Bulletin de liaison et d'information - Institut kurde de Paris

2 Bulletin de liaison et d'infonnation
du Moyen-Orient, en pa ni culier la Turquie et qui
conduirait ~ des conflits multiples dont personne n'a
intérét. Mais, vous ne trouverez pas de solution et vous
ne serez pas approuvés par un pays comme le mien si
~ la base les Kurdes turcs ne bénéficient pas de tous les
droits qui doivent étre les leurs. Il faut que cette
population, en Turquie comme ailleurs, se voie reconnue
les droits normaux de toute minorité. Il faut que
les droits les plus élémentaires de l'homme et du
citoyen soient respectés. Parmi ces droits, il y a les
droits culturels, c'est-~-dire le droit d'exister, de pouvoir
s'exprimer, de pouvoir pratiquer sa langue, de
pouvoir étre reconnu et cela ne peut signifier un
encouragement au terrorisme qui est toujours une
méthode détestable».
Ce message diffusé intégralement à la télévision a été
publié à la une de la presse quotidienne sous le titre:
«Mitterrand dit non à un Etat kurde». Lesresponsables
politique turcs ont «regretté» que le président français
parle des Kurdes en termes de «minorité», ce concept
s'appliquant en Turquie à des communautés non musulmanes.
Le président Özal a dit qu'il allait exposer à
M. Mitterrand le point de vue ture. Et, de fait, le
problème kurde s'est trouvé au centre des entretiens du
président français avec ses interlocuteurs turcs, cela
dès son arrivée à l'aéroport d'Ankara. Selon Turgut
Özal, tout au long du trajet de l'aéroport à Ankara ils
n'ont cessé de parler de cette question sur laquelle
François Mitterrand a également interrogé le premier
ministre Démirel et le vice premier ministre Inönü,
tandis que Bernard Kouchner s'informait auprès du
ministre turc de la Justice des «réformes juridiques en
préparation sur le problème kurde» . L'avenir des
Kurdes irakiens, le problème de la prolongation du
mandat de la force aérienne alliée pour la protection
des Kurdes, basée en Turquie, ont également occupé
une place importante dans les discussions francoturques.
Au cours du dîner offert en son honneur au Palais de
Çankaya, le président français a de nouveau évoqué le
problème kurde. Tout en dénonçant le «terrorisme
aveugle», il a insisté sur la nécessité de satisfaire les
«aspirations légitimes de la population kurde dans le
cadre du droit des gens, du droit international et du
respect de l'identité culturelle», et réaffirmé son opposition
à «toute répression collective». Même pour juguler
le terrorisme, a-t-il ajouté, un Etat démocratique doit,
en toutes circonstances, rester ~ l'intérieur du droit».
Une dépêche d'agence faisant état de bombardements
de l'aviation turque au Kurdistan irakien a jeté un
certain froid sur la deuxième journée de la visite de
F.Mitterrand, marquée par l'inauguration d'une université
française à Istanbul. Les autorités turques ont démenti
cette information, qui était cependant exacte.
(L'armée attendra le 16 avril pour annoncer la mort de
.31 terroristes du PKK», en fait pour la plupart de
paysans kurdes .suspects», refusant de collaborer avec
les unités de la contre-guérilla, abattus les 14 et 15 avril
dans la province de Mardin).
Au cours de la conférence de presse donnée à Istanbul
avant son départ pour la France, le président Mitterrand,
tout en se félicitant du resserrement notable des liens
franco-turcs, a réaffirmé: .La France est l'amie du
peuple kurde souffrant. Elle défendra les droits et les
intéréts de ce peuple». C'est la première fois dans
l'histoire de la République turque qu'un chef d'Etat
étranger plaide, en Turquie même, publiquement en
faveur de la reconnaissance des droits du peuple kurde.
Il y a encore deux ans parler de l'existence des Kurdes
en Turquie aurait été considéré comme sacrilège par
Ankara. Les déclarations très .pédagogiqueslt de
François Mitterrand sont présentées par les dirigeants
turcs comme un échange d'opinions .franc et direct»,
laissant ainsi clairement entendre que les deux parties
sont loin d'une communauté de vues sur cette question.
Lesdivergences ont été moi ns importantes sur les autres
questions abordées au cours de cette visite. La Turquie
et la France vont coopérer pour le règlement par le
dialogue et la négociation du conflit arméno-azéri. Les
deux pays envisagent également un certain partenariat
pour le développent économique des républiques
«turcophones» d'Asie Centrale. Premier investisseur
étranger en Turquie dans des domaines aussi variés que
les cosmétiques, l'aviation, l'industrie automobile, la
France, dont les échanges commerciaux avec Ankara
ont, en 1990, atteint 12 milliard de FF,espère s'implanter
en Asie Centrale grâce à l'influence politico-culturelie
supposée de la Turquie. En échange elle semble
disposée à faciliter l'entrée de celle-ci dans la CEE.• La
Turquie serait mieux ~ méme de plaider sa cause en
Europe si elle parvenait ~ régler le problème kurde par
le dialogue» a encore rappelé aux dirigeants turcs Jean
Musitelli, le porte-parole de l'Elysée. Laquestion kurde
devient assurément de plus en plus incontournable
pour la Turquie tant dans sa politique intérieure que
dans ses relations extérieures.