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ZESO 03/14 (f)

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Comment calculer le soutien aux<br />

époux vivant séparément?<br />

Un couple marié vit séparément dans deux communes différentes. Les deux époux ont sollicité l’aide<br />

sociale. L’aide sociale ne se charge des frais supplémentaires engendrés par deux ménages qu’à<br />

condition que la séparation soit réglée par un juge ou en présence de circonstances particulières.<br />

Question<br />

Madame X est mariée et vit séparée de son<br />

époux dans la commune de A. Elle est au<br />

chômage et elle est arrivée en fin de droit<br />

aux indemnités journalières. N’ayant pas<br />

de fortune, elle dépose une demande d’aide<br />

auprès du service social de son domicile.<br />

Les premiers examens font ressortir que<br />

son époux, qui vit séparé d’elle, a également<br />

sollicité des prestations d’aide sociale<br />

dans sa commune de domicile de B. Les<br />

deux conjoints souhaitent garder leur domicile<br />

respectif. La séparation n’a toutefois<br />

pas été prononcée par un juge. Comment<br />

procéder, dans ce cas, pour fixer le soutien?<br />

Pratique<br />

Dans cette rubrique, la <strong>ZESO</strong> publie des questions<br />

professionnelles exemplaires de la pratique de l'aide<br />

sociale qui ont été adressées à la «CSIAS-Line»,<br />

une offre de conseil en ligne que la CSIAS propose<br />

à ses membres. L'accès pour vos questions se fait<br />

par l'«espace membres»: www.csias.ch espace<br />

membres (se connecter) SKOS-Line.<br />

Bases<br />

En règle générale, les époux sont libres de<br />

choisir chacun son propre domicile<br />

(art. 24 Const. féd. Liberté d’établissement).<br />

En vertu de l’art. 163 CCS, mari et femme<br />

contribuent cependant, chacun selon ses<br />

facultés, à l’entretien convenable de la famille.<br />

La définition de l’entretien convenable<br />

est déterminée, entre autres, par les<br />

conditions financières des conjoints. Dans<br />

le cas de et de Monsieur X, les ressources ne<br />

suffisent pas à financer deux ménages. Il<br />

faudrait dès lors la présence de circonstances<br />

particulières pour que les frais supplémentaires<br />

engendrés par deux ménages<br />

soient considérés comme faisant partie de<br />

l’entretien convenable.<br />

Par conséquent, les dépenses supplémentaires<br />

engendrées par le fait que deux<br />

personnes mariées vivent séparément<br />

ne doivent être prises en compte, à l’aide<br />

sociale, que si cette séparation de corps<br />

est réglée par voie juridique ou si elle est<br />

motivée par d’autres raisons importantes,<br />

telles que des circonstances professionnelles<br />

ou une cohabitation devenue impossible<br />

(normes CSIAS F.3.2). Si tel n’est<br />

pas le cas, on peut exiger de la personne<br />

soutenue qu’elle reprenne la vie commune<br />

avec l’époux ou l’épouse ou qu’elle engage,<br />

dans les trente jours, une procédure juridique<br />

en séparation, en divorce ou en protection<br />

de l’union conjugale. Une telle injonction<br />

ne viole pas la liberté de mariage<br />

(art. <strong>14</strong> Const. féd. Droit au mariage).<br />

Une procédure en protection de l’union<br />

conjugale, en cas d’époux vivant séparément,<br />

sert à régler les conditions pour la durée<br />

de la vie séparée, notamment en ce qui<br />

concerne l’entretien (art. 176 ss. CCS). La<br />

validité et l’existence de l’union conjugale<br />

n’en sont aucunement atteintes. En raison<br />

du principe de la subsidiarité, la décision<br />

de réclamer et de faire respecter d’éventuels<br />

droits à l’entretien n’appartient pas à<br />

la personne demandant de l’aide (voir décision<br />

du Tribunal administratif du Canton<br />

d’Argovie WBE.2005.99 du 13 octobre<br />

2005, E. 5.3 s.).<br />

En raison du devoir de faire des efforts<br />

pour diminuer le besoin d’aide, les époux<br />

n’ont pas droit au financement durable de<br />

deux appartements et de deux forfaits pour<br />

l’entretien de ménages d’une personne s’il<br />

n’y a pas de circonstances particulières. La<br />

directive à établir doit attirer l’attention sur<br />

le fait qu’en cas de non-respect dans les<br />

délais, le calcul du futur soutien se basera<br />

sur un seul ménage. Dans de tels cas, le<br />

forfait pour l’entretien commun et le loyer<br />

d’un appartement approprié sont pris en<br />

compte.<br />

Réponse<br />

Du fait que, dans le cas de Madame et de<br />

Monsieur X, la séparation de corps ne<br />

semble pas motivée par des raisons importantes,<br />

la demandeuse ne sera soutenue<br />

comme ménage d’une seule personne que<br />

pour une durée limitée. Afin de concerter la<br />

suite à donner à l’affaire, le service social de<br />

Madame X doit rapidement prendre contact<br />

avec celui du domicile de l’époux. Les<br />

deux services sociaux devraient édicter des<br />

directives séparées pour les deux époux,<br />

leur fixant un délai pour réunir les deux<br />

ménages. En règle générale, ce délai tient<br />

compte des conditions usuelles de résiliation.<br />

Si la directive n’est pas respectée, on<br />

peut, après échéance du délai, baser le<br />

calcul du soutien sur un seul ménage.<br />

Ainsi, le forfait pour l’entretien de deux personnes<br />

et le loyer d’un appartement approprié<br />

sont pris en compte. Ces frais sont à répartir<br />

entre les deux communes. •<br />

Kurt Felder<br />

Commission Normes et aide à la pratique<br />

8 CSIAS 3/<strong>14</strong> pratique


L’arrivée d’un enfant ne doit pas plonger<br />

la famille dans la pauvreté<br />

L’évolution de la société et du modèle familial met en lumière des besoins d’appuis nouveaux dans<br />

le domaine des infrastructures, de l’organisation et des charges financières. Pour bénéficier de<br />

conditions de vie favorables, les familles doivent être déchargées de certains tracas financiers et<br />

organisationnels.<br />

En Suisse, la famille a une grande importance elle est cette cellule<br />

de base, cette entité, ce creuset où va se forger l’épanouissement<br />

de l’être humain, permettre le développement de la génération future<br />

et apporter un soutien aux anciens. Au sens large, la politique<br />

familiale est l’organisation de la vie des familles au sein de leur cité,<br />

en reconnaissant leurs prestations. Plus précisément, c’est la<br />

responsabilité de la communauté publique de mettre en place des<br />

mesures établissant les conditions et cadres de vie adéquats pour<br />

les familles, avec des moyens financiers suffisants à disposition.<br />

Cette politique touche donc tous les éléments qui influencent<br />

le bien-être des familles. Les piliers de la politique familiale se dégagent<br />

dès lors clairement et comprennent les éléments suivants:<br />

le soutien lors de la naissance et de la petite enfance, l’école et<br />

les études, le logement et les espaces de loisirs, la vie harmonieuse<br />

entre parents et enfants, la conciliation de la profession et de<br />

l’éducation des enfants et, bien sûr, les moyens financiers à disposition<br />

pour faire face aux dépenses générées par les besoins des<br />

familles.<br />

Le modèle de la famille a beaucoup évolué. Aujourd’hui, le modèle<br />

de la famille dite «traditionnelle», où l’un des parents s’occupe<br />

des enfants, devient minoritaire, puisque plus de 70 pour cent des<br />

mamans ont une activité lucrative. Cette activité, exercée souvent<br />

à temps partiel, il est vrai, atteste d’un engagement important<br />

des jeunes parents. Les familles monoparentales et recomposées<br />

se sont multipliées, également. Cette évolution du visage de la famille,<br />

dans notre pays, a mis en lumière des besoins d’appuis dans<br />

le domaine des infrastructures, de l’organisation et des charges<br />

financières.<br />

Les défis majeurs de la politique familiale<br />

Pour la Commission fédérale de coordination pour les questions<br />

familiales (COFF), organe consultatif du Conseil fédéral, les défis<br />

majeurs à relever sont, en priorité, l’amélioration de la conciliation<br />

du travail lucratif et de la vie de famille, ainsi que la lutte contre les<br />

charges financières excessives et l’élimination de la pauvreté des familles.<br />

Le moment de l’arrivée d’un enfant dans une famille est un<br />

moment privilégié et rare. Il faut que les parents puissent le vivre<br />

en toute sérénité. Un bon départ dans la vie pour les enfants peut<br />

influencer favorablement toute la destinée. Le congé-maternité<br />

compensé de <strong>14</strong> semaines a été établi. Il devrait être complété par<br />

un congé-paternité d’au moins 15 jours et d’un congé parental.<br />

La COFF a développé un modèle de congé parental de 24 semaines,<br />

compensé par le fond des allocations de pertes de gain.<br />

Il devrait être partagé, idéalement, en 12 semaines pour chacun<br />

des parents. Notre commission va tenir, en janvier prochain, une<br />

journée sur le thème du congé-parental, en collaboration avec la<br />

commission fédérale pour les questions féminines (CFQF) afin<br />

de motiver les représentants politiques de concrétiser une avance<br />

dans ce domaine.<br />

En complément, il est indispensable de s’engager pour la réussite<br />

des deux actions suivantes. Premièrement, la poursuite du programme<br />

d’impulsion, visant à encourager la création de places de<br />

Les tracas quotidiens représentent parfois un casse-tête.<br />

16 ZeSo 3/<strong>14</strong> ACCENT


Les prestations complémentaires pour<br />

familles déchargent l’aide sociale<br />

L’introduction de prestations complémentaires pour familles (PCFam), en tant qu’instrument de lutte<br />

contre la pauvreté des familles, fait l’objet de discussions dans plusieurs cantons. Dans le canton de<br />

Soleure, il s’avère que les PCFam permettent de réduire la précarité des familles de travailleurs pauvres<br />

(working poor) et de décharger l’aide sociale. La conception de la prestation présente toutefois des<br />

possibilités d’améliorations.<br />

Comme leur nom l’indique, les prestations complémentaires pour<br />

familles (PCFam) s’inspirent des prestations complémentaires à<br />

l’AVS et à l’AI. Contrairement à ces dernières, elles ne complètent<br />

pas une rente, mais un revenu insuffisant. Cette différence, ainsi<br />

que le fait que cette prestation soit axée sur les familles, font que le<br />

système des PC à l’AVS/AI ne peut pas être repris tel quel pour les<br />

PCFam. C’est pourquoi le canton de Soleure a développé un modèle<br />

spécifique pour les PCFam dans le but d’améliorer la situation<br />

financière des familles working poor et de décharger l’aide sociale.<br />

Les PCFam, après avoir été acceptées en votation populaire dans ce<br />

canton, ont été introduites en 2010 pour une durée limitée.<br />

En vue de la reconduite après la phase pilote, la Fachhochschule<br />

Nordwestschweiz, en collaboration avec la CSIAS, a évalué les<br />

effets des PCFam dans le canton de Soleure. Sur la base des résultats<br />

de cette évaluation, le parlement soleurois a décidé, en juin<br />

20<strong>14</strong>, de reconduire la prestation pour une durée provisoire de<br />

trois ans.<br />

Maintenir l’incitation au travail<br />

Les familles souhaitant bénéficier des PCFam soleuroises doivent<br />

déposer une demande auprès de la caisse de compensation AVS.<br />

Seules sont admises les demandes émanant de familles tributaires<br />

d’un faible revenu. Une famille sans revenu reste à l’aide sociale. Les<br />

familles monoparentales doivent gagner au moins 7500 francs par<br />

an. Pour les familles biparentales, le revenu annuel minimal donnant<br />

droit à des PCFam se monte à 30 000 francs. Par ailleurs,<br />

seules les familles avec des enfants en dessous de six ans, qui vivent<br />

depuis au moins deux ans dans le canton, ont droit à la prestation.<br />

L’incitation à exercer une activité lucrative, malgré l’obtention de<br />

PCFam, doit être maintenue. A cet effet, l’exigence d’un revenu<br />

Les familles<br />

soutenues sont<br />

en majorité des<br />

familles biparentales.<br />

minimal est accompagnée d’une franchise sur le revenu accordée à<br />

partir d’un revenu donné.<br />

Un soutien pour 1340 enfants dans 630 familles<br />

L’évaluation montre que depuis l’introduction de la prestation, le<br />

nombre de familles soutenues n’a cessé d’augmenter. Au début de<br />

2011, 170 familles étaient bénéficiaires de PCFam. En décembre<br />

2013, elles étaient déjà 630 familles, avec un total de 1340 enfants.<br />

Par rapport aux prévisions du Conseil d’Etat, qui estimait le<br />

nombre de ménages ayant droit aux PCFam à 1200, seule une<br />

bonne moitié du potentiel est épuisée. On peut donc supposer que<br />

le nombre de familles soutenues continuera à progresser. Ce qui<br />

surprend toutefois, c’est le taux élevé de demandes ayant dû être refusées.<br />

Pour deux demandes déposées sur cinq, les conditions donnant<br />

droit à la prestation n’étaient pas remplies ou il n’était pas<br />

possible de constater un besoin.<br />

Les familles soutenues sont en majorité des familles biparentales.<br />

Les familles monoparentales représentent un sixième environ<br />

des ménages bénéficiaires. Un tiers des familles compte trois<br />

enfants ou plus. De manière générale, les différences les plus frappantes<br />

entre les deux formes familiales sont les suivantes: les personnes<br />

élevant seules des enfants sont majoritairement des Suissesses<br />

bénéficiant d’une formation qui correspond à la moyenne<br />

suisse. En revanche, deux tiers des familles biparentales sont des<br />

familles d’origine étrangère dont le niveau de formation est nettement<br />

inférieur. On peut en déduire que ces dernières se trouvent<br />

dans une situation classique de working poor, où les bas salaires ne<br />

suffisent pas à couvrir l’entretien de toute la famille. En revanche,<br />

la pauvreté des foyers monoparentaux est plutôt le résultat d’une<br />

activité lucrative réduite en raison de la garde des enfants.<br />

Une famille ayant droit aux PCFam bénéficie également du<br />

forfait pour l’assurance maladie, autrement dit d’une réduction<br />

de l’ensemble de la prime. Pour un tiers des familles, ce montant<br />

suffit déjà à couvrir les besoins. En décembre 2013, les familles<br />

ont été soutenues à hauteur de <strong>14</strong>50 francs, en moyenne, forfait<br />

pour la caisse maladie compris. En 2013, le canton de Soleure a<br />

dépensé quelque cinq millions de francs pour les PCFam, dont un<br />

demi-million pour l’administration.<br />

La pauvreté peut être réduite<br />

A l’aide d’une analyse modèle, l’évaluation fait ressortir que<br />

l’objectif mis en avant dans la discussion politique, à savoir la<br />

réduction de la précarité financière des familles working poor, est<br />

18 CSIAS 3/<strong>14</strong> ACCENT


politique familiale<br />

Famille nombreuse – risque de pauvreté: un tiers des familles soutenues par des PCFam comptent trois enfants ou plus.. <br />

Image: Keystone<br />

atteint en grande partie. Toutes les formes familiales bénéficient de<br />

conditions financières meilleures avec les PCFam qu’à l’aide sociale.<br />

A l’intérieur des différents types familiaux, on identifie toutefois<br />

des segments de revenu dans lesquels les familles ont besoin<br />

d’être soutenues par l’aide sociale pour atteindre le minimum vital.<br />

Par ailleurs, il existe des segments salariaux dans lesquels les incitations<br />

à exercer une activité lucrative ne sont pas suffisantes.<br />

L’amélioration de la situation financière des familles grâce aux<br />

prestations complémentaires est confirmée par un sondage réalisé<br />

auprès des bénéficiaires. Après six mois d’obtention de la prestation,<br />

près de 70% des bénéficiaires déclarent que leur situation<br />

financière s’est «plutôt» ou «considérablement» améliorée. Mais<br />

même si, après six mois d’obtention de PCFam, les personnes interrogées<br />

ont moins de difficultés à régler les dépenses mensuelles<br />

indispensables et les bénéficiaires contraints de renoncer, pour des<br />

raisons financières, à une consultation ou un traitement médical<br />

moins nombreux, les résultats montrent également que malgré<br />

les PCFam, la situation financière de nombreuses familles est tout<br />

sauf aisée: deux tiers des familles interrogées indiquent qu’elles<br />

ont toujours «passablement de peine» à régler les dépenses mensuelles<br />

indispensables. De même, une famille bénéficiaire sur huit<br />

renonce, pour des raisons financières, à une consultation ou un<br />

traitement médical. La plupart des familles qui perdent leur droit<br />

à des PCFam voient leur situation financière à nouveau se dégrader:<br />

60% des personnes interrogées qui, six mois après le début<br />

de l’obtention, ont déjà perdu à nouveau leur droit à la prestation,<br />

déclarent que, depuis la fin de l’obtention, leur situation s’est «plutôt»<br />

ou «considérablement» dégradée.<br />

Situation de vie améliorée<br />

Interrogés directement sur le changement de situation de vie depuis<br />

le début du soutien, les bénéficiaires signalent parfois une<br />

évolution positive dans les domaines de vie suivants: relations personnelles<br />

et soutien, loisirs ainsi que situation de logement. En <br />

ACCENT 3/<strong>14</strong> CSIAS<br />

19<br />


comparant les auto-évaluations aux deux moments de l’interrogation,<br />

on constate que les personnes interrogées sont par ailleurs<br />

moins souvent déprimées, désespérées ou angoissées. Définir la<br />

pauvreté uniquement comme un manque de moyens financiers<br />

serait dès lors insuffisant, puisque la pauvreté s’accompagne également<br />

de restrictions dans les domaines de vie mentionnés.<br />

Conclusion et recommandations<br />

En raison de la sortie de l’aide sociale de bénéficiaires de<br />

PCFam, les charges de l’aide sociale ont diminué de quelque<br />

1,2 million de francs entre 2010 et 2012. Ceci correspond à un<br />

peu moins de 20% des montants PCFam versés. Ainsi, le deuxième<br />

effet visé par les PCFam, à savoir la décharge financière de<br />

l’aide sociale et donc des communes, peut également être confirmé<br />

dans la mesure attendue. Le calcul tient compte uniquement<br />

des passages effectifs et prouvés de l’aide sociale aux PCFam,<br />

mais non pas des entrées à l’aide sociale qui ont pu être évitées.<br />

Pendant la période de 2010 à 2012, une obtention simultanée<br />

d’aide sociale et de PCFam ne peut être constatée que pour<br />

4% environ des nouveaux bénéficiaires et elle est donc très rare.<br />

Les obtentions parallèles s’expliquent, pour la majorité, par des<br />

frais non couverts par les PCFam, tels que ceux liés à des mesures<br />

de protection de l’enfant.<br />

Les objectifs poursuivis par les PCFam – réduction de la pauvreté<br />

financière des familles working poor et décharge financière<br />

de l’aide sociale – sont atteints en grande partie. Mais la réalisation<br />

de ces objectifs ainsi que la situation des familles working poor<br />

pourraient encore être améliorées. Ainsi, l’évaluation fait ressortir<br />

un potentiel d’optimisation au niveau de la concertation entre les<br />

PCFam et d’autres prestations sociales, par exemple la réduction<br />

des primes d’assurance maladie. Une meilleure harmonisation<br />

permettrait d’éviter des effets de seuil et de maintenir l’incitation<br />

financière à exercer une activité lucrative pour toutes les situations<br />

familiales et de revenu. Par ailleurs, la majorité des familles sortent<br />

des PCFam du fait que l’enfant le plus jeune atteint l’âge de six<br />

ans. Pour la plupart des familles, cette sortie entraîne des pertes<br />

financières considérables qui nécessitent un nouveau recours à<br />

l’aide sociale. Il semble dès lors indiqué d’examiner une augmentation<br />

de la limite d’âge des enfants donnant droit à des PCFam<br />

afin d’atténuer la problématique des working poor.<br />

•<br />

Edgar Baumgartner et Joel Gautschi,<br />

Fachhochschule Nordwestschweiz<br />

Franziska Ehrler,<br />

Secteur Etudes, CSIAS<br />

Rapport d’évaluation<br />

Baumgartner, E., Ehrler, F., Gautschi, J., Bochsler, Y., Evaluation der<br />

Ergänzungsleistungen für Familien im Kanton Solothurn, Schlussbericht,<br />

Olten/Bern, 20<strong>14</strong>.<br />

www.fhnw.ch/ppt/content/pub/evaluation-der-ergaenzungsleistungen-furfamilien-im-kanton-solothurn<br />

Les cantons qui connaissant des PCFam tirent un bilan positif<br />

Les prestations complémentaires pour familles figurent à l’agenda<br />

politique de différents cantons, avec un succès inégal: le canton du<br />

Tessin connaît cette prestation depuis 15 ans, les cantons de Vaud<br />

(2011) et de Genève (2012) l’ont introduite peu après Soleure<br />

(2010). Dans le canton de Berne, un projet de loi a récemment été<br />

rejeté par le parlement; à Lucerne, une nouvelle initiative a été<br />

lancée. A Schwyz, une initiative populaire correspondante a été<br />

rejetée massivement. Quant à Fribourg, il connaît un mandat<br />

constitutionnel pour l’introduction de PCFam. Dans certains cantons,<br />

des interventions politiques sont en cours; dans d’autres, la<br />

question est temporairement écartée. Si l’état de la discussion politique<br />

est très hétérogène, les modèles adoptés par les cantons qui<br />

ont introduit des prestations complémentaires pour familles le sont<br />

tout autant. Au Tessin et dans le canton de Vaud, les prestations sont<br />

échelonnées en fonction de l’âge des enfants: les familles comptant<br />

des enfants en bas âge touchent des prestations plus élevées. Au Tessin,<br />

le droit prend fin quand l’enfant atteint l’âge de 15 ans. Dans<br />

le canton de Vaud, la limite d’âge se situe à 16 ans. A Genève, les familles<br />

ont droit à des PCFam jusqu’à ce que les enfants aient 25 ans<br />

si ceux-ci sont encore en formation.<br />

Les PCFam agissent également contre la stigmatisation<br />

Les expériences du canton de Vaud montrent que là, également, les<br />

PCFam sont efficaces. Depuis l’introduction de la prestation, en<br />

2011, le nombre de bénéficiaires n’a cessé d’augmenter. En<br />

février 20<strong>14</strong>, quelque 7000 personnes vivant dans 2000 ménages<br />

ont été soutenues avec un montant moyen de 975 francs par mois.<br />

Les PCFam ont également permis à quelque 1500 ménages de<br />

sortir de l’aide sociale. En 2013, le canton de Vaud a dépensé<br />

22,5 millions de francs pour les PCFam. En parallèle, le canton a<br />

mis en place un programme de coaching pour les familles afin que<br />

celles-ci puissent améliorer leurs chances de trouver un emploi ou<br />

d’augmenter le taux de leur activité lucrative.<br />

Dans le canton de Genève, les PCFam sont un peu plus récentes<br />

que dans le canton de Vaud. Elles y sont en vigueur depuis 2012<br />

et des évaluations fondées ne sont pas encore disponibles. Selon<br />

les premières expériences, la nouvelle prestation semble toutefois<br />

répondre aux attentes. Fin juin 20<strong>14</strong>, quelques 3450 personnes<br />

vivant dans 1000 ménages ont été soutenues. Dans le canton de<br />

Genève, l’objectif de décharger l’aide sociale répondait moins à des<br />

considérations financières, mais surtout à la volonté de faire passer<br />

les familles à un système de prestations moins stigmatisant. Là<br />

encore, les expériences sont positives : au cours des trois premiers<br />

mois, 400 dossiers ont pu être transférés de l’aide sociale aux PC-<br />

Fam. Ainsi, en dehors du canton de Soleure, les deux autres cantons<br />

qui ont introduit des PCFam depuis 2010, tirent également un<br />

bilan positif. <br />

•<br />

Franziska Ehrler,<br />

Secteur Etudes, CSIAS<br />

20 CSIAS 3/<strong>14</strong> ACCENT


Norma Bargetzi-Horisberger s’est toujours intéressée aux projets générationnels.<br />

Image: Didier Ruef<br />

Grand-mère par adoption<br />

Norma Bargetzi-Horisberger est en train de mettre en place le pendant tessinois du mouvement<br />

alémanique de la «révolution des grands-mères». Le besoin d’échanger, entre femmes de la<br />

génération des grands-mères, est manifeste au sud des Alpes.<br />

Movimento AvaEva: c’est le nom italien d’un<br />

mouvement connu en Suisse alémanique<br />

sous celui de «Grossmütterrevolution»<br />

(révolution des grands-mères). Mais que<br />

signifie AvaEva? Norma Bargetzi, 59 ans,<br />

s’attend bien évidemment à cette question.<br />

Elle est la coordinatrice du mouvement qui<br />

est en train de naître au Tessin. Ava provient<br />

du mot «avi», ancêtres. Mais dans le<br />

dialecte tessinois, «äva» veut également<br />

dire «nonna», grand-mère. Eva symbolise le<br />

féminin. Le mot, créé de toute pièce,<br />

évoque donc lui aussi la génération des<br />

grands-mères. Le terme de «révolution» aurait<br />

été mal perçu dans un Tessin plutôt<br />

conservateur.<br />

Pour l’heure, le projet en est encore à ses<br />

débuts. Norma Bargetzi a donc été d’autant<br />

plus surprise lorsque, en octobre dernier,<br />

plus de 100 femmes ont participé à la première<br />

réunion. Il faut dire qu’un comité de<br />

promotion, sous sa direction, avait fait pas<br />

mal de pub. Le grand nombre de participantes<br />

a clairement montré que le besoin<br />

d’échanger, entre femmes de la génération<br />

des grands-mères, existe également outre<br />

Gothard. Là, comme chez les voisines du<br />

nord, les grands-mères, qui font un travail<br />

énorme et pourtant peu reconnu, sont<br />

nombreuses. «Et les problèmes augmentent»,<br />

constate Norma Bargetzi. Quel est,<br />

par exemple, le comportement à adopter<br />

par les grands-parents lorsque les parents<br />

divorcent? Ce sont des problèmes très concrets<br />

et de plus en plus fréquents.<br />

A 37 ans dans le rôle de grand-mère<br />

Bien qu’elle n’ait pas d’enfants à elle, elle<br />

est «grand-mère par adoption» depuis<br />

1992. C’est à ce moment-là que la fille de<br />

son mari a accouché d’une fille, qui a 22 ans<br />

aujourd’hui, et avec laquelle elle entretient<br />

une relation étroite. A l’époque, c’était une<br />

expérience nouvelle et insolite pour Norma<br />

Bargetzi. A 37 ans seulement, elle s’estimait<br />

trop jeune pour être grand-mère: «Je<br />

me sentais un peu à côté de la plaque.»<br />

Elle a toujours été à cheval entre les différentes<br />

cultures et parties de la Suisse. Née<br />

et ayant grandi à Locarno, elle a toujours<br />

parlé, en dehors de l’italien, le suisse allemand<br />

et le français à la maison. En raison<br />

d’une déformation de la colonne vertébrale,<br />

elle a passé beaucoup de temps à l’hôpital,<br />

dans sa jeunesse. «Cela m’a marquée», ditelle.<br />

Et cette expérience a suscité en elle le<br />

souhait de travailler dans le social, de vivre<br />

la solidarité. Après avoir terminé une formation<br />

sociale à la HES de Lucerne, Norma<br />

Bargetzi a travaillé dans un service social<br />

polyvalent cantonale. En même temps, elle<br />

a été co-fondatrice de l’ATFA, une association<br />

tessinoise de parents d’accueil. Mais<br />

elle a fini par se sentir à l’étroit dans le can-<br />

ton du sud des Alpes et elle s’est installée<br />

en Argovie où elle a travaillé avec des personnes<br />

sourdes et aveugles. En parallèle,<br />

elle a suivi une formation de psychothérapeute<br />

à l’Institut C.G. Jung à Zurich et elle<br />

a ouvert son propre cabinet. Mais ensuite,<br />

elle a ressenti le besoin d’une pause et d’une<br />

nouvelle orientation. De 2001 à 20<strong>03</strong>, elle<br />

a navigué avec son mari. «Pas de tour du<br />

monde», souligne-t-elle, «mais beaucoup<br />

de temps passé en Grèce, pour retrouver<br />

notre propre rythme». Puis le couple a décidé<br />

d’entamer une nouvelle étape de vie au<br />

Tessin, à Cassina d’Agno, «parce que c’était<br />

une terre inconnue pour nous deux».<br />

En dehors de son travail de psychothérapeute,<br />

Norma Bargetzi a élaboré un projet<br />

pour des enfants de parents divorcés.<br />

Aujourd’hui, elle a diminué son engagement<br />

dans son propre cabinet afin d’avoir<br />

plus de temps pour le Movimento AvaEva.<br />

Le pour-cent culturel Migros l’a engagée<br />

comme coordinatrice pour le Tessin. «Les<br />

projets générationnels m’ont toujours intéressée<br />

et je suis agréablement surprise du<br />

bon écho que l’initiative a rencontré ici», se<br />

réjouit-elle. En octobre, la deuxième grande<br />

réunion d’AvaEva aura lieu à Lugano. C’est<br />

pourquoi, ces jours-ci, Norma Bargetzi a du<br />

travail par-dessus de la tête.<br />

•<br />

Gerhard Lob<br />

36 CSIAS 3/<strong>14</strong> portrait


Un lieu où l’on n’a pas besoin de<br />

fournir des explications<br />

Un repas chaud, une oreille attentive, un canapé où s’installer ou encore un ordinateur pour chercher<br />

un emploi: c’est ce que le centre d’accueil de jour Banc public, à Fribourg, offre sept jours sur sept aux<br />

personnes dans une situation de détresse financière ou sociale.<br />

Frédéric et David* sont installés à l’une des<br />

longues tables en bois et discutent autour<br />

d’un café. Deux hommes dans la cinquantaine,<br />

l’un élégant, chemise rayée et lunettes<br />

cerclées d’or, l’autre sportif, bronzé,<br />

lunettes de soleil dans les cheveux et le regard<br />

ouvert. Il pourrait s’agir d’une scène dans<br />

n’importe quel bistrot. Le menu – potage,<br />

salade, spaghetti à la bolognaise – est déjà<br />

affiché à l’ardoise. Mais les propos de Frédéric<br />

et de David laissent entrevoir des circonstances<br />

de vie précaires. Tous les deux<br />

dorment actuellement à l’hébergement<br />

d’urgence, ils sont à la recherche d’un emploi<br />

et d’un logement. C’est aussi la raison<br />

pour laquelle ils viennent ici, au centre<br />

d’accueil de jour Banc public. Car ici, le<br />

téléphone est gratuit, tout comme la première<br />

demi-heure d’accès à l’internet.<br />

Mais ils sont également là, parce qu’ils<br />

apprécient le repas de midi qui ne coûte<br />

que cinq francs, parce qu’ils peuvent discuter,<br />

lire les journaux et regarder la télé.<br />

Dans ce lieu «où personne ne vous cause de<br />

problèmes», comme le dit Frédéric, «un endroit<br />

où l’on se sent le bienvenu», comme<br />

l’exprime David. Lui qui, après des années<br />

passées à l’étranger, est revenu en Suisse<br />

et tente d’y reprendre pied, apprécie ce<br />

lieu: «Quand on dort dans l’hébergement<br />

d’urgence, on n’a plus d’amis.»<br />

Accès facile<br />

Depuis douze ans, le centre de jour de<br />

Fribourg propose aux personnes dans une<br />

situation de détresse financière ou sociale<br />

un lieu d’accueil, de rencontre et d’information.<br />

Sept jours sur sept, de huit heures<br />

et demie du matin à trois heures de l’aprèsmidi,<br />

les personnes dans le besoin peuvent<br />

y prendre une douche, boire un café, lire<br />

un livre, regarder la télé, utiliser un ordinateur<br />

et surfer sur l’internet, prendre le<br />

petit déjeuner et le repas de midi, mais<br />

également recourir au conseil en matière<br />

de santé ou au service de conseil général.<br />

Les offres sont proposées gratuitement ou<br />

à un prix très modeste, dont on peut s’acquitter<br />

également en aidant à la cuisine ou<br />

au jardin.<br />

L’accès aux offres est facile. Les possibilités<br />

sont multiples, les contraintes inexistantes<br />

– à l’exception des deux règles de la<br />

maison : respect des objets et des personnes<br />

et abstinence d’alcool et de drogues. Au<br />

Banc public, la discrétion est rigoureusement<br />

respectée. Seuls le prénom et le lieu<br />

de domicile sont notés pour la statistique.<br />

On n’a pas besoin d’expliquer les raisons<br />

pour lesquelles on y vient. «Le travail de rue<br />

dans une maison», c’est la définition qu’en<br />

donne Anne-Marie Schmid, la responsable<br />

du centre de jour. «Dans ce type de travail<br />

social, l’approche est délibérément retenue<br />

et informelle.» Pour elle, rien que la présence<br />

d’autres personnes est précieuse. «Ce<br />

n’est pas la même chose de vivre une situation<br />

difficile seul ou entouré de personnes<br />

respectueuses», estime Madame Schmid.<br />

Lorsque la confiance et l’intérêt sont là,<br />

le centre propose également un conseil.<br />

En revanche, les travailleurs sociaux<br />

sont un peu plus énergiques avec les jeunes<br />

entre 18 et 30 ans, plus nombreux à venir<br />

au Banc public ces dernières années. «Avec<br />

Le centre d’accueil de<br />

jour Banc Public<br />

Le centre d’accueil de jour Banc public a été ouvert<br />

en 2002 à la suite de l’intervention de représentants<br />

de l’hébergement d’urgence fribourgeois et après la<br />

publication de deux études qui ont mis en évidence<br />

que la ville de Fribourg manquait d’une structure de<br />

jour pour les personnes sans abri. Depuis, le centre<br />

est accessible sept jours sur sept. Il est financé à<br />

70% par la Loterie romande et le Canton de Fribourg,<br />

les 30% restants proviennent, à parts égales, de dons<br />

et des contributions au repas de midi. Le centre occupe<br />

huit travailleurs sociaux (hommes et femmes,<br />

5 postes à temps complet), plusieurs bénévoles et<br />

une personne qui y accomplit son service civil.<br />

Distribution du repas au centre d’accueil de jour Banc Public.<br />

www.banc-public.ch<br />

30 CSIAS 3/<strong>14</strong> reportage


Maria prépare les légumes pour la sauce bolognaise.<br />

Images: Annette Boutellier<br />

eux, nous voulons identifier les problèmes<br />

plus rapidement et nous essayons davantage<br />

de les motiver pour s’adresser à des<br />

centres de conseil spécialisés.» Le dialogue<br />

entre les utilisateurs et les travailleurs<br />

sociaux peut se nouer par exemple à la<br />

cuisine. Aujourd’hui, Maria aide à préparer<br />

les légumes pour la sauce bolognaise.<br />

L’ambiance, dans la cuisine, est aux plaisanteries<br />

et aux rires. Hadi Tawfik, le<br />

travailleur social, sait créer un bon climat.<br />

«Quand les gens rayonnent, je suis heureux<br />

moi-même.» Avec Maria, il a déjà<br />

réussi: un sourire étincelle dans ses yeux.<br />

«Je suis émue d’être aussi bien accueillie»,<br />

dit-elle. Et pendant qu’elle évoque des<br />

problèmes avec sa demande d’aide sociale,<br />

deux hommes jouent aux cartes à la salle à<br />

manger.<br />

Au premier étage, on entend le bruit d’une<br />

douche, dans la pièce à côté, quelqu’un pianote<br />

sur un clavier d’ordinateur. C’est une<br />

ambiance paisible, conviviale, qui invite à<br />

s’attarder. Mais qui, selon les expériences<br />

d’Anne-Marie Schmid, peut basculer d’un<br />

moment à l’autre. Alors, le personnel d’encadrement<br />

doit intervenir pour désamorcer<br />

et régler des conflits qui peuvent éclater<br />

pour différentes raisons: la mauvaise forme<br />

psychique de l’un ou l’incapacité de l’autre<br />

de payer son repas.<br />

Nette augmentation de la fréquentation<br />

Depuis la fondation du centre d’accueil de<br />

jour, le nombre de bénéficiaires a augmenté<br />

chaque année de 10%, en moyenne, passant<br />

de 25, au début, à plus de 60 personnes<br />

par jour, aujourd’hui. «Chaque jour,<br />

il y a de nouveaux arrivants», relate Anne-<br />

Marie Schmid, en précisant qu’«à nombre<br />

d’entre eux, nous ne servons de tremplin<br />

que pour une durée limitée.»<br />

A défaut de statistiques détaillées, Anne-<br />

Marie Schmid fait l’estimation suivante:<br />

50% des personnes qui fréquentent le<br />

centre sont à la recherche d’un emploi,<br />

par exemple des migrants, des bénéficiaires<br />

de l’aide sociale ou des chômeurs.<br />

25% vivent de l’AVS ou de l’AI, 15% ont<br />

un emploi précaire et pour 10%, la source<br />

de revenus est inconnue. Un tiers des<br />

bénéficiaires sont des sans-abri, neuf sur<br />

dix sont des hommes. L’une des rares<br />

femmes vient de franchir le pas de la porte,<br />

appuyée sur des béquilles, blouson de<br />

denim, piercings et un doux sourire aux<br />

lèvres, juste à temps pour le repas de midi.<br />

Depuis cinq ans, cette femme de 56 ans y<br />

vient régulièrement deux fois par semaine.<br />

Après la mort de son compagnon, Evelyne<br />

vivait seule et ne s’alimentait plus correctement.<br />

Banc public était exactement ce<br />

qu’il lui fallait: «Ici, je trouve une nourriture<br />

saine, avec des légumes, je rencontre<br />

des gens, je peux taper le carton, et il n’y<br />

a guère de conflits.» Elle qui, pour des raisons<br />

de santé, vit d’une rente AI, recourt<br />

aussi aux conseils de l’infirmière qui y propose<br />

régulièrement des consultations.<br />

«Salut Livia, on mange ensemble?» Evelyne<br />

salue une nouvelle arrivante avec<br />

laquelle elle ne tarde pas à se mettre dans la<br />

file devant le comptoir. Des hommes et des<br />

femmes, des jeunes et des moins jeunes,<br />

des migrants et des autochtones de plus en<br />

plus nombreux les rejoignent pour se faire<br />

servir une assiette de spaghetti à la bolognaise<br />

avec soupe et salade, au prix de cinq<br />

francs. Et à la clé, une coupe de mousse à la<br />

fraise comme dessert.<br />

•<br />

* tous les prénoms ont été modifiés<br />

Barbara Spycher<br />

reportage 3/<strong>14</strong> CSIAS<br />

31

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