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VOL.7 • NO. 3 - 11 AVRIL 2005<br />
Personnalité du mois<br />
DR ÉDOUARD BELTRAMI<br />
Dénoncer l’incompétence du système de santé<br />
Édouard Beltrami, psychiatre et professeur honoraire à l’UQAM, suit actuellement les conseils du motivateur américain Anthony<br />
Robbins : réaliser ses rêves. En plus de préparer la sortie d’un livre sur l’épuisement professionnel, il anime un nombre grandissant<br />
de conférences traitant entre autres de la santé. Et il n’y va pas avec le dos de la cuillère, lors de ses apparitions publiques.<br />
En ce moment, il dénonce l’incompétence du système de santé au Québec. Entretien avec un psychiatre engagé.<br />
Isabelle ROY<br />
C<br />
«<br />
ertaines personnes malades<br />
au Québec sont crucifiées<br />
à cause d’un manque d’information<br />
en matière de soins,<br />
déplore le psychiatre, qui est<br />
notamment connu du public<br />
grâce à ses apparitions télévisuelles<br />
concernant les abus sexuels<br />
et la pédophilie. Les hôpitaux<br />
sont engorgés, les professionnels<br />
de la santé sont débordés,<br />
les listes d’attente n’en finissent<br />
plus et les patients ont accès<br />
à un système de santé médiocre.<br />
Certains d’entre eux voient<br />
même leur condition physique<br />
et mentale sérieusement compromise.»<br />
Selon lui, il est temps que les<br />
Québécois se réveillent concernant<br />
leur système de santé. «Ils<br />
doivent prendre conscience<br />
qu’ils sont victimes de désinformation<br />
en la matière, indique-til.<br />
Ils ne doivent pas seulement<br />
se fier au système actuel pour<br />
prendre efficacement et rapidement<br />
leur santé en main. Pour<br />
cela, ils doivent absolument s’informer<br />
sur les pratiques médicales<br />
dans les autres pays et faire<br />
appel de plus en plus à des expertises<br />
et des soins privés, lors de<br />
problèmes de santé.»<br />
Les cas démontrant l’incompétence<br />
du système de santé publique<br />
sont effectivement très nombreux,<br />
de dire le psychiatre.<br />
«Une de mes collègues a déjà<br />
fait des calculs rénaux à répétition,<br />
au moment où elle était<br />
enceinte, mentionne-t-il à titre<br />
d’exemple. Elle a alors consulté<br />
un médecin québécois afin de<br />
passer des tests d’analyse et tenter<br />
d’enrayer sa douleur intense.<br />
Elle s’est rapidement fait dire<br />
qu’elle devait attendre trois mois<br />
pour avoir accès aux tests en<br />
question. Réalisant qu’elle avait<br />
le temps d’accoucher avant de<br />
régler son problème, elle a fait<br />
des recherches pour trouver des<br />
ressources à l’étranger. Finalement,<br />
ma collègue a téléphoné à<br />
un centre américain qui était en<br />
mesure de l’aider. Lorsque la<br />
préposée américaine a su que<br />
ma collègue était québécoise,<br />
elle lui a répondu que les résultats<br />
de l’analyse prendraient<br />
beaucoup de temps à lui parvenir,<br />
c’est-à-dire trois jours! Ma<br />
collègue a finalement bénéficié<br />
de ce service rapidement pour<br />
aussi peu que 30$ US.»<br />
Dr Beltrami donne également<br />
l’exemple d’une femme, qui s’en<br />
est moins bien sortie que sa collègue<br />
de travail. Atteinte d’une<br />
maladie grave, la dame en question<br />
a frôlé la mort de près, à<br />
cause d’un manque d’information.<br />
«Elle était atteinte d’une<br />
allergie au sang de transfusion,<br />
explique-t-il. Avoir recours à du<br />
sang irradié aurait pu améliorer<br />
sa condition. Puisque l’État<br />
n’avait pas les moyens de défrayer<br />
les coûts des poches de sang<br />
en question, qui coûtaient 2<br />
000$ chacune, la patiente n’a<br />
donc pas été renseignée au sujet<br />
de cette alternative pour rétablir<br />
sa santé.»<br />
«Dans ce cas-là, la patiente aurait<br />
dû être en droit de connaître<br />
ce traitement et avoir la possibilité<br />
d’en défrayer les coûts ellemême,<br />
si elle le désirait. Elle<br />
n’aurait pas frôlé la mort d’aussi<br />
Édouard Beltrami, lors de sa conférence présentée au dernier 5@7 <strong>La</strong> Réussite<br />
près», estime-t-il.<br />
Plutôt que de faire confiance<br />
aveuglément à un seul médecin,<br />
le psychiatre recommande donc<br />
[<br />
aux Québécois de se fier à plusieurs<br />
avis médicaux, lors de<br />
troubles de la santé. Lorsqu’ils se<br />
rendent à l’hôpital, malades, ils<br />
doivent également être accompagnés<br />
afin de s’assurer qu’ils<br />
soient bien traités au sein de «ce<br />
terrain de guerre hostile.» Selon<br />
lui, les personnes malades ne<br />
doivent également pas hésiter à<br />
effectuer des recherches poussées<br />
sur leurs maladies et, au<br />
besoin, débourser elles-mêmes<br />
les coûts des soins nécessaires<br />
au rétablissement de leur santé.<br />
«Est-ce qu’il est mieux de perdre<br />
sa journée de travail à l’urgence<br />
de l’hôpital et voir son<br />
]<br />
«DE TOUTE FAÇON, LA MÉDECINE À<br />
DEUX VITESSES EXISTE DÉJÀ AU QUÉBEC<br />
PUISQUE LES HAUTS FONCTIONNAIRES<br />
REÇOIVENT DE MEILLEURS SOINS,<br />
PLUS RAPIDEMENT, QUE MONSIEUR<br />
ET MADAME TOUT LE MONDE»<br />
état de santé dépérir ou payer<br />
les frais d’une consultation<br />
médicale et avoir une consultation<br />
rapide et efficace?», met-il<br />
entre autres en relief.<br />
«De toute façon, la médecine à<br />
deux vitesses existe déjà au<br />
Québec, renchérit-il. Déjà, les<br />
hauts fonctionnaires reçoivent<br />
de meilleurs soins que monsieur<br />
et madame tout le monde.»<br />
Un parcours professionnel tirant<br />
profit de l’influence d’autres pays<br />
Lors de sa jeunesse, Dr Édouard<br />
Beltrami a étudié en Europe, où<br />
il a obtenu son baccalauréat<br />
français. Il a par la suite suivi sa<br />
formation en médecine et sa spécialisation<br />
en psychiatrie, à l’Université<br />
de Montréal, au cours des<br />
années 60. En plus de pratiquer<br />
sa profession à titre de psychiatre,<br />
il a notamment été directeur de<br />
l’enseignement à l’hôpital psychiatrique<br />
Saint-Charles, à Joliette,<br />
et professeur à l’UQAM. S’il<br />
compare la pratique de sa profession<br />
au Québec à celle d’autres<br />
pays tels que la France, il estime<br />
que la plupart des psychiatres de<br />
la province disposent de moyens<br />
très limités pour traiter leurs patients.<br />
«Au cours des années 60,<br />
l’État québécois a progressivement<br />
enlevé la pratique de la psychothérapie<br />
et autres traitements<br />
efficaces des mains des psychiatres,<br />
puisqu’ils étaient trop onéreux,<br />
explique-t-il. Il a plutôt favorisé<br />
la médication et il a relégué<br />
la psychothérapie aux psychologues,<br />
en pratique privée. Tout<br />
comme la plupart des médecins<br />
travaillant dans le système de<br />
santé public, de nombreux psychiatres<br />
ont dû se soumettre à<br />
une méthode de travail à la chaîne<br />
afin de tenter de rentabiliser<br />
leurs activités. Contrairement aux<br />
psychiatres de la France, par<br />
exemple, les psychiatres du<br />
Québec affiliés à la Régie de l’assurance<br />
maladie n’ont pas la possibilité<br />
d’augmenter leur taux horaire,<br />
en fonction de leur notoriété<br />
et surtout, ils n’ont pas le droit<br />
d’octroyer à leurs patients des<br />
soins privés complémentaires aux<br />
traitements de base. Les consultations<br />
en psychiatrie sont donc<br />
beaucoup moins efficaces que ce<br />
qu’elles pourraient être et les listes<br />
d’attente pour obtenir un rendezvous<br />
n’en finissent plus.»<br />
«Dans certains pays comme la<br />
France, la plupart des soins de<br />
la santé de base sont couverts<br />
par l’État, conclut-il. Les traitements<br />
qui sont jugés complémentaires<br />
peuvent toutefois être<br />
assurés par les médecins, au<br />
niveau privé. Au sein de ces<br />
pays, un ticket modérateur est<br />
également imposé aux patients<br />
afin de rendre le service de santé<br />
public accessible à tous, sans<br />
temps d’attente exagéré. Ne devrions-nous<br />
pas nous aussi tenter<br />
de trouver des solutions de<br />
partenariat équitables entre les<br />
services de santé publics et ceux<br />
qui sont privés? Pour cela, on<br />
doit examiner les partenariats<br />
éventuels, cas par cas.»<br />
En plus d’écrire des livres, Dr<br />
Édouard Beltrami anime actuellement<br />
de plus en plus de<br />
conférences grand public ou<br />
privées sur la santé. Il veut définitivement<br />
aider autrement les<br />
Québécois en matière de santé.<br />
Édouard Beltrami<br />
Tél.: (514) 591-4792<br />
edouardbeltrami@videotron.ca