Sophie Madeleine - Université de Caen Basse Normandie
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venait justement <strong>de</strong> reconstruire 26 (humiliation importante car il est le <strong>de</strong>scendant <strong>de</strong> son<br />
ennemi). Finalement, c’est cette <strong>de</strong>rnière ironie tragique qu’avait certainement pressenti<br />
Pompée dans son rêve la veille <strong>de</strong> la bataille <strong>de</strong> Pharsale et, triste <strong>de</strong>stinée du héros tragique,<br />
c’est en tentant d’échapper à son sort dont il a connaissance par une prémonition mystique<br />
qu’il se jette dans les bras du <strong>de</strong>stin. Pompée avait choisi la dramaturgie <strong>de</strong>s héros grecs<br />
quand il a inauguré son théâtre, en y faisant jouer Le cheval <strong>de</strong> Troie et Clytemnestre 27 .<br />
Auguste illustre par ce changement <strong>de</strong> place <strong>de</strong> la statue <strong>de</strong> Pompée que ce <strong>de</strong>rnier a<br />
rejoint la « famille » <strong>de</strong>s héros tragiques. Sa curie est murée et, <strong>de</strong> l’illustre triumuir, il ne reste<br />
plus qu’un personnage humilié par son <strong>de</strong>stin tragique.<br />
2.3 – Un nouveau plan au sol du portique,<br />
symbole d’une nouvelle dimension idéologique<br />
Dès Auguste, le complexe <strong>de</strong> Pompée a perdu une partie <strong>de</strong> la valeur idéologie <strong>de</strong> sa<br />
construction avec d’une part le murage <strong>de</strong> la curie et d’autre part le déplacement <strong>de</strong> la statue<br />
<strong>de</strong> Pompée sur la ualua regia. Et pourtant, ce n’est que le début : le portique va prendre<br />
un tout autre visage sous le règne <strong>de</strong> Clau<strong>de</strong>, anéantissant encore un peu plus l’idéologie<br />
pompéienne. Rappelons qu’à l’époque <strong>de</strong> Pompée, rien n’indique la présence d’un arc dans<br />
le portique. Par contre, <strong>de</strong>ux sources nous indiquent que par la suite, un arc <strong>de</strong> triomphe a<br />
été implanté dans le portique <strong>de</strong> Pompée. La première est littéraire : Suétone nous apprend<br />
que Clau<strong>de</strong> dédia à cet endroit un arc honorifique en l’honneur <strong>de</strong> Tibère.<br />
Tiberio marmoreum arcum iuxta Pompei theatrum, <strong>de</strong>cretum qui<strong>de</strong>m olim a senatu uerum<br />
omissum, peregit 28 .<br />
En l’honneur <strong>de</strong> Tibère, il [Clau<strong>de</strong>] fit dresser près du théâtre <strong>de</strong> Pompée l’arc <strong>de</strong> marbre que<br />
lui avait autrefois voté le sénat mais que l’on avait négligé <strong>de</strong> construire.<br />
Cet arc est resté <strong>de</strong>bout jusqu’au Moyen Age puiqu’en 1303-1374, Francesco Petrarca<br />
dans le Familiarium rerum liber, parle <strong>de</strong> « l’arc <strong>de</strong> Pompée » :<br />
Voici l’arc <strong>de</strong> Pompée, voici son portique, voici le Cimbre <strong>de</strong> Marius 29 .<br />
Ensuite, le cadre chronologique étant posé, une <strong>de</strong>uxième source permet <strong>de</strong> situer avec<br />
précision cet arc dans le portique : la Forma Vrbis Romae. Sur ce plan, la technique <strong>de</strong> représentation<br />
<strong>de</strong>s arcs et souvent la même : <strong>de</strong>s rectangles représentent les piliers <strong>de</strong> l’arc et <strong>de</strong>s<br />
arcs <strong>de</strong> cercle opposés figurent l’arche. C’est la technique utilisée pour l’arc <strong>de</strong> Tibère qui<br />
nous intéresse (figure 3) 30 .<br />
26. Auguste, Res Gestae diui Augusti (monumentum Ancyranum) 20, (texte trad. et comm. J. Gagé, Paris, Les<br />
Belles Lettres, 1935).<br />
27. Cic., Epist. 7, 1 : « Quel plaisir trouver dans Clytemnestre à un défilé <strong>de</strong> quelques six cents mulets, ou, dans<br />
le Cheval <strong>de</strong> Troie, à voir trois mille cratères, ou dans certains combats, tout l’équipement divers <strong>de</strong><br />
l’infanterie et <strong>de</strong> la cavalerie ? ». Le texte précise un peu plus haut qu’on parle <strong>de</strong>s jeux données par Pompée<br />
pour l’inauguration <strong>de</strong> son théâtre. Il n’y a aucun doute sur le contexte <strong>de</strong> ces représentations.<br />
28. Suet., Claud. 11, 3, (Texte M. Ihm, Leipzig, Teubner, 1908, trad. et comm. H. Ailloud, Paris, Les Belles Lettres,<br />
1961).<br />
29. Cité par Valentini 1953. Le cimbre <strong>de</strong> Marius est un château d’eau où se réunissent l’aqua Marcia, l’aqua<br />
Giulia et l’aqua Claudia et qui se situe entre la porte majeure et la porte San Lorenzo, près <strong>de</strong> l’église<br />
Sant’Eusebio. Au Moyen-âge il était appelé Castello <strong>de</strong>ll’aqua Marcia ou trofei di Mario car les <strong>de</strong>ux<br />
panoplies qui ornaient les niches extérieures rappelaient les triomphes <strong>de</strong> Marius. Il fut même pendant un<br />
temps appelé ad Cimbrum. On a appelé ce monument le Cimbre <strong>de</strong> Marius car une <strong>de</strong>s panoplies pouvait<br />
ressembler à celle d’un Cimbre, que Marius avait défait en sauvant ainsi sa patrie. Cf. Marliani 1588 ;<br />
Rodocanachi 1914 ; Picard 1957 ; Richard 1965.<br />
30. Cf. Reynolds 1999.<br />
Schedae, 2007, prépublication n°6, (fascicule n°1, p. 81-96).