(reine de Navarre ; 1492-1549). L'heptaméron des nouvelles. 1995.

tt6 DEUX!ESHE JOURNÉE.
pcrie; et dès l'heure, laissa ta poursuitte qu'il luy faisoit, et s'enquist
si bien de sa vie, qu'il trouva qu'elle aymoit un gentil homme italien,
bien saige et honnestc.
Le dict seigneurde Bonnivetaccointa peu à peu ce gentil homme,
par telle doulceur et finesse, qu'il ne s'apparceut de l'occasion mais
l'ayma si parfaictement,qu'après sa dame c'estoit ta créature du tnondo
qu aymoit le plus. Le seigneur de Bonnivet, pour luy arracher son
secret du cueur, faingnit de tuy dire le sien, et qu'il aymoit une dame
où jamais n'avoit pense, le priant le tenir secret, et qu'ils n'eussent
tous deux que ung cueur et une pensée. Le pauvre gentil homme,
pour luy monstrer l'amour réciproque, luy va declairer tout du long0
cette qu'il portoit à ta dame, dont Bonnivetse vouloit venger; et une
fois le jour, s'asscmbtoient en quelque lieu tous deux, pour rendre
compte des bonnes fortunes advenues le long de la journée, ce que
l'un faisoit en mensonge, et l'autre en vérité. Et confessa le gentil
homme avoir aymé trois ans ceste dame, sans en avoir riens en,
sinon bonnes paroles et asseuranee d'cstre ayme. Le dict de Bonnivet
luy conseillatous les moyens qu'il luy fut possiblepour parvenir a son
intention; dont il se tt'ouva si bien, que en peu de jours elle lit accorda
tout ce qu'il demandoit; il ne restoit que lie trouver le moyen
ce que bien tost, par le conseil (lu seigneur de Bonnivet, fut trouvé.
Et, ung jour, avant souper, tuy dist le gentil homme tf Monsieur,je
suis plus tenu a vous qu'a tous tes hommes du monde,car par vostt'e
bon conseil j'espère a\ûir ceste nuict ce que tant d'années j'ay désiré.
Je te prie, mon amy, ce luy dist Bonnivet,compte-moy la sorte de
ton entrcprinse, pour veoir s')t y a tromperie ou hazard, pour te y
servir de bon amy. Le gentil homme tuy va compter comme elle
avoit moyenne de faire tasser ta grande porte de la maison ouverte,
soubz coulleur de quelque matadic qu'avoit un de ses treros, pour
taquette a toute heure falloit en\o;er a ta ville querir ses necessitez;
et qu'il pourroit entrer seuremeut dedans la court, mais qu'it se gardast
de monter par t'e~cattier, et qu'il passast par ung petit degré
qui estoit à main droicte, et entrast en la première gallerie qu'it trouveroit,
ou toutes les portes des chambres de son beau porc et de ses
beautx frères se t'endoicnt; (t (ju'it choisist bien la troisiesme plus
près du diet degré, et, si en ta poussant doutcement il la trouvoit