Etats fragiles
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dossier<br />
Le cercle des parents<br />
Moyen-Orient<br />
Alors que le conflit israélo-palestinien continue à faire<br />
des victimes, le fossé entre les deux communautés<br />
se creuse toujours plus, amenuisant les chances de<br />
réconciliation. Mais, pour ceux qui ont perdu un<br />
enfant dans le conflit, la douleur est la même, au-delà<br />
de l’appartenance communautaire. "The Parents Circle"<br />
propose de rétablir un dialogue, apprendre à se<br />
connaître pour laisser une chance à la réconciliation.<br />
Dessin extrait de l'exposition et du calendrier "Cartooning in Conflict",<br />
organisé par l'association israélo-palestinienne "The Parents Circle".<br />
"Nous avons tous perdu un parent dans le<br />
conflit", soupire Aaron, "Moi j’ai perdu mon<br />
fils Noam, en 99, en mission de déminage<br />
pour l’armée israélienne au Liban. C’étaient<br />
ses derniers jours de service militaire. Pour<br />
nous, parents, ce fut la fin du monde." Dans<br />
cet hôtel anonyme de Tel Aviv, l’émotion est<br />
encore palpable 10 ans après l’événement.<br />
"On nous a appris peu après qu’il portait<br />
sur son uniforme un badge sur lequel était<br />
inscrit "Laisser le Liban en paix" 1 . C’était un<br />
appel à la paix alors qu’il accomplissait sa<br />
dernière mission, un symbole de la futilité<br />
de la guerre. Peu après, nous avons joint<br />
"The Parents Circle".<br />
Aaron est membre de "The Parents<br />
Circle", une communauté d’Israéliens et<br />
de Palestiniens qui ont perdu un membre<br />
proche de leur famille durant le conflit. Ils<br />
promeuvent ensemble un processus de<br />
réconciliation via le dialogue et la compréhension<br />
mutuelle. L’association est créée<br />
en 95 à la suite de l’assassinat d’un jeune<br />
soldat israélien dont le père était membre<br />
influent d’un parti religieux traditionnellement<br />
opposé aux accords d’Oslo, convaincu<br />
que seule la force pouvait mettre un terme<br />
à la terreur. Contre toute attente, ce père<br />
déclara que la mort d’autres enfants,<br />
israéliens ou palestiniens, ne lui rendrait<br />
pas son fils et qu’il fallait stopper ces<br />
guerres insensées. Ce message nouveau,<br />
et inattendu, fut relayé par les médias.<br />
L’appel est rapidement entendu et rejoint<br />
par plus de 20 familles. Après l’assassinat<br />
de d’Yitzhak Rabin qui porte un coup violent<br />
aux accords d’Oslo, le groupe décide<br />
de prôner activement le dialogue et la<br />
réconciliation. Ils entrent en contact avec<br />
les premières familles à Gaza et commencent<br />
à les rencontrer. "Le groupe comprit<br />
vite qu’il avait en main un outil important<br />
qui pouvait montrer à la population qu’il<br />
était possible de se réconcilier."<br />
"Depuis cinq ans, nous avons recréé une<br />
structure complètement égalitaire : il y a<br />
deux managers et deux bureaux : 1 israélien,<br />
1 palestinien. On se rencontre une fois<br />
par semaine. L’idée est de montrer que nous<br />
pouvons parler le même langage de paix.<br />
Nous pensons que le problème vient du<br />
manque de dialogue : aucun des côtés ne<br />
connait l’autre communauté et les visions<br />
sont déformées. La guerre est plus facile à<br />
accepter lorsqu’on connait mal l’adversaire.<br />
C’est ainsi que les gens ne soutiennent plus<br />
le processus de paix."<br />
"C’est pour cette raison que nous allons,<br />
main dans la main, Palestiniens et Israéliens,<br />
raconter notre histoire dans les écoles<br />
israéliennes" : un projet du "Parents Circle"<br />
qui reçoit le soutien financier du service de<br />
Diplomatie préventive des Affaires étrangères<br />
belges. "Après les témoignages, nous<br />
avons une discussion avec les élèves. Pour<br />
beaucoup d’entre eux, c’est une découverte.<br />
Ils vivent dans une tour d’argent et<br />
n’ont aucune conscience de ce qui se passe<br />
de l’autre côté. Ils se rendent compte que<br />
chaque partie raconte les mêmes histoires<br />
avec un point de vue différent. 1948,<br />
par exemple, marque la bonne nouvelle<br />
de l’indépendance pour les juifs, mais est<br />
une "catastrophe" (Naqba) pour les autres."<br />
Le groupe précise ne pas vouloir accepter<br />
d’argent de l’Etat israélien afin de ne pas<br />
être instrumentalisé ou accusé de parti<br />
pris, mais il compte nombre de bailleurs<br />
internationaux. "Nous avons fait une série<br />
télévisée qui met en scène les deux communautés.<br />
Un beau succès. Nous avons<br />
créé une ligne téléphonique "Allo shalom,<br />
Allo salaam" qui permettait de mettre en<br />
connexion Israéliens et Palestiniens. Plus<br />
d’un million d’appels ont été passés. Nous<br />
planchons maintenant sur un projet de<br />
mise en contact via les nouveaux modes de<br />
communication."<br />
Elise Pirsoul<br />
online<br />
www.theparentscircle.com<br />
1 "Let Lebanon in peace", slogan du groupe "Four mothers" en 1993.<br />
m a r s-a v r i l 2010 dimension<br />
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