Sophie Madeleine - Université de Caen Basse Normandie
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présence d’une place tout en longueur, axée sur un temple qui en définit l’axe longitudinal<br />
et qui comprend une absi<strong>de</strong>, correspond à la disposition du complexe pompéien du Champ<br />
<strong>de</strong> Mars. Pour couronner le tout, la place est ceinte <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux portiques sur ses longs côtés,<br />
ce qui rappelle la porticus post scaenam. La disposition <strong>de</strong> la statue d’Auguste (quadrige<br />
dédié à Auguste Pater Patriae 16 ) dans l’axe <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> Mars Vltor, divinité tutélaire du<br />
forum, correspond à la volonté <strong>de</strong> Pompée d’être représenté face à Vénus Victrix. Nous<br />
insistons ici sur le fait que la cella du temple <strong>de</strong> Mars Vltor accueille non seulement la statue<br />
<strong>de</strong> Mars, mais aussi probablement celle <strong>de</strong> Vénus, <strong>de</strong> César et <strong>de</strong> Cupidon 17 . Vénus<br />
est donc toujours au centre du forum, comme dans les complexes césarien et pompéien.<br />
Dans le cas du forum d’Auguste, la symbolique idéologique est encore plus forte car, dans<br />
l’axe perpendiculaire à celui défini par l’alignement Mars Vltor/Auguste, <strong>de</strong>ux autres statues<br />
se font face : celle d’Enée et celle <strong>de</strong> Romulus, avec le lien <strong>de</strong> <strong>de</strong>scendance que nous<br />
connaissons.<br />
Le forum <strong>de</strong> Nerva, inauguré en 97 p. C. 18 , est le <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong>s forums impériaux à suivre<br />
ce schéma. Nous laissons volontairement <strong>de</strong> côté le forum <strong>de</strong> Trajan, <strong>de</strong> même que le forum<br />
<strong>de</strong> la Paix, car leur structure est différente.<br />
L’organisation architecturale voulue par Pompée était donc particulièrement judicieuse :<br />
elle le plaçait en véritable imperator avant l’heure, précurseur du régime qui se mettra en<br />
place quelques années plus tard. Voyons maintenant comment toute cette fine orchestration<br />
a été renversée, détournée par l’idéologie Julio-Claudienne vers ses propres intérêts et comment<br />
cet état s’est maintenu jusque sous l’Antiquité tardive.<br />
2 – L’état du complexe au IV e siècle,<br />
suite aux travaux Julio-Claudiens<br />
2.1 – La « disparition fonctionnelle » <strong>de</strong> la curie<br />
Après le meurtre <strong>de</strong> Jules César, Dion Cassius nous apprend que la curie a été murée<br />
car il s’agissait d’un lieu néfaste, dans lequel plus personne ne <strong>de</strong>vait rentrer :<br />
On ferma sur le champ la salle où il avait été tué, et, dans la suite, on la convertit en latrines 19 .<br />
Avec cette fermeture du bâtiment, la curie perd toute fonctionnalité : elle reste <strong>de</strong>bout<br />
comme symbole <strong>de</strong> l’histoire, mais c’est là sa simple fonction. Quand Dion Cassius parle<br />
d’une transformation en latrines, il semble extrapoler la réalité, puisqu’au III e siècle, époque<br />
où est gravée la Forma Vrbis, la curie semble bien toujours là, <strong>de</strong>ssinée avec 21 m sur<br />
24 m, dimensions confirmées par l’archéologie. Deux latrines d’époques différentes sont<br />
bien attestées dans cette zone par l’archéologie, mais toutes <strong>de</strong>ux décalées par rapport à<br />
la curie 20 .<br />
16. Res Gestae, 35.<br />
17. Cf. Bauer 1987, 763-770.<br />
18. Cf. Aur. Vict., Caes. 12, 2.<br />
19. Dion Cassius, Historia romana, 47, 19, 1 (texte U. P. Boissevain, Cassii Dionis Cocceiani historiarum Romanarum<br />
quae supersunt, 3 vol. Berlin : Weidmann, 1 : 1895 ; 2 : 1898 ; 3 : 1901, texte, trad. et comm. V. Boissée<br />
et E. Gros, Paris, Librairie Firmin Didot frères, 1863) : tov te oi[khma ejn w|/ ejsfavgh, paracrh'mav te e[kleisan<br />
kai; u{steron ej" a[fodon meteskeuvasan.<br />
20. Lugli 1970, 420.<br />
Schedae, 2007, prépublication n°6, (fascicule n°1, p. 81-96).