ZESO 02/20
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SKOS CSIAS COSAS<br />
Schweizerische Konferenz für Sozialhilfe<br />
Conférence suisse des institutions d’action sociale<br />
Conferenza svizzera delle istituzioni dell’azione sociale<br />
Conferenza svizra da l’agid sozial<br />
<strong>ZESO</strong><br />
ZEITSCHRIFT FÜR SOZIALHILFE<br />
<strong>02</strong>/<strong>20</strong><br />
NORMES CSIAS<br />
Nouveau site web sert<br />
d'outil pour le conseil<br />
social<br />
INTERVIEW<br />
La CRS a été fortement<br />
sollicitée par la pandémie<br />
de Covid-19<br />
CORONA<br />
Le système social doit se<br />
préparer à un afflux de<br />
personnes démunies<br />
LA PARTICIPATION EST<br />
IMPORTANTE ET EFFICACE<br />
Des projets pilotes génèrent des résultats prometteurs
NEWS<br />
Révision de la loi sur<br />
l’aide sociale Bâle-Campagne<br />
Fin janvier, le canton de Bâle-Campagne<br />
a ouvert la procédure de consultation<br />
pour une révision partielle de la loi sur<br />
l‘aide sociale. Certains points importants<br />
des mesures proposées sont en contradiction<br />
avec les normes de la CSIAS, qui<br />
offrent un cadre national reconnu pour<br />
une aide sociale efficace. La CSIAS estime<br />
en particulier que le système de<br />
niveaux contenu dans le projet de loi est<br />
compliqué, injuste et contre-productif en<br />
termes d‘intégration professionnelle. En<br />
outre, il n‘offre aucune valeur ajoutée par<br />
rapport au système existant qui prévoit<br />
un forfait pour l’entretien uniforme.<br />
www.skos.ch/fr Publications <br />
Consultations<br />
Egalité des chances et<br />
santé<br />
L‘égalité des chances est l’un des objectifs<br />
principaux de la politique de santé,<br />
mais il n‘est pas encore atteint dans la<br />
pratique. Les personnes socialement<br />
défavorisées sont plus souvent en mauvaise<br />
santé et ont une espérance de<br />
vie inférieure à celles socialement plus<br />
aisées. Un nouveau rapport de base présente<br />
les approches d‘intervention et<br />
les critères de succès qui ont fait leurs<br />
preuves dans la pratique pour accroître<br />
l‘égalité des chances en matière de santé.<br />
www.promotionsante.ch Bases <br />
Publications<br />
Document de base<br />
CSIAS : pauvreté et<br />
seuils de pauvreté<br />
Les définitions de la pauvreté et du minimum<br />
vital social de la CSIAS sont devenues<br />
des références centrales de la<br />
politique sociale suisse. Elles tiennent<br />
compte d’une part des besoins de base<br />
matériels et immatériels et s’orientent<br />
d’autre part au coût de la vie prévalent.<br />
Toutefois, plusieurs définitions de la pauvreté<br />
et minimaux vitaux ont cours. Le<br />
document de base actualisé de la CSIAS<br />
présente les différents modèles et approches.<br />
www.skos.ch/fr Publications <br />
Documents de base<br />
Il n’est pas improbable de devoir percevoir l’aide sociale une fois dans sa vie. <br />
Une personne sur 11 perçoit l’aide sociale<br />
une fois dans sa vie<br />
En Suisse, environ 3 % de la population résidente<br />
permanente perçoit l‘aide sociale<br />
chaque année. En considérant cependant<br />
une période pluriannuelle, beaucoup plus<br />
de personnes dépendent une fois de l‘aide<br />
sociale. Voilà la conclusion d’une nouvelle<br />
étude de l‘Office fédéral des assurances sociales.<br />
Entre <strong>20</strong>11 et <strong>20</strong>17, 6,1 % des personnes<br />
résidant en permanence en Suisse<br />
ont eu recours au moins une fois à l‘aide sociale.<br />
Ce taux est donc deux fois plus élevé<br />
que celui enregistré sur une année. L‘analyse<br />
pluriannuelle confirme les facteurs de<br />
risque bien connus pour les bénéficiaires<br />
de l‘aide sociale : pour les familles monoparentales,<br />
le taux s‘élève à 26 %, pour les<br />
ménages d‘une personne à 10 %.<br />
L‘étude examine également des modèles<br />
permettant d‘estimer la probabilité<br />
de percevoir l’aide sociale au cours de la<br />
vie. Les analyses montrent qu‘entre 8,7<br />
et 9,1 % de toutes les personnes nées en<br />
Suisse âgées entre 25 et 63 ans perçoivent<br />
l’aide sociale une fois au cours de leur vie<br />
professionnelle, soit environ une personne<br />
sur 11. Pour les personnes nées à l‘étranger,<br />
l‘estimation se situe entre 15,2 et<br />
17,2 %. •<br />
Les perspectives d‘emploi s‘effondrent<br />
Photo : Palma Fiacco<br />
En raison de la pandémie COVID 19, les<br />
perspectives à court terme sur le marché<br />
suisse du travail se sont fortement détériorées:<br />
l‘indicateur de l‘emploi du KOF<br />
tombe à -19,9 points. L‘indicateur est actuellement<br />
inférieur à ce qu‘il avait été au<br />
plus fort de la crise financière et économique<br />
en <strong>20</strong>08/<strong>20</strong>09.<br />
Les entreprises s‘attendent maintenant<br />
à des réductions d‘emplois significatives<br />
dans les mois à venir. L‘indicateur de<br />
l‘emploi est calculé à partir des enquêtes<br />
économiques trimestrielles menées par<br />
le KOF. Les évaluations pour ce trimestre<br />
sont basées sur les réponses de 4635 entreprises<br />
qui ont été interrogées sur leurs<br />
projets d‘emploi en avril. Dans l‘ensemble,<br />
une nette majorité des entreprises interrogées<br />
estiment que leur niveau d‘emploi<br />
actuel est trop élevé. Dans le même temps,<br />
de nombreuses entreprises prévoient de réduire<br />
leurs effectifs au cours des trois prochains<br />
mois. Comme il fallait s‘y attendre,<br />
l‘indicateur de l‘emploi dans l‘industrie<br />
de l‘hôtellerie et de la restauration, qui<br />
est touchée par une fermeture complète, a<br />
subi la plus forte baisse. Les perspectives<br />
d‘emploi se sont fortement détériorées<br />
dans tous les secteurs de l‘économie à l‘exception<br />
du secteur des assurances. •<br />
4 <strong>ZESO</strong> 2/<strong>20</strong>
COMMENTAIRE<br />
L’aide sociale en période de coronavirus<br />
Depuis près de trois mois, la pandémie de<br />
coronavirus domine notre quotidien. A la<br />
mi-mars, les services sociaux ont réagi très<br />
rapidement à la nouvelle situation dans toute<br />
la Suisse. Aujourd’hui, les entretiens de<br />
conseil se déroulent surtout par téléphone,<br />
de nouvelles formes de travail numériques<br />
ont été introduites et les locaux ont été<br />
réaménagés de manière à respecter les<br />
règles d‘hygiène et de distance. Au début de<br />
la crise, de nombreux services sociaux ont<br />
enregistré une forte hausse des nouvelles<br />
inscriptions. Les personnes qui occupaient<br />
auparavant des postes à faible revenu ou<br />
travaillaient sur appel se sont annoncées<br />
auprès de l’aide sociale. Une démarche très<br />
difficile pour bon nombre d‘entre elles. La<br />
série de mesures du Conseil fédéral destinées<br />
aux indépendants et la réduction de<br />
l’horaire de travail prolongée ont permis de<br />
soulager temporairement les personnes<br />
concernées et les services sociaux. La crise<br />
a montré le rôle primordial des professionnels<br />
en première ligne, notamment dans<br />
le secteur social et de la santé. Les services<br />
sociaux ont accompli un véritable tour de<br />
force. La garantie du minimum vital et le<br />
soutien aux bénéficiaires de l‘aide sociale<br />
n‘ont jamais été remis en question. La<br />
hausse des nouvelles inscriptions a pu être<br />
maîtrisée. Je saisis cette occasion pour<br />
vous remercier très<br />
sincèrement pour les<br />
énormes efforts<br />
déployés au sein<br />
des services<br />
sociaux.<br />
À l‘heure actuelle, nous ne pouvons guère<br />
évaluer l’impact de la pandémie de coronavirus<br />
sur notre société et l’aide sociale. Pour<br />
l‘instant, nous entamons prudemment un<br />
retour à la normale. Au regard de l‘histoire<br />
des épidémies, nous savons cependant que<br />
de nouvelles vagues peuvent survenir à<br />
tout moment et nous imposer un retour en<br />
arrière.<br />
Il ne fait aucun doute que les conséquences<br />
économiques entraîneront une hausse du<br />
chômage, du moins temporaire. Le filet de<br />
sécurité de l‘assurance chômage doit être<br />
renforcé pendant cette phase. Les prestations<br />
transitoires pour les travailleurs âgés,<br />
en attente de décision par le parlement,<br />
contribueront à éviter les nouveaux cas de<br />
rigueur durant cette crise. Leur adoption<br />
se doit d’être imminente et sans nouveaux<br />
compromis en vue d’une rapide entrée en<br />
vigueur.<br />
Même si les systèmes en amont sont<br />
développés : l’aide sociale devra faire face à<br />
des défis majeurs dans les années à venir.<br />
Il deviendra plus difficile d’insérer les bénéficiaires<br />
sur le premier marché du travail.<br />
De plus en plus de personnes passeront au<br />
travers des mailles du filet. Et l‘intégration<br />
des réfugiés reste une tâche permanente.<br />
La crise du coronavirus engendrerat-elle<br />
davantage de solidarité au sein<br />
de notre société et une meilleure<br />
reconnaissance de l’utilité des<br />
institutions sociales et de l‘aide<br />
sociale ? Ou le fossé entre riches et<br />
pauvres continuera-t-il à se creuser<br />
? Personne ne peut le prédire<br />
aujourd‘hui. Toutefois, la solidarité<br />
dont a fait preuve notre société ces<br />
dernières semaines me conforte<br />
dans le fait que nous pourrons à nouveau<br />
mieux apprécier nos réalisations<br />
dans le secteur social. Ceci en sachant<br />
qu’en l’absence d’un système social<br />
fonctionnel durant la crise actuelle, une<br />
catastrophe sociale serait la conséquence<br />
logique.<br />
Christoph Eymann<br />
Président de la CSIAS<br />
2/<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong><br />
5
Comment tenir compte des<br />
prestations volontaires de tiers ?<br />
PRATIQUE Mme Bucher perçoit l'aide sociale. Son grand-père souhaite contribuer au paiement du<br />
loyer trop élevé . En principe, les prestations volontaires de tiers doivent être prises en compte à<br />
titre de revenu lors du calcul des besoins.<br />
Mme Bucher (26 ans) dépend de l'aide sociale<br />
suite à l’interruption de sa formation<br />
initiale. Ses parents sont séparés, ils entretiennent<br />
une relation difficile avec leur fille<br />
et elle ne peut plus s'installer chez l'un<br />
d'eux. Jusqu'à l'interruption de sa formation<br />
initiale, elle a bénéficié du soutien financier<br />
de ses deux parents qui ont également<br />
pris en charge son appartement. Le<br />
loyer mensuel coûte environ 300 francs de<br />
plus que les normes locales en vigueur.<br />
Mme Bucher explique que son grand-père<br />
est disposé à lui verser chaque mois les 300<br />
francs manquants afin qu'elle puisse<br />
conserver l'appartement jusqu'au terme de<br />
sa nouvelle formation initiale.<br />
QUESTION<br />
Les 300 francs versés par le grand-père<br />
doivent-ils être pris en compte à titre de revenu<br />
dans le budget d’aide de Mme Bucher<br />
?<br />
BASES<br />
Tous les revenus disponibles sont pris en<br />
compte lors de l’établissement du besoin<br />
d’aide et du calcul des prestations d’aide.<br />
Cela inclut les prestations volontaires de<br />
tiers, sauf exception (norme CSIAS D.1,<br />
avec explications). Cette recommandation<br />
est basée sur le principe de la couverture<br />
des besoins de base (norme CSIAS A.3 §<br />
4).<br />
PRATIQUE<br />
Dans cette rubrique, la <strong>ZESO</strong> publie des questions<br />
ex-emplaires de la pratique de l'aide sociale qui ont<br />
été adressées à la « CSIAS-Line », une offre de conseil<br />
en ligne que la CSIAS propose à ses membres.<br />
L'accès pour vos questions se fait dans l'espace<br />
membressur le site interent : www.csias.ch <br />
espace membres (se connecter) CSIAS-Line.<br />
Peu importe s’il s’agit de prestations en<br />
espèces ou en nature. Les prestations fournies<br />
directement par un tiers à un créancier<br />
du bénéficiaire peuvent donc également<br />
être prises en compte à titre de revenu, par<br />
exemple si une partie des frais de logement<br />
excessifs est directement versée au bailleur<br />
par un tiers.<br />
Les bénéficiaires doivent, en principe,<br />
déclarer correctement toutes les prestations<br />
perçues à l’aide sociale. Il s’agit de<br />
l'expression de leur devoir général d’informer<br />
et de signaler (norme CSIAS A.4.1 §<br />
5 ss).<br />
La non-prise en compte exceptionnelle<br />
relève de l’appréciation de l'organisme<br />
d'aide sociale. Des exceptions quant à la<br />
non-prise en compte sont recommandées<br />
lorsque les prestations sont d'un montant<br />
modeste et fournies expressément en complément<br />
des prestations d’aide sociale. Il<br />
s'agit par exemple de cadeaux occasionnels<br />
d'un montant approprié (p.ex. lors de jours<br />
fériés ou d’anniversaires). Il est également<br />
possible de renoncer à la prise en compte<br />
lorsque les prestations servent à rembourser<br />
des dettes existantes avérées. Aucune<br />
exception n'est possible si les prestations<br />
servent à financer des frais de logement<br />
ou d’entretien excessifs ou des dépenses<br />
de luxe, ou si la non-prise en compte serait<br />
inconvenante en raison de l'ampleur de la<br />
prestation.<br />
Il est dès lors possible de distinguer les<br />
catégories suivantes :<br />
1. Les prestations volontaires régulières<br />
sont à prendre en compte lorsqu’elles<br />
sont fournies pour un poste de dépense<br />
contenu dans le budget d’aide ou<br />
qu’elles servent à financer un luxe.<br />
2. Les prestations uniques non affectées<br />
à un usage précis sont à prendre en<br />
compte, à l’exception des cadeaux occasionnels<br />
usuels ou des prestations d'un<br />
montant modeste.<br />
3. Les prestations uniques affectées à un<br />
usage précis fournies pour un poste<br />
de dépenses non contenu dans le budget<br />
d’aide ne sont, en règle générale,<br />
pas à prendre en compte. Une prise en<br />
compte ne peut être considérée que s’il<br />
s’agit d’une prestation permettant de<br />
financer un luxe et si une non-prise en<br />
compte serait inconvenante.<br />
La question de savoir à partir de quel<br />
moment tenir compte d’une prestation régulière<br />
pour des coûts fixes excessifs dépendra<br />
de la situation individuelle. Afin<br />
d'éviter l'endettement et de ne pas aggraver<br />
la situation de détresse des personnes<br />
bénéficiaires, il est possible de renoncer à<br />
la prise en compte pendant une durée appropriée.<br />
REPONSE<br />
La contribution volontaire de 300 francs<br />
du grand-père au loyer trop élevé est une<br />
prestation volontaire régulière. Elle est<br />
fournie pour un poste de dépenses contenu<br />
dans le budget d’aide. Les 300 francs sont<br />
donc en principe à prendre en compte à<br />
titre de revenu dans le budget d’aide de<br />
Mme Bucher. Cela s’appliquerait même si<br />
seules les dépenses maximales admissibles<br />
selon les normes en matière de loyer étaient<br />
reconnues.<br />
•<br />
Dr. iur. Alexander Suter<br />
Secteur droit et conseil CSIAS<br />
INFORMATION IMPORTANTE<br />
Les références aux normes CSIAS s’appliquent<br />
à la nouvelle structure des normes valables à<br />
partir de 2<strong>02</strong>1.<br />
6 <strong>ZESO</strong> 2/<strong>20</strong>
Nouveau portail des normes à<br />
partir de septembre 2<strong>02</strong>0<br />
AIDE SOCIALE Avec la mise à jour des normes CSIAS, un nouveau portail web voit le jour pour rendre<br />
les normes, explications et aides pratiques plus accessibles. Grâce à la possibilité d'intégrer les<br />
manuels cantonaux et outils communaux, le nouveau portail devient un instrument de travail<br />
efficace pour le conseil social.<br />
Les publications de la CSIAS sous forme de<br />
documents de base, de notices et d'aides<br />
pratiques sont associées aux normes respectives<br />
sur le nouveau site internet. Le<br />
chapitre « Conditions d’octroi » contient<br />
par exemple des explications sur le calcul<br />
du budget, les unités d’assistance, etc., ainsi<br />
que des références aux documents utiles<br />
- des tableaux de calcul aux aides pratiques<br />
pour soutenir les personnes exerçant une<br />
activité indépendante.<br />
Tous les contenus peuvent être convertis<br />
au format PDF (A4), individuellement ou<br />
sous forme de paquet de normes complet,<br />
et imprimés si nécessaire. Pour les normes,<br />
un nouveau classeur A4 est disponible sur<br />
commande. Il n'est plus nécessaire de commander<br />
les avenants aux normes CSIAS,<br />
puisqu’ils peuvent directement être imprimés<br />
et remplacés dans le classeur.<br />
Basé sur la structure des normes, le système<br />
propose un contenu web accessible.<br />
Il est également adapté aux personnes handicapées<br />
si elles utilisent les moyens auxiliaires<br />
adéquats.<br />
.<br />
Intégration de manuels cantonaux et<br />
communaux<br />
La plupart des cantons publient déjà des<br />
manuels de l'aide sociale. Le portail de la<br />
CSIAS peut également être utilisé à cette<br />
fin. Une version du portail personnalisée<br />
permet de présenter les propres recommandations,<br />
graphiques, documents, ainsi<br />
que liens vers des mots-clés, chapitres des<br />
normes, etc.<br />
Le portail peut aussi être paramétré avec<br />
le logo et les couleurs du canton / de la commune<br />
concernée et être intégré dans leur<br />
site Internet.<br />
Sur demande, il est possible de prévoir<br />
une colonne supplémentaire pour l’application<br />
de l'aide sociale à l’échelle communale<br />
avec des explications complémentaires<br />
et des documents types.<br />
Gestion facile des propres contenus<br />
Même sans connaissances informatiques<br />
particulières, les propres contenus peuvent<br />
aisément être mis à jour et adaptés aux besoins.<br />
Publics ou réservés aux collaborateurs<br />
A l’aide d’un accès protégé par mot de<br />
passe, les collaborateurs peuvent accéder<br />
aux manuels et normes internes, directives<br />
d’exécution, documents types ou autres informations<br />
utiles. Le système peut donc<br />
également servir de base de connaissances<br />
interne pour les services sociaux.<br />
L'intégration des propres manuels et directives<br />
implique des coûts de réalisation<br />
uniques, ainsi que des frais annuels pour la<br />
licence du logiciel utilisé. La CSIAS prend<br />
en charge une partie des coûts de réalisation<br />
et de licence, raison pour laquelle la<br />
plateforme est proposée aux membres à<br />
des conditions avantageuses. Les coûts dépendent<br />
de la taille de la collectivité ou de<br />
l'organisation. Le montant annuel unique<br />
est de 5’000 et 10’000 francs pour la<br />
mise en œuvre et de 2’000 à 4’000 francs<br />
pour l’exploitation.<br />
•<br />
Dr. iur. Alexander Suter<br />
Secteur droit et conseil CSIAS<br />
Version allemande<br />
du site web.<br />
2/<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong><br />
7
« Le nombre de demandes a<br />
explosé ces dernières semaines »<br />
INTERVIEW Même une œuvre d’entraide comme la CRS, expérimentée dans la gestion des<br />
catastrophes, a été fortement sollicitée par la pandémie de Covid-19, comme l’explique Christine<br />
Kopp, directrice adjointe de la CRS. 5000 nouveaux bénévoles se sont annoncés auprès de la CRS.<br />
« Cet élan de solidarité est impressionnant », précise Mme Kopp. Elle part du principe que de<br />
nombreuses personnes auront besoin d'aide suite à la crise du coronavirus.<br />
« <strong>ZESO</strong> » : En tant que plus grande<br />
œuvre d'entraide suisse, la CRS a déjà<br />
apporté son soutien lors de nombreuses<br />
catastrophes au cours de ses<br />
150 ans d'existence. La CRS était-elle<br />
bien préparée à la crise du coronavirus<br />
?<br />
Christine Kopp : Il serait certainement<br />
exagéré de dire que nous étions bien préparés.<br />
Nous disposons bien entendu de plans<br />
de crise et avons fait des exercices d’état-major<br />
de crise. Mais personne ne s'attendait<br />
vraiment à ce que nous vivions une telle situation<br />
en Suisse. Ce qui nous a préparés,<br />
en dehors des exercices d'état-major, c'est<br />
notre expérience des missions internationales.<br />
Par exemple, lors de la propagation<br />
du virus Ebola en Afrique de l'Ouest ou<br />
lorsque nous organisons l’approvisionnement<br />
de base à l’issue de catastrophes naturelles.<br />
Il n’est bien sûr pas possible de<br />
simplement transférer ces expériences à la<br />
Suisse.<br />
Quel a été le plus grand défi pour la<br />
CRS au cours des dernières semaines ?<br />
De toutes nouvelles formes de collaboration<br />
ont dû être générées au sein de la<br />
CRS. Début mars, nous avions déjà réuni<br />
l’état-major chargé de la gestion des crises<br />
pour coordonner la collaboration. Nos experts<br />
de l'aide internationale en cas de<br />
catastrophe nous soutiennent désormais<br />
dans notre travail national. Ces dernières<br />
années, nous avons renforcé notre collaboration<br />
avec les organisations de sauvetage<br />
de la Croix-Rouge, ce dont nous profitons à<br />
présent. Nous pouvons déployer les samaritains<br />
et les membres de la Société suisse<br />
des troupes sanitaires de la CRS, qui possèdent<br />
des connaissances en matière de<br />
soins et d'hygiène, au nouveau centre de<br />
dépistage du coronavirus à Berne. La plupart<br />
d'entre eux ne sont pas des professionnels<br />
de la santé, ce qui présente l'avantage<br />
de ne pas les sortir du système de santé. La<br />
CRS dispose de nombreuses compétences<br />
clés, mais elles ont dû être coordonnées et<br />
déployées pour répondre aux besoins actuels.<br />
Voilà le grand défi de ces dernières<br />
semaines.<br />
LA CRS<br />
Plus qu’aucune autre œuvre d'entraide, la<br />
Croix-Rouge suisse réunit sous un même toit<br />
des savoir multiples dans les domaines de la<br />
santé, de l'intégration et du sauvetage. Elle est<br />
composée de 24 associations cantonales, de<br />
quatre organisations de sauvetage et du siège<br />
de la CRS. Ce n'est que grâce aux quelque 53’000<br />
bénévoles que la CRS peut accomplir ses tâches<br />
humanitaires. L'intégration sociale des personnes<br />
vulnérables est l'un des principaux axes de<br />
travail de la CRS en suisse.<br />
Pour la CRS, une autre difficulté résidait<br />
probablement dans le fait que de<br />
nombreux bénévoles appartiennent<br />
au groupe à risque. Avez-vous encore<br />
assez de bénévoles pour fournir vos<br />
prestations et réagir à la crise ?<br />
C'était vraiment un grand défi. Le service<br />
des transports de la CRS est presque<br />
exclusivement assumé par des retraités<br />
- principalement des hommes. Nous voulions<br />
maintenir ce service qui revêt une<br />
grande importance pour beaucoup de<br />
personnes en Suisse. Nous nous sommes<br />
donc concentrés sur les voyages médicalement<br />
indispensables et avons créé une<br />
plateforme permettant aux jeunes bénévoles<br />
de s'annoncer. Nous soutenons également<br />
l'application « Five up », qui met<br />
directement en contact les bénévoles et les<br />
personnes ayant besoin d'aide. De nombreuses<br />
personnes qui ne peuvent pas<br />
travailler en raison du confinement s’engagent<br />
désormais à titre bénévole. Nous<br />
8 <strong>ZESO</strong> 2/<strong>20</strong>
avons enregistré quelque 5'000 nouvelles<br />
demandes de bénévolat. Cet élan de solidarité<br />
est impressionnant.<br />
La CRS n’était-elle plus à même de<br />
proposer certaines offres ?<br />
Certaines offres, comme les cours, ne<br />
peuvent plus avoir lieu à l’heure actuelle.<br />
Le service de visite – des bénévoles qui se<br />
rendent chez des personnes âgées pour<br />
discuter ou faire un jeu de société – a été<br />
en grande partie interrompu. Ces visites<br />
n’ont aucun sens si les personnes âgées<br />
ne peuvent même pas recevoir leurs petits-enfants.<br />
Nos associations cantonales<br />
de la Croix-Rouge ont donc adapté l'offre.<br />
Les bénévoles appellent à présent les personnes<br />
par téléphone pour parler, leur demander<br />
comment elles vont et si elles ont<br />
besoin de quelque chose. Et nous avons<br />
également créé de nouvelles prestations<br />
telles que le service de livraison destiné aux<br />
personnes qui ne peuvent actuellement<br />
pas faire de courses parce qu'elles appartiennent<br />
au groupe à risque, sont malades<br />
ou en quarantaine. De nombreux jeunes<br />
s’engagent désormais dans ce contexte.<br />
Ces offres sont-elles très demandées ?<br />
Dans le cadre de l'aide de voisinage, de<br />
nombreuses offres sont rapidement<br />
apparues mais qui ont été peu sollicitées.<br />
Grâce à ses prestations, la CRS entretient<br />
déjà de nombreux contacts avec des<br />
personnes ayant besoin d'aide. La CRS est<br />
établie dans ce sens, raison pour laquelle le<br />
seuil d'acceptation de l'offre est probablement<br />
plus bas. En collaboration avec notre<br />
partenaire Coop, qui nous soutient notamment<br />
pour « 2 x Noël », nos bénévoles font<br />
les courses pour les groupes à risque et<br />
livrent les achats à leur domicile.<br />
Les plus faibles de la société sont durement<br />
touchés par la crise du coronavirus.<br />
Beaucoup ont besoin de soutien.<br />
Ils passent au travers de toutes les<br />
mailles du filet, malgré le paquet<br />
de mesures fédéral. Confrontées à<br />
des problèmes existentiels, de nombreuses<br />
personnes se sont tournées<br />
Christine Kopp est directrice suppléante de la CRS et cheffe du département Santé et intégration.<br />
Photos: Palma Fiacco<br />
« Il est certainement<br />
moins stigmatisant<br />
de<br />
solliciter un soutien<br />
auprès de la CRS<br />
que de l’aide<br />
sociale.»<br />
vers les services sociaux et certainement<br />
aussi la CRS.<br />
Oui. Grâce à une aide individuelle, la<br />
CRS offre un soutien financier aux personnes<br />
confrontées à des problèmes existentiels<br />
: celles qui ne peuvent pas payer<br />
la facture de dentiste, qui n'ont pas de logement<br />
et ont besoin d'une aide urgente.<br />
Ces demandes ont explosé au cours des<br />
dernières semaines. De nombreux secteurs<br />
à faible revenu, comme la vente et la restauration,<br />
sont passés au chômage partiel. Si<br />
les salaires sont encore revus à la baisse en<br />
<br />
2/<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong><br />
9
aison du chômage partiel, ces personnes<br />
rencontreront des problèmes financiers.<br />
C'est un classique. Lors de chaque crise,<br />
ceux qui vivent déjà dans la précarité sont<br />
particulièrement vulnérables. C'est là que<br />
nous intervenons avec notre aide individuelle.<br />
L'aide sociale est en réalité le dernier<br />
filet de la sécurité sociale. Mais certains<br />
passent même à travers ce filet<br />
– et manifestement de plus en plus.<br />
Cela ressort à nouveau clairement<br />
aujourd’hui.<br />
L'aide sociale est un élément central de<br />
la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.<br />
Notre aide individuelle est toujours complémentaire<br />
à l'aide sociale dans l’objectif<br />
et vise à assurer une existence digne. Nous<br />
sommes donc en contact avec les services<br />
sociaux et nous concertons. Nous ne souhaitons<br />
pas dupliquer les prestations de<br />
l'aide sociale publique, mais les compléter.<br />
Il en va de même pour les offres d'autres<br />
organisations telles que Caritas. Cela signifie<br />
aussi que nous préconisons parfois la<br />
prise en charge de certaines prestations par<br />
l'aide sociale.<br />
Une étude réalisée il y a quelques<br />
années par la CRS, Caritas et l'Armée<br />
du Salut a montré que l'aide privée<br />
assume de plus en plus les tâches de<br />
l'aide sociale. Comment la CRS perçoit-elle<br />
cette évolution ?<br />
L’étude montre également que nous ne<br />
remplaçons pas systématiquement l’aide<br />
sociale. Mais la latitude financière de l'aide<br />
sociale se réduit et les autres marges de<br />
manœuvre sont moins exploitées. Lorsqu'il<br />
s'agit de tirer le meilleur parti des possibilités<br />
et de saisir les opportunités d'intégration<br />
professionnelle, les conseils et le<br />
soutien viennent à manquer. Cette lacune,<br />
nous la ressentons et tentons de la combler<br />
dans une certaine mesure. Cela s'applique<br />
aussi au domaine de la migration. Pour les<br />
personnes admises à titre provisoire, les<br />
prestations d’aide sociale ont été réduites,<br />
ce qui ne leur permet guère de mener une<br />
vie digne.<br />
« Cet élan de<br />
solidarité est<br />
impressionnant. »<br />
Une autre étude a montré que de nombreuses<br />
personnes ne perçoivent pas<br />
l'aide sociale par honte, car dépendre<br />
de l’aide sociale a une connotation très<br />
négative. Cela pourrait notamment<br />
expliquer pourquoi les personnes<br />
démunies ont souvent tendance à<br />
s’adresser à la CRS.<br />
Il est certainement moins stigmatisant<br />
de solliciter un soutien auprès de la CRS<br />
que de l’aide sociale. Pour de nombreuses<br />
personnes, percevoir l’aide sociale est un<br />
nouveau statut difficile à accepter. Mais<br />
celles qui n’ont pas seulement besoin d'une<br />
aide ponctuelle devraient s’adresser le plus<br />
vite possible aux institutions d’aide sociale.<br />
Quelle est votre appréciation du<br />
système d'aide sociale ? L’aide sociale<br />
permet-elle de mener une existence<br />
digne ? Estimez-vous qu’il y ait un<br />
besoin d'amélioration ?<br />
L'aide sociale est un pilier nécessaire et<br />
efficace pour empêcher la plongée dans la<br />
précarité. La CRS fait donc partie du comité<br />
de la CSIAS et s’engage aussi sur le plan<br />
public. Une aide sociale fiable est indispensable<br />
au bon fonctionnement de la société.<br />
Chacun en profite. Des études montrent<br />
que la santé des personnes les plus riches<br />
est meilleure dans les pays où les pauvres<br />
sont mieux lotis. Nul besoin d'être altruiste<br />
pour défendre le système d’aide sociale.<br />
En avril, les services sociaux ont à nouveau<br />
enregistré une baisse du nombre<br />
de demandes d'aide. Comment voyezvous<br />
l'évolution future ?<br />
Nous partons du principe que nous ressentirons<br />
encore longtemps les effets du<br />
coronavirus sur la santé et les restrictions<br />
associées. Pour les assurances et les institutions<br />
sociales, les fortes pressions débutent<br />
à peine. A l’heure actuelle, beaucoup<br />
de personnes essaient de s'en sortir et<br />
de joindre tant bien que mal les deux bouts<br />
en se serrant la ceinture. Je pars du principe<br />
que l’impact de la crise perdurera plusieurs<br />
années et constituera une source de<br />
problèmes pour de nombreuses personnes.<br />
Depuis longtemps, la CRS est présente<br />
dans 30 pays et fournit aujourd’hui<br />
Grâce à ses bonnes relations, la CRS a<br />
pu importer des millions de masques<br />
de protection qui ont été mis à la<br />
disposition de la population via les grands<br />
distributeurs.<br />
10 <strong>ZESO</strong> 2/<strong>20</strong>
une aide d'urgence en maints endroits.<br />
Une situation difficile, puisqu’il s’agit<br />
d’éteindre simultanément des feux en<br />
Suisse et dans les pays les plus pauvres.<br />
Nous sommes également actifs dans<br />
le domaine de la santé à l’échelle internationale<br />
et restructurons actuellement<br />
de nombreux programmes. Des mesures<br />
supplémentaires sont à présent requises :<br />
aide d'urgence, prévention, information.<br />
Les taux d'infection initialement élevés en<br />
Suisse constituent une nouveauté. Nous<br />
avons donc pris une certaine avance. Si la<br />
pandémie s'étend à l'Afrique, les systèmes<br />
de santé locaux ne seront pas en mesure de<br />
faire face à la crise par leurs propres moyens.<br />
Il en va de même pour les systèmes sociaux,<br />
qui seront mis à rude épreuve par l'impact<br />
économique. Nous ne sommes pas au bout<br />
de nos peines. Nous espérons que l’afflux<br />
de dons, qui se concentre actuellement sur<br />
la Suisse, se poursuivra pour permettre de<br />
surmonter la crise à l'étranger.<br />
La dernière grande pandémie remonte<br />
à 100 ans. La CRS a également<br />
fourni une importante aide médicale<br />
pendant la grippe espagnole. Était-ce<br />
totalement différent à l'époque ?<br />
A cette époque, l'armée avait mobilisé<br />
700 infirmières de la Croix-Rouge pour<br />
« Les problèmes<br />
mondiaux comme<br />
les pandémies<br />
ne s'arrêtent pas<br />
à la frontière<br />
suisse. »<br />
prodiguer les soins d'urgence dans les hôpitaux.<br />
70 d’entre elles ont succombé à la<br />
grippe espagnole pendant la mission. En<br />
ce temps-là, il y avait déjà une pénurie de<br />
matériel de protection ; de nombreuses organisations<br />
de la Croix-Rouge cousaient<br />
elles-mêmes les masques de protection.<br />
Aujourd'hui, nous nous retrouvons dans<br />
une situation similaire.<br />
Quels enseignements la CRS tire-t-elle<br />
des événements et expériences de la<br />
crise, même si celle-ci n'est pas encore<br />
surmontée ?<br />
En tant que CRS, nous avons dû et pu<br />
à nouveau apprendre, ce qui signifie improviser,<br />
réagir rapidement, chercher de<br />
nouvelles formes de collaboration et fonctionner<br />
dans des conditions précaires. Le<br />
marché des masques de protection est incontrôlable,<br />
les prix ont pris l’ascenseur<br />
et les pays se les arrachent. Dans le cadre<br />
du mouvement international de la Croix-<br />
Rouge, l'unité logistique de la CRS a pu<br />
aider la Confédération à commander et à<br />
acheter du matériel de protection. Contrairement<br />
à de nombreux autres pays, la pénurie<br />
de biens de première nécessité est une<br />
situation inconnue pour nous. Même dans<br />
la Suisse prospère, nous devons improviser<br />
car nous ne pouvons pas tout maîtriser dès<br />
le départ. Une approche par étapes fait à<br />
ce titre sens. À mon avis, nous avons une<br />
nouvelle fois appris qu'une bonne coopération<br />
interorganisationnelle porte ses fruits.<br />
Un autre enseignement à tirer de la crise<br />
est l'importance de la solidarité internationale.<br />
Les problèmes mondiaux comme les<br />
pandémies ne s'arrêtent pas à la frontière<br />
suisse. Nous avons donc tout intérêt à collaborer<br />
au niveau mondial pour idéalement<br />
prévenir de telles situations de crise.<br />
D'autres crises sévissent dans le<br />
monde. Assistez-vous à un manque<br />
d’engagement à cet égard ?<br />
Malgré la crise du coronavirus, n’oublions<br />
pas qu'il y a beaucoup d'autres crises<br />
dans le monde, comme celle des réfugiés.<br />
Les conditions dans les camps de réfugiés<br />
en Grèce sont terribles, tout comme la situation<br />
de nombreux réfugiés en Italie.<br />
Ici, le coronavirus n'est qu'un problème de<br />
plus. Nous ne devons pas fermer les yeux<br />
devant cette catastrophe humanitaire. •<br />
Interview réalisée le 29.4.2<strong>02</strong>0<br />
Ingrid Hess<br />
2/<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong><br />
11
La participation des personnes touchées<br />
par la pauvreté aux projets des services<br />
sociaux est efficace – à condition que...<br />
La pratique le confirme : les mesures de prévention et de lutte contre la pauvreté sont plus<br />
efficaces lorsque les personnes menacées ou touchées par la pauvreté participent aux mesures,<br />
ou si leurs préoccupations, expériences, idées et expertises sont (davantage) prises en compte.<br />
Une étude de la Haute école spécialisée bernoise pour le travail social présente les conditions<br />
requises à cet effet.<br />
En Belgique, le Ministère national des affaires sociales et de la santé<br />
a commencé à engager, en <strong>20</strong>04, des personnes touchées par la<br />
pauvreté à titre d’experts du vécu. Par la suite, de nombreux services<br />
sociaux locaux et régionaux ont adopté cette approche : les personnes<br />
en situation de pauvreté participent aux développements (continus)<br />
et à la mise en œuvre de mesures et de processus de lutte contre la<br />
pauvreté par le biais d’emplois à durée déterminée et indéterminée<br />
(cf. page 22). Ces projets, et d’autres qui associent les personnes<br />
touchées et menacées par la pauvreté au développement (continu)<br />
et à la mise en œuvre de mesures et de processus de lutte contre<br />
la pauvreté, revêtent de nombreuses formes différentes. Ils ont été<br />
initiés à différents niveaux politiques en Europe et dans le monde.<br />
A ce jour, il n’existait pas d’instrument pour identifier ces projets<br />
et comprendre dans quelles conditions ils sont réellement efficaces<br />
ou à quel moment ils entraînent une « réelle » participation. Sur<br />
mandat de l’Office fédéral des assurances sociales, le Département<br />
du travail social de la Haute école spécialisée bernoise (HESB), en<br />
collaboration avec les HES-SO de Fribourg et de Genève, a mené<br />
une étude pour combler cette lacune de la recherche (cf. encadré).<br />
Objectif de l’étude<br />
L’objectif de l’étude était d’identifier une grande variété de projets<br />
dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la pauvreté,<br />
projets qui ont été réalisés avec la participation de personnes<br />
concernées. Des modèles pour la systématisation de tels projets devaient<br />
ensuite être développés sur cette base.<br />
L’étude s’est concentrée sur les projets qui, à l’aide d’une série<br />
de mesures, visent à éliminer ou à prévenir des lacunes dans divers<br />
domaines de la vie des personnes concernées ou à accroître<br />
leur champ d’action. Ces mesures comprennent des prestations en<br />
espèces ou en nature, un soutien immatériel tel que des services<br />
de conseil et offres de formation, des mesures de sensibilisation et<br />
destinées à des groupes à risque spécifiques, menacés par la pauvreté.<br />
Une participation efficace et « réelle »<br />
La pauvreté revêt différentes dimensions, dont notamment la dimension<br />
financière et matérielle, mais aussi les dimensions sociale,<br />
culturelle et sanitaire. En outre, la pauvreté est souvent associée<br />
à l’absence de possibilités de participer à la vie politique et<br />
sociale, ainsi qu’à une stigmatisation sociale. La pauvreté témoigne,<br />
en général, d’une expérience de l’auto-efficacité limitée et du sentiment<br />
de ne pas avoir sa place dans la société.<br />
La participation à des projets de personnes touchées par la pauvreté<br />
consiste à inviter des individus et des groupes à participer<br />
activement à des décisions liées à leur propre vie, leurs propres<br />
affaires ou à la vie au sein de la communauté, à la recherche, au<br />
développement (continu) et à la mise en œuvre des mesures ou<br />
solutions associées. En général, la participation est exigée en référence<br />
aux droits de l’homme, aux droits démocratiques et au droit<br />
à l’autodétermination.<br />
Cette définition de la participation à des projets peut être appréhendée<br />
de diverses manières. Les dimensions centrales suivantes<br />
sont énumérées et présentées en rapport avec les services sociaux :<br />
• Thème auquel les personnes concernées peuvent participer<br />
Il englobe, par exemple, la participation au développement<br />
(continu) des structures et processus des services sociaux.<br />
• Horizon temporel et ancrage structurel de la participation<br />
Il peut s’agir de commissions temporaires ou permanentes au<br />
sein des services sociaux ou d’emplois de durée déterminée ou<br />
indéterminée.<br />
• Responsabilité du projet<br />
Les services sociaux assument eux-mêmes la responsabilité des<br />
projets.<br />
• Intensité de la participation<br />
Dans les services sociaux, il s’agit de la consultation, de la<br />
co-construction et/ou de la codécision.<br />
• Objectifs principaux de la participation<br />
Les structures et processus organisationnels, ainsi que les<br />
pratiques professionnelles sont évaluées au sein des services<br />
sociaux. Des propositions d’amélioration ou de solution sont<br />
élaborées. Si les personnes concernées sont engagées, elles sont<br />
mises en œuvre immédiatement.<br />
• Niveau étatique ou localisation<br />
Selon le projet, la participation au développement (continu) des<br />
structures et processus des services sociaux se déroule au niveau<br />
communal, cantonal, régional ou national.<br />
Selon l’organisation pratique de ces dimensions, la participation<br />
aux projets des personnes touchées par la pauvreté est plus ou moins<br />
14 <strong>ZESO</strong> 2/<strong>20</strong> DOSSIER
PARTICIPATION<br />
efficace. Il est donc capital que la direction du projet clarifie avec ces<br />
personnes comment englober ces dimensions dans un seul projet.<br />
Différents modèles de participation<br />
Dans l'étude de l’OFAS, six modèles de participation ont été élaborés<br />
dans la lutte et la prévention de la pauvreté. Ils se fondent sur<br />
une analyse d’exemples de projets et sur les dimensions centrales<br />
de la participation susmentionnées.<br />
Les personnes touchées ou menacées par la pauvreté ont la possibilité<br />
de participer à six domaines politiques et champs d’action<br />
de la prévention et de la lutte contre la pauvreté :<br />
• l’évaluation et le développement (continu) des structures et processus<br />
de sociétés de services publiques et privées (modèle 1)<br />
• la formation de professionnels chargés de la mise en œuvre des<br />
politiques de lutte contre la pauvreté (modèle 2)<br />
• le développement (continu) des bases politiques et juridiques<br />
(modèle 3)<br />
• les discours publics et politiques (modèle 4)<br />
• les structures communautaires d’auto-assistance (modèle 5)<br />
• l’élaboration des principes de base de la participation (modèle 6)<br />
Le modèle 6 fournit les bases de la participation pour la mise<br />
en œuvre des autres modèles. Dans les cinq premiers modèles, les<br />
personnes touchées et menacées par la pauvreté participent aux<br />
structures, processus et principes nécessaires pour agir dans les<br />
différents domaines de la prévention et de la lutte contre la pauvreté,<br />
ainsi qu’à leur développement et à leur optimisation, à la sensibilisation<br />
des acteurs clés et du public à la problématique de la<br />
pauvreté et à l’influence des décisions politiques.<br />
Participation des personnes touchées par la pauvreté dans<br />
les services sociaux<br />
Trois options (sous-modèles) permettent aux personnes touchées<br />
par la pauvreté de participer aux processus et mesures dans les services<br />
sociaux :<br />
• au sein de commissions temporaires<br />
• au sein de commissions permanentes<br />
• dans des postes de durée déterminée ou indéterminée<br />
Parmi ces commissions figurent, par exemple, la conférence<br />
des clients à Bâle ou le projet d’échange « Ensemble/Gemeinsam<br />
» (cf. page 18). Selon leur stade de développement, elles revêtent<br />
une forme temporaire durant la phase pilote ou alors permanente<br />
en cas d’institutionnalisation.<br />
Les emplois de durée déterminée ou indéterminée n’existent<br />
pas encore en Suisse. L'’exemple belge des « Experts du vécu en<br />
matière de pauvreté » précité peut donc servir de référence.<br />
L’objectif de ces trois options de participation est d’accroître<br />
l’efficacité des mesures, processus et projets dans le domaine de la<br />
prévention ou de la lutte contre la pauvreté. La responsabilité de la<br />
mise en œuvre de ces trois modèles de projet incombe aux services<br />
sociaux (responsabilité du projet). En même temps, les personnes<br />
concernées ou leurs représentants (p.ex. les ONG) peuvent également<br />
encourager la mise en œuvre de projets adéquats.<br />
Les deux premiers modèles de projet se déroulent au niveau<br />
communal et le troisième au niveau national (niveau étatique ou<br />
lieu de la participation). Pour tous les modèles, l’objectif commun<br />
est d’évaluer les structures et processus organisationnels, ainsi que<br />
les pratiques professionnelles grâce à la participation de personnes<br />
touchées par la pauvreté, puis de proposer des améliorations et des<br />
solutions. Lorsque les personnes concernées sont engagées, elles<br />
les mettent directement en œuvre (objectifs principaux de la participation).<br />
Parallèlement, les personnes touchées par la pauvreté<br />
peuvent donner leur avis ou émettre des propositions d’amélioration<br />
dans les deux premiers modèles de projet (consultation) et,<br />
dans certains cas, collaborer étroitement avec les experts concernés<br />
(co-construction). Lorsqu’elles sont employées au sein d’une organisation<br />
sociale, les personnes en situation de pauvreté peuvent<br />
participer à la décision de certains points discutés via la consultation<br />
et la co-construction (intensités de la participation).<br />
Impact potentiel, défis et conditions s’appliquant aux<br />
commissions temporaires<br />
D’après les expériences, l’intégration des personnes touchées par la<br />
pauvreté au sein de services sociaux comporte plusieurs impacts<br />
potentiels. En même temps, il ressort que de tels processus sont liés<br />
à des défis et obstacles. L’impact potentiel peut ainsi être limité.<br />
Pour y remédier, les conditions nécessaires doivent être créées et<br />
garanties.<br />
Les principaux impacts potentiels des commissions temporaires<br />
sont les suivants :<br />
1. Les structures et les processus d’une organisation sociale sont<br />
améliorés par le biais des commissions temporaires qui optimisent<br />
l’échange entre les professionnels et les personnes<br />
concernées. Cette démarche permet de recueillir différents<br />
points de vue sur les défis de l’organisation sociale et d’en identifier<br />
les raisons.<br />
2. Les personnes touchées par la pauvreté sont moins exclues des<br />
mesures et processus au sein des organisations sociales.<br />
3. Les connaissances, expériences pratiques et points de vue des<br />
personnes touchées par la pauvreté sont directement mis à<br />
profit. Les « angles morts » des mesures et processus sont identifiés,<br />
ce qui permet d’élaborer des tâches, interventions et<br />
programmes ciblés. Finalement, ces commissions permettent<br />
d’atteindre davantage de personnes vivant dans la pauvreté.<br />
4. La compréhension mutuelle peut être encouragée entre les<br />
groupes de personnes touchées par la pauvreté et issues de la<br />
politique afin de clarifier les malentendus.<br />
<br />
DOSSIER 2/<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong><br />
15<br />
5. Elles permettent en outre d’améliorer la collaboration et la communication<br />
entre les personnes touchées par la pauvreté et les<br />
professionnels, la politique et l’administration.<br />
Les défis des commissions temporaires sont les suivants :<br />
1. Manque de temps, manque de soutien de la part de la direction,<br />
obligation de respecter des procédures administratives rigides<br />
ou manque de savoir-faire pour établir des contacts constructifs<br />
avec les personnes touchées par la pauvreté.<br />
2. Le rapport de force et le paternalisme qui règnent dans les organisations<br />
sociales constituent un autre défi. Par exemple, de<br />
nombreux professionnels trouvent qu’il est difficile de communiquer<br />
d’égal à égal sans occulter les rapports de force existants.<br />
3. Par ailleurs, le risque subsiste de réduire les personnes touchées<br />
par la pauvreté à leur expérience de la précarité et donc de les<br />
stigmatiser.<br />
4. Enfin, les organisations sociales font preuve d’une planification<br />
plutôt rigide et d’un manque de flexibilité.<br />
Afin de relever ces défis de manière ciblée et de permettre une<br />
participation concrète, les conditions suivantes peuvent servir<br />
d’orientation. Elles sont formulées et énumérées sous forme de<br />
questions. En fonction des conditions cadres du futur projet, les<br />
experts et responsables des services sociaux apportent des réponses<br />
et les clarifient pour leurs propres besoins :<br />
1. Représentation : Qui représente qui ? Qui est représenté ? Pour<br />
qui parle-t-on ?<br />
2. Objet de la participation : A quoi participe-t-on ?<br />
3. Rôles/attentes : Quelles sont les attentes des différentes personnes<br />
?<br />
4. Intensité de la participation : Une participation, une codécision<br />
ou d’autres formes de participation sont-elles prévues ?<br />
5. Objectifs atteignables : Qu’est-ce qui changera avec la participation<br />
des personnes touchées par la pauvreté ?<br />
6. Processus/forme de l’information : Comment les personnes<br />
concernées sont-elles informées régulièrement et correctement<br />
de l’avancement et de l’état du traitement des demandes ?<br />
7. Evaluations/processus d’évaluation : Comment les éventuels<br />
obstacles, succès, résultats d’apprentissage, etc. sont-ils pris en<br />
compte ? Comment les objectifs fixés sont-ils contrôlés ? Comment<br />
ces résultats sont-ils communiqués ?<br />
8. Utilité/résultats de la participation : Qu’est-ce qui a réellement<br />
changé ? Comment illustrer les sentiments de réussite afin de<br />
renforcer la participation et de légitimer le processus ?<br />
La participation des personnes touchées par la pauvreté au sein<br />
des services sociaux présente un potentiel de développement.<br />
Durant la phase d'introduction et de développement d’une<br />
commission temporaire, trois aspects importants doivent être pris<br />
en compte :<br />
1. Mise à disposition de ressources (financières, humaines, techniques<br />
et temporelles) suffisantes.<br />
2. Toutes les parties concernées doivent faire preuve d’une persévérance<br />
et d’un pouvoir de persuasion suffisants.<br />
3. Il est finalement essentiel d’obtenir l’engagement institutionnel.<br />
Conclusion<br />
En principe, portent leurs fruits les projets au sein de services sociaux<br />
dans lesquels les personnes touchées par la pauvreté sont<br />
impliquées dans des processus et mesures. Néanmoins, leur mise<br />
en œuvre constitue, à juste titre, une condition préalable. Pour une<br />
mise en œuvre réussie, trois étapes tirées de l’expérience pratique<br />
sont recommandées :<br />
16 <strong>ZESO</strong> 2/<strong>20</strong> DOSSIER
Les personnes concernées influencent<br />
les priorités de la direction<br />
Depuis trois ans, les bénéficiaires de l’aide sociale discutent la réalité opérationnelle de l’aide<br />
sociale à Bienne afin d’engendrer des changements positifs. Sur mandat de la direction du<br />
département, des travailleurs sociaux et bénéficiaires de l’aide sociale se réunissent dans le cadre<br />
du projet « Ensemble/Gemeinsam » pour aborder des thèmes définis d’un commun accord. L’objectif<br />
est d’élaborer des propositions d’optimisation réalisables, une démarche très enrichissante pour<br />
les participants. Les résultats des deux premières éditions ont donné lieu à des améliorations qui<br />
profitent à la fois aux collaborateurs et aux bénéficiaires de l’aide sociale.<br />
La demande de deux étudiants préparant leur travail de master<br />
tombait à point nommé pour Thomas Michel : il les a invités à élaborer<br />
une proposition de projet sur le thème de la « participation ».<br />
Tous deux ont accepté le défi et, avec l’aide des personnes concernées,<br />
ont réalisé un état des lieux et développé des idées de projets.<br />
Celles-ci ont été soumises et présentées à la direction du département<br />
par les bénéficiaires de l’aide sociale. Ces idées de base ont<br />
donné naissance au petit projet légèrement adapté et axé sur les<br />
résultats « Ensemble / Gemeinsam ».<br />
À l’automne, il a débuté par un appel à la participation : il n’est<br />
pas si facile de motiver les bénéficiaires à s’impliquer dans la réorganisation<br />
des conditions cadres des services de conseil. Une<br />
attitude compréhensible puisqu’il s’agit, après tout, de surmonter<br />
diverses craintes, voire angoisses. Les nombreux partenaires institutionnels<br />
de l’aide sociale sont un excellent vecteur pour recruter<br />
« Je voulais aussi donner la parole aux<br />
personnes concernées afin qu’elles<br />
puissent s’exprimer sur les changements<br />
positifs réalisables. L’objectif est<br />
d’améliorer la collaboration entre le service<br />
social et les bénéficiaires de l’aide<br />
sociale »<br />
Thomas Michel, responsable du département des affaires<br />
sociales de Bienne<br />
des « personnes concernées » : les services religieux ou préventifs,<br />
les organismes d’insertion professionnelle et autres centres de<br />
conseil sont des partenaires actifs dans le processus d’aide sociale.<br />
Ils dispensent, en amont, des conseils complémentaires ou subsidiaires<br />
aux bénéficiaires de l'aide sociale et la critique du système<br />
existant fait partie de leur quotidien professionnel. Le but de l’appel<br />
était le suivant : constituer un groupe de personnes directement<br />
concernées pour participer à un processus de négociation en plusieurs<br />
étapes.<br />
Lors de la première édition <strong>20</strong>18/<strong>20</strong>19, la question centrale<br />
était : « Que peut-on optimiser lors de l’inscription et des premiers<br />
contacts/échanges ? » L'édition <strong>20</strong>19/2<strong>02</strong>0 du projet « Ensemble/<br />
Gemeinsam » aborde la question plus complexe « Quelles seraient<br />
les propositions utiles afin de gérer l’aide sociale au quotidien de<br />
façon autonome et compétente ? »<br />
Durant cinq sessions de trois heures chacune, la question est traitée<br />
sous la direction experte d’un modérateur « externe », bilingue<br />
et neutre – le groupe est composé d’une majorité de bénéficiaires et<br />
de deux ou trois collaborateurs du service social. Le responsable du<br />
département participe aussi brièvement à la séance de lancement<br />
– d’une part, pour rencontrer les participants et, d’autre part, pour<br />
surtout clarifier le mandat. Il explique donc les questions et quitte<br />
ensuite le groupe afin que celui-ci puisse entamer ses propres réflexions,<br />
à l’abri des influences de la direction. Au terme d’un état<br />
des lieux, les personnes présentes définissent les sujets à discuter<br />
durant les blocs 2 et 3. Le modérateur se charge de la traduction et<br />
de l’atteinte de l’objectif.<br />
A la fin du 4ème bloc, le responsable du département revient<br />
et les bénéficiaires lui présentent leurs propositions avec espoir et<br />
détermination. Il convient d’espacer les blocs 4 et 5, le temps que<br />
les propositions soient discutées au sein du département et leur faisabilité<br />
étudiée par la direction. Lors du bloc 5, le responsable du<br />
département informe les participants des points mis en œuvre ou<br />
non.<br />
Cette année, ce bloc n’a pas encore eu lieu en raison de la crise<br />
du coronavirus.<br />
L’année dernière, douze mesures ont été mises en œuvre pour<br />
améliorer la collaboration entre toutes les personnes concernées<br />
durant la phase initiale à l’aide sociale à Bienne. La seconde moitié<br />
du 5ème bloc est consacrée – à nouveau sans la direction du département<br />
– à une évaluation du processus et à la collecte de thèmes<br />
potentiels pour les futures éditions de « Ensemble/Gemeinsam ».<br />
Afin que cette petite entité fonctionne non seulement en théorie,<br />
mais aussi en pratique, elle a besoin d’une personne chargée de<br />
l’appel à la participation, de l’organisation et des notes au dossier,<br />
ainsi que d’un lieu de réunion « neutre ». L’organisation du projet,<br />
à Bienne, est confiée à une stagiaire qui travaille directement avec la<br />
18 <strong>ZESO</strong> 2/<strong>20</strong> DOSSIER
PARTICIPATION<br />
« Je me réjouis de chaque réunion<br />
d’Ensemble/Gemeinsam. J'ai la possibilité<br />
de contribuer activement et<br />
d’évoluer aux côtés de personnes aux<br />
compétences et parcours de vie très<br />
différents. Dans une démarche de respect<br />
mutuel, elles s’engagent à améliorer<br />
leur réalité de vie pour les autres et<br />
elles-mêmes. Le succès de la démarche<br />
réside aussi dans le fait que les propositions<br />
élaborées par le service social sont<br />
prises au sérieux et, dans la mesure du<br />
possible, développées et mises en œuvre.<br />
»<br />
Martin Zeller, modérateur et coach, Triaspect AG Biel<br />
direction du département. Le modérateur externe joue à ce titre un<br />
rôle central. Il se doit de rester en phase avec le groupe et de veiller<br />
à ce que les questions générales soient concrétisées, sans laisser la<br />
place aux « cas individuels » durant la discussion. Les participants<br />
l’ont parfaitement compris et leur implication pour développer et<br />
élaborer des idées est réjouissante.<br />
Le premier tour du projet « Ensemble/Gemeinsam » a porté sur<br />
la phase initiale lors de l’inscription à l’aide sociale et a entraîné<br />
des changements dans l’espace d’accueil à Bienne. Les idées et suggestions<br />
des personnes concernées ont été mises en œuvre, de la<br />
conception et de l’accès à l’information, en passant par le site Internet<br />
au contenu optimisé ou encore la fontaine à eau très appréciée<br />
dans la salle d’attente. L’introduction d’un système de tickets est en<br />
cours. De bonnes idées ont également été émises lors du deuxième<br />
tour. Leur faisabilité est actuellement à l’étude – sachant que le flux<br />
d’informations peut encore être amélioré par des mesures ciblées.<br />
Du point de vue des participants au projet « Ensemble/Gemeinsam<br />
», cette démarche renforcera la participation et l’autonomie de<br />
toutes les personnes concernées. Si les résultats du projet sont impressionnants,<br />
il en va de même de l’interaction entre les personnes<br />
concernées et des connaissances acquises par le dialogue.<br />
L’objectif est de poursuivre le projet « Ensemble/Gemeinsam ».<br />
Des évaluations externes – via la Haute école spécialisée bernoise<br />
HESB – permettent de donner une orientation à cette évolution. En<br />
<strong>20</strong>19, des entretiens individuels d’évaluation ont notamment été<br />
« Trouver les mots et une écoute,<br />
échanger des opinions, être pris au sérieux<br />
– Ensemble/Gemeinsam aide à<br />
améliorer les processus. Mais pour de<br />
nombreuses personnes, la participation<br />
rime aussi avec reconnaissance et<br />
responsabilisation. »<br />
Martin Zeller, modérateur et coach, Triaspect AG Biel<br />
« J'ai été agréablement surpris par<br />
l'entrain des bénéficiaires de l'aide<br />
sociale à participer dans un bon esprit<br />
et aux organisateurs d'avoir mis en<br />
œuvre une structure et une ambiance<br />
plus que favorable au bon déroulement<br />
des réunions. »<br />
Participant anonyme de « Gemeinsam/Ensemble »<br />
organisés « hors projet » avec toutes les personnes concernées, dans<br />
le but d’élaborer un instrument d’analyse du processus de participation.<br />
A ce jour, il a été délibérément décidé de renoncer au travail<br />
médiatique – l’objectif n’est pas de placer les participants sous les<br />
feux de la rampe, mais de leur permettre de développer leur impact<br />
commun grâce à une confiance et à une compréhension mutuelle.<br />
A cette fin, il est important que la direction soit disposée à s’impliquer<br />
dans le processus. Les suggestions formulées bénéficient ainsi<br />
de la priorité requise en vue de leur mise en œuvre concrète. Elles<br />
déploient ainsi tout leur effet.<br />
•<br />
Emilie Clavel<br />
Département des affaires sociales Bienne<br />
DOSSIER 2/<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong><br />
Quand des personnes au bénéfice<br />
de l’aide sociale participent à la<br />
formation des étudiants<br />
Depuis <strong>20</strong>04 déjà, l’Association internationale des écoles de travail social prône la participation des<br />
bénéficiaires de l’aide sociale à la formation comme un critère de qualité. Le réseau international<br />
PowerUs, créé en <strong>20</strong>12, soutient et rend visibles les expériences réalisées en ce sens dans plusieurs<br />
pays. En Suisse la HETS-FR a mis en œuvre un projet pilote.<br />
Au nord de l’Europe et au Canada, notamment, les personnes<br />
concernées sont impliquées depuis plusieurs années dans l’enseignement,<br />
l’élaboration ou l’évaluation des programmes, la supervision,<br />
ou encore en tant qu’étudiant ou co-chercheur. Les premières<br />
études semblent montrer qu’une telle évolution amène une plus-value<br />
considérable, à la fois pour les étudiants, les bénéficiaires engagés<br />
et les enseignants. Ainsi, la valorisation des savoirs d’expérience,<br />
aujourd’hui considérée par beaucoup d’analystes comme incontournable<br />
dans l’intervention sociale, parait également essentielle à<br />
la formation du personnel professionnel.<br />
Or, malgré ces résultats très encourageants et l’intérêt que suscite<br />
cette approche, force est de constater qu’en Suisse, les écoles<br />
de travail social peinent encore à donner aux personnes concernées<br />
une place dépassant le témoignage ponctuel. En effet, vouloir les<br />
intégrer davantage dans la formation consiste en un véritable changement<br />
de paradigme qui exige des enseignants le développement<br />
de nouvelles méthodes pédagogiques et l’exercice de nouveaux<br />
rôles, ainsi que des institutions, l’adaptation des cadres administratifs<br />
et la mise à disposition de ressources supplémentaires. Ce<br />
type de démarche comprend, en outre, de nombreux enjeux tant<br />
épistémologiques (par la remise en question de la hiérarchie existant<br />
entre les types de savoirs) qu’éthiques (en lien, par exemple,<br />
avec le risque d’instrumentalisation ou de renforcement de la stigmatisation).<br />
Dans un tel contexte, il est primordial que les expérimentations<br />
menées en termes de participation des bénéficiaires à la formation<br />
soient rendues visibles, afin que les apprentissages réalisés<br />
puissent favoriser une implémentation plus large de cette approche.<br />
L’objectif de cet article est de relater un projet pilote mis en<br />
œuvre à la Haute école de travail social de Fribourg (HETS-FR) au<br />
cours de l’année académique <strong>20</strong>18-19, et de présenter les principaux<br />
résultats de l’évaluation qui en a été faite par l’ensemble des<br />
personnes impliquées.<br />
Le projet<br />
Huit personnes bénéficiant de l’aide sociale ont été engagées<br />
comme formatrices pendant un semestre entier dans un module à<br />
option. Ces intervenants, hommes et femmes, ont pu transmettre<br />
leurs savoirs d’expérience à dix étudiants en 3ème année de bachelor,<br />
réfléchir avec eux aux apports de ces savoirs pour la pratique<br />
professionnelle ainsi qu’à des pistes d’amélioration possibles. Ils<br />
ont également pris part à l’évaluation des étudiants lors de l’examen<br />
oral final.<br />
Sollicitation des personnes concernées<br />
Avec le soutien de quelques professionnels du réseau de la HETS-FR<br />
et de trois services sociaux de l’agglomération fribourgeoise, il a été<br />
aisé de réunir un groupe de bénéficiaires intéressés à prendre part<br />
au projet. Lors de l’évaluation, ces personnes ont pu rendre compte<br />
de leurs motivations initiales : pouvoir être utiles en faisant part de<br />
leurs réalités très concrètes à des étudiants « trop souvent formés<br />
uniquement avec de la théorie », saisir une occasion bien trop rare de<br />
partager leurs ressentis face à leur situation ou à l’attitude des professionnels,<br />
et surtout voir leurs compétences et vécus reconnus :<br />
« c’était valorisant de voir que<br />
l’assistante sociale pensait que<br />
nous pouvions apporter quelque<br />
chose de formateur. »<br />
Mais le fait de s’engager a également suscité des craintes chez ces<br />
futurs intervenants : certains ont mentionné leurs doutes préalables<br />
quant au fait de trouver leur place dans un tel contexte, de<br />
pouvoir réellement apporter quelque chose ou de réussir à suivre<br />
les discussions.<br />
Principales étapes du module de formation<br />
La première rencontre avait comme objectif d’instaurer un cadre<br />
favorable aux échanges : d’abord, apprendre à se connaître personnellement<br />
pour dépasser le statut d'étudiant, de bénéficiaire ou<br />
enseignant. Ensuite, élaborer ensemble une charte utile à une parole<br />
libre et confiante (notamment en termes de confidentialité, de<br />
non-jugement et de droit au silence), et enfin, rappeler l’égale valeur<br />
des savoirs de chacun.<br />
Les récits d’expériences ont constitué le cœur du module.<br />
Chaque intervenant a pu exprimer ce qu’il ou elle jugeait positif ou<br />
négatif dans son vécu en lien avec l’aide sociale. Ces réalités individuelles<br />
ont ensuite été analysée de manière conjointe par les étudiants<br />
et les intervenants afin de faire ressortir des thèmes centraux<br />
<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong> 2/<strong>20</strong> DOSSIER
PARTICIPATION<br />
partagés. Sur cette base, les participants se sont ensuite accordés<br />
sur deux sujets à approfondir et à partir desquels pourraient être<br />
élaborées des pistes d’améliorations pour la pratique professionnelle.<br />
Ce processus de priorisation a mis en évidence une volonté<br />
commune d’explorer l’importance des attitudes des professionnels<br />
dans la collaboration, ainsi que les impacts de l’aide sociale sur de<br />
multiples aspects de la vie des personnes concernées.<br />
Dans un dernier temps, les étudiants et les intervenants ont été<br />
conviés à imaginer des actions pertinentes allant dans le sens des<br />
possibilités d’amélioration identifiées. Un groupe a, par exemple,<br />
mis en évidence que, dans le canton de Fribourg, les personnes<br />
qui vivent des difficultés majeures dans la relation avec un professionnel<br />
de l’aide sociale n’ont pas d’interlocuteur neutre auquel<br />
s’adresser. Ces réflexions l’ont amené à approcher l’association<br />
professionnelle Trait d’Union pour réfléchir avec ses membres à la<br />
mise en place d’un organisme gratuit.<br />
Apports<br />
Au moment d’évaluer le processus, les étudiants ont surtout insisté<br />
sur les apprentissages réalisés en termes de déconstruction de leurs<br />
préjugés sur les personnes concernées et de légitimation des savoirs<br />
expérientiels dans l’intervention :<br />
« échanger avec les intervenants<br />
nous a prouvé qu’ils apportent<br />
des savoirs, qu’ils sont les experts<br />
de leur situation. »<br />
Le projet a confirmé la force des savoirs expérientiels des<br />
bénéficiaires qui viennent parfois bousculer les connaissances<br />
théoriques et/ou professionnelles.<br />
Photo: Palma Fiacco<br />
Certains ont également relevé avoir pris conscience de ce que signifie<br />
concrètement vivre en situation d’aide sociale, de la violence<br />
que peut engendrer le système institutionnel et de l’impact des attitudes<br />
professionnelles sur le vécu et les sentiments des bénéficiaires<br />
:<br />
« on a déjà appris, dans la formation, à être empathique, on nous<br />
dit qu’il faut l’être, mais ce module pousse à aller plus loin, à le<br />
comprendre dans les faits ».<br />
Les intervenants ont pour leur part insisté sur le fait que le projet<br />
avait été source de développement autant pour eux ou pour elles<br />
que pour les étudiants. Il leur a permis de se sentir considérés, valorisés<br />
et de donner du sens à leur passage à l’aide sociale :<br />
« quand on est à l’aide sociale,<br />
on subit, alors c’était très<br />
important d’être impliqué dans<br />
un tel projet. »<br />
DOSSIER 2/<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong><br />
La puissance du partage d’expériences en termes d’entraide, de<br />
reconnaissance mutuelle ou de déculpabilisation ressort de leurs<br />
propos :<br />
« ça nous a permis de nous sentir<br />
moins seuls, moins coupables<br />
d'en être arrivés là (...). De<br />
montrer aux étudiants que ce<br />
n’était pas un choix d’être à<br />
l’aide sociale. »<br />
Quant aux responsables du module, elles ont dû adapter leurs<br />
méthodes d’enseignement et faire évoluer leur posture pour s’éloigner<br />
de la transmission de connaissances et créer les conditions<br />
qui permettent une véritable co-construction. Selon elles, le projet<br />
a confirmé la force des savoirs expérientiels des bénéficiaires qui<br />
viennent parfois bousculer les connaissances théoriques et/ou professionnelles,<br />
notamment lorsque celles-ci ne sont pas suffisamment<br />
ancrées dans les réalités. Il les a également convaincues du<br />
potentiel d’un tel processus en termes de réduction de la distance<br />
sociale et des inégalités entre les acteurs du travail social. Cet effet<br />
a d’ailleurs dépassé les frontières de la formation. En effet, le<br />
groupe de bénéficiaires intervenant dans le module a été convié par<br />
la Direction de la santé et des affaires sociales de Fribourg à s’exprimer<br />
lors de la journée cantonale consacrée à l’aide sociale. Pour la<br />
première fois, dans ce contexte, des bénéficiaires ont eu l’occasion<br />
d’échanger avec de multiples acteurs de l’action sociale. La création<br />
d’un collectif, au sein d’une institution de formation, semble leur<br />
avoir donné la visibilité et légitimité nécessaires pour devenir de<br />
nouveaux interlocuteurs au niveau politique.<br />
Défis<br />
La limite majeure de ce projet, relevée à l’unanimité, est le manque<br />
de temps qui a pu être consacré à certaines de ses étapes. Ce problème<br />
est dû, en grande partie, à des contraintes financières. En<br />
effet, la volonté de collectiviser les savoirs exige la rétribution de<br />
plusieurs intervenants pour une même période d’enseignement,<br />
ce qui a nécessité de limiter le nombre de séances afin de tenir<br />
dans le budget à disposition (bien qu’élargi par rapport aux modules<br />
habituels). La littérature confirme que le temps est une donnée<br />
essentielle dans ce type de démarche, notamment pour créer<br />
les liens de confiance et éviter une participation alibi. Des solutions<br />
méthodologiques et financières devront être trouvées en vue<br />
de la prochaine édition prévue à l’automne 2<strong>02</strong>0.<br />
Les étudiants ont rapporté s’être posé beaucoup de questions<br />
sur les attitudes à adopter envers les intervenants au cours des<br />
échanges ou des moments de construction en commun. Ils avaient<br />
souvent peur de prendre trop de place, de dire ou de faire quelque<br />
chose qui serait jugé inadéquat ou blessant par les bénéficiaires.<br />
Cette préoccupation était partagée par les responsables, pour<br />
lesquelles il était essentiel que la participation au module n’engendre<br />
pas de stigmatisation ou de difficultés supplémentaires<br />
pour les personnes concernées. Si la ligne de conduite adoptée<br />
revenait à procéder de la même manière qu’avec tout autre intervenant<br />
externe de l’école, les limites de ce principe ont souvent émergé.<br />
En effet par exemple, il n’était pas aussi anodin de leur proposer<br />
de l’aide ou de leur offrir un café, par peur que cela ne soit<br />
interprété comme de la condescendance ou un déni de leurs ressources.<br />
De la même manière, le souci d’assurer leur anonymat au<br />
niveau de la communication au sein de l’école s’accompagnait de<br />
la crainte que cela ne soit perçu par certains intervenants comme<br />
un défaut de valorisation.<br />
Face à ces questionnements, il est essentiel de pouvoir communiquer<br />
avec les personnes, d’apprendre à les connaître afin d’être<br />
en mesure de tenir compte de leurs souhaits et besoins individuels,<br />
parfois opposés. Les liens créés, notamment dans les précieux moments<br />
informels, ont permis à l’ensemble du groupe de revenir à<br />
la fin avec beaucoup d’humour sur les craintes de commettre des<br />
faux pas, très présentes au début de la relation.<br />
Perspectives<br />
Malgré les défis qui ont été et restent encore à relever, ce projet<br />
confirme l’intérêt de donner une place plus consistante aux savoirs<br />
d’expérience des bénéficiaires dans la formation en travail social.<br />
Afin de dépasser les essais isolés, il est essentiel d’inscrire cette<br />
approche de manière plus pérenne et structurelle au sein des dispositifs<br />
de formation (de base et continue) et de recherche. A titre<br />
d’exemple, la création, dans les établissements, d’organes permanents<br />
réunissant des personnes concernées permettrait d’établir<br />
des partenariats sur un plus long terme, favorables à des collaborations<br />
graduelles, diversifiées et mutuellement formatrices.<br />
Enfin, il s’agirait également de modifier les instances de gouvernance<br />
des écoles, afin que des usagers puissent y participer,<br />
avec un statut identique à celui des représentants du personnel<br />
professionnel ou des étudiants qui y prennent déjà part. En effet,<br />
les grandes orientations au niveau de la formation gagneraient à<br />
être fondées également sur le point de vue des publics auxquels<br />
s’adresse le travail social. Le développement du pouvoir d’agir<br />
des personnes concernées nécessite de véritables changements au<br />
niveau des rapports de pouvoir, pour aller au-delà du seul renforcement<br />
des ressources individuelles. Il parait donc crucial que les<br />
personnes actives dans le travail social soient amenées à collaborer<br />
avec des usagers dès leur formation, afin de construire une identité<br />
professionnelle ouverte à la co-construction.<br />
•<br />
Caroline Reynaud<br />
Professeure associée HES-SO – Haute école de travail social Fribourg<br />
Sophie Guerry<br />
Professeure associée HES-SO – Haute école de travail social Fribourg<br />
Karine Donzallaz<br />
intervenante , Haute école de travail social Fribourg<br />
22 <strong>ZESO</strong> 2/<strong>20</strong> DOSSIER
« Ce projet m’a poussé à sortir de<br />
ma zone de confort »<br />
ENQUÈTE L’Artias a piloté un projet de participation des bénéficiaires de l’aide sociale de longue durée,<br />
en collaboration avec la Loterie romande, les services de l’action sociale des cantons romands et<br />
de Berne et plusieurs services sociaux romands. Martine Kurth, Secrétaire générale de l’Artias<br />
et Stéphane, employé de commerce, papa séparé, bénéficiaire de l’aide sociale, désormais en<br />
complément de revenu, parlent des résultats du projet.<br />
« <strong>ZESO</strong> »: Madame Kurth, quel but voulait atteindre Artias avec le<br />
projet de participation ?<br />
Martine Kurth : Au départ de la réflexion, un double objectif :<br />
d’une part, il nous paraissait capital de demander aux personnes<br />
concernées ce qui pourrait être fait différemment dans<br />
l’accompagnement social de plus ou moins longue distance,<br />
leur proposer de s’appuyer sur leurs expériences individuelles<br />
pour les dépasser et élaborer des propositions de groupe;<br />
d’autre part, nous avons postulé qu’un travail de groupe avec<br />
un but qui fait sens pour les participantes et participants est de<br />
nature à vivifier le sentiment d’appartenance et la citoyenneté<br />
de personnes dont la situation est précaire, et, partant, leur implication<br />
civique et démocratique.<br />
Comment le projet a-t-il été mis en place ?<br />
Martine Kurth : Pour ce faire, une soixantaine de personnes<br />
ont été recrutées, sur une base volontaire, par les services<br />
sociaux partenaires du projet et membres de son comité de<br />
pilotage. Quatre groupes de bénéficiaires ont été constitués,<br />
à différents endroits de Suisse romande, qui ont chacun travaillé<br />
avec une équipe d’animation différente, pendant environ<br />
neuf mois pour ce qui concerne la première phase du projet.<br />
Il est très vite apparu une demande récurrente, dans tous les<br />
groupes, sur ce qui serait fait de leurs propositions.<br />
Et comment les propositions ont-elles été mises en œuvre ?<br />
Martine Kurth : L’Artias a donc proposé que les groupes qui le<br />
souhaitaient prennent en charge, avec un accompagnement<br />
spécifique, la journée thématique annuelle de l’Artias. Une<br />
« Une évaluation du projet et<br />
de ses conséquences est en<br />
cours, menée par la Haute<br />
école de travail social de<br />
Fribourg. »<br />
Martine Kurth<br />
vingtaine de participantes et participants au projet (un gros<br />
tiers) ont saisi la proposition au vol et travaillé d’arrache-pied<br />
pendant plusieurs mois pour concevoir entièrement et animer<br />
cette journée du 28 novembre <strong>20</strong>19, qui leur permettait de<br />
rendre publiques les propositions concrètes d’amélioration de<br />
l’accompagnement social de longue distance qu’ils ont élaborées.<br />
Stephane, quel bilan tirez-vous de cet engagement ?<br />
Stéphane : Un bilan très positif parce que j’ai eu l’occasion de<br />
faire de nouveaux contacts, d’ouvrir de nouvelles perspectives,<br />
de voir l’aide sociale autrement, ce qui m’a permis de retrouver<br />
un job accompagné, qui m’offre des perspectives de formation<br />
à moyen terme.<br />
Quelles ont été les difficultés que vous avez rencontrées durant ce<br />
projet ?<br />
Stéphane : Pour moi, il n’y en a pas eu, car nous étions un très<br />
beau groupe, solidaire, uni. Ça a été une excellente expérience<br />
pour moi.<br />
Le projet sera-t-il poursuivi sous quelque forme que ce soit ?<br />
Martine Kurth : Une évaluation du projet et de ses conséquences<br />
est en cours, menée par la Haute école de travail<br />
social de Fribourg. Une synthèse des rapports de propositions<br />
des quatre groupes sera faite par les participantes et participants<br />
au projet qui le souhaitent, en collaboration avec l’Artias<br />
et le comité de pilotage du projet. Cette synthèse sera ensuite<br />
présentée dans différents services. En outre, plusieurs participant-es<br />
se sont intégrés au fil du projet dans d’autres activités<br />
ponctuelles, comme des conférences ou des cours de l’Artias,<br />
des comités de pilotage de projets scientifiques, une émission<br />
radio, un groupe de projet national, etc… certains d’entre eux<br />
ont également créé une association « Construire demain »<br />
pour faire changer le regard posé sur l’aide sociale et sur celles<br />
et ceux qui doivent y avoir recours pour survivre.<br />
Quelles leçons avez-vous tirées de votre participation à ce projet ?<br />
Stéphane : Une des leçons, c’est l’importance du lien social,<br />
le fait de n’être pas seul dans son cas, de voir que d’autres<br />
personnes vivent des situations similaires. Une autre leçon,<br />
26 <strong>ZESO</strong> 2/<strong>20</strong> DOSSIER
PARTICIPATION<br />
Il a été positif pour les participants de faire de nouveaux contacts.<br />
c’est de réaliser que les assistantes et assistants sociaux<br />
sont pris « entre le marteau et l’enclume », et qu’en tant que<br />
bénéficiaire, on doit prendre l’habitude d’amener aussi notre<br />
part de travail avec des solutions. Pas être des sujets problématiques.<br />
Quand on veut quelque chose des AS, on doit aussi<br />
amener notre part de travail. Une troisième leçon, pour moi,<br />
c’est d’avoir ressenti que l’aide sociale rétrécit la vie et que ce<br />
projet m’a poussé à sortir de ma zone de confort (très relatif<br />
avec l’aide sociale), à me surpasser, à vouloir voir autre chose.<br />
Le tout début de ma participation au projet ARTIAS a correspondu<br />
à mon entrée en consultation auprès d’un service psychiatrique.<br />
Martine Kurth : Ce qui apparaît d’ores et déjà de manière<br />
très nette est que le fait de se retrouver en groupe, de réaliser<br />
que leur situation est partagée par d’autres, de devoir se faire<br />
confiance au sein du groupe, a permis de créer des liens forts,<br />
qui sont autant de tremplins pour se projeter différemment.<br />
Le plus difficile ?<br />
Stéphane : Le matin du 29 novembre, le lendemain de la Journée<br />
d’automne annuelle de l’Artias que nous avons montée<br />
ensemble et pour laquelle nous avons travaillé d’arrache-pied<br />
depuis l’été. Le lendemain, ça fait vide, c’est fini... et même si<br />
on sait que d’autres choses se feront encore, il y a un vide sur<br />
le moment.<br />
Photo : Uwe Duwald, pixelio<br />
« Une des leçons, c’est l’importance<br />
du lien social, le fait de<br />
n’être pas seul dans son cas,<br />
de voir que d’autres personnes<br />
vivent des situations similaires. »<br />
Stéphane<br />
main », l’association que les participantes et participants au<br />
projet de l’Artias ont montée dans l’Arc jurassien pour rendre<br />
l’impossible possible. Et là, j’ai des projets professionnels de<br />
formation dans le domaine social (MSP) qui vont me prendre<br />
du temps et de l’énergie. Mais je reste à disposition de l’ARTIAS<br />
pour un nouveau projet du même type, car c’est important que<br />
nous puissions faire entendre notre situation et « tuer » les<br />
préjugés liés à l’aide sociale.<br />
•<br />
Interview réalisé par<br />
Ingrid Hess<br />
Avez-vous envie de vous engager encore davantage ?<br />
Stéphane : Je suis déjà très actif dans le domaine associatif<br />
dans ma région. Et je suis membre de « Construire de-<br />
Le système social doit se préparer<br />
à un nombre croissant de<br />
personnes démunies<br />
PANDÉMIE DE CORONAVIRUS Les mesures prises par le Conseil fédéral pour protéger la population et le<br />
système de santé ont été et sont encore décisives – y compris pour les services sociaux. Grâce à des<br />
efforts considérables, ces derniers ont accompli leurs tâches malgré les conditions difficiles. Jusqu’à<br />
début mai, le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale est globalement resté stable. Toutefois, il est peu<br />
probable que la situation perdure.<br />
Dès l'imposition des mesures et leur entrée<br />
en vigueur le 16 mars, les services sociaux<br />
ont enregistré une forte hausse des nouvelles<br />
inscriptions à l'aide sociale. « Une multitude<br />
de demandes émanent des indépendants<br />
qui passent au travers des mailles du<br />
filet, qui ne savent pas à qui s’adresser, qui<br />
sont sans cesse ballottés d’une instance à<br />
une autre et qui craignent pour leur existence.<br />
L'incertitude liée à la durée de cette<br />
situation est effrayante. Nos clients<br />
s’inquiètent pour leur emploi, leur apprentissage<br />
», explique la responsable d'un service<br />
social du canton de Zurich quelques<br />
jours après la déclaration de l’état de situation<br />
extraordinaire.<br />
Le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale<br />
n’a guère augmenté en mars et avril.<br />
Une situation principalement due aux mesures<br />
adoptées début avril par la Confédération<br />
pour atténuer l'impact économique<br />
de la pandémie. Il faut également partir du<br />
principe que de nombreuses catégories de<br />
population confrontées à des pertes de gain<br />
importantes disposent de certaines réserves<br />
qu'elles doivent d'abord épuiser avant<br />
d'avoir droit à l'aide sociale.<br />
Les personnes sans autorisation de séjour<br />
sont particulièrement touchées. En<br />
outre, celles en possession d’un passeport<br />
étranger renoncent souvent à l'aide sociale<br />
par crainte des conséquences négatives<br />
sur leur droit de séjour en Suisse. Cela<br />
s’applique à de nombreuses personnes<br />
dans le canton de Genève qui bénéficient<br />
d’une aide d’urgence fournie prioritairement<br />
par des œuvres d’entraide privées.<br />
Taux d’aide sociale de 4 %<br />
Le nombre de bénéficiaires de l’aide sociale<br />
devrait fortement augmenter ces deux<br />
prochaines années. Fin avril, 1,9 million<br />
de personnes percevaient des indemnités<br />
en cas de chômage partiel, 153’000 des<br />
indemnités journalières de chômage et environ<br />
<strong>20</strong>0’000 des allocations pour perte<br />
de gain, ce qui correspond à environ 45 %<br />
des 5,1 millions de personnes actives. À<br />
LA CRS OCTROIE 3 X 1000 FRANCS AUX PERSONNES DÉMUNIES<br />
A des fins transitoires, la Croix-Rouge suisse a décidé<br />
que les plus démunis peuvent demander un<br />
montant mensuel d’au maximum CHF 1’000 par<br />
famille ou personne seule pour les mois d'avril,<br />
mai et juin. L'aide financière sert à régler les factures<br />
impayées et à fournir une aide dénuée de<br />
lourdeurs administratives. En ces temps difficiles,<br />
cette démarche inclut également de plus en plus<br />
de biens d’usage quotidien tels que les denrées<br />
alimentaires ou les produits d'hygiène comme les<br />
couches.<br />
Depuis plusieurs semaines déjà, la CRS fournit<br />
cette aide immédiate rapide et sans formalités.<br />
Les personnes en situation de détresse aiguë<br />
peuvent s’annoncer auprès de la Croix-Rouge de<br />
leur canton. Selon l'évolution de la crise et les<br />
fonds disponibles, la CRS examinera la possibilité<br />
d’étendre ce soutien au-delà du mois de juin.<br />
Les dons reçus par la CRS d'entreprises et via la<br />
collecte de la Chaîne du Bonheur sont principalement<br />
affectés à l'aide immédiate fournie dans<br />
le contexte de la crise du coronavirus. Grâce à<br />
l'impressionnant élan de solidarité de la population<br />
suisse, la CRS est en mesure d'apporter un<br />
soutien accru à celles et ceux qui subissent les<br />
conséquences de la pandémie en Suisse.<br />
Les citoyennes et les citoyens suisses peuvent,<br />
à juste titre, être fiers du système d'assurances<br />
sociales de leur pays. La CRS exige des mesures<br />
visant à apporter un soutien systématique aux<br />
personnes touchées par la pauvreté et aux personnes<br />
à bas revenu qui, en raison de la pandémie,<br />
se trouvent aujourd'hui dans une situation de<br />
détresse. La Confédération et les cantons doivent<br />
s'engager sur ce terrain, non seulement par une<br />
aide ponctuelle et unique, mais aussi par un<br />
soutien fourni tout au long de la crise.<br />
Des contributions uniques ou multiples comme<br />
celles versées dans le cadre de l'aide immédiate<br />
de la CRS peuvent aider les plus démunis à faire<br />
face aux difficultés et leur offrir un répit. Cependant,<br />
elles ne suffisent pas, car les conséquences<br />
économiques de la pandémie frappent tout<br />
particulièrement celles et ceux dont le budget<br />
était déjà très serré. Dans le cas des travailleurs<br />
pauvres, qui, avant la crise, n'arrivaient guère à<br />
joindre les deux bouts, indemnités de chômage,<br />
indemnités en cas de réduction de l'horaire de<br />
travail et indemnités journalières ne compensent<br />
pas une perte de gain, même si celle-ci ne représente<br />
qu'un cinquième du revenu. (CRS)<br />
30 <strong>ZESO</strong> 2/<strong>20</strong>
court terme, de nombreux indépendants<br />
dépendront de l'aide sociale à l’expiration<br />
de l'allocation pour perte de gain à la mimai.<br />
À moyen terme, les personnes en fin<br />
de droit se retrouveront dans cette situation.<br />
Simultanément, moins de personnes<br />
sortiront de l'aide sociale en raison de la<br />
récession attendue. Sans parler de<br />
l'intégration du grand groupe de réfugiés<br />
et de personnes admises à titre provisoire<br />
arrivés en Suisse entre <strong>20</strong>14 et <strong>20</strong>16 qui<br />
deviendra, elle aussi, plus difficile. Dans<br />
l'ensemble, la CSIAS prévoit donc une<br />
hausse du taux d'aide sociale de 3,2 à 4 %<br />
d'ici 2<strong>02</strong>2, ce qui correspond à une augmentation<br />
de 77’000 personnes (passant<br />
de 273’000 à 350'000). Pour les cantons<br />
et communes, les coûts d’aide sociale enregistreront<br />
donc une hausse de 870 millions.<br />
Dans cette situation incertaine, il est<br />
essentiel d’identifier rapidement les changements<br />
dans l'aide sociale afin de pouvoir<br />
réagir au plus vite. La CSIAS a donc<br />
l'intention de mettre en place un monitoring<br />
à partir de juin 2<strong>02</strong>0.<br />
Bon fonctionnement de l’aide sociale<br />
malgré les conditions difficiles<br />
Outre les préoccupations liées au nombre<br />
de personnes s’annonçant auprès des services<br />
sociaux, les restrictions de la vie publique<br />
et du monde du travail ont également<br />
nécessité des mesures rapides pour<br />
garantir le bon fonctionnement des prestations,<br />
ainsi que la gestion des processus de<br />
soutien aux bénéficiaires de l'aide sociale<br />
soumis à des conditions et sanctions. Des<br />
questions se posent quant à la subsidiarité<br />
de l'aide sociale et à la manière de l’octroyer<br />
en temps utile dans les circonstances données.<br />
Une tâche exigeante pour laquelle la<br />
Conférence suisse des institutions d’action<br />
sociale (CSIAS) a élaboré - quatre jours<br />
après la décision du Conseil fédéral - des<br />
recommandations pour le travail au sein<br />
des services sociaux pendant la situation<br />
extraordinaire.<br />
Dans certains endroits, des solutions ont<br />
vite été trouvées et mises en œuvre : dans<br />
une petite commune zurichoise, l’activité du<br />
service social est passée en mode « télétravail<br />
» et les consultations ont été données par téléphone<br />
ou courrier électronique. « Tous les<br />
clients qui disposent d'un scanner à domicile<br />
peuvent scanner ou photographier les formulaires,<br />
documents, etc. nécessaires et les<br />
adresser par courriel à la responsable du service<br />
social. Etant donné que je peux accéder<br />
à tous les dossiers à domicile, les paiements<br />
et la poursuite des activités sont assurés »,<br />
confirmait la responsable du service social.<br />
Les contacts protégés par du plexiglas<br />
Nous mettons tout en œuvre pour poursuivre<br />
l’activité comme d’habitude, relatait un<br />
service social thurgovien. À cette fin,<br />
l'équipe a été subdivisée et les collaborateurs<br />
se relaient à présent à raison d’une<br />
semaine au bureau et d’une semaine de télétravail.<br />
Les quelques rendez-vous avec les<br />
clients requérant un contact personnel<br />
(uniquement les nouvelles inscriptions,<br />
maximum 15 minutes) se déroulent derrière<br />
un guichet spécial équipé d’une vitre<br />
en plexiglas. Tous les autres contacts ont<br />
lieu par téléphone, e-mail et courrier postal.<br />
Le placement professionnel, les projets<br />
d'intégration et tous les rendez-vous externes<br />
ont été immédiatement suspendus. •<br />
Ingrid Hess<br />
La crise du coronavirus se répercute<br />
aussi sur les épiceries Caritas et le<br />
conseil social<br />
Début mai, les médias ont fait état d'une<br />
distribution de denrées alimentaires à Genève.<br />
Plus de 1'000 personnes ont fait la<br />
queue pour obtenir un paquet de denrées<br />
de première nécessité. Nous sommes habitués<br />
à de telles images des zones sinistrées<br />
dans les pays pauvres. Mais en Suisse ? Les<br />
personnes vivant au seuil de pauvreté sont<br />
durement touchées par les restrictions économiques.<br />
Une évolution préoccupante au<br />
vu des 660'000 personnes en situation de<br />
précarité et du plus d'un million de personnes<br />
menacées de pauvreté en Suisse.<br />
A la mi-mars, les 21 épiceries Caritas<br />
étaient déjà fortement impactées par les<br />
restrictions de la vie publique en Suisse.<br />
Plus de personnes achetaient davantage<br />
de grandes quantités. Pour les denrées<br />
alimentaires de base telles que la farine,<br />
le lait, l'huile alimentaire ou les pâtes, la<br />
demande a augmenté de plus de la moitié.<br />
Les bons alimentaires d'une valeur totale<br />
de CHF 100'000, remis avec le soutien de<br />
la Chaîne du Bonheur, ont été rapidement<br />
épuisés. Une deuxième vague de bons a<br />
été distribuée début mai. Pour l’assortiment<br />
global, les ventes se sont à nouveau<br />
stabilisées au niveau habituel. Cependant,<br />
les comportements d'achat ont changé : si<br />
les denrées alimentaires de base de longue<br />
conservation remportaient les faveurs, la<br />
demande de fruits et légumes et d'articles<br />
non essentiels a diminué. L'achat moyen<br />
est passé – notamment grâce aux bons<br />
<br />
2/<strong>20</strong> <strong>ZESO</strong><br />
31
Les personnes vivant au seuil de pauvreté sont durement touchées par les restrictions économiques.<br />
Photo : zvg<br />
<br />
d'achat – de 13 à 17 francs. Et le cercle<br />
de la clientèle éligible s'agrandit : en avril,<br />
les organisations régionales de Caritas<br />
ont émis des centaines de nouvelles cartes<br />
d'achat à la demande des services sociaux.<br />
Hausse des demandes de consultations<br />
sociales<br />
La demande accrue s'est également manifestée<br />
dans le domaine du conseil social,<br />
quoique plus tard. Les aides transitoires<br />
individuelles allouées par Caritas grâce,<br />
entre autres, aux fonds de la Chaîne du<br />
Bonheur, n'ont initialement pas été sollicitées<br />
dans la même mesure dans les régions.<br />
Fin avril, le nombre de demandes de<br />
consultations sociales a fortement augmenté.<br />
Pour bon nombre de personnes, le versement<br />
des salaires d’avril a été un moment<br />
décisif. Celles percevant un salaire horaire<br />
ou travaillant sur appel, dans des conditions<br />
non réglementées, ont connu une<br />
perte de gain considérable. De même, l'indemnité<br />
en cas de chômage partiel, qui ne<br />
couvre que 80 % du salaire, touche surtout<br />
les personnes à faible revenu. Les consultations<br />
ont révélé que les frais de logement ne<br />
pouvaient plus être assumés par de nombreuses<br />
familles et personnes seules.<br />
D'autres sont confrontées à des bordereaux<br />
d'impôts ou à des frais médicaux qu’elles<br />
ne peuvent pas payer.<br />
Activité lucrative et garde d’enfants<br />
Les mères célibataires doivent faire face à<br />
des défis particuliers pour conserver leur<br />
emploi, tout en s'occupant de leurs enfants.<br />
Les sans-papiers ou les travailleuses du sexe<br />
se tournent également vers Caritas. Leurs<br />
revenus se sont effondrés. Pour de nombreuses<br />
personnes, l'incertitude constitue<br />
un grand fardeau supplémentaire.<br />
Malgré la grande solidarité témoignée<br />
par la population, les organisations privées<br />
ne sont pas en mesure d'absorber ces situa-<br />
tions de détresse sur le long terme. Caritas<br />
Suisse a donc lancé un appel au Conseil<br />
fédéral et au Parlement afin qu’ils élaborent<br />
un programme de soutien aux personnes et<br />
ménages à faible revenu. Caritas propose<br />
un paiement direct unique de 1'000 francs<br />
pour les ménages et personnes dont le revenu<br />
est inférieur au niveau donnant droit à<br />
des prestations complémentaires. Caritas<br />
exige également la gratuité des places de<br />
crèche pour les familles à faible revenu, une<br />
augmentation de 50 % des subsides des<br />
primes d'assurance-maladie par la Confédération<br />
et les cantons, ainsi que des indemnités<br />
en cas de chômage partiel ne prévoyant<br />
pas de réduction en cas de faibles revenus,<br />
mais s'élevant à 100 % du salaire. •<br />
Stefan Gribi<br />
Responsable communication, Caritas Suisse<br />
www.caritas.ch/corona<br />
32 <strong>ZESO</strong> 2/<strong>20</strong>
ZOOM CHEZ<br />
MURIEL CHRISTE MARCHAND<br />
Service social:<br />
Service cantonal de l’action sociale, Delémont JU<br />
Nombre d’‘employés: 33<br />
Fonction:<br />
lic. Sc. sociales UNIL, master en adm. publique Idheap,<br />
cheffe de service – jobsharing avec Julien Cattin<br />
Depuis : déc. <strong>20</strong>16<br />
Âge:<br />
49 ans<br />
« Chacune et chacun a mis toute son<br />
énergie à trouver des solutions afin d’offrir<br />
les meilleures prestations possibles à la<br />
population. »<br />
Photo: mad<br />
Qu'est-ce qui distingue le Service<br />
cantonal de l’action sociale du canton<br />
du Jura ?<br />
L’Etat et les communes exercent l’action<br />
sociale par l’intermédiaire des<br />
services sociaux régionaux. Le Service<br />
cantonal de l’action sociale décide<br />
de manière centralisée de l’octroi<br />
de l’aide sociale. Des travaux sont actuellement<br />
en cours afin de repenser<br />
le dispositif : en rendant la fourniture<br />
de l’aide matérielle plus efficiente, il<br />
s’agit de redonner davantage de ressources<br />
à l’accompagnement social.<br />
La crise du Corona a posé d'énormes<br />
défis à tous les services sociaux.<br />
Qu'est-ce qui vous a particulièrement<br />
préoccupé dans cette situation ?<br />
Notre priorité a été de garantir que<br />
l’aide sociale puisse être octroyée et<br />
que les prestations d’accompagnement<br />
social restent accessibles, tout<br />
en veillant à la santé des collaborateurs<br />
et des bénéficiaires.<br />
Quelle approche/méthode ou quel<br />
concept vous a aidé à maîtriser les<br />
difficultés ?<br />
Le Gouvernement jurassien a décidé<br />
d’octroyer l’aide sociale de manière<br />
simplifiée et standardisée, en majorant<br />
le forfait d’entretien de 15 %. Nous<br />
sommes convaincus que ce traitement<br />
facilité a contribué à calmer les inquiétudes<br />
d’une population déjà fragilisée.<br />
Avez-vous eu une expérience<br />
particulièrement positive pendant<br />
cette période difficile ?<br />
Cette période de crise a vu naître<br />
une plateforme de solidarité cantonale<br />
et un projet qui vise à faire le<br />
lien avec les personnes en situation<br />
de vulnérabilité. Gageons que ces<br />
nouvelles formes de collaboration<br />
perdurent et ouvrent de nouvelles<br />
perspectives !<br />
Qu'avez-vous apprécié le plus dans<br />
votre travail ces dernières semaines ?<br />
La présence d’un véritable esprit de<br />
collaboration entre les différents partenaires,<br />
publics et privés. Chacune<br />
et chacun a mis toute son énergie à<br />
trouver des solutions afin d’offrir les<br />
meilleures prestations possibles à la<br />
population.<br />
Comment avez-vous fait face à<br />
une situation particulièrement<br />
stressante ?<br />
Le partage de poste est une grande<br />
ressource, de même qu’une communication<br />
intense et un partage régulier<br />
au sein de l’équipe de travail.<br />
Quel vide avez-vous ressenti<br />
dernièrement ?<br />
Incontestablement le manque de moments<br />
partagés avec les amis et les<br />
proches.<br />
Que souhaitez-vous pour l'avenir en<br />
ce qui concerne votre travail dans les<br />
services sociaux ?<br />
Une évolution vers un dispositif qui<br />
tienne compte des besoins des individus<br />
en renforçant leur pouvoir d’agir,<br />
notamment dans la définition des<br />
objectifs d’intégration.<br />
» rendent<br />
En Suisse, il existe des centaines de services sociaux. Un grand nombre d'employés dévoués y travaillent. Ils soutiennent les enfants, les<br />
jeunes et les adultes dans différentes situations de vie et contribuent ainsi de manière importante à la cohésion sociale. Dans cette série, ils<br />
compte de leur travail quotidien, des aspects beaux et difficiles de leur travail.<br />
34 <strong>ZESO</strong> 2/<strong>20</strong>
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Start: 22. Juni 2<strong>02</strong>0<br />
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Integration und Partizipation<br />
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Kinder- und Jugendhilfe<br />
Management, Recht und Ethik<br />
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