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Entre guerre et paix : le terrorisme - Revue des sciences sociales

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PASCAL HINTERMEYER<br />

Laboratoire “Cultures <strong>et</strong> sociétés en Europe”<br />

(UMR du CNRS n° 7043)<br />

Université Marc Bloch, Strasbourg<br />

<br />

<strong>Entre</strong> <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> <strong>paix</strong> :<br />

<strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong><br />

Comment comprendre la succession<br />

<strong>des</strong> actions terroristes<br />

aujourd’hui ? Le monde contemporain<br />

présente <strong>des</strong> contrastes accusés. Il<br />

est parcouru par un processus de civilisation,<br />

il accroît <strong>le</strong>s relations d’interdépendance<br />

entre ses parties constitutives,<br />

il élabore <strong>des</strong> mécanismes de régulation<br />

<strong>des</strong> conflits qui <strong>le</strong> traversent, mais en<br />

même temps il ménage la possibilité<br />

récurrente de meurtres impromptus <strong>et</strong><br />

concertés qu’il peine à enrayer. Il a<br />

même de gran<strong>des</strong> difficultés, dans <strong>le</strong>s<br />

instances internationa<strong>le</strong>s notamment,<br />

à s’accorder sur une définition commune<br />

du <strong>terrorisme</strong>. Ce terme, employé<br />

avec une complaisance inflationniste <strong>et</strong><br />

doté de multip<strong>le</strong>s significations métaphoriques<br />

(<strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> intel<strong>le</strong>ctuel ou<br />

informatique par exemp<strong>le</strong>), suscite <strong>le</strong><br />

consensus au moins sur un point : il peut<br />

s’appliquer à d’autres mais rarement à<br />

soi-même. Il sert avant tout à disqualifier<br />

un ennemi <strong>et</strong> à s’autoriser tous <strong>le</strong>s<br />

moyens pour <strong>le</strong> combattre. Il est ainsi<br />

pris dans un tourbillon de confusions<br />

qui l’apparentent au mal, à la <strong>guerre</strong>,<br />

voire à une aire culturel<strong>le</strong>, idéologique<br />

ou religieuse réprouvée. Pour contribuer<br />

à démê<strong>le</strong>r c<strong>et</strong> écheveau, il convient<br />

d’abord de s’interroger sur <strong>le</strong>s rapports<br />

entre <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> <strong>terrorisme</strong> puisque <strong>le</strong>s<br />

deux termes sont aujourd’hui volontiers<br />

associés. Nous nous intéresserons<br />

éga<strong>le</strong>ment aux significations que revêt<br />

aujourd’hui <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong>, aux raisons<br />

susceptib<strong>le</strong>s de pousser à y recourir, aux<br />

caractéristiques de la stratégie qu’il m<strong>et</strong><br />

en œuvre. Cela nous perm<strong>et</strong>tra de m<strong>et</strong>tre<br />

en relief la surenchère contemporaine,<br />

mais aussi <strong>le</strong>s limites de ce type d’engagement.<br />

La <strong>guerre</strong> consiste en un recours illimité<br />

à la force visant à imposer sa propre<br />

volonté <strong>et</strong> à briser cel<strong>le</strong> de l’ennemi afin<br />

d’obtenir sa soumission. El<strong>le</strong> est «un<br />

acte de vio<strong>le</strong>nce <strong>des</strong>tiné à contraindre<br />

l’adversaire à exécuter notre volonté » 1 .<br />

El<strong>le</strong> comporte une dimension psychologique<br />

essentiel<strong>le</strong> puisqu’il s’agit de<br />

faire plier l’ennemi, de <strong>le</strong> faire passer<br />

de l’exaltation au découragement, de<br />

<strong>le</strong> priver de ses capacités de résistance<br />

<strong>et</strong> de riposte. Faire la <strong>guerre</strong>, c’est donc<br />

tenter d’inspirer la peur aux forces que<br />

l’on combat 2 . En fait cel<strong>le</strong>s-ci ne se<br />

composent souvent que d’une partie de<br />

la population d’un territoire. Ainsi, au<br />

Moyen-âge, <strong>le</strong>s <strong>guerre</strong>s sont avant tout<br />

une affaire de privilégiés qui se définissent<br />

par la possession <strong>des</strong> armes <strong>et</strong> de<br />

l’équipement appropriés, la maîtrise de<br />

<strong>le</strong>ur maniement, la capacité à conduire<br />

<strong>des</strong> opérations militaires. El<strong>le</strong>s sont à la<br />

fois incessantes, intermittentes <strong>et</strong> saisonnières.<br />

El<strong>le</strong>s se réactivent au printemps<br />

<strong>et</strong> s’interrompent lorsque <strong>le</strong>s armées<br />

prennent <strong>le</strong>urs « quartiers d’hiver ». El<strong>le</strong>s<br />

peuvent se prolonger pendant de longues<br />

pério<strong>des</strong>, jusqu’à cent ans, voire devenir<br />

endémiques. De tel<strong>le</strong>s durées signa<strong>le</strong>nt<br />

toutefois de gran<strong>des</strong> différences avec <strong>le</strong>s<br />

<strong>guerre</strong>s ultérieures. La distinction entre<br />

l’état de <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> l’état de <strong>paix</strong> n’a pas<br />

été toujours aussi n<strong>et</strong>te qu’on l’imagine<br />

à l’époque moderne. La <strong>guerre</strong> médiéva<strong>le</strong><br />

est une activité spécialisée, séparée,<br />

qui n’affecte pas toute la vie socia<strong>le</strong>.<br />

El<strong>le</strong> s’impose aussi <strong>des</strong> limitations en se<br />

conformant plus ou moins à <strong>des</strong> règ<strong>le</strong>s<br />

dans l’affrontement <strong>et</strong> à une déontologie<br />

fondée sur <strong>le</strong> sens de l’honneur <strong>et</strong> la<br />

protection <strong>des</strong> plus vulnérab<strong>le</strong>s.<br />

Les restrictions à l’usage incontrôlé<br />

de la vio<strong>le</strong>nce s’amplifient à mesure que<br />

<strong>le</strong> pouvoir royal parvient à établir son<br />

ascendant sur la nob<strong>le</strong>sse d’épée <strong>et</strong> à la<br />

subordonner étroitement à ses intérêts.<br />

Il s’efforce de faire prévaloir <strong>le</strong> monopo<strong>le</strong><br />

de la vio<strong>le</strong>nce physique légitime<br />

sur un territoire déterminé. La <strong>guerre</strong><br />

devient alors sa prérogative exclusive.<br />

Il y recourt pour accroître sa puissance<br />

par rapport aux autres États. Il entr<strong>et</strong>ient<br />

avec ceux-ci <strong>des</strong> relations suivies, obéissant<br />

à <strong>des</strong> usages protocolaires précis,<br />

susceptib<strong>le</strong>s d’exprimer <strong>le</strong>s nuances <strong>des</strong><br />

relations mutuel<strong>le</strong>s. Lorsque ces dernières<br />

se détériorent, la tension est marquée<br />

par une gradation de signes, du rappel<br />

de l’ambassadeur jusqu’à la rupture <strong>des</strong><br />

relations diplomatiques, l’adresse d’un<br />

ultimatum, l’ouverture <strong>des</strong> hostilités.<br />

L’entrée en <strong>guerre</strong> est so<strong>le</strong>nnisée par<br />

une déclaration qui introduit dans un<br />

46


Pascal Hintermeyer<br />

<strong>Entre</strong> <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> <strong>paix</strong> : <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong><br />

autre univers moral, 3 . La <strong>guerre</strong> a été<br />

analysée comme une inversion <strong>des</strong> principes<br />

de la vie socia<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> transforme<br />

<strong>le</strong>s incitations à la coopération <strong>et</strong> à l’accumulation<br />

<strong>des</strong> richesses en impératif de<br />

<strong>des</strong>truction 4 . À la rationalité, la communication,<br />

la délibération, el<strong>le</strong> substitue la<br />

haine à l’égard de l’ennemi <strong>et</strong> l’injonction<br />

de <strong>le</strong> tuer. El<strong>le</strong> lève l’interdit du meurtre<br />

au nom de la défense <strong>des</strong> intérêts fondamentaux<br />

de la col<strong>le</strong>ctivité <strong>et</strong> de l’ordre<br />

donné par ceux qui assument la charge de<br />

la protéger. Le resserrement hiérarchique<br />

rend <strong>le</strong> commandement absolu <strong>et</strong> l’obéissance<br />

complète. L’autonomie de chacun<br />

est étroitement subordonnée au groupe<br />

<strong>et</strong> à ses dirigeants. « La possession de<br />

l’individu par l’État est <strong>le</strong> caractère de<br />

l’état social adapté à la <strong>guerre</strong> » 5 . Comme<br />

cel<strong>le</strong>-ci modifie profondément la tonalité,<br />

l’organisation <strong>et</strong> <strong>le</strong>s principes de la vie<br />

socia<strong>le</strong>, <strong>des</strong> règ<strong>le</strong>s régissent <strong>le</strong> début, <strong>le</strong><br />

dérou<strong>le</strong>ment <strong>et</strong> la suspension <strong>des</strong> hostilités.<br />

Ces efforts pour imposer un cadre<br />

<strong>et</strong> <strong>des</strong> limites à la <strong>guerre</strong> se prolongent,<br />

à partir du début du XIX e sièc<strong>le</strong>, par<br />

l’adoption d’autres conventions portant,<br />

même en situation de <strong>guerre</strong>, sur la protection<br />

<strong>des</strong> b<strong>le</strong>ssés, <strong>des</strong> prisonniers <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />

civils. Mais ces dispositions n’ont pas<br />

suffi à atténuer <strong>le</strong>s horreurs <strong>des</strong> <strong>guerre</strong>s.<br />

Les efforts pour jugu<strong>le</strong>r la sauvagerie<br />

<strong>des</strong> passions belligènes se heurtent bien<br />

sûr aux contextes où <strong>le</strong>s États ne parviennent<br />

pas à se réserver <strong>le</strong> monopo<strong>le</strong><br />

de l’exercice de la vio<strong>le</strong>nce. Cel<strong>le</strong>-ci est<br />

diffici<strong>le</strong> à contrô<strong>le</strong>r là où el<strong>le</strong> résulte<br />

d’initiatives privées, soit à l’intérieur <strong>des</strong><br />

frontières étatiques du fait d’exactions<br />

provoquées par <strong>des</strong> ban<strong>des</strong> armées, soit<br />

sur <strong>le</strong>s eaux internationa<strong>le</strong>s en raison<br />

d’entreprises de piraterie. Surtout, l’incapacité<br />

à restreindre la vio<strong>le</strong>nce est imputab<strong>le</strong><br />

aux États eux-mêmes. En eff<strong>et</strong>, <strong>le</strong>s<br />

<strong>guerre</strong>s qu’ils mènent sont susceptib<strong>le</strong>s<br />

de bascu<strong>le</strong>r dans la vio<strong>le</strong>nce généralisée,<br />

pour peu qu’el<strong>le</strong>s visent à conquérir<br />

<strong>des</strong> populations ou encore qu’el<strong>le</strong>s<br />

comportent <strong>des</strong> dimensions religieuses,<br />

idéologiques ou nationa<strong>le</strong>s exacerbées.<br />

Les <strong>guerre</strong>s de conquête, comme cel<strong>le</strong>s<br />

menées par <strong>le</strong>s Mongols au XIV e sièc<strong>le</strong>,<br />

visent à dominer de vastes territoires en<br />

inspirant systématiquement la terreur aux<br />

populations civi<strong>le</strong>s, dans l’espoir de s’assurer<br />

<strong>le</strong>ur docilité . Cel<strong>le</strong>s-ci deviennent<br />

aussi une cib<strong>le</strong> privilégiée de ces <strong>guerre</strong>s<br />

que Clausewitz appel<strong>le</strong> absolues parce<br />

qu’el<strong>le</strong>s cherchent à annihi<strong>le</strong>r l’ennemi.<br />

Ce fut <strong>le</strong> cas <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> <strong>guerre</strong>s religieuses,<br />

notamment cel<strong>le</strong> de Trente ans,<br />

qui décima une proportion importante de<br />

la population al<strong>le</strong>mande dans la première<br />

moitié du XVII e sièc<strong>le</strong> <strong>et</strong> qui fut émaillée<br />

de massacres comme <strong>le</strong> sac de Magdebourg<br />

en 1631. Les initiatives de régénération<br />

col<strong>le</strong>ctive ont une propension<br />

remarquab<strong>le</strong> à faire cou<strong>le</strong>r massivement<br />

<strong>le</strong> sang.<br />

Dans <strong>le</strong> but d’affranchir <strong>et</strong> de libérer<br />

<strong>le</strong>s hommes, la Révolution française en a<br />

tué beaucoup. El<strong>le</strong> a aussi représenté une<br />

inf<strong>le</strong>xion majeure dans l’évolution de la<br />

<strong>guerre</strong>. Ayant supprimé <strong>le</strong>s privilèges <strong>et</strong><br />

donc l’ordre constitué par la nob<strong>le</strong>sse,<br />

dont la vocation était de porter <strong>le</strong>s armes,<br />

el<strong>le</strong> fut prise au dépourvu lorsque son<br />

idéal de fraternisation universel<strong>le</strong> <strong>et</strong> de<br />

<strong>paix</strong> perpétuel<strong>le</strong> se transforma en une<br />

situation où el<strong>le</strong> dut mener la <strong>guerre</strong><br />

contre l’Europe coalisée. El<strong>le</strong> eut alors<br />

recours, pour compenser son infériorité<br />

technique par une supériorité numérique,<br />

à la conscription, à la <strong>le</strong>vée en masse,<br />

à l’offensive à outrance. Le terme de<br />

<strong>terrorisme</strong> apparut dans ce contexte en<br />

référence à un système de gouvernement<br />

appelé La Terreur. Cel<strong>le</strong>-ci m<strong>et</strong> en place<br />

systématiquement <strong>des</strong> mesures exceptionnel<strong>le</strong>s<br />

de coercition <strong>et</strong> de répression<br />

conçues comme un moyen de sauver la<br />

patrie en danger <strong>et</strong> de conduire la <strong>guerre</strong>.<br />

Les premiers terroristes furent <strong>des</strong> par<strong>le</strong>mentaires,<br />

<strong>des</strong> membres de la Convention<br />

envoyés en tant que représentants en mission<br />

dans <strong>le</strong>s provinces pour y galvaniser<br />

<strong>le</strong>s énergies <strong>et</strong> y exercer <strong>des</strong> pouvoirs<br />

exceptionnels illimités <strong>le</strong>s autorisant à<br />

prendre toute disposition propre à stimu<strong>le</strong>r<br />

la défense nationa<strong>le</strong>.<br />

De moyen de mener la <strong>guerre</strong>, <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong><br />

se transforme ensuite en tentative<br />

visant à l’anticiper. Le long XIX e sièc<strong>le</strong><br />

est agité par <strong>le</strong>s revendications socia<strong>le</strong>s<br />

<strong>et</strong> nationa<strong>le</strong>s. Ceux qui souhaitent <strong>le</strong>s<br />

amplifier <strong>et</strong> <strong>le</strong>s faire déboucher sur la<br />

<strong>guerre</strong> de classe ou la <strong>guerre</strong> d’indépendance<br />

peuvent adopter <strong>des</strong> métho<strong>des</strong><br />

visant à précipiter <strong>le</strong> conflit. Dans l’espoir<br />

de provoquer une escalade <strong>des</strong> hostilités,<br />

ils tentent en particulier d’assassiner <strong>le</strong>s<br />

dirigeants de l’État abhorré. Il arrive<br />

que de tels procédés aboutissent à un<br />

engrenage irréversib<strong>le</strong> de la vio<strong>le</strong>nce.<br />

Le succès <strong>le</strong> plus compl<strong>et</strong> de ce point de<br />

vue a sans doute dépassé l’attente de son<br />

auteur. Il s’est produit en août 1914 lors<br />

de l’assassinat à Sarajevo de l’archiduc<br />

François-Ferdinand, héritier de l’empire<br />

austro-hongrois. C<strong>et</strong> attentat a provoqué<br />

la Première <strong>guerre</strong> mondia<strong>le</strong> en déc<strong>le</strong>nchant<br />

un processus fréquemment analysé<br />

par <strong>le</strong>s historiens comme une réaction en<br />

chaîne. Le terroriste se veut l’augure, <strong>le</strong><br />

catalyseur <strong>et</strong> l’avant-garde de la <strong>guerre</strong>. Il<br />

est rare que son rô<strong>le</strong> soit aussi décisif.<br />

Les rapports entre <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> <strong>et</strong> la<br />

<strong>guerre</strong> sont liés aux évolutions que c<strong>et</strong>te<br />

dernière a connues au cours <strong>des</strong> deux derniers<br />

sièc<strong>le</strong>s. Pendant c<strong>et</strong>te période, el<strong>le</strong><br />

a considérab<strong>le</strong>ment accru ses capacités<br />

meurtrières. M<strong>et</strong>tant en œuvre <strong>des</strong> techniques<br />

toujours plus efficaces, el<strong>le</strong> absorbe<br />

aussi <strong>des</strong> ressources croissantes <strong>des</strong> belligérants<br />

<strong>et</strong> n’épargne rien ni personne. La<br />

dimension psychologique, fondamenta<strong>le</strong><br />

dans toute <strong>guerre</strong>, a pris <strong>des</strong> proportions<br />

considérab<strong>le</strong>s. El<strong>le</strong> a conduit à terroriser<br />

<strong>et</strong> à bombarder <strong>des</strong> populations civi<strong>le</strong>s,<br />

notamment à Londres, Dresde, Hiroshima.<br />

Avec l’utilisation de l’arme nucléaire<br />

contre c<strong>et</strong>te dernière vil<strong>le</strong>, <strong>le</strong> crescendo<br />

dans l’horreur a connu son acmé. Depuis,<br />

<strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s puissances se livrent à une<br />

course aux armements tout en s’interdisant<br />

l’emploi de <strong>le</strong>ur arsenal atomique<br />

dont <strong>le</strong>s eff<strong>et</strong>s <strong>des</strong>tructeurs sur l’humanité<br />

seraient imprévisib<strong>le</strong>s. Ce coup d’arrêt<br />

n’a pas aboli <strong>le</strong>s confrontations armées,<br />

qui sont souvent devenues plus indirectes.<br />

Les plus puissants <strong>le</strong>s mènent par<br />

alliés périphériques interposés (en Corée,<br />

Indochine, Amérique latine) <strong>et</strong> plus souvent<br />

encore dans l’ombre <strong>des</strong> services<br />

secr<strong>et</strong>s. Le processus de décolonisation a<br />

aussi démultiplié <strong>des</strong> conflits volontiers<br />

présentés par <strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s en fonction<br />

de la nécessité d’assurer l’ordre public.<br />

Malgré <strong>le</strong>s euphémismes utilisés, <strong>des</strong><br />

« événements » d’Algérie aux opérations<br />

de maintien de la <strong>paix</strong>, l’instabilité <strong>et</strong> <strong>le</strong>s<br />

affrontements armés sont présents dans<br />

beaucoup d’endroits de la planète.<br />

Dès <strong>le</strong>s années 1960, Raymond Aron<br />

remarque que <strong>le</strong> monde contemporain<br />

recè<strong>le</strong> de nombreuses situations intermédiaires<br />

entre la <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> la <strong>paix</strong> 6 .<br />

Le <strong>terrorisme</strong> participe de ce brouillage<br />

<strong>des</strong> repères. Il troub<strong>le</strong> la vie socia<strong>le</strong> par<br />

l’irruption inopinée d’actes d’hostilité. Si<br />

la distinction entre <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> <strong>paix</strong> implique<br />

<strong>des</strong> relations socia<strong>le</strong>s différentes,<br />

<strong>le</strong>ur indistinction provoque de profon<strong>des</strong><br />

perturbations dans <strong>le</strong>s manières de vivre<br />

47


ensemb<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> ramène <strong>le</strong>s sociétés à un<br />

stade où la sûr<strong>et</strong>é reste incertaine <strong>et</strong> à la<br />

merci d’initiatives visant à la comprom<strong>et</strong>tre.<br />

Des <strong>guerre</strong>s<br />

nécessaires<br />

<strong>et</strong> impossib<strong>le</strong>s<br />

La possibilité d’actions terroristes<br />

perpétrées par de p<strong>et</strong>its groupes déterminés<br />

rem<strong>et</strong> en cause la prétention moderne<br />

à limiter la vio<strong>le</strong>nce <strong>et</strong> à en réserver l’administration<br />

réglée à l’État. Celui-ci doit<br />

aujourd’hui compter avec <strong>des</strong> entreprises<br />

semant la terreur afin de déstabiliser <strong>des</strong><br />

populations. Il doit aussi se garder de ses<br />

propres tendances à réagir, ne serait-ce<br />

qu’incidemment <strong>et</strong> partiel<strong>le</strong>ment, avec <strong>le</strong>s<br />

procédés employés contre lui. Les métho<strong>des</strong><br />

terroristes établissent <strong>le</strong>ur ascendant<br />

par <strong>le</strong>ur capacité à gagner ceux contre<br />

<strong>le</strong>squels el<strong>le</strong>s sont dirigées. Dans certaines<br />

situations, el<strong>le</strong>s constituent en eff<strong>et</strong><br />

une alternative à la <strong>guerre</strong> dont el<strong>le</strong>s<br />

perm<strong>et</strong>tent de minorer <strong>le</strong>s risques <strong>et</strong><br />

<strong>le</strong>s coûts. Les co<strong>des</strong> réglant l’expression<br />

<strong>des</strong> relations internationa<strong>le</strong>s s’en trouvent<br />

modifiés. Un exemp<strong>le</strong> illustre combien <strong>le</strong><br />

registre de l’agression déteint sur celui<br />

de la riposte. Lorsqu’en 1983 une bombe<br />

explose dans une discothèque fréquentée<br />

par <strong>des</strong> soldats américains à Berlin, <strong>le</strong><br />

président Reagan y décè<strong>le</strong> l’œuvre de la<br />

Lybie. Il envoie alors <strong>des</strong> avions bombarder<br />

<strong>le</strong>s deux vil<strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s de ce<br />

pays. C<strong>et</strong> épisode montre que même une<br />

« superpuissance » peut comm<strong>et</strong>tre <strong>des</strong><br />

actes d’agression contre un pays souverain<br />

en jouant sur l’eff<strong>et</strong> de surprise, en<br />

s’en prenant à <strong>des</strong> populations civi<strong>le</strong>s,<br />

mais sans déclaration officiel<strong>le</strong> <strong>des</strong> hostilités.<br />

Ainsi s’affranchit-on <strong>des</strong> règ<strong>le</strong>s<br />

de la <strong>guerre</strong> dans l’espoir d’en éviter <strong>le</strong>s<br />

inconvénients. Les États tirent occasionnel<strong>le</strong>ment<br />

parti de ressources stratégiques<br />

qui sont d’ordinaire utilisées par de p<strong>et</strong>its<br />

groupes spécialisés dans <strong>le</strong>ur mise en<br />

œuvre.<br />

Les risques d’usage incontrôlé de la<br />

vio<strong>le</strong>nce sont potentialisés par <strong>le</strong>s processus<br />

mimétiques entre États <strong>et</strong> groupes<br />

terroristes. Ceux-ci ont tendance à se<br />

prendre pour de quasi-États <strong>et</strong> à affirmer<br />

<strong>le</strong>s attributs de la souverain<strong>et</strong>é de manière<br />

d’autant plus caricatura<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> <strong>le</strong>ur<br />

est refusée. Ils imitent <strong>le</strong>s institutions<br />

■<br />

régaliennes, en particulier l’armée <strong>et</strong> la<br />

justice. Ils prétendent instruire <strong>des</strong> procès<br />

<strong>et</strong> exécuter <strong>des</strong> sentences. Ils revendiquent<br />

un usage absolu de la raison d’État<br />

<strong>et</strong> en particulier <strong>le</strong> droit de m<strong>et</strong>tre à mort<br />

ennemis, traîtres <strong>et</strong> coupab<strong>le</strong>s. Inversement<br />

<strong>le</strong>s États confrontés à <strong>des</strong> entreprises<br />

terroristes ont tendance à adopter<br />

<strong>des</strong> mesures d’exception dans l’espoir<br />

de « terroriser <strong>le</strong>s terroristes », selon une<br />

formulation employée par un ancien<br />

ministre de l’intérieur (Char<strong>le</strong>s Pasqua).<br />

C<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> est attendu de restrictions <strong>des</strong><br />

libertés publiques qui sont supposées<br />

entraver <strong>le</strong>s initiatives hosti<strong>le</strong>s mais qui<br />

imposent à l’ensemb<strong>le</strong> de la population<br />

une situation où <strong>le</strong>s acquis de la <strong>paix</strong> <strong>et</strong><br />

de la démocratie sont malmenés.<br />

Le face à face entre l’État <strong>et</strong> <strong>le</strong>s activistes<br />

terroristes s’effectue surtout au<br />

détriment de la population concernée.<br />

Un État peut tirer parti de l’existence<br />

d’un ennemi discrédité <strong>et</strong> marginal, ce<br />

qui conduit certains auteurs à considérer<br />

que ses services secr<strong>et</strong>s manipu<strong>le</strong>nt<br />

<strong>le</strong>s groupes terroristes <strong>et</strong> <strong>le</strong>s réactivent<br />

<strong>le</strong> cas échéant 7 . Toujours est-il que la<br />

population civi<strong>le</strong> fait <strong>le</strong>s frais de c<strong>et</strong>te<br />

confrontation, tant du fait du renforcement<br />

<strong>des</strong> contrô<strong>le</strong>s <strong>et</strong> de la limitation <strong>des</strong><br />

libertés qu’en raison <strong>des</strong> pertes en son<br />

sein <strong>et</strong> du climat général qui s’instaure.<br />

La stratégie terroriste repose en eff<strong>et</strong> sur<br />

la distinction <strong>et</strong> l’imbrication de plusieurs<br />

niveaux. Pour faire pression sur un État<br />

ou <strong>le</strong> déstabiliser, une vio<strong>le</strong>nce ou une<br />

menace de vio<strong>le</strong>nce est exercée ponctuel<strong>le</strong>ment<br />

sur <strong>des</strong> individus afin de semer la<br />

peur dans <strong>le</strong> groupe dont ils font parti<br />

<strong>et</strong> d’atteindre l’autorité politique dont il<br />

relève. La société civi<strong>le</strong> est donc utilisée<br />

comme <strong>le</strong>vier dans une confrontation qui<br />

la dépasse.<br />

Le <strong>terrorisme</strong> a <strong>des</strong> chances de se<br />

développer là où la <strong>guerre</strong> est à la fois<br />

nécessaire <strong>et</strong> impossib<strong>le</strong>. La <strong>guerre</strong><br />

apparaît comme nécessaire lorsque <strong>le</strong>s<br />

points de vue sont inconciliab<strong>le</strong>s <strong>et</strong> qu’un<br />

compromis ne parvient pas à se dégager<br />

entre <strong>le</strong>s positions prêtes à s’affronter.<br />

L’antagonisme est ainsi souvent irréductib<strong>le</strong><br />

lorsqu’il porte sur <strong>des</strong> questions de<br />

souverain<strong>et</strong>é. Mais une <strong>guerre</strong> nécessaire<br />

peut s’avérer impossib<strong>le</strong> à mener, en raison<br />

de ses conséquences prévisib<strong>le</strong>s pour<br />

l’un au moins <strong>des</strong> belligérants. Lorsque <strong>le</strong><br />

potentiel <strong>des</strong>tructeur <strong>des</strong> armes accumulées<br />

dissuade de s’en servir, la situation<br />

peut être analysée comme une <strong>guerre</strong><br />

froide où <strong>le</strong>s confrontations se font sur<br />

un mode indirect. Lorsque la disproportion<br />

<strong>des</strong> forces en présence ne laisse à<br />

la partie la plus faib<strong>le</strong> aucune chance de<br />

l’emporter, cel<strong>le</strong>-ci se trouve empêchée<br />

de conduire une <strong>guerre</strong> directe, el<strong>le</strong> peut<br />

alors opter pour <strong>des</strong> actions ponctuel<strong>le</strong>s.<br />

Des opérations<br />

ponctuel<strong>le</strong>s<br />

symboliques<br />

Le <strong>terrorisme</strong> apparaît souvent de nos<br />

jours comme un substitut de la <strong>guerre</strong>.<br />

Il adopte <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> qui présentent<br />

certains avantages tactiques <strong>et</strong> peuvent<br />

compenser quelque peu un déséquilibre<br />

à son détriment. D’abord il frappe à<br />

l’improviste, en s’attaquant à <strong>des</strong> cib<strong>le</strong>s<br />

qui ne se tiennent pas sur <strong>le</strong>urs gar<strong>des</strong>.<br />

L’action terroriste consiste à préparer<br />

méticu<strong>le</strong>usement <strong>et</strong> secrètement <strong>des</strong> coups<br />

qui seront ensuite portés au moment <strong>et</strong> à<br />

l’endroit où l’ennemi ne s’y attend pas <strong>et</strong><br />

n’a donc pas pris de disposition efficace<br />

pour <strong>le</strong>s parer. L’impératif de discrétion<br />

est adapté à de p<strong>et</strong>its effectifs composant<br />

une microcellu<strong>le</strong> largement autonome <strong>et</strong><br />

diffici<strong>le</strong> à infiltrer. Les opérations menées<br />

n’atteignant qu’une p<strong>et</strong>ite partie <strong>des</strong><br />

forces ennemies, el<strong>le</strong>s sont montées avec<br />

soin. Le choix de l’objectif est important.<br />

Comme il est limité, il doit avoir une<br />

signification plus étendue, représenter<br />

une métonymie de l’ennemi dans son<br />

ensemb<strong>le</strong>. Un procédé classique du<br />

<strong>terrorisme</strong> consiste à frapper <strong>des</strong> cib<strong>le</strong>s à<br />

forte charge symbolique. C’est ainsi que<br />

<strong>des</strong> dirigeants ont été assassinés un peu<br />

partout en Europe à la fin du XIX e <strong>et</strong> au<br />

début du XX e sièc<strong>le</strong> ainsi que dans <strong>le</strong>s<br />

années 1970 en Al<strong>le</strong>magne <strong>et</strong> en Italie.<br />

De même, un préf<strong>et</strong> de la République a<br />

été exécuté en Corse. Depuis quelques<br />

années, <strong>le</strong>s terroristes cherchent aussi à<br />

s’en prendre à <strong>des</strong> lieux emblématiques<br />

du pays visé. Déjà à la fin de l’année<br />

1994, l’avion d’Air France détourné<br />

sur l’aéroport d’Alger devait servir de<br />

projecti<strong>le</strong> contre la tour Eiffel.<br />

La dimension symbolique du <strong>terrorisme</strong><br />

est essentiel<strong>le</strong>. Les cib<strong>le</strong>s visées doivent<br />

pouvoir être présentées comme une<br />

condensation de la puissance attaquée.<br />

C<strong>et</strong>te association d’idées est souvent<br />

appuyée par une rhétorique volontiers<br />

■<br />

48 <strong>Revue</strong> <strong>des</strong> Sciences Socia<strong>le</strong>s, 2006, n° 35, “Nouvel<strong>le</strong>s figures de la <strong>guerre</strong>”


Pascal Hintermeyer<br />

<strong>Entre</strong> <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> <strong>paix</strong> : <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong><br />

Daniel Depoutot : Dragon, 2003.<br />

redondante, insistant sur l’appartenance<br />

de la victime à un ensemb<strong>le</strong> ou à un<br />

« système » honni. Les <strong>des</strong>tructions infligées<br />

en 2001 au World Trade Center <strong>et</strong><br />

au Pentagone suggèrent que <strong>le</strong>s centres<br />

financier <strong>et</strong> militaire de la principa<strong>le</strong><br />

puissance mondia<strong>le</strong> seraient touchés. Le<br />

<strong>terrorisme</strong> veut atteindre un ensemb<strong>le</strong><br />

à travers la vio<strong>le</strong>nce faite à une de ses<br />

parties significatives. À défaut de pouvoir<br />

s’en prendre fronta<strong>le</strong>ment à la col<strong>le</strong>ctivité,<br />

il tente de la « frapper au cœur ».<br />

Celui-ci ne se limite plus aujourd’hui<br />

aux principaux dirigeants qui sont généra<strong>le</strong>ment<br />

bien gardés <strong>et</strong> très protégés,<br />

si bien qu’ils sont diffici<strong>le</strong>s à atteindre.<br />

Mais même lorsqu’ils sont effectivement<br />

éliminés, comme ce fut <strong>le</strong> cas <strong>des</strong> chefs<br />

d’État victimes d’attentats anarchistes<br />

à la fin du XIX e sièc<strong>le</strong>, d’Aldo Moro,<br />

<strong>le</strong> <strong>le</strong>ader de la Démocratie chrétienne<br />

exécuté en Italie par <strong>le</strong>s Briga<strong>des</strong> Rouges<br />

ou de Georges Besse, <strong>le</strong> PDG de Renault<br />

assassiné par <strong>le</strong> groupe Action directe,<br />

l’impact symbolique reste primordial. En<br />

eff<strong>et</strong> éliminer ces décideurs ne suffit pas<br />

à vaincre l’institution visée à travers eux.<br />

En l’occurrence, l’État ou <strong>le</strong> capitalisme<br />

survivent aisément à la disparition de<br />

quelques uns de <strong>le</strong>urs membres, y compris<br />

ceux qui occupent <strong>le</strong>s fonctions <strong>le</strong>s<br />

plus é<strong>le</strong>vées, qui sont <strong>des</strong>tinés à passer<br />

la main <strong>et</strong> à être remplacés, à plus ou<br />

moins long terme. L’opération terroriste<br />

parvient seu<strong>le</strong>ment, en cas de succès,<br />

à devancer c<strong>et</strong>te échéance nécessaire.<br />

Lorsqu’el<strong>le</strong> arrive à ses fins, el<strong>le</strong> hâte <strong>le</strong><br />

renouvel<strong>le</strong>ment du personnel dirigeant<br />

<strong>des</strong> institutions touchées, qui se trouvent<br />

de la sorte protégées d’un risque d’immobilisme<br />

<strong>et</strong> de sclérose. Les eff<strong>et</strong>s du<br />

<strong>terrorisme</strong> sont souvent paradoxaux. De<br />

plus la prépondérance de la dimension<br />

symbolique autorise une diversification<br />

<strong>des</strong> cib<strong>le</strong>s potentiel<strong>le</strong>s. En Égypte ou en<br />

Indonésie, ce sont <strong>des</strong> touristes. À New<br />

York <strong>et</strong> Washington, c’est la multitude<br />

anonyme qui contribue dans l’ombre <strong>des</strong><br />

bureaux à la puissance de l’Amérique. À<br />

Madrid <strong>et</strong> à Londres, ce sont <strong>le</strong>s usagers<br />

<strong>des</strong> transports en commun.<br />

Avec <strong>le</strong> développement du <strong>terrorisme</strong>,<br />

<strong>le</strong>s rapports sociaux deviennent une<br />

source potentiel<strong>le</strong> de danger, lorsqu’ils<br />

m<strong>et</strong>tent en présence <strong>des</strong> inconnus dans<br />

<strong>des</strong> lieux de transit ou de passage. La<br />

méfiance s’instil<strong>le</strong> dans l’espace public<br />

<strong>et</strong> el<strong>le</strong> peut y favoriser la suspicion généralisée.<br />

Face à toute catastrophe, voire<br />

à tout dysfonctionnement, on en vient à<br />

se demander s’ils ne sont pas intentionnels.<br />

Dans l’explosion de l’usine AZF<br />

à Toulouse, dans la panne <strong>des</strong> réseaux<br />

é<strong>le</strong>ctriques de Los Ange<strong>le</strong>s, se r<strong>et</strong>rouve<br />

la tendance à rechercher <strong>le</strong>s indices d’un<br />

plan ourdi par un mauvais génie contre<br />

ses contemporains. Dans la société du<br />

risque, il est devenu diffici<strong>le</strong> de faire<br />

la part de ceux qui sont imputab<strong>le</strong>s à<br />

une volonté <strong>des</strong>tructrice. Le <strong>terrorisme</strong><br />

s’ajoute <strong>et</strong> se mê<strong>le</strong> à toutes <strong>le</strong>s menaces<br />

qui pèsent sur l’existence humaine dans<br />

<strong>le</strong> monde d’aujourd’hui 8 .<br />

L’essentiel étant de provoquer la peur<br />

dans une population, si cel<strong>le</strong> qui est visée<br />

est confondue avec tout un pays, il arrive<br />

que <strong>le</strong>s cib<strong>le</strong>s soient frappées de manière<br />

aléatoire. En outre, <strong>le</strong>s civils anonymes<br />

sont <strong>des</strong> proies particulièrement faci<strong>le</strong>s<br />

parce qu’ils vaquent à <strong>le</strong>urs occupations<br />

ordinaires, sont amenés à se déplacer<br />

pour cela <strong>et</strong> à côtoyer dans l’espace<br />

public nombre de gens inconnus. Le terroriste<br />

qui s’en prend à eux <strong>le</strong>s précipite<br />

49


soudain sans sommation sur <strong>le</strong> front qu’il<br />

vient d’ouvrir pour faire vo<strong>le</strong>r en éclat la<br />

quiétude de la vie quotidienne <strong>et</strong> suggérer<br />

que personne n’est à l’abri. Il achève<br />

d’abolir la distinction entre combattant<br />

<strong>et</strong> civil en s’inspirant <strong>des</strong> préceptes de<br />

la <strong>guerre</strong> tota<strong>le</strong> qu’il voudrait déc<strong>le</strong>ncher<br />

sans avoir <strong>le</strong>s moyens de la mener.<br />

À la différence <strong>des</strong> combats classiques,<br />

localisés <strong>et</strong> datés, <strong>le</strong> terroriste cherche à<br />

provoquer un affrontement impossib<strong>le</strong> à<br />

circonscrire dans l’espace <strong>et</strong> <strong>le</strong> temps <strong>et</strong><br />

donc susceptib<strong>le</strong> de diffuser, à partir d’un<br />

impact ponctuel, un ébran<strong>le</strong>ment de large<br />

amplitude.<br />

Dans son entreprise de déstabilisation,<br />

<strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> tire parti de certaines caractéristiques<br />

de la société contemporaine.<br />

On sait qu’il utilise <strong>le</strong>s médias comme<br />

caisse de résonance pour propager l’onde<br />

de choc de ses actions aussi loin que<br />

portent <strong>le</strong>s moyens de communication de<br />

masse, c’est à dire aujourd’hui à toute la<br />

planète. On peut aussi remarquer qu’il<br />

utilise largement <strong>le</strong>s technologies de<br />

l’information <strong>et</strong> de la communication,<br />

<strong>des</strong> vidéocass<strong>et</strong>tes à Intern<strong>et</strong>, pour transm<strong>et</strong>tre<br />

ses messages. D’un point de vue<br />

opérationnel, il cherche à adopter <strong>le</strong>s<br />

innovations qui rendent <strong>le</strong>s moyens de<br />

<strong>des</strong>truction plus meurtriers <strong>et</strong> qui <strong>le</strong>s<br />

m<strong>et</strong>tent à la portée d’un p<strong>et</strong>it nombre<br />

d’activistes. L’efficacité de ses actions est<br />

d’ail<strong>le</strong>urs dûe à ce qu’el<strong>le</strong>s s’inscrivent<br />

dans <strong>le</strong>s fragilités consécutives à l’ouverture<br />

<strong>et</strong> la comp<strong>le</strong>xité <strong>des</strong> sociétés contemporaines.<br />

Ainsi <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> tire parti <strong>des</strong><br />

caractéristiques <strong>et</strong> <strong>des</strong> instruments de la<br />

modernité avancée. Il se loge dans ses<br />

interstices pour se r<strong>et</strong>ourner contre el<strong>le</strong> <strong>et</strong><br />

comprom<strong>et</strong>tre ses acquis. En particulier il<br />

contrarie l’aspiration à rendre l’existence<br />

humaine davantage prévisib<strong>le</strong> <strong>et</strong> assurée<br />

en l’exposant à <strong>des</strong> périls inédits. En réactivant<br />

<strong>le</strong> spectre de la mort donnée délibérément<br />

dans la vie quotidienne pacifique,<br />

il sape un <strong>des</strong> fondements du pacte social<br />

contemporain <strong>et</strong> du consensus entre gouvernés<br />

<strong>et</strong> gouvernants. Ceux-ci tirent<br />

une part importante de <strong>le</strong>ur légitimité de<br />

<strong>le</strong>ur aptitude à protéger la vie de <strong>le</strong>urs<br />

ressortissants <strong>et</strong> ils se trouvent mis en<br />

difficulté là où ils échouent à s’acquitter<br />

de c<strong>et</strong>te tâche. Ils sont vulnérab<strong>le</strong>s à la<br />

panique résultant d’attentats provoqués<br />

dans l’espace public par <strong>des</strong> mercenaires<br />

agissant à la solde d’une puissance ou au<br />

nom d’une cause. Certes la probabilité<br />

d’être victime d’un attentat terroriste est<br />

de beaucoup inférieure à cel<strong>le</strong> de subir<br />

un accident chez soi, sur la route ou au<br />

travail. Mais de tels risques sont réputés<br />

inéluctab<strong>le</strong>s alors que <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong><br />

suppose une volonté 9 . En s’en prenant<br />

à la vie humaine, il atteint une va<strong>le</strong>ur<br />

fondamenta<strong>le</strong> que la modernité m<strong>et</strong> en<br />

relief à travers la promotion <strong>des</strong> droits de<br />

l’homme <strong>et</strong> la constitution d’une société<br />

<strong>des</strong> individus. C<strong>et</strong>te référence est d’autant<br />

plus importante que d’autres sources de<br />

consensus, notamment cel<strong>le</strong>s invoquant<br />

une transcendance, ont été discréditées,<br />

délaissées ou abandonnées à <strong>des</strong> particularismes<br />

communautaires. L’incapacité<br />

à protéger l’existence de chacun représente<br />

un scanda<strong>le</strong> qui mine <strong>le</strong>s accords<br />

sur <strong>le</strong>squels reposent <strong>le</strong>s coopérations<br />

col<strong>le</strong>ctives.<br />

Résurgences<br />

sacrificiel<strong>le</strong>s<br />

Ceux qui bravent l’interdit de tuer<br />

se placent au-<strong>des</strong>sus <strong>des</strong> lois ordinaires<br />

<strong>et</strong> s’arrogent un pouvoir absolu, devenu<br />

inaccessib<strong>le</strong> de nos jours même aux titulaires<br />

<strong>des</strong> fonctions <strong>le</strong>s plus éminentes.<br />

Une tel<strong>le</strong> exacerbation de la volonté de<br />

puissance peut s’analyser comme une<br />

revanche compensatoire à <strong>des</strong> frustrations<br />

invétérées 10 . Mais comment s’autoriser<br />

une prérogative aussi exorbitante ?<br />

Une conception supérieure de la mora<strong>le</strong><br />

est avancée pour s’affranchir de ses préceptes<br />

habituels. Le terroriste n’est pas<br />

censé tuer pour assouvir ses propres pulsions<br />

ou satisfaire ses intérêts personnels.<br />

C’est ce qui <strong>le</strong> distingue du grand<br />

criminel ou du brigand. Il se prétend un<br />

instrument au service d’une cause transcendante.<br />

Il se revendique l’auteur d’un<br />

meurtre altruiste. La contrepartie de ce<br />

devoir de tuer est que celui qui l’assume<br />

accepte de renoncer aux satisfactions <strong>et</strong><br />

aux affections accessib<strong>le</strong>s au commun<br />

<strong>des</strong> mortels. N<strong>et</strong>chaïev proclamait déjà<br />

dans la Russie <strong>des</strong> années 1870 ce que la<br />

vocation nihiliste avait d’exigeant : celui<br />

qui s’y consacre est un homme perdu qui<br />

doit être prêt à se soustraire à tous <strong>le</strong>s<br />

attachements de l’existence 11 . En ce sens,<br />

<strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> représente une résurgence<br />

du sacrifice dans un monde animé par la<br />

rationalité, <strong>le</strong>s droits individuels <strong>et</strong> <strong>le</strong>s<br />

relations contractuel<strong>le</strong>s. Au mépris de ces<br />

■<br />

références, la victime <strong>et</strong> <strong>le</strong> bourreau sont<br />

offerts de concert, voire confondus, pour<br />

célébrer une cause <strong>et</strong> témoigner de son<br />

éclat. Ce sacrifice est <strong>des</strong>tiné à obtenir la<br />

rédemption du mal actuel, à féconder un<br />

ordre nouveau, voire à en préparer l’avènement<br />

pour <strong>le</strong>s générations futures 12 .<br />

Ces significations sacrificiel<strong>le</strong>s sont<br />

particulièrement mises en relief dans <strong>le</strong>s<br />

cas, devenus aujourd’hui fréquents, où<br />

l’attaque terroriste est planifiée dans <strong>le</strong><br />

but de tuer à la fois celui qui fait office<br />

de bombe humaine <strong>et</strong> <strong>le</strong>s personnes se<br />

trouvant sur <strong>le</strong> lieu de l’explosion. Les<br />

attentats-suici<strong>des</strong> supposent la mort du<br />

kamikaze qui <strong>le</strong>s accomplit. Celui-ci est<br />

incité à mourir en échange d’une place au<br />

paradis, de la reconnaissance témoignée<br />

au martyr, d’avantages matériels <strong>et</strong> symboliques<br />

accordés à sa famil<strong>le</strong>. Il arrive<br />

que la dissociation entre l’acte terroriste<br />

<strong>et</strong> celui qui l’exécute fasse de ce dernier<br />

la proie d’une manipulation qui lui<br />

échappe. Ainsi <strong>des</strong> femmes tchétchènes<br />

rendues vulnérab<strong>le</strong>s par la perte de <strong>le</strong>urs<br />

proches sont recrutées pour transporter<br />

<strong>des</strong> explosifs <strong>des</strong>tinés à être activés<br />

par <strong>le</strong>s concepteurs de l’attentat qui restent<br />

en r<strong>et</strong>rait <strong>et</strong> choisissent <strong>le</strong> moment<br />

opportun 13 . Ces p<strong>et</strong>ites mains du <strong>terrorisme</strong><br />

savent seu<strong>le</strong>ment en l’occurrence<br />

qu’el<strong>le</strong>s doivent donner la mort <strong>et</strong> se la<br />

donner, mais l’initiative de la décision,<br />

ses tenants <strong>et</strong> ses aboutissants <strong>le</strong>ur échappent.<br />

El<strong>le</strong>s ne sont même pas considérées<br />

comme de véritab<strong>le</strong>s combattants <strong>et</strong> n’accèdent<br />

donc pas aux récompenses promises<br />

post mortem à ces derniers. Dans<br />

<strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> contemporain, l’exécution<br />

du meurtre peut ainsi être séparée de la<br />

décision de tuer.<br />

En dehors de ces situations où la mort<br />

est apportée par <strong>des</strong> agents dépourvus<br />

de toute autonomie, <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> procure<br />

quelques satisfactions à ceux qui s’y<br />

adonnent. Il donne accès à l’héroïsme, au<br />

moins sous une forme négative, ouverte à<br />

quiconque se sent tenté par un <strong>des</strong>tin de<br />

sacrificateur. Une tel<strong>le</strong> exaltation n’est<br />

pas dénuée de séductions, el<strong>le</strong> perm<strong>et</strong> de<br />

se prendre pour un justicier qui inflige<br />

<strong>des</strong> châtiments, rattrape <strong>le</strong>s impudents <strong>et</strong><br />

fait tremb<strong>le</strong>r tout <strong>le</strong> monde. El<strong>le</strong> ouvre<br />

une perspective à <strong>des</strong> yeux inconsolab<strong>le</strong>s<br />

de la vacuité ou de la déchéance de <strong>le</strong>ur<br />

existence. Lorenzaccio a si longtemps<br />

vécu dans l’entourage du tyran de Florence<br />

qu’il en a été irrémédiab<strong>le</strong>ment<br />

50 <strong>Revue</strong> <strong>des</strong> Sciences Socia<strong>le</strong>s, 2006, n° 35, “Nouvel<strong>le</strong>s figures de la <strong>guerre</strong>”


Pascal Hintermeyer<br />

<strong>Entre</strong> <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> <strong>paix</strong> : <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong><br />

compromis. Il a été associé à nombre<br />

de ses turpitu<strong>des</strong> <strong>et</strong> en a largement profité,<br />

en a même rajouté pour étourdir<br />

tout sens moral. C<strong>et</strong>te existence lui étant<br />

devenue insupportab<strong>le</strong>, il cherche à se<br />

rach<strong>et</strong>er en imputant sa propre responsabilité<br />

à l’influence du tyran <strong>et</strong> en utilisant<br />

sa proximité avec lui pour <strong>le</strong> tuer 14 . Ce<br />

tyrannicide issu de la corruption, qui fait<br />

office de substitut ou de préliminaire à<br />

la conviction, donne aujourd’hui lieu à<br />

une version démocratisée. Dans <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong>,<br />

quiconque peut servir de victime<br />

ou de bourreau expiatoire. La projection<br />

sur un autre d’une abomination dont on<br />

tient à s’expurger perm<strong>et</strong> d’envisager<br />

son extermination comme remède à la<br />

haine de soi.<br />

La justification altruiste du <strong>terrorisme</strong><br />

concerne diffici<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s conditions<br />

habituel<strong>le</strong>s de la vie socia<strong>le</strong> qui ménagent<br />

de multip<strong>le</strong>s opportunités moins paradoxa<strong>le</strong>s<br />

de se m<strong>et</strong>tre au service d’autrui.<br />

La démarche terroriste suppose <strong>des</strong> circonstances<br />

exceptionnel<strong>le</strong>s où <strong>le</strong>s intérêts<br />

fondamentaux d’une communauté, voire<br />

son existence se trouvent menacés. Mais<br />

même dans un tel contexte, ce serait<br />

à la représentation instituée de la col<strong>le</strong>ctivité<br />

d’en assurer la défense. Dans<br />

<strong>le</strong> cas où c<strong>et</strong>te autorité fait défaut ou a<br />

failli, l’entreprise terroriste prétend se<br />

substituer à el<strong>le</strong> de son propre chef. El<strong>le</strong><br />

refuse la perspective de l’anéantissement<br />

de la communauté défaite <strong>et</strong> se place<br />

sous <strong>le</strong> signe de l’esprit de résistance<br />

dont el<strong>le</strong> cherche à s’approprier <strong>et</strong> à se<br />

réserver la légitimité. El<strong>le</strong> s’autorise à<br />

bouscu<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s procédures ordinaires de la<br />

représentation d’une volonté col<strong>le</strong>ctive<br />

en raison du caractère imminent <strong>et</strong> irréversib<strong>le</strong><br />

du péril dénoncé. Le terroriste<br />

est une variante d’ « homme pressé » 15<br />

qui rej<strong>et</strong>te <strong>le</strong>s médiations instituées <strong>et</strong> <strong>le</strong>s<br />

délais qui en décou<strong>le</strong>nt pour exiger tout<br />

<strong>et</strong> tout de suite 16 . Il précipite <strong>le</strong> cours <strong>des</strong><br />

événement pour en inverser <strong>le</strong> sens. Il<br />

développe ainsi ce que l’on appelait dans<br />

l’Italie <strong>des</strong> années de plomb une « culture<br />

de l’état d’urgence » qu’il tente d’imposer<br />

autour de lui. Se légitimant lui-même par<br />

sa clairvoyance supposée <strong>et</strong> son esprit<br />

de sacrifice, il prend <strong>des</strong> initiatives aussi<br />

extrêmes que la situation pour témoigner<br />

de l’exigence de la survie, effective<br />

ou symbolique, d’une communauté en<br />

danger.<br />

L’action terroriste correspond à une<br />

doub<strong>le</strong> intention : secouer l’apathie de<br />

la col<strong>le</strong>ctivité dont el<strong>le</strong> se réclame <strong>et</strong><br />

inspirer la crainte à ses ennemis 17 . Le défi<br />

perm<strong>et</strong> à celui qui <strong>le</strong> lance de se placer<br />

symboliquement au-<strong>des</strong>sus de celui qu’il<br />

atteint. Il vise aussi à révé<strong>le</strong>r à tous que<br />

l’ennemi en apparence <strong>le</strong> plus redoutab<strong>le</strong><br />

n’est qu’un « tigre en papier », comme<br />

la rhétorique maoïste aimait à <strong>le</strong> répéter.<br />

C<strong>et</strong> objectif pédagogique était déjà<br />

poursuivi par <strong>le</strong>s activistes de la fin du<br />

XIX e sièc<strong>le</strong> qui préconisaient <strong>le</strong> recours à<br />

la « propagande par <strong>le</strong> fait » pour prouver<br />

que <strong>le</strong>s dominants pouvaient être défaits,<br />

sous réserve d’un engagement total dont<br />

<strong>le</strong>s militants devaient donner l’exemp<strong>le</strong>.<br />

Le <strong>terrorisme</strong> repose sur une croyance<br />

en la toute-puissance de la volonté 18 .<br />

L’exaltation de la certitude subjective<br />

peut al<strong>le</strong>r jusqu’au meurtre délibéré <strong>et</strong> à<br />

l’auto<strong>des</strong>truction.<br />

R<strong>et</strong>ourner la puissance<br />

contre el<strong>le</strong>-même<br />

■<br />

Ces significations symboliques viennent<br />

d’acquérir une efficacité prodigieuse<br />

en se conjuguant avec <strong>le</strong> précepte<br />

stratégique selon <strong>le</strong>quel <strong>le</strong>s victoires <strong>le</strong>s<br />

plus éclatantes s’obtiennent lorsque <strong>des</strong><br />

moyens infimes, mais appliqués à l’endroit<br />

décisif, parviennent à r<strong>et</strong>ourner la<br />

puissance contre el<strong>le</strong>-même. Les attentats<br />

du 11 septembre 2001 aux États-Unis<br />

n’ont pas utilisé d’armes de <strong>des</strong>truction<br />

massive ou de techniques sophistiquées,<br />

ils n’ont pas confirmé <strong>le</strong>s craintes liées<br />

à l’emploi d’agents chimiques, bactériologiques<br />

ou nucléaires. Ils ont proj<strong>et</strong>é<br />

sur <strong>des</strong> bâtiments américains <strong>des</strong> avions<br />

américains, détournés de <strong>le</strong>ur trajectoire<br />

initia<strong>le</strong> par <strong>des</strong> pirates formés par <strong>des</strong> instructeurs<br />

américains <strong>et</strong> armés de moyens<br />

rudimentaires, voire de simp<strong>le</strong>s cutters.<br />

La stupeur résulte de la disproportion<br />

entre la cause <strong>et</strong> l’eff<strong>et</strong>, de la prise de<br />

conscience qu’une vingtaine d’hommes<br />

décidés à mourir en exécutant <strong>le</strong>s plans<br />

d’une organisation criminel<strong>le</strong> constituent<br />

une immense force de <strong>des</strong>truction contre<br />

laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s protections techniquement<br />

élaborées jusqu’à présent ou <strong>le</strong>s boucliers<br />

anti-missi<strong>le</strong>s s’avèrent illusoires.<br />

On peut se demander pourquoi, après<br />

avoir percuté l’une <strong>des</strong> tours de Manhattan,<br />

<strong>le</strong>s terroristes s’en sont pris, dixhuit<br />

minutes plus tard, à sa jumel<strong>le</strong>. S’il<br />

s’agissait d’accroître <strong>le</strong> plus possib<strong>le</strong> <strong>le</strong><br />

carnage ou de donner l’impression d’une<br />

menace généralisée, d’autres objectifs<br />

auraient pu être choisis. En parachevant<br />

<strong>le</strong>ur entreprise, en orchestrant l’émulation<br />

concertée <strong>des</strong> deux commandos, <strong>le</strong>s<br />

organisateurs ont fait la preuve de <strong>le</strong>ur<br />

esprit de système, de <strong>le</strong>ur goût de la<br />

symétrie, de <strong>le</strong>ur obsession de la mise<br />

à mort complète. L’un <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s de ces<br />

frappes différées a aussi été d’attirer<br />

secouristes <strong>et</strong> médias, montrant que <strong>le</strong><br />

zè<strong>le</strong> <strong>des</strong> premiers pouvait accroître <strong>le</strong>s<br />

pertes infligées <strong>et</strong> donnant aux seconds<br />

<strong>le</strong> spectac<strong>le</strong> en direct de l’attaque de la<br />

seconde tour. D’autres réactions en chaîne<br />

devaient suivre. Les dégâts créés par<br />

l’impact <strong>des</strong> collisions ont été multipliés<br />

par ceux dus aux incendies <strong>et</strong> à l’effondrement<br />

<strong>des</strong> tours. La catastrophe s’est<br />

ensuite répercutée sur <strong>des</strong> pans entiers de<br />

l’économie <strong>et</strong> sur <strong>le</strong>s marchés financiers,<br />

faisant craindre la récession. Dans un<br />

contexte d’a<strong>le</strong>rte planétaire, <strong>le</strong>s réactions<br />

en chaîne <strong>le</strong>s plus dangereuses risquaient<br />

d’être d’ordre politique. Ainsi <strong>le</strong>s scènes<br />

de liesse qui se sont produites dans certaines<br />

rues pa<strong>le</strong>stiniennes pouvaient faire<br />

redouter une internationalisation du conflit<br />

du Proche-Orient. El<strong>le</strong>s ont en fait été<br />

rapidement désavouées par <strong>le</strong>s officiels <strong>et</strong><br />

compensées symboliquement par <strong>le</strong>s images<br />

du chef de l’Autorité pa<strong>le</strong>stinienne<br />

offrant son sang pour <strong>le</strong>s victimes <strong>des</strong><br />

attentats américains.<br />

Les journalistes se sont immédiatement<br />

emparés de ce flot d’images sans<br />

précédent qui représentaient pour eux une<br />

information par excel<strong>le</strong>nce, imprévue,<br />

inédite <strong>et</strong> efficiente, ainsi qu’une source<br />

d’émotions fortes. Les télévisions ont pu<br />

diffuser, avec <strong>le</strong>s images en direct de la<br />

catastrophe, l’onde de choc jusqu’au fond<br />

du pays <strong>et</strong> au bout du monde. El<strong>le</strong>s ont<br />

souligné l’audace <strong>et</strong> la coordination de<br />

ses auteurs <strong>et</strong>, pour rendre l’événement<br />

intelligib<strong>le</strong>, el<strong>le</strong>s n’ont pas tardé à <strong>le</strong><br />

m<strong>et</strong>tre en rapport avec <strong>des</strong> précédents,<br />

à constituer <strong>des</strong> séries, à l’inscrire dans<br />

une continuité dont il devenait l’aboutissement<br />

<strong>et</strong> <strong>le</strong> point d’orgue. La réalité<br />

prolongeait <strong>et</strong> dépassait la fiction <strong>des</strong><br />

polars, <strong>des</strong> films catastrophes <strong>et</strong> <strong>des</strong> jeux<br />

vidéos. El<strong>le</strong> pulvérisait <strong>le</strong>s bilans <strong>des</strong><br />

attentats terroristes <strong>le</strong>s plus meurtriers <strong>et</strong><br />

ne pouvait être comparée qu’à la tragédie<br />

de Pearl Harbour qui, soixante ans plus<br />

51


tôt, avait précipité l’Amérique dans la<br />

Seconde <strong>guerre</strong> mondia<strong>le</strong>.<br />

Le 7 décembre 1941, Pearl Harbour a<br />

certes créé la surprise <strong>et</strong> fait de nombreuses<br />

victimes américaines. Pour <strong>le</strong> reste, la<br />

situation était tota<strong>le</strong>ment différente. La<br />

<strong>guerre</strong> faisait rage en Europe <strong>et</strong> en Asie.<br />

Le président Roosevelt venait de prendre<br />

<strong>des</strong> sanctions économiques contre<br />

<strong>le</strong> Japon qui a répliqué par l’attaque de<br />

c<strong>et</strong>te base militaire américaine. Dans un<br />

contexte de <strong>guerre</strong>, un agresseur parfaitement<br />

identifié, un pays belligérant, s’est<br />

attaqué à une armée. Tous ces éléments<br />

font défaut dans <strong>le</strong>s attentats de septembre<br />

2001. La saturation en symbo<strong>le</strong>s <strong>et</strong><br />

<strong>le</strong> nombre de victimes masquent tant<br />

bien que mal <strong>le</strong> caractère ponctuel de ces<br />

attaques qu’aucun État n’était en mesure<br />

de revendiquer. Même <strong>le</strong>s talibans se<br />

sont hâtés de démentir toute implication<br />

de <strong>le</strong>ur pays <strong>et</strong> <strong>des</strong> « hôtes » arabes<br />

qu’il hébergeait, notamment <strong>le</strong> plus célèbre<br />

d’entre eux, dont ils disaient avoir<br />

perdu la trace. Cela n’a pas empêché <strong>le</strong>s<br />

États-Unis d’intervenir militairement en<br />

Afghanistan <strong>et</strong> d’y provoquer un changement<br />

de régime. Mais cela n’a pas suffi à<br />

éradiquer la menace. La « <strong>guerre</strong> contre<br />

<strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> » révè<strong>le</strong> ses différences avec<br />

la <strong>guerre</strong> traditionnel<strong>le</strong> <strong>et</strong> ses difficultés<br />

spécifiques. La suprématie militaire<br />

ne parvient pas à éliminer un ennemi<br />

constitué par un réseau de micro-groupes<br />

autonomes, susceptib<strong>le</strong>s de se fondre<br />

dans une population, de se replier dans<br />

<strong>des</strong> sanctuaires ou de se réfugier sur <strong>des</strong><br />

territoires incontrôlés. Un État peut agir<br />

sur un autre État mais, s’il entreprend de<br />

se substituer à lui pour mener <strong>des</strong> opérations<br />

de police, il suscite <strong>des</strong> résistances<br />

dont il est mal placé pour venir à bout. Et<br />

partout, <strong>le</strong> caractère intermittent, dispersé<br />

<strong>et</strong> impromptu <strong>des</strong> activités terroristes <strong>le</strong>s<br />

rend quasiment insaisissab<strong>le</strong>s. Comment<br />

détecter <strong>des</strong> cellu<strong>le</strong>s dormantes qui se<br />

caractérisent précisément par <strong>le</strong>ur immersion<br />

prolongée dans la société ambiante ?<br />

Comment empêcher que l’émotion consécutive<br />

à la couverture médiatique de<br />

conflits lointains ne suscite, comme en<br />

juill<strong>et</strong> 2005 à Londres, <strong>des</strong> initiatives de<br />

passage à l’acte terroriste ? L’absence<br />

de relations organisationnel<strong>le</strong>s entre <strong>le</strong>s<br />

prophètes de la vio<strong>le</strong>nce, <strong>le</strong>s prédicateurs<br />

<strong>et</strong> <strong>le</strong>s médias relayant <strong>le</strong>urs messages <strong>et</strong><br />

<strong>le</strong>s initiateurs d’attentats est la meil<strong>le</strong>ure<br />

garantie de sauvegarde de chacun de ces<br />

maillons de la chaîne terroriste.<br />

Les activistes terroristes <strong>et</strong> <strong>le</strong>s États<br />

qu’ils combattent sont actuel<strong>le</strong>ment au<br />

moins d’accord sur un point : présenter<br />

<strong>le</strong>ur combat comme une véritab<strong>le</strong> <strong>guerre</strong>.<br />

Toute une mise en scène tend à accréditer<br />

c<strong>et</strong>te interprétation. Des groupes sans<br />

relation adoptent non seu<strong>le</strong>ment <strong>des</strong> procédés<br />

techniques similaires, mais aussi<br />

<strong>des</strong> sty<strong>le</strong>s de performance semblab<strong>le</strong>s. On<br />

assiste d’ail<strong>le</strong>urs à une surenchère spectaculaire<br />

ces dernières années. La griffe<br />

Al Qaïda se reconnaît au nombre é<strong>le</strong>vé<br />

de victimes provoquées par <strong>des</strong> attentats<br />

suici<strong>des</strong> coordonnés <strong>et</strong> de préférence<br />

synchronisés. L’unité de temps, de lieu <strong>et</strong><br />

d’action, la maîtrise technique, la montée<br />

aux extrêmes de la <strong>des</strong>truction <strong>et</strong> du sacrifice,<br />

la diffusion d’images sanguinaires,<br />

la radicalité de revendications entrecoupées<br />

de si<strong>le</strong>nces prolongés induisent une<br />

condensation symbolique <strong>des</strong>tinée à produire<br />

l’impression d’une offensive tous<br />

azimuts <strong>et</strong> imparab<strong>le</strong>. Mais, quel<strong>le</strong> que<br />

soit la maestria déployée dans la conception<br />

<strong>et</strong> la mise en œuvre de scénarios<br />

catastrophes <strong>et</strong> la propension <strong>des</strong> États<br />

touchés à re<strong>le</strong>ver <strong>le</strong> défi par une riposte<br />

militaire, on peut se demander si l’assimilation<br />

à la <strong>guerre</strong> est la façon la plus<br />

appropriée d’appréhender une confrontation<br />

spécifique qui m<strong>et</strong> à mal la <strong>paix</strong><br />

socia<strong>le</strong> sans pour autant lui substituer<br />

la <strong>guerre</strong> proprement dite. Les menaces<br />

actuel<strong>le</strong>s devraient plutôt conduire à <strong>des</strong><br />

réf<strong>le</strong>xions relativisant <strong>et</strong> dépassant <strong>le</strong>s<br />

oppositions classiques de la <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> de<br />

la <strong>paix</strong>.<br />

En tant que technique d’extension <strong>et</strong> de<br />

radicalisation <strong>des</strong> conflits, <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> se<br />

veut prophétie, anticipation <strong>et</strong> catalyseur<br />

de la <strong>guerre</strong>. Il en simu<strong>le</strong> <strong>le</strong>s impératifs,<br />

<strong>le</strong>s opérations <strong>et</strong> la rhétorique. Mais, en<br />

dépit de coups d’éclat d’une envergure<br />

sans précédent, d’une exaltation accumulant<br />

<strong>le</strong>s signes d’une détermination<br />

à toute épreuve, d’une communication<br />

focalisée sur <strong>le</strong>s séries <strong>et</strong> <strong>le</strong>s records, ses<br />

performances restent ponctuel<strong>le</strong>s, épisodiques<br />

<strong>et</strong> dispersées. Si <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> ne<br />

parvient qu’à renouve<strong>le</strong>r <strong>des</strong> initiatives<br />

isolées, il signe son échec stratégique <strong>et</strong><br />

son incapacité à déc<strong>le</strong>ncher <strong>le</strong> conflit de<br />

plus grande amp<strong>le</strong>ur sur <strong>le</strong>quel il voulait<br />

déboucher. Ses chances de précipiter<br />

une course à la <strong>guerre</strong> dépendent de la<br />

réaction <strong>des</strong> États concernés. Pour ceux<br />

qui sont la cib<strong>le</strong> d’attentats, proclamer<br />

la « <strong>guerre</strong> au <strong>terrorisme</strong> » présente <strong>des</strong><br />

avantages à court terme. Cela montre <strong>le</strong>ur<br />

réactivité, soude la population autour de<br />

ses dirigeants <strong>et</strong> perm<strong>et</strong> éventuel<strong>le</strong>ment<br />

à ces derniers de justifier <strong>des</strong> ingérences<br />

extérieures. Mais <strong>le</strong>s offensives militaires<br />

peinant à écraser <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> <strong>et</strong> risquant<br />

au contraire de lui apporter de nouveaux<br />

adeptes, lui faire face suppose aussi <strong>et</strong><br />

surtout lui offrir moins de prises. Résister<br />

au <strong>terrorisme</strong> dans la durée requiert, dans<br />

la situation d’interdépendance accrue <strong>des</strong><br />

sociétés contemporaines, de limiter <strong>le</strong>s<br />

vulnérabilités qui en décou<strong>le</strong>nt. Assurer<br />

la défense de sociétés ouvertes <strong>et</strong><br />

comp<strong>le</strong>xes présente de multip<strong>le</strong>s difficultés.<br />

Le problème consiste notamment<br />

à maîtriser la peur, à ne pas céder à la<br />

paranoïa col<strong>le</strong>ctive qui est l’eff<strong>et</strong> recherché<br />

par <strong>le</strong>s entreprises terroristes 19 . La<br />

lutte contre <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> peut entraver <strong>le</strong><br />

dynamisme <strong>des</strong> sociétés touchées, mais<br />

el<strong>le</strong> peut aussi <strong>le</strong> stimu<strong>le</strong>r. C<strong>et</strong>te dernière<br />

possibilité suppose un renforcement du<br />

consensus démocratique, <strong>des</strong> va<strong>le</strong>urs sur<br />

<strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il repose <strong>et</strong> <strong>des</strong> procédures qui<br />

<strong>le</strong> m<strong>et</strong>tent en œuvre. Les options stratégiques<br />

envisageab<strong>le</strong>s sont aussi liées à la<br />

façon de présenter la menace. Pour <strong>des</strong><br />

terroristes, capab<strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>ment d’anticiper<br />

ponctuel<strong>le</strong>ment la <strong>guerre</strong>, ce serait<br />

une réussite que de voir <strong>le</strong>urs ennemis<br />

s’y précipiter <strong>et</strong> s’engouffrer dans un<br />

choc <strong>des</strong> civilisations. Pour éviter une<br />

tel<strong>le</strong> évolution, il convient de désamorcer<br />

l’escalade, de circonscrire <strong>le</strong> conflit,<br />

d’iso<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s responsab<strong>le</strong>s d’attentats. Cela<br />

suppose sans doute de résister plus fermement<br />

aux séductions de l’imaginaire<br />

du wargame. Seu<strong>le</strong> une riposte sé<strong>le</strong>ctive,<br />

maîtrisée <strong>et</strong> mesurée peut <strong>des</strong>serrer <strong>le</strong><br />

piège terroriste.<br />

52 <strong>Revue</strong> <strong>des</strong> Sciences Socia<strong>le</strong>s, 2006, n° 35, “Nouvel<strong>le</strong>s figures de la <strong>guerre</strong>”


Pascal Hintermeyer<br />

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Notes<br />

1. Clausewitz K. (von) , De la <strong>guerre</strong>, Paris,<br />

Minuit, 1955.<br />

2. Can<strong>et</strong>ti E., Masse und Macht, Hamburg,<br />

Classen Verlag, 1960.<br />

3. Bouthoul G., Les mentalités, Paris, P.U.F.,<br />

1954.<br />

4. Bouthoul G., Traité de polémologie, Paris,<br />

Payot, 1970.<br />

5. Spencer H., Principes de sociologie, Paris,<br />

F. Alcan, 1882-87.<br />

6. Aron R., Paix <strong>et</strong> <strong>guerre</strong> entre <strong>le</strong>s nations,<br />

Paris, Calmann-Lévy, 1962.<br />

7. Sanguin<strong>et</strong>ti G., Du <strong>terrorisme</strong> <strong>et</strong> de l’État,<br />

Paris, Le fin mot de l’histoire, 1980.<br />

8. Beck U., « La société du risque globalisé<br />

revue sous l’ang<strong>le</strong> de la menace terroriste<br />

», Cahiers internationaux de sociologie,<br />

Paris, 2003, p. 27-33.<br />

9. Idem.<br />

10. Servier J., Le <strong>terrorisme</strong>, Paris, P.U.F.,<br />

1982.<br />

11. Cannac R., N<strong>et</strong>chaïev. Du nihilisme au<br />

<strong>terrorisme</strong>, Paris, Pagot, 196.<br />

12. Dostoïevski F., Les démons (Les possédés<br />

dans d’autres traductions), Paris, Gallimard,<br />

1955.<br />

13. Youzik J., Les fiancées d’Allah, Paris,<br />

Presses de la cité, 2003.<br />

14. Muss<strong>et</strong> A. de, Lorenzaccio ou « un spectac<strong>le</strong><br />

dans un fauteuil, <strong>Revue</strong> <strong>des</strong> deux<br />

mon<strong>des</strong>, Paris, 1834.<br />

15. Morand P., L’homme pressé, Paris, Gallimard,<br />

1941.<br />

16. Hegel G., La phénoménologie de l’esprit,<br />

Paris, Aubier, 1944.<br />

17. Balandier G., Le désordre, Paris, Fayard,<br />

1988.<br />

18. Hegel G, op. cit.<br />

19. Barber B., L’empire de la peur. Terrorisme,<br />

<strong>guerre</strong>, démocratie, Fayard, 2003.<br />

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