 14 h en<br />

présence du docteur Karine Favier, spécialisée<br />

en maladies infectieuses ainsi qu’un<br />

intervenant du CDAG<br />

L’action d’information et de sensibilisation<br />

autour du SIDA continue le 1 er décembre 2005<br />

à la cafétéria du restaurant universitaire Vert<br />

Bois de 11 h à 14 h.<br />

> Collecte de médicaments<br />

Le service de la Médecine préventive tient à<br />

remercier toutes les personnes ayant déposé<br />

des médicaments pour l’association « Espoir<br />

pour un enfant ». Cette collecte continue.<br />

Infos : SUMPPS au 04 67 14 22 40<br />

===<br />

■■■ Les Jeudis en Musique<br />

[Tous les concerts ont lieu à la Maison des étudiants<br />

de l’université entre 12 h et 14 h. L’entrée est libre.]<br />

> 1 er décembre 2005 : SIMSIM<br />

Un voyage au cœur de la Méditerranée. Un<br />

répertoire des musiques où se côtoient le<br />

monde arabe, tzigane, andalou, sud-saharien,<br />

turc, grec et espagnol.<br />

> 8 décembre 2005 : TRIO NAT<br />

Ce trio de jeunes musiciennes propose un<br />

programme autour de la musique Française<br />

M. Iancu à l’occasion de la remise du titre de Docteur Honoris<br />

Causa à l’université Babes-Bolyai de Cluj (Roumanie).<br />

et Russe du XX e siècle, avec des œuvres de<br />

Milhaud, Poulenc, Debussy, Khatchaturian et<br />

Stravinsky.<br />

> 15 décembre 2005: SWING OF GOSPEL<br />

Cet ensemble de huit chanteurs venant des<br />

formations (Gospel Rythm, Black Ness, Black<br />

& White gospel, The soul travellers…) trouve<br />

sa force et son originalité dans le mélange des<br />

cultures et des origines ethniques…<br />

Renseignements : Service commun d’action<br />

culturelle, université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong>.<br />

Tél. : 04 67 14 23 78 / 04 67 14 24 81<br />

http://scac.univ-montp3.fr<br />

===<br />

■■■ Ciné Campus<br />

[Toutes les projections ont lieu à l’amphi A à<br />

18 h 30. Entrée : 2 euros. Infos : SCAC]<br />

> 2 décembre 2005 : MONDOVINO<br />

Film documentaire de Jonathan Nossiter,<br />

France, 2004.<br />

> 8 décembre 2005 : MÉMOIRE D’UN SACAGE<br />

Film documentaire de Fernando E. Solanas,<br />

Argentine, France et Suisse, 2004.<br />

===<br />

■■■ Cours à l’IEFE<br />

L’Institut d’études françaises pour étrangers<br />

organise à l’attention des étudiants étrangers<br />

un cours de soutien spécifique : Renforcement<br />

linguistique et méthodologie pour les<br />

étudiants de l’UPV en master et doctorat. Les<br />

lundi et jeudi de 18 h à 19 h 30 (10 semaines)<br />

au prix de 150 euros. Début des cours le 21<br />

novembre 2005.<br />

Ainsi qu’un nouveau cours : Français pour<br />

jeunes filles au pair et étudiants salariés à<br />

plein temps. Le samedi de 9 h à 12 h (10<br />

semaines) au prix de 200 euros. Début des<br />

cours le 26 novembre 2005.<br />

Renseignements/inscriptions :<br />

IEFE, bât. I (Eugène-Ionesco), université <strong>Paul</strong>-<br />

<strong>Valéry</strong>. Tél : 04 67 14 21 01<br />

Mél. : iefe@univ-montp3.fr


BON À SAVOIR ■ 3<br />

Jean Boissel, professeur de littérature générale et<br />

comparée à la Faculté des lettres de Montpellier de 1969 à 1985<br />

L'enseignement de la littérature comparée, à Montpellier III, a toujours profité de la compétence de<br />

spécialistes du monde oriental. Une tradition s'est forgée. Après le court passage dans les années<br />

1950 de René Étiemble (1<strong>90</strong>9-2002), distingué rimbaldien, grand sinophile sinon sinisant, versé en<br />

littérature érotique, vint un nouveau comparatiste, spécialiste du comte Arthur de Gobineau (1816-<br />

1882) et connaisseur du monde persan.<br />

1. Un parcours diplomatique<br />

Jean Boissel (1920-2001) est né le 18 mai<br />

1920 à Conches-en-Ouches (Eure). Il étudie<br />

aux lycées Fénelon d’Elbeuf, Corneille de<br />

Rouen, puis passe sa licence de lettres<br />

classiques et un certificat de philosophie<br />

générale à Caen (1939-1942). Parmi ses<br />

maîtres, F. Alquié, le philosophe, A.-M.<br />

Schmidt, dont il suit le cours de littérature<br />

comparée, et, semble-t-il, Louis Poirier, le<br />

futur Julien Gracq.<br />

L’Occupation marque son adolescence :<br />

« Les “seigneurs” étaient là et nous obligèrent,<br />

étudiants décadents, à pousser la<br />

brouette de crottin », rappelle-t-il dans sa<br />

thèse d’État. En 1943, réfractaire au Service<br />

du Travail Obligatoire, il enseigne sous un<br />

faux nom à l’Institution Saint-Joseph des<br />

Frères des Écoles Chrétiennes à Caen.<br />

À partir de 1946, le voilà professeur au<br />

lycée Malherbe de Caen, où il a pour élève<br />

Emmanuel Le Roy Ladurie. Il écrit dans<br />

des journaux locaux et nationaux : ici, sur<br />

« L’âme normande dans la littérature française<br />

», dans Réforme, un hebdomadaire<br />

local protestant ; là, sur La Pesanteur ou la<br />

Grâce de Simone Weil, qu’il citait d’ailleurs<br />

souvent dans ses cours.<br />

En 1949, il est détaché 5 ans à la<br />

Direction des Affaires étrangères pour enseigner<br />

à l’ENS d’Ankara (Turquie). En 1954, il<br />

fonde l’Institut Français à Izmir. Il sillonne<br />

la région, avec des séjours en Iran. De 1955<br />

à 1959, il est membre de la Mission culturelle<br />

française à Vienne (Autriche). De 1959<br />

à 1961, attaché culturel au Caire, il croise<br />

la route d’A. Miquel et F. Daumas. L’Asie<br />

a des poisons « très réels », dira-t-il. De<br />

fait, il attrape le typhus, est soigné au chlore,<br />

voit ses cheveux blanchir avant l’âge.<br />

Entre 1962 et 1967, il devient directeur<br />

des Instituts français de Bonn, puis de<br />

Brème. Il se remarie avec une étudiante<br />

allemande, aujourd’hui Madame Hildegard<br />

Boissel, à qui il dédiera sa thèse. Nouveau<br />

détachement, de 1967 à 1968, à l’université<br />

Domenski de Bratislava, où il assiste à<br />

l’invasion soviétique de printemps. Il lui<br />

arrive de passer en Autriche, d’où il ramène<br />

de la nourriture fraîche pour sa fille,<br />

Corinne, qui vient de naître.<br />

2. Une carrière universitaire<br />

À partir de 1969, à l’instigation du doyen<br />

d’alors, P. Laubriet, il devient maître de<br />

conférences à la Faculté des lettres. Cette<br />

année-là, à Paris IV, il soutient sa thèse<br />

complémentaire sur Victor Courtet, un<br />

maître oublié de Gobineau. En 1974, il<br />

soutient sa thèse d’État, Gobineau, l’Orient<br />

et l’Iran. Le jury est présidé par Jean<br />

Gaulmier, maître des études gobiniennes.<br />

Passé professeur, Jean Boissel exerce à<br />

Montpellier III jusqu’à sa retraite. Il a pour<br />

collègue immédiate Marianne Cermakian<br />

qui avait d’abord séjourné en Europe puis<br />

longtemps enseigné aux États-Unis. Outre<br />

la publication de sa thèse, Gobineau,<br />

l’Orient et l’Iran (1973), et d’une vie de son<br />

auteur, Gobineau (1816-1882) : un Don<br />

Quichotte tragique (1981), il co-édite les<br />

œuvres de Gobineau en Pléiade, surtout<br />

l’Essai, et publie aussi sur l’Iran, notamment<br />

L’Iran moderne (1975). Des prix le récompensent<br />

: France-Iran de l’Association des<br />

écrivains de langue française (1977) ;<br />

Fondation Biguet de l’Académie Française<br />

(1981). En 1978, il créa un cours de langue<br />

et de civilisation persanes. Maint étudiant<br />

iranien venait alors s’inscrire en thèse avec<br />

lui. En 1985, l’année où il se retire après<br />

dix-sept ans de bons services, il est élu<br />

membre de l’Académie des Sciences et<br />

Lettres de Montpellier sur le siège de l’égyptologue<br />

François Daumas, ancien professeur<br />

à l’université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong>, dont il fera<br />

l’éloge.<br />

Retraite studieuse à Castries où, après<br />

avoir habité Roussillon (Vaucluse), il a<br />

déménagé à la fin des années 1970. Il y<br />

écrit son dernier livre, Gobineau : biographie<br />

: mythes et réalité, et classe les<br />

archives de Georges Vacher de Lapouge,<br />

autre figure de l’<strong>Université</strong> de Montpellier,<br />

connu comme théoricien de la race. Les<br />

forces de Jean Boissel déclinent : maladie,<br />

opération, diminution des facultés intellectuelles,<br />

décès au terme d’un long et douloureux<br />

affaiblissement.<br />

3. Un historien de l’idée de race au<br />

XIX e siècle<br />

L’homme pouvait être attachant. Petit,<br />

cheveux frisants, teint bronzé et un rien<br />

oriental, style vieille France et baise-main,<br />

d’une sobre élégance, Jean Boissel jouissait<br />

de l’aura du voyageur au long cours,<br />

en Orient et ailleurs. Fort de son expérience<br />

du monde et de son immense culture,<br />

il avait le don de l’orateur, le talent du<br />

causeur, la plume du styliste. Surtout, il<br />

alliait le flair du chercheur et la rigueur du<br />

savant. Il fallait l’entendre raconter son<br />

enquête pour retrouver les archives de la<br />

famille Courtet, source essentielle de l’Essai<br />

sur l’inégalité des races humaines.<br />

Dans ses cours au pessimisme<br />

inoxydable et parfois communicatif, le<br />

professeur Boissel passionnait par sa<br />

connaissance de l’histoire des mouvements<br />

de pensée en France au XIX e siècle. Il<br />

maîtrisait avec brio Les Structures anthropologiques<br />

de l’imaginaire (1969) de<br />

G. Durand, sa grande référence méthodologique,<br />

mais prisait peu le structuralisme et<br />

la linguistique, les sciences montantes.<br />

Notre faculté voyait alors s’affronter l’histoire<br />

littéraire et l’analyse structurale, la<br />

droite et la gauche, Pierre Laubriet et<br />

Claude Richard ou Jacques Proust. Jean<br />

Boissel, lui, se voulait historien des idées, et<br />

il écrivit sur Tocqueville, Ballanche, de<br />

Maistre, etc. C’était dans ces années où<br />

Michel Foucault, avec Les Mots et les<br />

Choses (1966), se faisait le fossoyeur de<br />

l’histoire des idées, secteur des études de<br />

littérature comparée qui disparut quasiment<br />

à la fin des années 1980.<br />

J. Boissel s’attacha à réhabiliter l’œuvre<br />

du comte Arthur de Gobineau, lequel passait<br />

pour avoir exalté l’idée de race et<br />

inspiré Adolf Hitler pour Mein Kampf. Aussi<br />

bien dans son étude des œuvres de Victor<br />

Courtet de l’Isle que dans son édition<br />

critique de l’Essai en Pléiade, Jean Boissel<br />

prouva que tout le XIX e siècle européen<br />

était racialiste et que Gobineau n’avait rien<br />

inventé. Ernest Renan, son contemporain,<br />

appliquant le principe non démontré<br />

d’identité de la langue et de la race, professait<br />

sans broncher la supériorité des<br />

langues indo-européennes sur les langues<br />

sémitiques et la hiérarchie de races qui<br />

s’ensuivait. Tocqueville lui-même…<br />

J. Boissel montra aussi que si Gobineau<br />

postulait le développement organique des<br />

civilisations selon le mélange des races<br />

inégales en leur principe civilisateur, il<br />

retraçait l’histoire de l’humanité en argumentant<br />

que la race blanche avait dégénéré<br />

en s’alliant avec la noire et la jaune et<br />

que les nations « accablées sous une morne<br />

somnolence, vivront dès lors engourdies<br />

dans leur nullité, comme les buffles<br />

ruminants dans les flaques stagnantes des<br />

marais Pontins » (Conclusion générale) :<br />

un processus irréversible. Rien à voir, donc,<br />

avec Die Grundlagen des neunzehnten<br />


4<br />

■ BON À SAVOIR<br />

Jahrhunderts (1899) de H. S. Chamberlain<br />

(1855-1927), livre qui prônait la renaissance<br />

de la race germanique. L’Essai sur<br />

l’inégalité des races humaines fut du reste<br />

fort peu diffusé et vendu en Allemagne et<br />

n’y eut guère de réception.<br />

J. Boissel rappela enfin que ce Gobineau,<br />

à qui l’on imputait la doctrine des races en<br />

France, avait fait l’éloge des juifs et en rien<br />

contribué à la formation des mythes<br />

fondateurs de l’antisémitisme.<br />

Les historiens du racialisme et du racisme,<br />

surtout P.-A. Taguieff, surent apprécier<br />

la qualité des travaux de J. Boissel, notamment<br />

sa très belle édition de l’Essai sur<br />

l’inégalité des races humaines en Pléiade.<br />

Mais les Gobiniens se sont raréfiés ou<br />

reconvertis. Jean Boissel eut des thésards,<br />

qui enseignent encore à l’<strong>Université</strong> : entre<br />

autres, S. André, en Nouvelle-Calédonie,<br />

T. Sadjedi, à Téhéran.<br />

Mais Gobineau croupit de nos jours dans<br />

son marais : ici, le rédacteur du site www.<br />

mondialisme.org s’en prend à Taguieff, pour<br />

avoir réhabilité Gobineau, et à Jean Boissel,<br />

dont il écrit qu’il était issu de la Nouvelle<br />

Droite et se réclamait de son gourou, A. de<br />

Benoist ; là, une critique, très bien informée<br />

d’ordinaire, affirme encore que le<br />

discours de Jules Verne sur la Chine était<br />

renforcé par « le discours scientifique sur<br />

l’inégalité des races développé alors par des<br />

penseurs tels le comte Gobineau et Gustave<br />

Le Bon » (M. Détrie, France-Chine, Paris,<br />

Gallimard, Découvertes Gallimard, n° 447,<br />

2004, p. 49).<br />

J. Boissel aimait à dire que les Français<br />

cherchaient toujours le lampiste. Et l’injustice<br />

est encore criante. Là où E. Jünger, dont<br />

M. Vanoosthuyse, notre collègue, vient de<br />

montrer qu’il a caché son passé fasciste et<br />

pro-nazi (Fascisme et littérature pure,<br />

Marseille, Agone, 2005), passe pour le grand<br />

écrivain allemand au-dessus de tout soupçon<br />

et connaît une belle réception,<br />

Gobineau continue de passer pour le promoteur<br />

de la pensée racialiste et même raciste.<br />

Des années d’études sur Gobineau n’auront<br />

pas abouti. J. Boissel en était fort<br />

conscient.<br />

4. Un orientaliste à l’ancienne<br />

Jean Boissel étudia aussi l’Iran et écrivit<br />

aussi sur la poésie iranienne dans les pages<br />

de la Revue de littérature comparée. En<br />

1975 parut son Que sais-je ? sur L’Iran<br />

moderne. L’intérêt de ce tableau de l’Iran<br />

moderne tient plus à sa présentation de la<br />

culture persane de la tradition, souvent dense,<br />

concise, sensible, qu’à sa partie économique<br />

et politique, sèche, partielle, partiale.<br />

S’il admet que l’Iran « est devenu, à<br />

l’extérieur, un partenaire avec qui on compte<br />

», Jean Boissel conclut en faisant l’impasse<br />

sur la situation politique réelle du<br />

pays. Ainsi, « la classe dirigeante iranienne<br />

hésite entre les mots et les voies ». Pas<br />

un mot de l’opposition religieuse, et l’Iran<br />

est même dit « excentrique au grand mouvement<br />

politico-religieux qui travaille la<br />

nation arabe ». La classe des technocratesmanagers<br />

est « secondée, souvent mal, par<br />

une masse croissante de diplômés, souvent<br />

inefficaces ». Et l’auteur de se demander,<br />

avec cette arrogance occidentale qu’Edward<br />

Saïd stigmatisera dans Orientalism (1978),<br />

si l’on pouvait « faire crédit aux capacités<br />

intellectuelles et créatrices de [l]a jeunesse<br />

» d’Iran, si elle acceptera, en rentrant au<br />

pays après des années d’études en Europe<br />

et en Amérique, « d’admettre que le rêve<br />

n’a jamais, de lui-même, transformé la<br />

nature d’un pays ou d’un peuple ». L’étude<br />

se clôt par la morale du Laboureur et ses<br />

enfants, à l’adresse de l’Iran moderne…<br />

Jean Boissel ne vécut jamais bien longtemps<br />

en Iran, rarement plus de trois mois.<br />

Il n’en maîtrisait pas la langue. Tel correspondant<br />

m’écrit : « Boissel ne savait pas<br />

beaucoup le persan et il mettait seulement<br />

les mots l’un à côté de l’autre et il en faisait<br />

ainsi de petites phrases. Par exemple<br />

pour dire comment allez-vous ou même<br />

comment ça va. Et il demandait des précisions,<br />

pour ses propres travaux, à Gilbert<br />

Lazard. » Jean Boissel est l’exemple même<br />

de ces lettrés bien français qui, pour s’intéresser<br />

à l’Orient, terme encore usité de<br />

son temps, n’en avaient jamais qu’une<br />

approche de surface. Aujourd’hui, à l’heure<br />

du débat sur l’intégration de la Turquie à<br />

l’Europe, quand on sait combien « les cultures<br />

européennes sont infiniment mieux<br />

connues par les élites turques que les<br />

cultures turques ne le sont par les élites<br />

européennes » (J.-F. Pérouse, « La Turquie<br />

est-elle intégrable ? », in G. Pécout, dir.,<br />

Penser les frontières de l’Europe du XIX e au<br />

XXI e siècle, Paris, PUF, 2004, p. 357), le cas<br />

Boissel peut servir de leçon. Reste que<br />

l’homme fascinait par ses récits d’Iran et<br />

d’Orient et donnait envie d’y aller voir de<br />

plus près – et vraiment, et longtemps, et<br />

dans la langue.<br />

5. Un contempteur de son époque<br />

Malgré une carrière que d’aucuns<br />

jugeraient bien remplie, Jean Boissel<br />

n’estimait pas avoir eu la reconnaissance<br />

qu’il s’estimait en droit d’espérer. Son<br />

édition de la Pléiade, qu’il dut partager avec<br />

Jean Gaulmier, principal maître-d’œuvre,<br />

ne lui avait pas valu la notoriété souhaitée.<br />

Cela le rendait parfois d’un pessimisme<br />

amer qui transpirait dans ses cours et s’alimentait<br />

de la lecture assidue du Canard<br />

enchaîné. Comme Gobineau, Jean Boissel<br />

n’aimait pas son époque. Tel jour, il pestait<br />

contre la grève de pompistes qui n’avaient<br />

pas fait d’études. Tel autre, il écrivait à<br />

Hubert Durt, membre de l’EFEO, qu’il<br />

aurait dû écrire de la pornographie, activité<br />

plus rentable que la recherche. À nous<br />

autres, ses étudiants d’alors, il parlait d’un<br />

livre inédit, Mes relations culturelles, où il<br />

relatait, d’une plume acide, ses impressions<br />

de la carrière diplomatique (sur le ressentiment<br />

en milieu universitaire, voir Pierre<br />

Bourdieu, Homo academicus, Paris,<br />

Éditions de Minuit, 1983).<br />

Il est trop tôt pour dresser le bilan d’une<br />

œuvre de grand savant. Mais les idées<br />

reçues ont la vie dure et l’histoire est<br />

capricieuse. Gobineau pâtit toujours d’une<br />

réputation forgée de toutes pièces par des<br />

idéologues et réactivée par des universitaires<br />

qui ne lisent pas. L’Iran, contre toute attente<br />

d’expert inattentif, a fait sa révolution<br />

islamique, ratée ou réussie, et assumé son<br />

histoire. Si Jean Boissel a peut-être choisi et<br />

le mauvais auteur et le mauvais pays pour<br />

s’attirer la gloire, il nous reste son œuvre<br />

qui se suffit à elle-même et qui lui a valu,<br />

lui vaut toujours l’estime de ses pairs.<br />

Ainsi, bon an mal an, la tradition des<br />

études orientales en littérature comparée<br />

ne s’est pas perdue à Montpellier III.<br />

Aujourd’hui, c’est notre collègue Guy<br />

Dugas, fort de ses vingt années de séjour<br />

en pays musulman, et spécialiste de<br />

littérature maghrébine francophone, qui la<br />

perpétue.<br />

■<br />

Gérard Siary<br />

Professeur de littérature générale<br />

et comparée à l’université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong><br />

■■■ Bibliographie de Jean Boissel<br />

■ Victor Courtet, 1813-1867 : premier théoricien de la hiérarchie<br />

des races. Contribution à l’histoire de la philosophie politique du<br />

romantisme. Paris, PUF, 1972.<br />

■ Gobineau, l’Orient et l’Iran, Paris, Klincksieck, 1974.<br />

■ L’Iran moderne. Paris, PUF, « Que sais-je ? » n° 1617, 1975.<br />

■ Gobineau (1816-1882) : un Don Quichotte tragique. Paris,<br />

Hachette, 1981.<br />

■ Gobineau : biographie :mythes et réalité. Paris, Berg international,<br />

1993.<br />

Éditions de textes<br />

■ Gobineau (Arthur de), Gobineau polémiste. Les Races et la<br />

République. Introduction à une lecture de l’Essai sur l’inégalité des<br />

races humaines et choix de textes par Jean Boissel. Paris, J.J.<br />

Pauvert,1966.<br />

■ Tocqueville (Alexis de), De la démocratie en Amérique. Extraits<br />

avec notice et notes de Jean Boissel. Paris, Larousse, 1970 (rééd.<br />

1975).<br />

■ Maistre (Joseph de), Considérations sur la France. Avant-propos<br />

de Jean Boissel ; texte établi, présenté et annoté par Jean-Louis<br />

Darcel. Genève, Slatkine, 1980.<br />

■ Gobineau (Arthur de), Œuvres. 3 tomes. Sous la direction de<br />

Jean Gaulmier avec la collaboration de Jean Boissel pour les tomes<br />

I et III. Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1983 (I et<br />

II), 1987 (III).<br />

[Directeur de la publication: Jean-Marie Miossec, président de l’université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong>.<br />

Comité de rédaction: Mustapha Bensaada, Jean-Bruno Renard. Conception-réalisation : M. Bensaada. ISSN : 1620-364X.<br />

Contact: Service de la communication. Tél.: 04 67 14 55 10 / Mél. : ledit@univ-montp3.fr]


I<br />

■ RECHERCHE ET PUBLICATIONS<br />

NOUVELLES<br />

PUBLICATIONS<br />

■■ Les Rituels et les représentations du<br />

Pouvoir, par Denis Fleurdorge, Paris, Éditions<br />

Zagros, 2005, 282 p., 25 euros.<br />

>>> Denis Fleurdorge, qui a déjà publié sa thèse<br />

sur Les Rituels du Président de la République (Paris,<br />

PUF, 2001), se propose dans cette nouvelle étude<br />

d’explorer, sous la forme d’une sociologie descriptive,<br />

les pratiques codifiées du politique en action.<br />

Au-delà de simples apparences, les représentations<br />

du pouvoir sont considérées ici non seulement comme<br />

des manières de s’adresser à la Nation ou à des<br />

catégories sociales spécifiques, mais aussi pour<br />

l’homme politique le moyen de mettre en scène les<br />

temps forts de sa biographie, voire de sa propre<br />

légende. À travers un ensemble varié de formes, ces<br />

représentations fonctionnent comme un vecteur de<br />

communication politique univoque, comme un<br />

système à produire de la coercition, voire de la<br />

crainte, et enfin comme un moyen de maintenir<br />

l’unité et la cohésion de la Nation. Ainsi s’affirme<br />

pour une part la légitimité politique de l’homme en<br />

qui s’incarne le pouvoir.<br />

Denis Fleurdorge est maître de conférences de<br />

sociologie à l’université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong> et chercheur<br />

dans l’Équipe d’Accueil IRSA.<br />

===<br />

■■ Jean Cocteau, 40 ans après, Textes réunis<br />

par Pierre Caizergues, Montpellier, Service<br />

des publications de l’université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong>,<br />

2005, 424 p., 20 euros.<br />

>>> Prendre Cocteau au sérieux, l’envisager enfin au<br />

lieu de le dévisager, tel était le pari de la grande<br />

exposition que lui consacra le Centre Pompidou.<br />

Pari vérifié par les articles réunis dans ce volume<br />

qui interroge une œuvre dont le pouvoir de séduction<br />

est aussi fort que sa capacité à produire des<br />

significations nouvelles. Le projet de cet ouvrage<br />

n’est pas de dresser un bilan pour solde de tout<br />

compte, mais bien plutôt de mettre l’accent sur les<br />

ouvertures, les trouvailles possibles, les pistes, nombreuses,<br />

qui restent encore à emprunter aussi bien<br />

dans le champ archéologique que dans celui de<br />

l’exégèse. Les meilleurs spécialistes de cette œuvre<br />

plurielle, les voix de la jeune critique se font entendre<br />

et une place a été réservée à Jean Cocteau, esprit<br />

européen. Illustrations, documents inédits viennent<br />

enrichir un ouvrage dont on veut espérer qu’il servira<br />

longtemps de référence aux chercheurs et qu’il<br />

plaira en même temps aux très nombreux amis de<br />

Jean Cocteau.<br />

Pierre Caizergues est professeur de littérature française<br />

contemporaine à l’université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong>.<br />

===<br />

■■ Dogmatisme et scepticisme – L’héraclitisme<br />

d’Énésidème, par Brigitte Pérez-Jean,<br />

Villeneuve d’Ascq (59), Presses Universitaires<br />

du Septentrion, collection Philosophie<br />

ancienne, 2005, 2<strong>90</strong> p., 21 euros<br />

>>> La philosophie d’Héraclite et ses aphorismes<br />

obscurs ont été l’objet de nombreuses réappropriations<br />

dans l’Antiquité. Le projet de ce livre est<br />

d’examiner l’usage qu’en ont fait certains philosophes<br />

sceptiques, dans le cadre d’interprétations où<br />

l’on repère non seulement l’influence de Platon,<br />

voire d’Aristote, mais aussi celle des Stoïciens. Notre<br />

source principale sur l’Héraclite sceptique est<br />

Sextus Empiricus (II e siècle de notre ère), qui nous<br />

fait connaître Énésidème, le rénovateur du scepticisme<br />

pyrrhonien au I er siècle avant notre ère. Sextus<br />

rapporte que selon Énésidème, le scepticisme « est<br />

un chemin vers la philosophie héraclitéenne ». Cette<br />

formule a donné lieu au problème de « l’héraclitisme<br />

d’Énésidème », décrit en 1887 par V. Brochard<br />

dans ses Sceptiques grecs : à un Énésidème « ennemi<br />

déclaré de tout dogmatisme et sceptique à<br />

souhait » semble en effet s’opposer un Énésidème<br />

« ouvertement dogmatique », et l’on ne voit pas<br />

comment expliquer la métamorphose de l’héritier de<br />

Pyrrhon en disciple d’Héraclite. La question croise<br />

aussi bien l’histoire de l’Académie, avec le problème<br />

du Plato scepticus, que celle du scepticisme,<br />

avec la place d’Énésidème dans la tradition<br />

pyrrhonienne.<br />

Brigitte Pérez-Jean est maître de conférences en<br />

grec ancien à l’université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong>.<br />

===<br />

■■ Tunisie. Rêve de partages, Textes réunis<br />

et présentés par Guy Dugas, Paris, éditions<br />

Omnibus, 2005, 1088 p., 25 euros.<br />

>>> Pays de civilisation millénaire, carrefour d’influences<br />

et de peuples fort divers, la Tunisie apparaît<br />

terre d’ouverture et de douceur de vivre, comme<br />

le Maroc farouche l’est de contrastes et l’Algérie<br />

déchirée de confrontations. Refuge des peintres et<br />

des poètes, accueillante aux proscrits comme « aux<br />

âmes désemparées à la recherche de l’Idéal », elle<br />

s’exprime avec nuance et discrétion, dans « toutes<br />

les teintes créées, composées, rêvées par les plus<br />

délicats aquarellistes ».<br />

Cette Tunisie plurielle et nuancée, offerte en partage<br />

à toutes les communautés qui la composèrent et<br />

encore si douce à leur souvenir, invite au vagabondage<br />

parmi une population arabo-musulmane<br />

largement ouverte à l’autre. On croisera en chemin<br />

une importante communauté juive restée fidèle à<br />

ses origines, la figure ambiguë du Français aux colonies,<br />

une minorité italienne au verbe haut, quelques<br />

milliers de Russes blancs, quelques centaines<br />

d’Arméniens, de Grecs ou d’Espagnols emportés<br />

jusque-là par d’autres révolutions, sans oublier, sous<br />

leurs noms d’emprunt, l’un des caricaturistes français<br />

les plus connus et même saint Louis !<br />

Au terme de ce périple littéraire et poétique à travers<br />

une vieille terre devenue sans heurts, il y a tout juste<br />

cinquante ans, une jeune nation, nous voilà enrichis<br />

de couleurs, de senteurs, de douceur – en un<br />

mot d’humanité.<br />

Guy Dugas est professeur de littérature comparée<br />

à l’université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong>.<br />

===<br />

■■ Le Procès de l’Histoire au XX e siècle,<br />

actes du séminaire de <strong>DE</strong>A (2002-2004),<br />

Textes réunis et présentés par Renée<br />

Ventresque, Montpellier, Service des publications<br />

de l’université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong>, 2005,<br />

272 p., 15 euros.<br />

>>> À l’exception probable de <strong>Paul</strong> Éluard, les<br />

écrivains ici réunis partagent à des degrés très divers<br />

la même conviction : nul progrès à attendre de<br />

l’Histoire ni aujourd’hui ni demain. Quelques-uns,<br />

comme Philippe Jaccottet et Pascal Quignard, ou<br />

même Claude Simon, vont jusqu’à rallier le discours<br />

catastrophiste qui caractérise une part de la contemporanéité<br />

littéraire en dressant, chacun de son côté,<br />

un même bilan sanglant de leur siècle. La conclusion<br />

aussi est la même : l’horreur croît sans<br />

s’épuiser.<br />

Mais la mise en question de l’Histoire n’est pas<br />

une invention du XX e siècle. Ni les doutes de<br />

l’écrivain sur la place qu’il occupe dans son époque.<br />

Ni même la pensée que la littérature est à l’agonie.<br />

Barthes, qui diagnostique si volontiers « la Mort de<br />

la littérature », constate dès 1960 : « Nous sortons<br />

d’un moment, celui de la littérature engagée. La fin<br />

du roman sartrien, l’indigence imperturbable du<br />

roman socialiste, le défaut d’un théâtre politique,<br />

tout cela, comme une vague qui se retire, laisse à<br />

découvert un objet singulier et singulièrement résistant<br />

: la littérature ».<br />

Peut-être sommes-nous sortis à notre tour d’un<br />

moment, celui de la fin de la littérature. Resterait<br />

donc cet « objet singulier et singulièrement résistant<br />

». Les textes qui contribuent à le faire vivre en dépit<br />

de tout (ou à cause ?), sont autant de réponses formelles<br />

données au chaos et à l’incohérence de l’Histoire<br />

par des sujets dont la relation parfois extrême<br />

à l’Histoire – de la défiance au reniement – signe le<br />

plus sûrement, toute espérance idéologique, ou simplement<br />

humaniste, perdue, leur inscription dans<br />

l’Histoire.<br />

Renée Ventresque est professeur de littérature française<br />

du XX e siècle à l’université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong>.<br />

===<br />

■■ Étude des communications : approches<br />

constructivistes), par Alex Mucchielli et<br />

Claire Noy, Paris, Armand Colin, 2005,<br />

240 p., 22 euros.<br />

>>> L’ouvrage présente sept méthodes « constructivistes<br />

», illustrées par des exemples, pour l’étude des<br />

communications. Il défend l’idée que toute étude<br />

scientifique et une sorte de « contextualisation »<br />

dans laquelle le chercheur explicite le sens des<br />

phénomènes en les mettant dans un contexte spécifique<br />

« scientifiquement construit ». Chaque type<br />

de contextualisation scientifique produit alors une<br />

« explication » ou une « compréhension » liées à la<br />

nature de la contextualisation élaborée. Le « constructivisme<br />

» dont traite l’ouvrage est tout à fait<br />

différent du « constructionnisme ». Le constructi-<br />

Suite ➞<br />

Supplément - Dit de l’UPV n° <strong>90</strong> / novembre 2005


RECHERCHE ET PUBLICATIONS ■<br />

II<br />

visme est une position épistémologique, c’est-à-dire<br />

un parti pris sur la connaissance et les modalités<br />

d’arriver à cette connaissance. Pour lui, la connaissance<br />

scientifique n’arrive pas, et n’a pas besoin<br />

d’arriver, à saisir la « réalité » des phénomènes. La<br />

science permet d’atteindre des représentations qui<br />

donnent de la « réalité » un reflet plausible et utile<br />

à l’action à entreprendre. La connaissance est donc<br />

SOUTENANCES<br />

<strong>DE</strong> DOCTORAT<br />

■■ Représentation et conceptualisation du<br />

temps et l’enseignement du français langue<br />

étrangère en Chine, thèse en Sciences du langage<br />

par M lle Min AO, soutenue le 28 octobre<br />

2005.<br />

Jury: M. Joël BEL LASSEN, professeur, INALCO, Paris ;<br />

M. Pierre DUMONT, professeur, université des Antilles<br />

et de la Guyane ; M. Jean-Marie PRIEUR, professeur,<br />

université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong> ; M me Michèle VER<strong>DE</strong>LHAN,<br />

professeur IUFM, université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong>.<br />

===<br />

■■ Inventer l’histoire. L’écriture de la biographie<br />

laïque dans l’Espagne de Philippe IV (1621-<br />

1665), thèse en Études romanes, option Études<br />

hispaniques par M lle Agnès <strong>DE</strong>LAGE, soutenue<br />

le 5 novembre 2005.<br />

Jury : M me Marie-Catherine BARBAZZA, professeur,<br />

université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong> ; M me Mercedes BLANCO, professeur,<br />

université Lille III ; M. Raphaël CARRASCO,<br />

professeur, université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong> ; M. Pierre CIVIL,<br />

professeur, université Paris III.<br />

===<br />

■■ Approches de l’apologétique chrétienne<br />

dans la seconde moitié du XIX e siècle en France,<br />

thèse en Histoire des religions par M. Pierre-Yves<br />

KIRSCHLEGER, soutenue le 15 novembre 2005.<br />

Jury: M. Christian AMALVI, professeur, université <strong>Paul</strong>-<br />

<strong>Valéry</strong> ; M. Guy BEDOUELLE, professeur, université<br />

de Fribourg (Suisse) ; M. Patrick CABANEL, professeur,<br />

université Toulouse II - Le Mirail ; M. Gérard CHOLVY,<br />

professeur émérite, université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong> ; M. André<br />

ENCREVÉ, professeur, université Paris XII.<br />

===<br />

■■ Troubles du comportement au début de<br />

l’adolescence : étude épidémiologique, thèse en<br />

Psychologie option Psychologie du développement<br />

par M lle Carine THÉROND, soutenue le 17<br />

novembre 2005.<br />

Jury : M. Charles AUSSILLOUX, professeur, université<br />

Montpellier I ; M me Christiane CAPRON, professeur,<br />

université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong> ; M me Marie CHOQUET, directeur<br />

de recherche, INSERM Paris ; M. Jean-Pierre<br />

DAURES, professeur, université Montpellier I ;<br />

M. Robert GOODMAN, professeur, université de Londres<br />

(Angleterre) ; M. Joël SWENDSEN, professeur,<br />

université Bordeaux II.<br />

===<br />

■■ Du complément circonstanciel au circonstant<br />

: analyse syntaxique, sémantique et didactique,<br />

thèse en Sciences du langage par<br />

M me Daouia TRIA épouse HANACHI, soutenue<br />

le 19 novembre 2005.<br />

Jury : M. Teddy ARNAVIELLE, professeur, université<br />

<strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong> ; M me Yasmina CHERRAD, professeur,<br />

université de Constantine (Algérie) ; M me Sylvianne<br />

RÉMI-GIRAUD, professeur, université Lyon II ;<br />

orientée, au départ, par des finalités d’action sur le<br />

monde. Par ailleurs, pour le constructivisme, l’accès<br />

aux connaissances doit se faire grâce à des méthodes<br />

tout à fait spéciales. Ces méthodes doivent travailler<br />

sur les interactions des phénomènes entre eux ; elles<br />

doivent permettre au chercheur d’expérimenter les<br />

concepts dont il se sert en les confrontant aux phénomènes<br />

à connaître et, enfin, ces méthodes doivent<br />

s’adapter progressivement aux phénomènes<br />

mis à jour et aux formalisations faites.<br />

Alex Mucchielli est professeur en sciences de<br />

l’information et de la communication à l’université<br />

<strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong>.<br />

Claire Noy est maître de conférences en sciences<br />

de l’information et de la communication à<br />

l’université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong>.<br />

M me Michèle VER<strong>DE</strong>LHAN, professeur IUFM, université<br />

<strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong>.<br />

===<br />

■■ Tourisme, développement et dynamique<br />

territoriale dans l’archipel des Maldives et à l’Île<br />

Maurice (océan Indien), thèse en Géographie :<br />

mutations spatiales : développement, réseaux,<br />

littoraux par M. Alexandre MAGNAN, soutenue<br />

le 21 novembre 2005.<br />

Jury : M. Jean-Pierre DOUMENGE, professeur,<br />

université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong> ; M. Jean-Christophe GAY, professeur,<br />

université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong> ; M. Christian HUETZ<br />

de LEMPS, professeur, université Paris IV - Sorbonne ;<br />

M. Rémy KNAFOU, professeur, université Paris I -<br />

Panthéon - Sorbonne.<br />

===<br />

■■ Psychologie de l’identité féminine au risque<br />

de la création littéraire, thèse en Psychologie<br />

option Psychologie clinique : psychopathologie,<br />

psychanalyse par M me Anne-Valérie <strong>DE</strong><br />

MIGUEL épouse MAZOYER, soutenance le 10<br />

décembre 2005 à la salle des colloques, bâtiment<br />

C.<br />

Jury : M. Jacques BIROUSTE, professeur, université<br />

Montpellier I ; M me Madeleine GUEYDAN, maître de<br />

conférences, université de Nîmes ; M. Jean-Pierre MAR-<br />

TINEAU, professeur, université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong> ; M me Aude<br />

MICHEL, maître de conférences habilité, université<br />

<strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong> ; M. Jean-Michel VIVES, maître de conférences<br />

habilité, université de Nice.<br />

BLOC-NOTES… SUITE<br />

■■■ Le texte dans le texte<br />

Colloque organisé par Renée Ventresque<br />

et l’axe de recherche « Poétiques de la modernité<br />

» à l’université <strong>Paul</strong>-<strong>Valéry</strong> le jeudi<br />

1 er décembre (salle Pierre-Jourda) et le vendredi<br />

2 décembre 2005 (salle Charles-Camproux).<br />

Lectures poétiques le jeudi 1 er décembre à<br />

partir de 17 h 15, salle Pierre-Jourda.<br />

Cryptomnésique ou délibérée, affichée ou<br />

occultée, la présence, dans un texte, d’un autre<br />

texte, n’est jamais anodine. Des questions<br />

fondamentales qu’elle pose – par exemple,<br />

comment un texte assimile-t-il des énoncés<br />

antérieurs ? Dans quelle relation ces énoncés<br />

se trouvent-ils avec leur état premier ? Que<br />

devient le texte où vient se loger « la greffe<br />

intertextuelle » (L. Jenny) ? – naît une nouvelle<br />

question : quels sont les enjeux de l’intertextualité<br />

? Circonscrivant sa réflexion à la<br />

littérature française contemporaine, ce colloque<br />

se propose d’en cerner quelques-uns.<br />

===<br />

■■■ Concours national de l’OVE 2005<br />

Il ne vous reste plus qu’un mois pour adresser<br />

à l’Observatoire national de la vie étudiante<br />

votre travail de fin d’études sur les conditions<br />

de vie des étudiants. En effet, c’est au 30<br />

novembre de cette année qu’a été fixée la date<br />

limite de dépôt des candidatures.<br />

Le concours national annuel de l’OVE, destiné<br />

à encourager les recherches sur les conditions<br />

de vie des étudiants par les étudiants<br />

eux-mêmes, permet d’attribuer chaque année<br />

en moyenne 5 prix allant de 300 à 4000 euros.<br />

Tous les étudiants ayant soutenu avec succès<br />

un mémoire (d’un niveau au moins égal à la<br />

maîtrise) ou une thèse portant sur les conditions<br />

de vie étudiante, quelles que soient les<br />

disciplines et quel que soit l’aspect étudié,<br />

peuvent concourir.<br />

Consulter les modalités d’inscription<br />

www.ove-national.education.fr<br />

===<br />

■■■ Boursiers français à l’étranger<br />

Égide annonce le lancement, sur son site web,<br />

de la campagne 2006-2007 du programme<br />

«Boursiers français à l’étranger» du ministère<br />

des Affaires étrangères.<br />

Vous y trouverez la description des deux<br />

principaux programmes de bourses offertes<br />

chaque année aux Français souhaitant<br />

poursuivre leur formation à l’étranger ainsi<br />

que les formulaires à télécharger pour<br />

présenter votre candidature pour l’année<br />

universitaire 2006-2007.<br />

www.egide.asso.fr/bfe<br />

■■■ Appel à propositions 2005<br />

6 e PCRD/Commission européenne<br />

La Commission européenne a publié aux JO<br />

du mois d’octobre 2005, des nouveaux appels<br />

à propositions concernant les programmes :<br />

> 1 - «Science et Société». Programme «Enseignement<br />

et carrières scientifiques 2005».<br />

La date limite de dépôt des dossiers est fixée<br />

au 31 janvier 2006 et le budget indicatif de<br />

cet appel est de 5 millions d’euros.<br />

Cet appel concerne les thèmes suivants :<br />

– Les méthodes d’enseignement des sciences<br />

à l’école ;<br />

– Les perceptions de la science du point de<br />

vue des garçons et de celui des filles ;<br />

– Indicateurs de performance et fixation des<br />

priorités.<br />

Les soumissionnaires sont invités à consulter<br />

plus en détail le programme de travail «Science<br />

et société» 2005-2006.<br />

> 2 - « Technologies de la Société de l’information<br />

»<br />

La date limite de dépôt des dossiers est fixée<br />

au 20 décembre 2005 et le budget indicatif<br />

de cet appel est de 52,5 millions d’euros. Cet<br />

appel concerne le thème suivant : «Systèmes<br />

audiovisuels en réseau et plates-formes individuelles».<br />

Infos : valorisation.recherche@univ-montp3.fr

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