Entre guerre et paix : le terrorisme - Revue des sciences sociales
Entre guerre et paix : le terrorisme - Revue des sciences sociales
Entre guerre et paix : le terrorisme - Revue des sciences sociales
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
PASCAL HINTERMEYER<br />
Laboratoire “Cultures <strong>et</strong> sociétés en Europe”<br />
(UMR du CNRS n° 7043)<br />
Université Marc Bloch, Strasbourg<br />
<br />
<strong>Entre</strong> <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> <strong>paix</strong> :<br />
<strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong><br />
Comment comprendre la succession<br />
<strong>des</strong> actions terroristes<br />
aujourd’hui ? Le monde contemporain<br />
présente <strong>des</strong> contrastes accusés. Il<br />
est parcouru par un processus de civilisation,<br />
il accroît <strong>le</strong>s relations d’interdépendance<br />
entre ses parties constitutives,<br />
il élabore <strong>des</strong> mécanismes de régulation<br />
<strong>des</strong> conflits qui <strong>le</strong> traversent, mais en<br />
même temps il ménage la possibilité<br />
récurrente de meurtres impromptus <strong>et</strong><br />
concertés qu’il peine à enrayer. Il a<br />
même de gran<strong>des</strong> difficultés, dans <strong>le</strong>s<br />
instances internationa<strong>le</strong>s notamment,<br />
à s’accorder sur une définition commune<br />
du <strong>terrorisme</strong>. Ce terme, employé<br />
avec une complaisance inflationniste <strong>et</strong><br />
doté de multip<strong>le</strong>s significations métaphoriques<br />
(<strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> intel<strong>le</strong>ctuel ou<br />
informatique par exemp<strong>le</strong>), suscite <strong>le</strong><br />
consensus au moins sur un point : il peut<br />
s’appliquer à d’autres mais rarement à<br />
soi-même. Il sert avant tout à disqualifier<br />
un ennemi <strong>et</strong> à s’autoriser tous <strong>le</strong>s<br />
moyens pour <strong>le</strong> combattre. Il est ainsi<br />
pris dans un tourbillon de confusions<br />
qui l’apparentent au mal, à la <strong>guerre</strong>,<br />
voire à une aire culturel<strong>le</strong>, idéologique<br />
ou religieuse réprouvée. Pour contribuer<br />
à démê<strong>le</strong>r c<strong>et</strong> écheveau, il convient<br />
d’abord de s’interroger sur <strong>le</strong>s rapports<br />
entre <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> <strong>terrorisme</strong> puisque <strong>le</strong>s<br />
deux termes sont aujourd’hui volontiers<br />
associés. Nous nous intéresserons<br />
éga<strong>le</strong>ment aux significations que revêt<br />
aujourd’hui <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong>, aux raisons<br />
susceptib<strong>le</strong>s de pousser à y recourir, aux<br />
caractéristiques de la stratégie qu’il m<strong>et</strong><br />
en œuvre. Cela nous perm<strong>et</strong>tra de m<strong>et</strong>tre<br />
en relief la surenchère contemporaine,<br />
mais aussi <strong>le</strong>s limites de ce type d’engagement.<br />
La <strong>guerre</strong> consiste en un recours illimité<br />
à la force visant à imposer sa propre<br />
volonté <strong>et</strong> à briser cel<strong>le</strong> de l’ennemi afin<br />
d’obtenir sa soumission. El<strong>le</strong> est «un<br />
acte de vio<strong>le</strong>nce <strong>des</strong>tiné à contraindre<br />
l’adversaire à exécuter notre volonté » 1 .<br />
El<strong>le</strong> comporte une dimension psychologique<br />
essentiel<strong>le</strong> puisqu’il s’agit de<br />
faire plier l’ennemi, de <strong>le</strong> faire passer<br />
de l’exaltation au découragement, de<br />
<strong>le</strong> priver de ses capacités de résistance<br />
<strong>et</strong> de riposte. Faire la <strong>guerre</strong>, c’est donc<br />
tenter d’inspirer la peur aux forces que<br />
l’on combat 2 . En fait cel<strong>le</strong>s-ci ne se<br />
composent souvent que d’une partie de<br />
la population d’un territoire. Ainsi, au<br />
Moyen-âge, <strong>le</strong>s <strong>guerre</strong>s sont avant tout<br />
une affaire de privilégiés qui se définissent<br />
par la possession <strong>des</strong> armes <strong>et</strong> de<br />
l’équipement appropriés, la maîtrise de<br />
<strong>le</strong>ur maniement, la capacité à conduire<br />
<strong>des</strong> opérations militaires. El<strong>le</strong>s sont à la<br />
fois incessantes, intermittentes <strong>et</strong> saisonnières.<br />
El<strong>le</strong>s se réactivent au printemps<br />
<strong>et</strong> s’interrompent lorsque <strong>le</strong>s armées<br />
prennent <strong>le</strong>urs « quartiers d’hiver ». El<strong>le</strong>s<br />
peuvent se prolonger pendant de longues<br />
pério<strong>des</strong>, jusqu’à cent ans, voire devenir<br />
endémiques. De tel<strong>le</strong>s durées signa<strong>le</strong>nt<br />
toutefois de gran<strong>des</strong> différences avec <strong>le</strong>s<br />
<strong>guerre</strong>s ultérieures. La distinction entre<br />
l’état de <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> l’état de <strong>paix</strong> n’a pas<br />
été toujours aussi n<strong>et</strong>te qu’on l’imagine<br />
à l’époque moderne. La <strong>guerre</strong> médiéva<strong>le</strong><br />
est une activité spécialisée, séparée,<br />
qui n’affecte pas toute la vie socia<strong>le</strong>.<br />
El<strong>le</strong> s’impose aussi <strong>des</strong> limitations en se<br />
conformant plus ou moins à <strong>des</strong> règ<strong>le</strong>s<br />
dans l’affrontement <strong>et</strong> à une déontologie<br />
fondée sur <strong>le</strong> sens de l’honneur <strong>et</strong> la<br />
protection <strong>des</strong> plus vulnérab<strong>le</strong>s.<br />
Les restrictions à l’usage incontrôlé<br />
de la vio<strong>le</strong>nce s’amplifient à mesure que<br />
<strong>le</strong> pouvoir royal parvient à établir son<br />
ascendant sur la nob<strong>le</strong>sse d’épée <strong>et</strong> à la<br />
subordonner étroitement à ses intérêts.<br />
Il s’efforce de faire prévaloir <strong>le</strong> monopo<strong>le</strong><br />
de la vio<strong>le</strong>nce physique légitime<br />
sur un territoire déterminé. La <strong>guerre</strong><br />
devient alors sa prérogative exclusive.<br />
Il y recourt pour accroître sa puissance<br />
par rapport aux autres États. Il entr<strong>et</strong>ient<br />
avec ceux-ci <strong>des</strong> relations suivies, obéissant<br />
à <strong>des</strong> usages protocolaires précis,<br />
susceptib<strong>le</strong>s d’exprimer <strong>le</strong>s nuances <strong>des</strong><br />
relations mutuel<strong>le</strong>s. Lorsque ces dernières<br />
se détériorent, la tension est marquée<br />
par une gradation de signes, du rappel<br />
de l’ambassadeur jusqu’à la rupture <strong>des</strong><br />
relations diplomatiques, l’adresse d’un<br />
ultimatum, l’ouverture <strong>des</strong> hostilités.<br />
L’entrée en <strong>guerre</strong> est so<strong>le</strong>nnisée par<br />
une déclaration qui introduit dans un<br />
46
Pascal Hintermeyer<br />
<strong>Entre</strong> <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> <strong>paix</strong> : <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong><br />
autre univers moral, 3 . La <strong>guerre</strong> a été<br />
analysée comme une inversion <strong>des</strong> principes<br />
de la vie socia<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> transforme<br />
<strong>le</strong>s incitations à la coopération <strong>et</strong> à l’accumulation<br />
<strong>des</strong> richesses en impératif de<br />
<strong>des</strong>truction 4 . À la rationalité, la communication,<br />
la délibération, el<strong>le</strong> substitue la<br />
haine à l’égard de l’ennemi <strong>et</strong> l’injonction<br />
de <strong>le</strong> tuer. El<strong>le</strong> lève l’interdit du meurtre<br />
au nom de la défense <strong>des</strong> intérêts fondamentaux<br />
de la col<strong>le</strong>ctivité <strong>et</strong> de l’ordre<br />
donné par ceux qui assument la charge de<br />
la protéger. Le resserrement hiérarchique<br />
rend <strong>le</strong> commandement absolu <strong>et</strong> l’obéissance<br />
complète. L’autonomie de chacun<br />
est étroitement subordonnée au groupe<br />
<strong>et</strong> à ses dirigeants. « La possession de<br />
l’individu par l’État est <strong>le</strong> caractère de<br />
l’état social adapté à la <strong>guerre</strong> » 5 . Comme<br />
cel<strong>le</strong>-ci modifie profondément la tonalité,<br />
l’organisation <strong>et</strong> <strong>le</strong>s principes de la vie<br />
socia<strong>le</strong>, <strong>des</strong> règ<strong>le</strong>s régissent <strong>le</strong> début, <strong>le</strong><br />
dérou<strong>le</strong>ment <strong>et</strong> la suspension <strong>des</strong> hostilités.<br />
Ces efforts pour imposer un cadre<br />
<strong>et</strong> <strong>des</strong> limites à la <strong>guerre</strong> se prolongent,<br />
à partir du début du XIX e sièc<strong>le</strong>, par<br />
l’adoption d’autres conventions portant,<br />
même en situation de <strong>guerre</strong>, sur la protection<br />
<strong>des</strong> b<strong>le</strong>ssés, <strong>des</strong> prisonniers <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />
civils. Mais ces dispositions n’ont pas<br />
suffi à atténuer <strong>le</strong>s horreurs <strong>des</strong> <strong>guerre</strong>s.<br />
Les efforts pour jugu<strong>le</strong>r la sauvagerie<br />
<strong>des</strong> passions belligènes se heurtent bien<br />
sûr aux contextes où <strong>le</strong>s États ne parviennent<br />
pas à se réserver <strong>le</strong> monopo<strong>le</strong><br />
de l’exercice de la vio<strong>le</strong>nce. Cel<strong>le</strong>-ci est<br />
diffici<strong>le</strong> à contrô<strong>le</strong>r là où el<strong>le</strong> résulte<br />
d’initiatives privées, soit à l’intérieur <strong>des</strong><br />
frontières étatiques du fait d’exactions<br />
provoquées par <strong>des</strong> ban<strong>des</strong> armées, soit<br />
sur <strong>le</strong>s eaux internationa<strong>le</strong>s en raison<br />
d’entreprises de piraterie. Surtout, l’incapacité<br />
à restreindre la vio<strong>le</strong>nce est imputab<strong>le</strong><br />
aux États eux-mêmes. En eff<strong>et</strong>, <strong>le</strong>s<br />
<strong>guerre</strong>s qu’ils mènent sont susceptib<strong>le</strong>s<br />
de bascu<strong>le</strong>r dans la vio<strong>le</strong>nce généralisée,<br />
pour peu qu’el<strong>le</strong>s visent à conquérir<br />
<strong>des</strong> populations ou encore qu’el<strong>le</strong>s<br />
comportent <strong>des</strong> dimensions religieuses,<br />
idéologiques ou nationa<strong>le</strong>s exacerbées.<br />
Les <strong>guerre</strong>s de conquête, comme cel<strong>le</strong>s<br />
menées par <strong>le</strong>s Mongols au XIV e sièc<strong>le</strong>,<br />
visent à dominer de vastes territoires en<br />
inspirant systématiquement la terreur aux<br />
populations civi<strong>le</strong>s, dans l’espoir de s’assurer<br />
<strong>le</strong>ur docilité . Cel<strong>le</strong>s-ci deviennent<br />
aussi une cib<strong>le</strong> privilégiée de ces <strong>guerre</strong>s<br />
que Clausewitz appel<strong>le</strong> absolues parce<br />
qu’el<strong>le</strong>s cherchent à annihi<strong>le</strong>r l’ennemi.<br />
Ce fut <strong>le</strong> cas <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> <strong>guerre</strong>s religieuses,<br />
notamment cel<strong>le</strong> de Trente ans,<br />
qui décima une proportion importante de<br />
la population al<strong>le</strong>mande dans la première<br />
moitié du XVII e sièc<strong>le</strong> <strong>et</strong> qui fut émaillée<br />
de massacres comme <strong>le</strong> sac de Magdebourg<br />
en 1631. Les initiatives de régénération<br />
col<strong>le</strong>ctive ont une propension<br />
remarquab<strong>le</strong> à faire cou<strong>le</strong>r massivement<br />
<strong>le</strong> sang.<br />
Dans <strong>le</strong> but d’affranchir <strong>et</strong> de libérer<br />
<strong>le</strong>s hommes, la Révolution française en a<br />
tué beaucoup. El<strong>le</strong> a aussi représenté une<br />
inf<strong>le</strong>xion majeure dans l’évolution de la<br />
<strong>guerre</strong>. Ayant supprimé <strong>le</strong>s privilèges <strong>et</strong><br />
donc l’ordre constitué par la nob<strong>le</strong>sse,<br />
dont la vocation était de porter <strong>le</strong>s armes,<br />
el<strong>le</strong> fut prise au dépourvu lorsque son<br />
idéal de fraternisation universel<strong>le</strong> <strong>et</strong> de<br />
<strong>paix</strong> perpétuel<strong>le</strong> se transforma en une<br />
situation où el<strong>le</strong> dut mener la <strong>guerre</strong><br />
contre l’Europe coalisée. El<strong>le</strong> eut alors<br />
recours, pour compenser son infériorité<br />
technique par une supériorité numérique,<br />
à la conscription, à la <strong>le</strong>vée en masse,<br />
à l’offensive à outrance. Le terme de<br />
<strong>terrorisme</strong> apparut dans ce contexte en<br />
référence à un système de gouvernement<br />
appelé La Terreur. Cel<strong>le</strong>-ci m<strong>et</strong> en place<br />
systématiquement <strong>des</strong> mesures exceptionnel<strong>le</strong>s<br />
de coercition <strong>et</strong> de répression<br />
conçues comme un moyen de sauver la<br />
patrie en danger <strong>et</strong> de conduire la <strong>guerre</strong>.<br />
Les premiers terroristes furent <strong>des</strong> par<strong>le</strong>mentaires,<br />
<strong>des</strong> membres de la Convention<br />
envoyés en tant que représentants en mission<br />
dans <strong>le</strong>s provinces pour y galvaniser<br />
<strong>le</strong>s énergies <strong>et</strong> y exercer <strong>des</strong> pouvoirs<br />
exceptionnels illimités <strong>le</strong>s autorisant à<br />
prendre toute disposition propre à stimu<strong>le</strong>r<br />
la défense nationa<strong>le</strong>.<br />
De moyen de mener la <strong>guerre</strong>, <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong><br />
se transforme ensuite en tentative<br />
visant à l’anticiper. Le long XIX e sièc<strong>le</strong><br />
est agité par <strong>le</strong>s revendications socia<strong>le</strong>s<br />
<strong>et</strong> nationa<strong>le</strong>s. Ceux qui souhaitent <strong>le</strong>s<br />
amplifier <strong>et</strong> <strong>le</strong>s faire déboucher sur la<br />
<strong>guerre</strong> de classe ou la <strong>guerre</strong> d’indépendance<br />
peuvent adopter <strong>des</strong> métho<strong>des</strong><br />
visant à précipiter <strong>le</strong> conflit. Dans l’espoir<br />
de provoquer une escalade <strong>des</strong> hostilités,<br />
ils tentent en particulier d’assassiner <strong>le</strong>s<br />
dirigeants de l’État abhorré. Il arrive<br />
que de tels procédés aboutissent à un<br />
engrenage irréversib<strong>le</strong> de la vio<strong>le</strong>nce.<br />
Le succès <strong>le</strong> plus compl<strong>et</strong> de ce point de<br />
vue a sans doute dépassé l’attente de son<br />
auteur. Il s’est produit en août 1914 lors<br />
de l’assassinat à Sarajevo de l’archiduc<br />
François-Ferdinand, héritier de l’empire<br />
austro-hongrois. C<strong>et</strong> attentat a provoqué<br />
la Première <strong>guerre</strong> mondia<strong>le</strong> en déc<strong>le</strong>nchant<br />
un processus fréquemment analysé<br />
par <strong>le</strong>s historiens comme une réaction en<br />
chaîne. Le terroriste se veut l’augure, <strong>le</strong><br />
catalyseur <strong>et</strong> l’avant-garde de la <strong>guerre</strong>. Il<br />
est rare que son rô<strong>le</strong> soit aussi décisif.<br />
Les rapports entre <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> <strong>et</strong> la<br />
<strong>guerre</strong> sont liés aux évolutions que c<strong>et</strong>te<br />
dernière a connues au cours <strong>des</strong> deux derniers<br />
sièc<strong>le</strong>s. Pendant c<strong>et</strong>te période, el<strong>le</strong><br />
a considérab<strong>le</strong>ment accru ses capacités<br />
meurtrières. M<strong>et</strong>tant en œuvre <strong>des</strong> techniques<br />
toujours plus efficaces, el<strong>le</strong> absorbe<br />
aussi <strong>des</strong> ressources croissantes <strong>des</strong> belligérants<br />
<strong>et</strong> n’épargne rien ni personne. La<br />
dimension psychologique, fondamenta<strong>le</strong><br />
dans toute <strong>guerre</strong>, a pris <strong>des</strong> proportions<br />
considérab<strong>le</strong>s. El<strong>le</strong> a conduit à terroriser<br />
<strong>et</strong> à bombarder <strong>des</strong> populations civi<strong>le</strong>s,<br />
notamment à Londres, Dresde, Hiroshima.<br />
Avec l’utilisation de l’arme nucléaire<br />
contre c<strong>et</strong>te dernière vil<strong>le</strong>, <strong>le</strong> crescendo<br />
dans l’horreur a connu son acmé. Depuis,<br />
<strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s puissances se livrent à une<br />
course aux armements tout en s’interdisant<br />
l’emploi de <strong>le</strong>ur arsenal atomique<br />
dont <strong>le</strong>s eff<strong>et</strong>s <strong>des</strong>tructeurs sur l’humanité<br />
seraient imprévisib<strong>le</strong>s. Ce coup d’arrêt<br />
n’a pas aboli <strong>le</strong>s confrontations armées,<br />
qui sont souvent devenues plus indirectes.<br />
Les plus puissants <strong>le</strong>s mènent par<br />
alliés périphériques interposés (en Corée,<br />
Indochine, Amérique latine) <strong>et</strong> plus souvent<br />
encore dans l’ombre <strong>des</strong> services<br />
secr<strong>et</strong>s. Le processus de décolonisation a<br />
aussi démultiplié <strong>des</strong> conflits volontiers<br />
présentés par <strong>le</strong>s métropo<strong>le</strong>s en fonction<br />
de la nécessité d’assurer l’ordre public.<br />
Malgré <strong>le</strong>s euphémismes utilisés, <strong>des</strong><br />
« événements » d’Algérie aux opérations<br />
de maintien de la <strong>paix</strong>, l’instabilité <strong>et</strong> <strong>le</strong>s<br />
affrontements armés sont présents dans<br />
beaucoup d’endroits de la planète.<br />
Dès <strong>le</strong>s années 1960, Raymond Aron<br />
remarque que <strong>le</strong> monde contemporain<br />
recè<strong>le</strong> de nombreuses situations intermédiaires<br />
entre la <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> la <strong>paix</strong> 6 .<br />
Le <strong>terrorisme</strong> participe de ce brouillage<br />
<strong>des</strong> repères. Il troub<strong>le</strong> la vie socia<strong>le</strong> par<br />
l’irruption inopinée d’actes d’hostilité. Si<br />
la distinction entre <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> <strong>paix</strong> implique<br />
<strong>des</strong> relations socia<strong>le</strong>s différentes,<br />
<strong>le</strong>ur indistinction provoque de profon<strong>des</strong><br />
perturbations dans <strong>le</strong>s manières de vivre<br />
47
ensemb<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> ramène <strong>le</strong>s sociétés à un<br />
stade où la sûr<strong>et</strong>é reste incertaine <strong>et</strong> à la<br />
merci d’initiatives visant à la comprom<strong>et</strong>tre.<br />
Des <strong>guerre</strong>s<br />
nécessaires<br />
<strong>et</strong> impossib<strong>le</strong>s<br />
La possibilité d’actions terroristes<br />
perpétrées par de p<strong>et</strong>its groupes déterminés<br />
rem<strong>et</strong> en cause la prétention moderne<br />
à limiter la vio<strong>le</strong>nce <strong>et</strong> à en réserver l’administration<br />
réglée à l’État. Celui-ci doit<br />
aujourd’hui compter avec <strong>des</strong> entreprises<br />
semant la terreur afin de déstabiliser <strong>des</strong><br />
populations. Il doit aussi se garder de ses<br />
propres tendances à réagir, ne serait-ce<br />
qu’incidemment <strong>et</strong> partiel<strong>le</strong>ment, avec <strong>le</strong>s<br />
procédés employés contre lui. Les métho<strong>des</strong><br />
terroristes établissent <strong>le</strong>ur ascendant<br />
par <strong>le</strong>ur capacité à gagner ceux contre<br />
<strong>le</strong>squels el<strong>le</strong>s sont dirigées. Dans certaines<br />
situations, el<strong>le</strong>s constituent en eff<strong>et</strong><br />
une alternative à la <strong>guerre</strong> dont el<strong>le</strong>s<br />
perm<strong>et</strong>tent de minorer <strong>le</strong>s risques <strong>et</strong><br />
<strong>le</strong>s coûts. Les co<strong>des</strong> réglant l’expression<br />
<strong>des</strong> relations internationa<strong>le</strong>s s’en trouvent<br />
modifiés. Un exemp<strong>le</strong> illustre combien <strong>le</strong><br />
registre de l’agression déteint sur celui<br />
de la riposte. Lorsqu’en 1983 une bombe<br />
explose dans une discothèque fréquentée<br />
par <strong>des</strong> soldats américains à Berlin, <strong>le</strong><br />
président Reagan y décè<strong>le</strong> l’œuvre de la<br />
Lybie. Il envoie alors <strong>des</strong> avions bombarder<br />
<strong>le</strong>s deux vil<strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s de ce<br />
pays. C<strong>et</strong> épisode montre que même une<br />
« superpuissance » peut comm<strong>et</strong>tre <strong>des</strong><br />
actes d’agression contre un pays souverain<br />
en jouant sur l’eff<strong>et</strong> de surprise, en<br />
s’en prenant à <strong>des</strong> populations civi<strong>le</strong>s,<br />
mais sans déclaration officiel<strong>le</strong> <strong>des</strong> hostilités.<br />
Ainsi s’affranchit-on <strong>des</strong> règ<strong>le</strong>s<br />
de la <strong>guerre</strong> dans l’espoir d’en éviter <strong>le</strong>s<br />
inconvénients. Les États tirent occasionnel<strong>le</strong>ment<br />
parti de ressources stratégiques<br />
qui sont d’ordinaire utilisées par de p<strong>et</strong>its<br />
groupes spécialisés dans <strong>le</strong>ur mise en<br />
œuvre.<br />
Les risques d’usage incontrôlé de la<br />
vio<strong>le</strong>nce sont potentialisés par <strong>le</strong>s processus<br />
mimétiques entre États <strong>et</strong> groupes<br />
terroristes. Ceux-ci ont tendance à se<br />
prendre pour de quasi-États <strong>et</strong> à affirmer<br />
<strong>le</strong>s attributs de la souverain<strong>et</strong>é de manière<br />
d’autant plus caricatura<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> <strong>le</strong>ur<br />
est refusée. Ils imitent <strong>le</strong>s institutions<br />
■<br />
régaliennes, en particulier l’armée <strong>et</strong> la<br />
justice. Ils prétendent instruire <strong>des</strong> procès<br />
<strong>et</strong> exécuter <strong>des</strong> sentences. Ils revendiquent<br />
un usage absolu de la raison d’État<br />
<strong>et</strong> en particulier <strong>le</strong> droit de m<strong>et</strong>tre à mort<br />
ennemis, traîtres <strong>et</strong> coupab<strong>le</strong>s. Inversement<br />
<strong>le</strong>s États confrontés à <strong>des</strong> entreprises<br />
terroristes ont tendance à adopter<br />
<strong>des</strong> mesures d’exception dans l’espoir<br />
de « terroriser <strong>le</strong>s terroristes », selon une<br />
formulation employée par un ancien<br />
ministre de l’intérieur (Char<strong>le</strong>s Pasqua).<br />
C<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> est attendu de restrictions <strong>des</strong><br />
libertés publiques qui sont supposées<br />
entraver <strong>le</strong>s initiatives hosti<strong>le</strong>s mais qui<br />
imposent à l’ensemb<strong>le</strong> de la population<br />
une situation où <strong>le</strong>s acquis de la <strong>paix</strong> <strong>et</strong><br />
de la démocratie sont malmenés.<br />
Le face à face entre l’État <strong>et</strong> <strong>le</strong>s activistes<br />
terroristes s’effectue surtout au<br />
détriment de la population concernée.<br />
Un État peut tirer parti de l’existence<br />
d’un ennemi discrédité <strong>et</strong> marginal, ce<br />
qui conduit certains auteurs à considérer<br />
que ses services secr<strong>et</strong>s manipu<strong>le</strong>nt<br />
<strong>le</strong>s groupes terroristes <strong>et</strong> <strong>le</strong>s réactivent<br />
<strong>le</strong> cas échéant 7 . Toujours est-il que la<br />
population civi<strong>le</strong> fait <strong>le</strong>s frais de c<strong>et</strong>te<br />
confrontation, tant du fait du renforcement<br />
<strong>des</strong> contrô<strong>le</strong>s <strong>et</strong> de la limitation <strong>des</strong><br />
libertés qu’en raison <strong>des</strong> pertes en son<br />
sein <strong>et</strong> du climat général qui s’instaure.<br />
La stratégie terroriste repose en eff<strong>et</strong> sur<br />
la distinction <strong>et</strong> l’imbrication de plusieurs<br />
niveaux. Pour faire pression sur un État<br />
ou <strong>le</strong> déstabiliser, une vio<strong>le</strong>nce ou une<br />
menace de vio<strong>le</strong>nce est exercée ponctuel<strong>le</strong>ment<br />
sur <strong>des</strong> individus afin de semer la<br />
peur dans <strong>le</strong> groupe dont ils font parti<br />
<strong>et</strong> d’atteindre l’autorité politique dont il<br />
relève. La société civi<strong>le</strong> est donc utilisée<br />
comme <strong>le</strong>vier dans une confrontation qui<br />
la dépasse.<br />
Le <strong>terrorisme</strong> a <strong>des</strong> chances de se<br />
développer là où la <strong>guerre</strong> est à la fois<br />
nécessaire <strong>et</strong> impossib<strong>le</strong>. La <strong>guerre</strong><br />
apparaît comme nécessaire lorsque <strong>le</strong>s<br />
points de vue sont inconciliab<strong>le</strong>s <strong>et</strong> qu’un<br />
compromis ne parvient pas à se dégager<br />
entre <strong>le</strong>s positions prêtes à s’affronter.<br />
L’antagonisme est ainsi souvent irréductib<strong>le</strong><br />
lorsqu’il porte sur <strong>des</strong> questions de<br />
souverain<strong>et</strong>é. Mais une <strong>guerre</strong> nécessaire<br />
peut s’avérer impossib<strong>le</strong> à mener, en raison<br />
de ses conséquences prévisib<strong>le</strong>s pour<br />
l’un au moins <strong>des</strong> belligérants. Lorsque <strong>le</strong><br />
potentiel <strong>des</strong>tructeur <strong>des</strong> armes accumulées<br />
dissuade de s’en servir, la situation<br />
peut être analysée comme une <strong>guerre</strong><br />
froide où <strong>le</strong>s confrontations se font sur<br />
un mode indirect. Lorsque la disproportion<br />
<strong>des</strong> forces en présence ne laisse à<br />
la partie la plus faib<strong>le</strong> aucune chance de<br />
l’emporter, cel<strong>le</strong>-ci se trouve empêchée<br />
de conduire une <strong>guerre</strong> directe, el<strong>le</strong> peut<br />
alors opter pour <strong>des</strong> actions ponctuel<strong>le</strong>s.<br />
Des opérations<br />
ponctuel<strong>le</strong>s<br />
symboliques<br />
Le <strong>terrorisme</strong> apparaît souvent de nos<br />
jours comme un substitut de la <strong>guerre</strong>.<br />
Il adopte <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> qui présentent<br />
certains avantages tactiques <strong>et</strong> peuvent<br />
compenser quelque peu un déséquilibre<br />
à son détriment. D’abord il frappe à<br />
l’improviste, en s’attaquant à <strong>des</strong> cib<strong>le</strong>s<br />
qui ne se tiennent pas sur <strong>le</strong>urs gar<strong>des</strong>.<br />
L’action terroriste consiste à préparer<br />
méticu<strong>le</strong>usement <strong>et</strong> secrètement <strong>des</strong> coups<br />
qui seront ensuite portés au moment <strong>et</strong> à<br />
l’endroit où l’ennemi ne s’y attend pas <strong>et</strong><br />
n’a donc pas pris de disposition efficace<br />
pour <strong>le</strong>s parer. L’impératif de discrétion<br />
est adapté à de p<strong>et</strong>its effectifs composant<br />
une microcellu<strong>le</strong> largement autonome <strong>et</strong><br />
diffici<strong>le</strong> à infiltrer. Les opérations menées<br />
n’atteignant qu’une p<strong>et</strong>ite partie <strong>des</strong><br />
forces ennemies, el<strong>le</strong>s sont montées avec<br />
soin. Le choix de l’objectif est important.<br />
Comme il est limité, il doit avoir une<br />
signification plus étendue, représenter<br />
une métonymie de l’ennemi dans son<br />
ensemb<strong>le</strong>. Un procédé classique du<br />
<strong>terrorisme</strong> consiste à frapper <strong>des</strong> cib<strong>le</strong>s à<br />
forte charge symbolique. C’est ainsi que<br />
<strong>des</strong> dirigeants ont été assassinés un peu<br />
partout en Europe à la fin du XIX e <strong>et</strong> au<br />
début du XX e sièc<strong>le</strong> ainsi que dans <strong>le</strong>s<br />
années 1970 en Al<strong>le</strong>magne <strong>et</strong> en Italie.<br />
De même, un préf<strong>et</strong> de la République a<br />
été exécuté en Corse. Depuis quelques<br />
années, <strong>le</strong>s terroristes cherchent aussi à<br />
s’en prendre à <strong>des</strong> lieux emblématiques<br />
du pays visé. Déjà à la fin de l’année<br />
1994, l’avion d’Air France détourné<br />
sur l’aéroport d’Alger devait servir de<br />
projecti<strong>le</strong> contre la tour Eiffel.<br />
La dimension symbolique du <strong>terrorisme</strong><br />
est essentiel<strong>le</strong>. Les cib<strong>le</strong>s visées doivent<br />
pouvoir être présentées comme une<br />
condensation de la puissance attaquée.<br />
C<strong>et</strong>te association d’idées est souvent<br />
appuyée par une rhétorique volontiers<br />
■<br />
48 <strong>Revue</strong> <strong>des</strong> Sciences Socia<strong>le</strong>s, 2006, n° 35, “Nouvel<strong>le</strong>s figures de la <strong>guerre</strong>”
Pascal Hintermeyer<br />
<strong>Entre</strong> <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> <strong>paix</strong> : <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong><br />
Daniel Depoutot : Dragon, 2003.<br />
redondante, insistant sur l’appartenance<br />
de la victime à un ensemb<strong>le</strong> ou à un<br />
« système » honni. Les <strong>des</strong>tructions infligées<br />
en 2001 au World Trade Center <strong>et</strong><br />
au Pentagone suggèrent que <strong>le</strong>s centres<br />
financier <strong>et</strong> militaire de la principa<strong>le</strong><br />
puissance mondia<strong>le</strong> seraient touchés. Le<br />
<strong>terrorisme</strong> veut atteindre un ensemb<strong>le</strong><br />
à travers la vio<strong>le</strong>nce faite à une de ses<br />
parties significatives. À défaut de pouvoir<br />
s’en prendre fronta<strong>le</strong>ment à la col<strong>le</strong>ctivité,<br />
il tente de la « frapper au cœur ».<br />
Celui-ci ne se limite plus aujourd’hui<br />
aux principaux dirigeants qui sont généra<strong>le</strong>ment<br />
bien gardés <strong>et</strong> très protégés,<br />
si bien qu’ils sont diffici<strong>le</strong>s à atteindre.<br />
Mais même lorsqu’ils sont effectivement<br />
éliminés, comme ce fut <strong>le</strong> cas <strong>des</strong> chefs<br />
d’État victimes d’attentats anarchistes<br />
à la fin du XIX e sièc<strong>le</strong>, d’Aldo Moro,<br />
<strong>le</strong> <strong>le</strong>ader de la Démocratie chrétienne<br />
exécuté en Italie par <strong>le</strong>s Briga<strong>des</strong> Rouges<br />
ou de Georges Besse, <strong>le</strong> PDG de Renault<br />
assassiné par <strong>le</strong> groupe Action directe,<br />
l’impact symbolique reste primordial. En<br />
eff<strong>et</strong> éliminer ces décideurs ne suffit pas<br />
à vaincre l’institution visée à travers eux.<br />
En l’occurrence, l’État ou <strong>le</strong> capitalisme<br />
survivent aisément à la disparition de<br />
quelques uns de <strong>le</strong>urs membres, y compris<br />
ceux qui occupent <strong>le</strong>s fonctions <strong>le</strong>s<br />
plus é<strong>le</strong>vées, qui sont <strong>des</strong>tinés à passer<br />
la main <strong>et</strong> à être remplacés, à plus ou<br />
moins long terme. L’opération terroriste<br />
parvient seu<strong>le</strong>ment, en cas de succès,<br />
à devancer c<strong>et</strong>te échéance nécessaire.<br />
Lorsqu’el<strong>le</strong> arrive à ses fins, el<strong>le</strong> hâte <strong>le</strong><br />
renouvel<strong>le</strong>ment du personnel dirigeant<br />
<strong>des</strong> institutions touchées, qui se trouvent<br />
de la sorte protégées d’un risque d’immobilisme<br />
<strong>et</strong> de sclérose. Les eff<strong>et</strong>s du<br />
<strong>terrorisme</strong> sont souvent paradoxaux. De<br />
plus la prépondérance de la dimension<br />
symbolique autorise une diversification<br />
<strong>des</strong> cib<strong>le</strong>s potentiel<strong>le</strong>s. En Égypte ou en<br />
Indonésie, ce sont <strong>des</strong> touristes. À New<br />
York <strong>et</strong> Washington, c’est la multitude<br />
anonyme qui contribue dans l’ombre <strong>des</strong><br />
bureaux à la puissance de l’Amérique. À<br />
Madrid <strong>et</strong> à Londres, ce sont <strong>le</strong>s usagers<br />
<strong>des</strong> transports en commun.<br />
Avec <strong>le</strong> développement du <strong>terrorisme</strong>,<br />
<strong>le</strong>s rapports sociaux deviennent une<br />
source potentiel<strong>le</strong> de danger, lorsqu’ils<br />
m<strong>et</strong>tent en présence <strong>des</strong> inconnus dans<br />
<strong>des</strong> lieux de transit ou de passage. La<br />
méfiance s’instil<strong>le</strong> dans l’espace public<br />
<strong>et</strong> el<strong>le</strong> peut y favoriser la suspicion généralisée.<br />
Face à toute catastrophe, voire<br />
à tout dysfonctionnement, on en vient à<br />
se demander s’ils ne sont pas intentionnels.<br />
Dans l’explosion de l’usine AZF<br />
à Toulouse, dans la panne <strong>des</strong> réseaux<br />
é<strong>le</strong>ctriques de Los Ange<strong>le</strong>s, se r<strong>et</strong>rouve<br />
la tendance à rechercher <strong>le</strong>s indices d’un<br />
plan ourdi par un mauvais génie contre<br />
ses contemporains. Dans la société du<br />
risque, il est devenu diffici<strong>le</strong> de faire<br />
la part de ceux qui sont imputab<strong>le</strong>s à<br />
une volonté <strong>des</strong>tructrice. Le <strong>terrorisme</strong><br />
s’ajoute <strong>et</strong> se mê<strong>le</strong> à toutes <strong>le</strong>s menaces<br />
qui pèsent sur l’existence humaine dans<br />
<strong>le</strong> monde d’aujourd’hui 8 .<br />
L’essentiel étant de provoquer la peur<br />
dans une population, si cel<strong>le</strong> qui est visée<br />
est confondue avec tout un pays, il arrive<br />
que <strong>le</strong>s cib<strong>le</strong>s soient frappées de manière<br />
aléatoire. En outre, <strong>le</strong>s civils anonymes<br />
sont <strong>des</strong> proies particulièrement faci<strong>le</strong>s<br />
parce qu’ils vaquent à <strong>le</strong>urs occupations<br />
ordinaires, sont amenés à se déplacer<br />
pour cela <strong>et</strong> à côtoyer dans l’espace<br />
public nombre de gens inconnus. Le terroriste<br />
qui s’en prend à eux <strong>le</strong>s précipite<br />
49
soudain sans sommation sur <strong>le</strong> front qu’il<br />
vient d’ouvrir pour faire vo<strong>le</strong>r en éclat la<br />
quiétude de la vie quotidienne <strong>et</strong> suggérer<br />
que personne n’est à l’abri. Il achève<br />
d’abolir la distinction entre combattant<br />
<strong>et</strong> civil en s’inspirant <strong>des</strong> préceptes de<br />
la <strong>guerre</strong> tota<strong>le</strong> qu’il voudrait déc<strong>le</strong>ncher<br />
sans avoir <strong>le</strong>s moyens de la mener.<br />
À la différence <strong>des</strong> combats classiques,<br />
localisés <strong>et</strong> datés, <strong>le</strong> terroriste cherche à<br />
provoquer un affrontement impossib<strong>le</strong> à<br />
circonscrire dans l’espace <strong>et</strong> <strong>le</strong> temps <strong>et</strong><br />
donc susceptib<strong>le</strong> de diffuser, à partir d’un<br />
impact ponctuel, un ébran<strong>le</strong>ment de large<br />
amplitude.<br />
Dans son entreprise de déstabilisation,<br />
<strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> tire parti de certaines caractéristiques<br />
de la société contemporaine.<br />
On sait qu’il utilise <strong>le</strong>s médias comme<br />
caisse de résonance pour propager l’onde<br />
de choc de ses actions aussi loin que<br />
portent <strong>le</strong>s moyens de communication de<br />
masse, c’est à dire aujourd’hui à toute la<br />
planète. On peut aussi remarquer qu’il<br />
utilise largement <strong>le</strong>s technologies de<br />
l’information <strong>et</strong> de la communication,<br />
<strong>des</strong> vidéocass<strong>et</strong>tes à Intern<strong>et</strong>, pour transm<strong>et</strong>tre<br />
ses messages. D’un point de vue<br />
opérationnel, il cherche à adopter <strong>le</strong>s<br />
innovations qui rendent <strong>le</strong>s moyens de<br />
<strong>des</strong>truction plus meurtriers <strong>et</strong> qui <strong>le</strong>s<br />
m<strong>et</strong>tent à la portée d’un p<strong>et</strong>it nombre<br />
d’activistes. L’efficacité de ses actions est<br />
d’ail<strong>le</strong>urs dûe à ce qu’el<strong>le</strong>s s’inscrivent<br />
dans <strong>le</strong>s fragilités consécutives à l’ouverture<br />
<strong>et</strong> la comp<strong>le</strong>xité <strong>des</strong> sociétés contemporaines.<br />
Ainsi <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> tire parti <strong>des</strong><br />
caractéristiques <strong>et</strong> <strong>des</strong> instruments de la<br />
modernité avancée. Il se loge dans ses<br />
interstices pour se r<strong>et</strong>ourner contre el<strong>le</strong> <strong>et</strong><br />
comprom<strong>et</strong>tre ses acquis. En particulier il<br />
contrarie l’aspiration à rendre l’existence<br />
humaine davantage prévisib<strong>le</strong> <strong>et</strong> assurée<br />
en l’exposant à <strong>des</strong> périls inédits. En réactivant<br />
<strong>le</strong> spectre de la mort donnée délibérément<br />
dans la vie quotidienne pacifique,<br />
il sape un <strong>des</strong> fondements du pacte social<br />
contemporain <strong>et</strong> du consensus entre gouvernés<br />
<strong>et</strong> gouvernants. Ceux-ci tirent<br />
une part importante de <strong>le</strong>ur légitimité de<br />
<strong>le</strong>ur aptitude à protéger la vie de <strong>le</strong>urs<br />
ressortissants <strong>et</strong> ils se trouvent mis en<br />
difficulté là où ils échouent à s’acquitter<br />
de c<strong>et</strong>te tâche. Ils sont vulnérab<strong>le</strong>s à la<br />
panique résultant d’attentats provoqués<br />
dans l’espace public par <strong>des</strong> mercenaires<br />
agissant à la solde d’une puissance ou au<br />
nom d’une cause. Certes la probabilité<br />
d’être victime d’un attentat terroriste est<br />
de beaucoup inférieure à cel<strong>le</strong> de subir<br />
un accident chez soi, sur la route ou au<br />
travail. Mais de tels risques sont réputés<br />
inéluctab<strong>le</strong>s alors que <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong><br />
suppose une volonté 9 . En s’en prenant<br />
à la vie humaine, il atteint une va<strong>le</strong>ur<br />
fondamenta<strong>le</strong> que la modernité m<strong>et</strong> en<br />
relief à travers la promotion <strong>des</strong> droits de<br />
l’homme <strong>et</strong> la constitution d’une société<br />
<strong>des</strong> individus. C<strong>et</strong>te référence est d’autant<br />
plus importante que d’autres sources de<br />
consensus, notamment cel<strong>le</strong>s invoquant<br />
une transcendance, ont été discréditées,<br />
délaissées ou abandonnées à <strong>des</strong> particularismes<br />
communautaires. L’incapacité<br />
à protéger l’existence de chacun représente<br />
un scanda<strong>le</strong> qui mine <strong>le</strong>s accords<br />
sur <strong>le</strong>squels reposent <strong>le</strong>s coopérations<br />
col<strong>le</strong>ctives.<br />
Résurgences<br />
sacrificiel<strong>le</strong>s<br />
Ceux qui bravent l’interdit de tuer<br />
se placent au-<strong>des</strong>sus <strong>des</strong> lois ordinaires<br />
<strong>et</strong> s’arrogent un pouvoir absolu, devenu<br />
inaccessib<strong>le</strong> de nos jours même aux titulaires<br />
<strong>des</strong> fonctions <strong>le</strong>s plus éminentes.<br />
Une tel<strong>le</strong> exacerbation de la volonté de<br />
puissance peut s’analyser comme une<br />
revanche compensatoire à <strong>des</strong> frustrations<br />
invétérées 10 . Mais comment s’autoriser<br />
une prérogative aussi exorbitante ?<br />
Une conception supérieure de la mora<strong>le</strong><br />
est avancée pour s’affranchir de ses préceptes<br />
habituels. Le terroriste n’est pas<br />
censé tuer pour assouvir ses propres pulsions<br />
ou satisfaire ses intérêts personnels.<br />
C’est ce qui <strong>le</strong> distingue du grand<br />
criminel ou du brigand. Il se prétend un<br />
instrument au service d’une cause transcendante.<br />
Il se revendique l’auteur d’un<br />
meurtre altruiste. La contrepartie de ce<br />
devoir de tuer est que celui qui l’assume<br />
accepte de renoncer aux satisfactions <strong>et</strong><br />
aux affections accessib<strong>le</strong>s au commun<br />
<strong>des</strong> mortels. N<strong>et</strong>chaïev proclamait déjà<br />
dans la Russie <strong>des</strong> années 1870 ce que la<br />
vocation nihiliste avait d’exigeant : celui<br />
qui s’y consacre est un homme perdu qui<br />
doit être prêt à se soustraire à tous <strong>le</strong>s<br />
attachements de l’existence 11 . En ce sens,<br />
<strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> représente une résurgence<br />
du sacrifice dans un monde animé par la<br />
rationalité, <strong>le</strong>s droits individuels <strong>et</strong> <strong>le</strong>s<br />
relations contractuel<strong>le</strong>s. Au mépris de ces<br />
■<br />
références, la victime <strong>et</strong> <strong>le</strong> bourreau sont<br />
offerts de concert, voire confondus, pour<br />
célébrer une cause <strong>et</strong> témoigner de son<br />
éclat. Ce sacrifice est <strong>des</strong>tiné à obtenir la<br />
rédemption du mal actuel, à féconder un<br />
ordre nouveau, voire à en préparer l’avènement<br />
pour <strong>le</strong>s générations futures 12 .<br />
Ces significations sacrificiel<strong>le</strong>s sont<br />
particulièrement mises en relief dans <strong>le</strong>s<br />
cas, devenus aujourd’hui fréquents, où<br />
l’attaque terroriste est planifiée dans <strong>le</strong><br />
but de tuer à la fois celui qui fait office<br />
de bombe humaine <strong>et</strong> <strong>le</strong>s personnes se<br />
trouvant sur <strong>le</strong> lieu de l’explosion. Les<br />
attentats-suici<strong>des</strong> supposent la mort du<br />
kamikaze qui <strong>le</strong>s accomplit. Celui-ci est<br />
incité à mourir en échange d’une place au<br />
paradis, de la reconnaissance témoignée<br />
au martyr, d’avantages matériels <strong>et</strong> symboliques<br />
accordés à sa famil<strong>le</strong>. Il arrive<br />
que la dissociation entre l’acte terroriste<br />
<strong>et</strong> celui qui l’exécute fasse de ce dernier<br />
la proie d’une manipulation qui lui<br />
échappe. Ainsi <strong>des</strong> femmes tchétchènes<br />
rendues vulnérab<strong>le</strong>s par la perte de <strong>le</strong>urs<br />
proches sont recrutées pour transporter<br />
<strong>des</strong> explosifs <strong>des</strong>tinés à être activés<br />
par <strong>le</strong>s concepteurs de l’attentat qui restent<br />
en r<strong>et</strong>rait <strong>et</strong> choisissent <strong>le</strong> moment<br />
opportun 13 . Ces p<strong>et</strong>ites mains du <strong>terrorisme</strong><br />
savent seu<strong>le</strong>ment en l’occurrence<br />
qu’el<strong>le</strong>s doivent donner la mort <strong>et</strong> se la<br />
donner, mais l’initiative de la décision,<br />
ses tenants <strong>et</strong> ses aboutissants <strong>le</strong>ur échappent.<br />
El<strong>le</strong>s ne sont même pas considérées<br />
comme de véritab<strong>le</strong>s combattants <strong>et</strong> n’accèdent<br />
donc pas aux récompenses promises<br />
post mortem à ces derniers. Dans<br />
<strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> contemporain, l’exécution<br />
du meurtre peut ainsi être séparée de la<br />
décision de tuer.<br />
En dehors de ces situations où la mort<br />
est apportée par <strong>des</strong> agents dépourvus<br />
de toute autonomie, <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> procure<br />
quelques satisfactions à ceux qui s’y<br />
adonnent. Il donne accès à l’héroïsme, au<br />
moins sous une forme négative, ouverte à<br />
quiconque se sent tenté par un <strong>des</strong>tin de<br />
sacrificateur. Une tel<strong>le</strong> exaltation n’est<br />
pas dénuée de séductions, el<strong>le</strong> perm<strong>et</strong> de<br />
se prendre pour un justicier qui inflige<br />
<strong>des</strong> châtiments, rattrape <strong>le</strong>s impudents <strong>et</strong><br />
fait tremb<strong>le</strong>r tout <strong>le</strong> monde. El<strong>le</strong> ouvre<br />
une perspective à <strong>des</strong> yeux inconsolab<strong>le</strong>s<br />
de la vacuité ou de la déchéance de <strong>le</strong>ur<br />
existence. Lorenzaccio a si longtemps<br />
vécu dans l’entourage du tyran de Florence<br />
qu’il en a été irrémédiab<strong>le</strong>ment<br />
50 <strong>Revue</strong> <strong>des</strong> Sciences Socia<strong>le</strong>s, 2006, n° 35, “Nouvel<strong>le</strong>s figures de la <strong>guerre</strong>”
Pascal Hintermeyer<br />
<strong>Entre</strong> <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> <strong>paix</strong> : <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong><br />
compromis. Il a été associé à nombre<br />
de ses turpitu<strong>des</strong> <strong>et</strong> en a largement profité,<br />
en a même rajouté pour étourdir<br />
tout sens moral. C<strong>et</strong>te existence lui étant<br />
devenue insupportab<strong>le</strong>, il cherche à se<br />
rach<strong>et</strong>er en imputant sa propre responsabilité<br />
à l’influence du tyran <strong>et</strong> en utilisant<br />
sa proximité avec lui pour <strong>le</strong> tuer 14 . Ce<br />
tyrannicide issu de la corruption, qui fait<br />
office de substitut ou de préliminaire à<br />
la conviction, donne aujourd’hui lieu à<br />
une version démocratisée. Dans <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong>,<br />
quiconque peut servir de victime<br />
ou de bourreau expiatoire. La projection<br />
sur un autre d’une abomination dont on<br />
tient à s’expurger perm<strong>et</strong> d’envisager<br />
son extermination comme remède à la<br />
haine de soi.<br />
La justification altruiste du <strong>terrorisme</strong><br />
concerne diffici<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s conditions<br />
habituel<strong>le</strong>s de la vie socia<strong>le</strong> qui ménagent<br />
de multip<strong>le</strong>s opportunités moins paradoxa<strong>le</strong>s<br />
de se m<strong>et</strong>tre au service d’autrui.<br />
La démarche terroriste suppose <strong>des</strong> circonstances<br />
exceptionnel<strong>le</strong>s où <strong>le</strong>s intérêts<br />
fondamentaux d’une communauté, voire<br />
son existence se trouvent menacés. Mais<br />
même dans un tel contexte, ce serait<br />
à la représentation instituée de la col<strong>le</strong>ctivité<br />
d’en assurer la défense. Dans<br />
<strong>le</strong> cas où c<strong>et</strong>te autorité fait défaut ou a<br />
failli, l’entreprise terroriste prétend se<br />
substituer à el<strong>le</strong> de son propre chef. El<strong>le</strong><br />
refuse la perspective de l’anéantissement<br />
de la communauté défaite <strong>et</strong> se place<br />
sous <strong>le</strong> signe de l’esprit de résistance<br />
dont el<strong>le</strong> cherche à s’approprier <strong>et</strong> à se<br />
réserver la légitimité. El<strong>le</strong> s’autorise à<br />
bouscu<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s procédures ordinaires de la<br />
représentation d’une volonté col<strong>le</strong>ctive<br />
en raison du caractère imminent <strong>et</strong> irréversib<strong>le</strong><br />
du péril dénoncé. Le terroriste<br />
est une variante d’ « homme pressé » 15<br />
qui rej<strong>et</strong>te <strong>le</strong>s médiations instituées <strong>et</strong> <strong>le</strong>s<br />
délais qui en décou<strong>le</strong>nt pour exiger tout<br />
<strong>et</strong> tout de suite 16 . Il précipite <strong>le</strong> cours <strong>des</strong><br />
événement pour en inverser <strong>le</strong> sens. Il<br />
développe ainsi ce que l’on appelait dans<br />
l’Italie <strong>des</strong> années de plomb une « culture<br />
de l’état d’urgence » qu’il tente d’imposer<br />
autour de lui. Se légitimant lui-même par<br />
sa clairvoyance supposée <strong>et</strong> son esprit<br />
de sacrifice, il prend <strong>des</strong> initiatives aussi<br />
extrêmes que la situation pour témoigner<br />
de l’exigence de la survie, effective<br />
ou symbolique, d’une communauté en<br />
danger.<br />
L’action terroriste correspond à une<br />
doub<strong>le</strong> intention : secouer l’apathie de<br />
la col<strong>le</strong>ctivité dont el<strong>le</strong> se réclame <strong>et</strong><br />
inspirer la crainte à ses ennemis 17 . Le défi<br />
perm<strong>et</strong> à celui qui <strong>le</strong> lance de se placer<br />
symboliquement au-<strong>des</strong>sus de celui qu’il<br />
atteint. Il vise aussi à révé<strong>le</strong>r à tous que<br />
l’ennemi en apparence <strong>le</strong> plus redoutab<strong>le</strong><br />
n’est qu’un « tigre en papier », comme<br />
la rhétorique maoïste aimait à <strong>le</strong> répéter.<br />
C<strong>et</strong> objectif pédagogique était déjà<br />
poursuivi par <strong>le</strong>s activistes de la fin du<br />
XIX e sièc<strong>le</strong> qui préconisaient <strong>le</strong> recours à<br />
la « propagande par <strong>le</strong> fait » pour prouver<br />
que <strong>le</strong>s dominants pouvaient être défaits,<br />
sous réserve d’un engagement total dont<br />
<strong>le</strong>s militants devaient donner l’exemp<strong>le</strong>.<br />
Le <strong>terrorisme</strong> repose sur une croyance<br />
en la toute-puissance de la volonté 18 .<br />
L’exaltation de la certitude subjective<br />
peut al<strong>le</strong>r jusqu’au meurtre délibéré <strong>et</strong> à<br />
l’auto<strong>des</strong>truction.<br />
R<strong>et</strong>ourner la puissance<br />
contre el<strong>le</strong>-même<br />
■<br />
Ces significations symboliques viennent<br />
d’acquérir une efficacité prodigieuse<br />
en se conjuguant avec <strong>le</strong> précepte<br />
stratégique selon <strong>le</strong>quel <strong>le</strong>s victoires <strong>le</strong>s<br />
plus éclatantes s’obtiennent lorsque <strong>des</strong><br />
moyens infimes, mais appliqués à l’endroit<br />
décisif, parviennent à r<strong>et</strong>ourner la<br />
puissance contre el<strong>le</strong>-même. Les attentats<br />
du 11 septembre 2001 aux États-Unis<br />
n’ont pas utilisé d’armes de <strong>des</strong>truction<br />
massive ou de techniques sophistiquées,<br />
ils n’ont pas confirmé <strong>le</strong>s craintes liées<br />
à l’emploi d’agents chimiques, bactériologiques<br />
ou nucléaires. Ils ont proj<strong>et</strong>é<br />
sur <strong>des</strong> bâtiments américains <strong>des</strong> avions<br />
américains, détournés de <strong>le</strong>ur trajectoire<br />
initia<strong>le</strong> par <strong>des</strong> pirates formés par <strong>des</strong> instructeurs<br />
américains <strong>et</strong> armés de moyens<br />
rudimentaires, voire de simp<strong>le</strong>s cutters.<br />
La stupeur résulte de la disproportion<br />
entre la cause <strong>et</strong> l’eff<strong>et</strong>, de la prise de<br />
conscience qu’une vingtaine d’hommes<br />
décidés à mourir en exécutant <strong>le</strong>s plans<br />
d’une organisation criminel<strong>le</strong> constituent<br />
une immense force de <strong>des</strong>truction contre<br />
laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s protections techniquement<br />
élaborées jusqu’à présent ou <strong>le</strong>s boucliers<br />
anti-missi<strong>le</strong>s s’avèrent illusoires.<br />
On peut se demander pourquoi, après<br />
avoir percuté l’une <strong>des</strong> tours de Manhattan,<br />
<strong>le</strong>s terroristes s’en sont pris, dixhuit<br />
minutes plus tard, à sa jumel<strong>le</strong>. S’il<br />
s’agissait d’accroître <strong>le</strong> plus possib<strong>le</strong> <strong>le</strong><br />
carnage ou de donner l’impression d’une<br />
menace généralisée, d’autres objectifs<br />
auraient pu être choisis. En parachevant<br />
<strong>le</strong>ur entreprise, en orchestrant l’émulation<br />
concertée <strong>des</strong> deux commandos, <strong>le</strong>s<br />
organisateurs ont fait la preuve de <strong>le</strong>ur<br />
esprit de système, de <strong>le</strong>ur goût de la<br />
symétrie, de <strong>le</strong>ur obsession de la mise<br />
à mort complète. L’un <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s de ces<br />
frappes différées a aussi été d’attirer<br />
secouristes <strong>et</strong> médias, montrant que <strong>le</strong><br />
zè<strong>le</strong> <strong>des</strong> premiers pouvait accroître <strong>le</strong>s<br />
pertes infligées <strong>et</strong> donnant aux seconds<br />
<strong>le</strong> spectac<strong>le</strong> en direct de l’attaque de la<br />
seconde tour. D’autres réactions en chaîne<br />
devaient suivre. Les dégâts créés par<br />
l’impact <strong>des</strong> collisions ont été multipliés<br />
par ceux dus aux incendies <strong>et</strong> à l’effondrement<br />
<strong>des</strong> tours. La catastrophe s’est<br />
ensuite répercutée sur <strong>des</strong> pans entiers de<br />
l’économie <strong>et</strong> sur <strong>le</strong>s marchés financiers,<br />
faisant craindre la récession. Dans un<br />
contexte d’a<strong>le</strong>rte planétaire, <strong>le</strong>s réactions<br />
en chaîne <strong>le</strong>s plus dangereuses risquaient<br />
d’être d’ordre politique. Ainsi <strong>le</strong>s scènes<br />
de liesse qui se sont produites dans certaines<br />
rues pa<strong>le</strong>stiniennes pouvaient faire<br />
redouter une internationalisation du conflit<br />
du Proche-Orient. El<strong>le</strong>s ont en fait été<br />
rapidement désavouées par <strong>le</strong>s officiels <strong>et</strong><br />
compensées symboliquement par <strong>le</strong>s images<br />
du chef de l’Autorité pa<strong>le</strong>stinienne<br />
offrant son sang pour <strong>le</strong>s victimes <strong>des</strong><br />
attentats américains.<br />
Les journalistes se sont immédiatement<br />
emparés de ce flot d’images sans<br />
précédent qui représentaient pour eux une<br />
information par excel<strong>le</strong>nce, imprévue,<br />
inédite <strong>et</strong> efficiente, ainsi qu’une source<br />
d’émotions fortes. Les télévisions ont pu<br />
diffuser, avec <strong>le</strong>s images en direct de la<br />
catastrophe, l’onde de choc jusqu’au fond<br />
du pays <strong>et</strong> au bout du monde. El<strong>le</strong>s ont<br />
souligné l’audace <strong>et</strong> la coordination de<br />
ses auteurs <strong>et</strong>, pour rendre l’événement<br />
intelligib<strong>le</strong>, el<strong>le</strong>s n’ont pas tardé à <strong>le</strong><br />
m<strong>et</strong>tre en rapport avec <strong>des</strong> précédents,<br />
à constituer <strong>des</strong> séries, à l’inscrire dans<br />
une continuité dont il devenait l’aboutissement<br />
<strong>et</strong> <strong>le</strong> point d’orgue. La réalité<br />
prolongeait <strong>et</strong> dépassait la fiction <strong>des</strong><br />
polars, <strong>des</strong> films catastrophes <strong>et</strong> <strong>des</strong> jeux<br />
vidéos. El<strong>le</strong> pulvérisait <strong>le</strong>s bilans <strong>des</strong><br />
attentats terroristes <strong>le</strong>s plus meurtriers <strong>et</strong><br />
ne pouvait être comparée qu’à la tragédie<br />
de Pearl Harbour qui, soixante ans plus<br />
51
tôt, avait précipité l’Amérique dans la<br />
Seconde <strong>guerre</strong> mondia<strong>le</strong>.<br />
Le 7 décembre 1941, Pearl Harbour a<br />
certes créé la surprise <strong>et</strong> fait de nombreuses<br />
victimes américaines. Pour <strong>le</strong> reste, la<br />
situation était tota<strong>le</strong>ment différente. La<br />
<strong>guerre</strong> faisait rage en Europe <strong>et</strong> en Asie.<br />
Le président Roosevelt venait de prendre<br />
<strong>des</strong> sanctions économiques contre<br />
<strong>le</strong> Japon qui a répliqué par l’attaque de<br />
c<strong>et</strong>te base militaire américaine. Dans un<br />
contexte de <strong>guerre</strong>, un agresseur parfaitement<br />
identifié, un pays belligérant, s’est<br />
attaqué à une armée. Tous ces éléments<br />
font défaut dans <strong>le</strong>s attentats de septembre<br />
2001. La saturation en symbo<strong>le</strong>s <strong>et</strong><br />
<strong>le</strong> nombre de victimes masquent tant<br />
bien que mal <strong>le</strong> caractère ponctuel de ces<br />
attaques qu’aucun État n’était en mesure<br />
de revendiquer. Même <strong>le</strong>s talibans se<br />
sont hâtés de démentir toute implication<br />
de <strong>le</strong>ur pays <strong>et</strong> <strong>des</strong> « hôtes » arabes<br />
qu’il hébergeait, notamment <strong>le</strong> plus célèbre<br />
d’entre eux, dont ils disaient avoir<br />
perdu la trace. Cela n’a pas empêché <strong>le</strong>s<br />
États-Unis d’intervenir militairement en<br />
Afghanistan <strong>et</strong> d’y provoquer un changement<br />
de régime. Mais cela n’a pas suffi à<br />
éradiquer la menace. La « <strong>guerre</strong> contre<br />
<strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> » révè<strong>le</strong> ses différences avec<br />
la <strong>guerre</strong> traditionnel<strong>le</strong> <strong>et</strong> ses difficultés<br />
spécifiques. La suprématie militaire<br />
ne parvient pas à éliminer un ennemi<br />
constitué par un réseau de micro-groupes<br />
autonomes, susceptib<strong>le</strong>s de se fondre<br />
dans une population, de se replier dans<br />
<strong>des</strong> sanctuaires ou de se réfugier sur <strong>des</strong><br />
territoires incontrôlés. Un État peut agir<br />
sur un autre État mais, s’il entreprend de<br />
se substituer à lui pour mener <strong>des</strong> opérations<br />
de police, il suscite <strong>des</strong> résistances<br />
dont il est mal placé pour venir à bout. Et<br />
partout, <strong>le</strong> caractère intermittent, dispersé<br />
<strong>et</strong> impromptu <strong>des</strong> activités terroristes <strong>le</strong>s<br />
rend quasiment insaisissab<strong>le</strong>s. Comment<br />
détecter <strong>des</strong> cellu<strong>le</strong>s dormantes qui se<br />
caractérisent précisément par <strong>le</strong>ur immersion<br />
prolongée dans la société ambiante ?<br />
Comment empêcher que l’émotion consécutive<br />
à la couverture médiatique de<br />
conflits lointains ne suscite, comme en<br />
juill<strong>et</strong> 2005 à Londres, <strong>des</strong> initiatives de<br />
passage à l’acte terroriste ? L’absence<br />
de relations organisationnel<strong>le</strong>s entre <strong>le</strong>s<br />
prophètes de la vio<strong>le</strong>nce, <strong>le</strong>s prédicateurs<br />
<strong>et</strong> <strong>le</strong>s médias relayant <strong>le</strong>urs messages <strong>et</strong><br />
<strong>le</strong>s initiateurs d’attentats est la meil<strong>le</strong>ure<br />
garantie de sauvegarde de chacun de ces<br />
maillons de la chaîne terroriste.<br />
Les activistes terroristes <strong>et</strong> <strong>le</strong>s États<br />
qu’ils combattent sont actuel<strong>le</strong>ment au<br />
moins d’accord sur un point : présenter<br />
<strong>le</strong>ur combat comme une véritab<strong>le</strong> <strong>guerre</strong>.<br />
Toute une mise en scène tend à accréditer<br />
c<strong>et</strong>te interprétation. Des groupes sans<br />
relation adoptent non seu<strong>le</strong>ment <strong>des</strong> procédés<br />
techniques similaires, mais aussi<br />
<strong>des</strong> sty<strong>le</strong>s de performance semblab<strong>le</strong>s. On<br />
assiste d’ail<strong>le</strong>urs à une surenchère spectaculaire<br />
ces dernières années. La griffe<br />
Al Qaïda se reconnaît au nombre é<strong>le</strong>vé<br />
de victimes provoquées par <strong>des</strong> attentats<br />
suici<strong>des</strong> coordonnés <strong>et</strong> de préférence<br />
synchronisés. L’unité de temps, de lieu <strong>et</strong><br />
d’action, la maîtrise technique, la montée<br />
aux extrêmes de la <strong>des</strong>truction <strong>et</strong> du sacrifice,<br />
la diffusion d’images sanguinaires,<br />
la radicalité de revendications entrecoupées<br />
de si<strong>le</strong>nces prolongés induisent une<br />
condensation symbolique <strong>des</strong>tinée à produire<br />
l’impression d’une offensive tous<br />
azimuts <strong>et</strong> imparab<strong>le</strong>. Mais, quel<strong>le</strong> que<br />
soit la maestria déployée dans la conception<br />
<strong>et</strong> la mise en œuvre de scénarios<br />
catastrophes <strong>et</strong> la propension <strong>des</strong> États<br />
touchés à re<strong>le</strong>ver <strong>le</strong> défi par une riposte<br />
militaire, on peut se demander si l’assimilation<br />
à la <strong>guerre</strong> est la façon la plus<br />
appropriée d’appréhender une confrontation<br />
spécifique qui m<strong>et</strong> à mal la <strong>paix</strong><br />
socia<strong>le</strong> sans pour autant lui substituer<br />
la <strong>guerre</strong> proprement dite. Les menaces<br />
actuel<strong>le</strong>s devraient plutôt conduire à <strong>des</strong><br />
réf<strong>le</strong>xions relativisant <strong>et</strong> dépassant <strong>le</strong>s<br />
oppositions classiques de la <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> de<br />
la <strong>paix</strong>.<br />
En tant que technique d’extension <strong>et</strong> de<br />
radicalisation <strong>des</strong> conflits, <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> se<br />
veut prophétie, anticipation <strong>et</strong> catalyseur<br />
de la <strong>guerre</strong>. Il en simu<strong>le</strong> <strong>le</strong>s impératifs,<br />
<strong>le</strong>s opérations <strong>et</strong> la rhétorique. Mais, en<br />
dépit de coups d’éclat d’une envergure<br />
sans précédent, d’une exaltation accumulant<br />
<strong>le</strong>s signes d’une détermination<br />
à toute épreuve, d’une communication<br />
focalisée sur <strong>le</strong>s séries <strong>et</strong> <strong>le</strong>s records, ses<br />
performances restent ponctuel<strong>le</strong>s, épisodiques<br />
<strong>et</strong> dispersées. Si <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> ne<br />
parvient qu’à renouve<strong>le</strong>r <strong>des</strong> initiatives<br />
isolées, il signe son échec stratégique <strong>et</strong><br />
son incapacité à déc<strong>le</strong>ncher <strong>le</strong> conflit de<br />
plus grande amp<strong>le</strong>ur sur <strong>le</strong>quel il voulait<br />
déboucher. Ses chances de précipiter<br />
une course à la <strong>guerre</strong> dépendent de la<br />
réaction <strong>des</strong> États concernés. Pour ceux<br />
qui sont la cib<strong>le</strong> d’attentats, proclamer<br />
la « <strong>guerre</strong> au <strong>terrorisme</strong> » présente <strong>des</strong><br />
avantages à court terme. Cela montre <strong>le</strong>ur<br />
réactivité, soude la population autour de<br />
ses dirigeants <strong>et</strong> perm<strong>et</strong> éventuel<strong>le</strong>ment<br />
à ces derniers de justifier <strong>des</strong> ingérences<br />
extérieures. Mais <strong>le</strong>s offensives militaires<br />
peinant à écraser <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> <strong>et</strong> risquant<br />
au contraire de lui apporter de nouveaux<br />
adeptes, lui faire face suppose aussi <strong>et</strong><br />
surtout lui offrir moins de prises. Résister<br />
au <strong>terrorisme</strong> dans la durée requiert, dans<br />
la situation d’interdépendance accrue <strong>des</strong><br />
sociétés contemporaines, de limiter <strong>le</strong>s<br />
vulnérabilités qui en décou<strong>le</strong>nt. Assurer<br />
la défense de sociétés ouvertes <strong>et</strong><br />
comp<strong>le</strong>xes présente de multip<strong>le</strong>s difficultés.<br />
Le problème consiste notamment<br />
à maîtriser la peur, à ne pas céder à la<br />
paranoïa col<strong>le</strong>ctive qui est l’eff<strong>et</strong> recherché<br />
par <strong>le</strong>s entreprises terroristes 19 . La<br />
lutte contre <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong> peut entraver <strong>le</strong><br />
dynamisme <strong>des</strong> sociétés touchées, mais<br />
el<strong>le</strong> peut aussi <strong>le</strong> stimu<strong>le</strong>r. C<strong>et</strong>te dernière<br />
possibilité suppose un renforcement du<br />
consensus démocratique, <strong>des</strong> va<strong>le</strong>urs sur<br />
<strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il repose <strong>et</strong> <strong>des</strong> procédures qui<br />
<strong>le</strong> m<strong>et</strong>tent en œuvre. Les options stratégiques<br />
envisageab<strong>le</strong>s sont aussi liées à la<br />
façon de présenter la menace. Pour <strong>des</strong><br />
terroristes, capab<strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>ment d’anticiper<br />
ponctuel<strong>le</strong>ment la <strong>guerre</strong>, ce serait<br />
une réussite que de voir <strong>le</strong>urs ennemis<br />
s’y précipiter <strong>et</strong> s’engouffrer dans un<br />
choc <strong>des</strong> civilisations. Pour éviter une<br />
tel<strong>le</strong> évolution, il convient de désamorcer<br />
l’escalade, de circonscrire <strong>le</strong> conflit,<br />
d’iso<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s responsab<strong>le</strong>s d’attentats. Cela<br />
suppose sans doute de résister plus fermement<br />
aux séductions de l’imaginaire<br />
du wargame. Seu<strong>le</strong> une riposte sé<strong>le</strong>ctive,<br />
maîtrisée <strong>et</strong> mesurée peut <strong>des</strong>serrer <strong>le</strong><br />
piège terroriste.<br />
52 <strong>Revue</strong> <strong>des</strong> Sciences Socia<strong>le</strong>s, 2006, n° 35, “Nouvel<strong>le</strong>s figures de la <strong>guerre</strong>”
Pascal Hintermeyer<br />
<strong>Entre</strong> <strong>guerre</strong> <strong>et</strong> <strong>paix</strong> : <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong><br />
Bibliographie<br />
Abou Zahab Mariam, Roy Olivier, Réseaux islamiques,<br />
Autrement, 2002<br />
Aron R., Paix <strong>et</strong> <strong>guerre</strong> entre <strong>le</strong>s nations, Paris,<br />
Calmann-Lévy, 1962<br />
Balandier G., Le désordre, Fayard, 1988<br />
Barber Benjamin, L’empire de la peur. Terrorisme,<br />
<strong>guerre</strong>, démocratie, Fayard, 2003<br />
Baudrillard J., La transparence du mal, Paris,<br />
Galilée, 1990<br />
Bauer Alain, Raufer Xavier, L’énigme Al Qaïda,<br />
J.Cl. Lattès, 2005<br />
Berman P, Les habits neufs de la terreur, Hach<strong>et</strong>te,<br />
2004<br />
Bounan Michel, Logique du <strong>terrorisme</strong>, Allia,<br />
2003<br />
Bouthoul G., Traité de polémologie, Paris, Payot,<br />
1970<br />
Caillois R., Bellone ou la pente de la <strong>guerre</strong>,<br />
Bruxel<strong>le</strong>s, La renaissance du livre, 1963<br />
Camus Albert, Réf<strong>le</strong>xions sur <strong>le</strong> <strong>terrorisme</strong>, (Levy-<br />
Va<strong>le</strong>nsi J. éd), Nicolas Philippe, 2002<br />
Can<strong>et</strong>ti E., Masse und Macht, Hamburg, Classen<br />
Verlag, 1960<br />
Chaliand G. Les stratégies du <strong>terrorisme</strong>, Paris,<br />
Desclée de Brouwer, 2 e édition augmentée,<br />
2002<br />
Chaliand G. <strong>et</strong> Blin A. (dir), Histoire du <strong>terrorisme</strong>,<br />
de l’Antiquité à Al Qaïda, Paris, Bayard,<br />
2004<br />
Clausewitz K. (von) , De la <strong>guerre</strong>, Paris, Mimuit,<br />
1955<br />
Étienne Bruno, Les combattants suicidaires suivi<br />
de Les amants de l’apocalypse, L’aube, 2005<br />
Fur<strong>et</strong> F., Liniers A., Raynaud Ph., Terrorisme <strong>et</strong><br />
démocratie, Fayard, 1985<br />
Garcin-Marrou I., Terrorisme Médias <strong>et</strong> Démocratie,<br />
Presses universitaires de Lyon, 2001<br />
Glucksmann A., Dostoïevski à Manhattan, Robert<br />
Laffont, 2002<br />
Heisbourg F., Hyper<strong>terrorisme</strong> : la nouvel<strong>le</strong> <strong>guerre</strong>,<br />
Odi<strong>le</strong> Jacob, 2001<br />
Juergensmeyer M., Au nom de Dieu, ils tuent.<br />
Chrétiens, juifs ou musulmans, ils revendiquent<br />
la vio<strong>le</strong>nce, Paris, Autrement, 2003<br />
Kepel Gil<strong>le</strong>s, Jihad, Gallimard, 2 e éd, 2003<br />
Kepel Gil<strong>le</strong>s, Al Qaïda dans <strong>le</strong> texte, P.U.F., 2005<br />
Khosrokhavar Farhad, Les nouveaux martyrs d’Allah,<br />
Flammarion, 2 e éd corrigée, 2003<br />
Laqueur W., Le <strong>terrorisme</strong>, Paris, P.U.F., 1979<br />
Lelièvre Henri (dir), Terrorisme : questions, Éd.<br />
Comp<strong>le</strong>xes, 2004<br />
Marr<strong>et</strong> Jean-Luc, Techniques du <strong>terrorisme</strong>, 2 e édition<br />
augmentée, P.UF., 2002<br />
Sageman Marc, Le vrai visage <strong>des</strong> terroristes,<br />
Denoël, 2005<br />
Sanguin<strong>et</strong>ti G., Du <strong>terrorisme</strong> <strong>et</strong> de l’État, Paris,<br />
Le fin mot de l’histoire, 1980<br />
Servier J., Le <strong>terrorisme</strong>, Paris, P.U.F., 1982<br />
Soyinka Wo<strong>le</strong>, Climat de peur, Acte Sud, 2005<br />
Spencer H., Principes de sociologie, Paris, F. Alcan,<br />
1882-87<br />
Thomas Dominique, Les hommes d’Al Qaïda,<br />
Michelon, 2005<br />
Wiéviorka A., Sociétés <strong>et</strong> <strong>terrorisme</strong>, Seuil 1987<br />
Youzik J., Les fiancées d’Allah, Presses de la<br />
cité, 2003<br />
Notes<br />
1. Clausewitz K. (von) , De la <strong>guerre</strong>, Paris,<br />
Minuit, 1955.<br />
2. Can<strong>et</strong>ti E., Masse und Macht, Hamburg,<br />
Classen Verlag, 1960.<br />
3. Bouthoul G., Les mentalités, Paris, P.U.F.,<br />
1954.<br />
4. Bouthoul G., Traité de polémologie, Paris,<br />
Payot, 1970.<br />
5. Spencer H., Principes de sociologie, Paris,<br />
F. Alcan, 1882-87.<br />
6. Aron R., Paix <strong>et</strong> <strong>guerre</strong> entre <strong>le</strong>s nations,<br />
Paris, Calmann-Lévy, 1962.<br />
7. Sanguin<strong>et</strong>ti G., Du <strong>terrorisme</strong> <strong>et</strong> de l’État,<br />
Paris, Le fin mot de l’histoire, 1980.<br />
8. Beck U., « La société du risque globalisé<br />
revue sous l’ang<strong>le</strong> de la menace terroriste<br />
», Cahiers internationaux de sociologie,<br />
Paris, 2003, p. 27-33.<br />
9. Idem.<br />
10. Servier J., Le <strong>terrorisme</strong>, Paris, P.U.F.,<br />
1982.<br />
11. Cannac R., N<strong>et</strong>chaïev. Du nihilisme au<br />
<strong>terrorisme</strong>, Paris, Pagot, 196.<br />
12. Dostoïevski F., Les démons (Les possédés<br />
dans d’autres traductions), Paris, Gallimard,<br />
1955.<br />
13. Youzik J., Les fiancées d’Allah, Paris,<br />
Presses de la cité, 2003.<br />
14. Muss<strong>et</strong> A. de, Lorenzaccio ou « un spectac<strong>le</strong><br />
dans un fauteuil, <strong>Revue</strong> <strong>des</strong> deux<br />
mon<strong>des</strong>, Paris, 1834.<br />
15. Morand P., L’homme pressé, Paris, Gallimard,<br />
1941.<br />
16. Hegel G., La phénoménologie de l’esprit,<br />
Paris, Aubier, 1944.<br />
17. Balandier G., Le désordre, Paris, Fayard,<br />
1988.<br />
18. Hegel G, op. cit.<br />
19. Barber B., L’empire de la peur. Terrorisme,<br />
<strong>guerre</strong>, démocratie, Fayard, 2003.<br />
53