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26 DANSE<br />
CAVAILLON | MONACO | TRETS | SAINT-MAXIMIN<br />
La leçon de danse<br />
La pièce culte d’Anne Teresa De<br />
Keersmaeker a rassemblé une salle<br />
comble de nombreux adolesc<strong>en</strong>ts,<br />
abasourdis par la mécanique de danse<br />
qui allait se dérouler sous leurs yeux.<br />
La même depuis 25 ans, toujours aussi<br />
fascinante. En quatre tableaux, quatre<br />
danseuses époustouflantes de virtuosité<br />
ont opéré une échappée belle vers<br />
l’indéfinissable féminité, une admirable<br />
démonstration de précision autour<br />
de la répétition. Jeunes filles <strong>en</strong> jupette<br />
et socquettes qui pass<strong>en</strong>t de la station<br />
allongée à la transe obsessionnelle,<br />
<strong>en</strong>tre mouvem<strong>en</strong>ts nonchalants et syncopés,<br />
prises dans l’<strong>en</strong>gr<strong>en</strong>age sans<br />
fin de la comparaison à l’autre et du<br />
temps dissolu. Statues alanguies autant<br />
que provocantes, répétant inlassablem<strong>en</strong>t de «simples»<br />
gestes minimalistes diablem<strong>en</strong>t millimétrés -une<br />
© Jean-Luc Tanghe<br />
Souv<strong>en</strong>t ballet varie<br />
Quel que soit l’univers chorégraphique qu’ils abord<strong>en</strong>t,<br />
les Ballets de Monte Carlo sav<strong>en</strong>t <strong>en</strong> r<strong>en</strong>dre<br />
la t<strong>en</strong>eur. Le mois d’avril a vu éclore les rhétoriques de<br />
trois chorégraphes dont les inspirations s’oppos<strong>en</strong>t :<br />
Jean-Christophe Maillot dessine une approche<br />
mystique des corps avec la reprise de Altro Canto I.<br />
Musique de Monteverdi, atmosphère d’un tableau<br />
du Caravage, avec une lumière (Dominique Drillot)<br />
comme imman<strong>en</strong>te : un ciel de bougies accorde une<br />
dim<strong>en</strong>sion fantastique à cette chorégraphie poétique.<br />
Par un jeu subtil <strong>en</strong> miroir, chacun devi<strong>en</strong>t tour à tour<br />
objet de l’autre, les costumes de Karl Lagerfeld soulignant<br />
la confusion des g<strong>en</strong>res. Monde baroque<br />
épousant l’évid<strong>en</strong>ce de la courbe, l’étourdissem<strong>en</strong>t,<br />
l’abandon, la fluidité première, jusqu’au travail sur les<br />
mains qui s’allong<strong>en</strong>t <strong>en</strong> vagues mouvantes…<br />
Avec Marie Chouinard, qui pour la première fois<br />
confie son œuvre à une autre compagnie que la si<strong>en</strong>ne,<br />
les mêmes corps sont blessés, infirmes, boiteux,<br />
liés à des béquilles, des harnais, des cannes, des<br />
Altro Canto © Marie-Laure Briane<br />
pointes… une esthétique de la douleur, où s’affirm<strong>en</strong>t<br />
de nouveaux codes, le vivant se pliant à des prothèses<br />
et à une impitoyable géométrie. Le tout dans une<br />
lumière crue d’hôpital, sur la musique originale de<br />
Louis Dufort, Variations sur les variations (Goldberg).<br />
Enfin, la création du jeune et tal<strong>en</strong>tueux soliste des<br />
Ballets, Jero<strong>en</strong> Verbrugg<strong>en</strong>, Kill Bambi, séduit par<br />
sa fantaisie débridée, son inv<strong>en</strong>tivité, son rythme, sa<br />
verve et son humour. Le spectacle comm<strong>en</strong>ce par la<br />
fin, remonte dans le temps, passe de la charogne<br />
baudelairi<strong>en</strong>ne aux scènes champêtres, imagerie qui<br />
permet d’évoquer à la fois l’iconographie de Walt<br />
Disney et le monde du songe d’une nuit d’été shakespeari<strong>en</strong>.<br />
Les costumes de On aura tout vu contribu<strong>en</strong>t<br />
à cette folie féérique. La fougue de la jeunesse,<br />
parfaitem<strong>en</strong>t maîtrisée.<br />
MARYVONNE COLOMBANI<br />
Ce programme a été prés<strong>en</strong>té au Grimaldi Forum<br />
de Monaco du 19 au 22 avril<br />
De l’origine<br />
du cerf-volant<br />
Au départ, il y a le livre d’Anouchka Gravel Galouchko,<br />
Shô et les dragons d’eau, fable à la fois poétique<br />
et écolo sur l’origine des cerfs-volants. Puis la fantaisie<br />
de la compagnie d’Hélène Desmaris porte sur<br />
scène toute la poésie de la charmante histoire : l’exceptionnelle<br />
petite fille Shô, interprétée par Alice<br />
Galode, aux pouvoirs surnaturels sait ainsi vaincre<br />
les démons de la mer, dansée par Marie Hélène Desmaris,<br />
et appr<strong>en</strong>dre aux g<strong>en</strong>s de son village à<br />
transformer l’ombre <strong>en</strong> lumière… Si le rythme est<br />
volontairem<strong>en</strong>t l<strong>en</strong>t il n’est jamais lourd, et jamais l’on<br />
ne s’<strong>en</strong>nuie : la conteuse, Marie-Claude Rey sait<br />
ménager de justes espaces <strong>en</strong>tre récit et chorégraphie,<br />
la musique de Xavier Pro<strong>en</strong>ca, créée pour le<br />
spectacle, jouée sur d’étranges instrum<strong>en</strong>ts, souligne<br />
la belle poésie de l’<strong>en</strong>semble. Un mom<strong>en</strong>t de rêve<br />
délicat et t<strong>en</strong>dre pour les petits !<br />
M.C.<br />
Shô et les dragons d’eau a été dansé le 25 avril à Trets<br />
© Philippe Nou<br />
mèche balayée, une épaule dénudée, un croisem<strong>en</strong>t<br />
de jambes-, rythmées par l’horlogerie de leur souffle<br />
et la musique percussive et mécanique faite sur mesure<br />
par Thierry de Mey ; à couper le<br />
souffle. L’espace devi<strong>en</strong>t une terre<br />
géométrique qu’elles balay<strong>en</strong>t de diagonales<br />
<strong>en</strong> spirales de lumière jusqu’à<br />
l’épuisem<strong>en</strong>t. Une pièce hypnotique et<br />
indémodable qui demande un «effort»<br />
de lecture pour que se révèle l’état de<br />
grâce, chaque mouvem<strong>en</strong>t s’étirant<br />
pour «faire la nique» au temps. Au jeu<br />
des chaises (musicales) et de la<br />
modernité, Beyoncé, qui avait repris à<br />
la sauce R&B certains extraits du ballet<br />
culte, n’a qu’à bi<strong>en</strong> se t<strong>en</strong>ir !<br />
DELPHINE MICHELANGELI<br />
Rosas danst Rosas a été joué à la Scène<br />
nationale de Cavaillon les 10 et 11 mai