Abonnez-vous à «Technikart» sur www.objetculte.fr

vip talks
Alain
Servais
Quelle a été la première photographie que vous ayez acquise ?
What were the first photographic works you bought?
Il s’agit d’une des premières photos de Nan Goldin et d’un
des premiers clichés d’Andres Serrano qui se nomme Antonio
and Ulrike. One of the first photographs by Nan Goldin, and one of
the first by Andres Serrano, which was called Antonio and Ulrike.
Faites-vous une différence entre art contemporain
et photographie ? Do you see a difference between
contemporary art and photography?
Oui et non. La photographie revêt sa propre histoire et ses
caractéristiques dont la plus importante est la reproductibilité
mais aussi ses sous courants : la photographie documentaire
et la photographie plasticienne. Je fais la différence entre les
deux en me demandant ce qui me touche dans l’image devant
moi : le sujet (qui renvoie à la photo documentaire) ou le
traitement du sujet par le photographe (à la photo plasticienne).
La photographie, qui fait aujourd’hui partie intégrante de l’art
contemporain dans sa partie plasticienne, m’intéresse le plus.
Yes and no. Photography has its own history and characteristics,
the most important being its reproductibility, but also its different
arms: documentary photography and art photography. I differentiate
between the two by asking myself what touches me in the image
in front of me: the subject (which comes back to documentary
photography), or the treatment of the subject by the photographer
(art photography)? Photography today forms an integral part
of contemporary art in terms of its artistry side, which is what
interests me the most.
10 \ Technikart fotofever \ Oct 2012
En tant que collectionneur, en quoi est-ce bien pour vous
de visiter des foires spécialisées en photographie ?
As a collector, what do you get from fairs that specialise
in photography?
Afin de rencontrer les acteurs du secteur (galeristes,
curateurs, artistes, journalistes,...) et éventuellement faire des
découvertes même si ce dernier point devient de plus en plus
rare dans les foires actuelles. Mon lieu privilégié de découvertes
est les Rencontres de la Photographie à Arles. It allows me to
meet the players in this sector (gallery owners, curators, artists,
journalists…) and potentially to make discoveries, even if the latter
are becoming increasingly rare at today’s fairs. My favorite place for
discoveries is the Rencontres de la Photographie in Arles.
Etes-vous particulièrement sensible aux tirages : nombre,
époque… ? Does the number or the age of the prints make
a difference to you?
Je suis sensible au fait que le tirage ait été réalisé sous la
supervision du photographe. La taille de l’édition n’est pas
très importante pour moi car je favorise la distribution large de
l’image. It is important to me that the print has been executed under
the supervision of the photographer. The size of the edition isn’t very
important for me because I favor a wide distribution of the image.
Quel a été votre dernier coup de cœur en photo ? What is your
latest passion in photography?
L’incroyable exposition-manifeste intitulée “From here on”
présentée à Arles en 2011 et actuellement au musée de
la photographie d’Anvers. The incredible exhibition-happening
entitled ‘From here on’ presented at Arles in 2011, and currently at
Antwerp photography museum.
Quel artiste conseilleriez-vous de regarder à de jeunes
collectionneurs ? What artists would you recommend young
collectors to take a look at?
Isabelle le Minh, Corinne Vionnet, Jon Rafman, Daniel
Gordon et Moira Ricci. Isabelle le Minh, Corinne Vionnet,
Jon Rafman, Daniel Gordon, and Moira Ricci.
Qu’est-ce que la photographie aujourd’hui ?
Six collectionneurs répondent…
◆ What is photography today?
Six collectors answer…
Nan Goldin, «James waiting
for fitting at Jean Colonna
showroom» Paris (1995).
Renaud Auguste-Dormeuil,
«#40» Les collectionneurs,
Galerie Fabienne Leclerc
/ In Situ Paris.
Frédéric
de Goldschmidt
Comment vous est venu le virus de
la collection ? How did you get bitten by the
collecting bug?
Le virus devait être tapi quelque part dans
mes cellules souches. Ma grand-mère en effet
était collectionneuse, et m’emmenait, quand
j’étais enfant, dans les musées. J’ai décidé, fin
2008, de consacrer du temps pendant un an
pour sillonner galeries, foires, etc. Un an plus
tard, alors que mes murs étaient déjà remplis,
j’ai acheté, pendant une FIAC, une toile de
l’allemand Daniel Lergon, que je savais ne
pouvoir accrocher. C’est là que les bornes ont
été franchies, et que, comme disait l’humoriste,
il n’y a plus eu de limites... J’ai su, malgré
l’assurance donnée à ma famille et à mes proches
que tout allait bien, que le virus ne pouvait
plus être enrayé. Je fais désormais “tourner” les
œuvres en changeant l’accrochage, chez moi et
dans les trois espaces que j’ai provisoirement
annexés pour accrocher et faire partager mes
découvertes, environ une fois par an. It must
have been latent somewhere in my DNA. My
grandmother was a collector, and she used to take
me to museums as a child. At the end of 2008
I decided to devote a year to hunting around in
galleries, art fairs, etc. A year later, even though
there was no more space on my walls, I bought a
painting at the FIAC by the German artist Daniel
Lergon, which I knew I wouldn’t be able to hang.
At that point I overstepped the boundary and, as
the wit Alphonse Allais said, there were no more
limits… despite telling my family and friends that
everything was fine, I knew I’d truly been bitten
by the bug. Since then I have “revolved” the works
by changing the hanging, at home and in the three
spaces I have temporarily annexed for hanging
and sharing my discoveries, about once a year.
Quelle a été votre première pièce acquise ?
What was the first piece you bought?
La première pièce d’art contemporain
achetée de façon réfléchie l’a été après une
visite à la FIAC mais trois ans plus tôt, en
2006. J’avais vu des œuvres d’un jeune artiste
français, Benjamin Sabatier, sur le stand de la
galerie Jérôme de Noirmont mais elles avaient
toutes été vendues. J’ai demandé au galeriste
s’il prévoyait une exposition prochainement
et ai noté la date. Six mois plus tard, j’étais
présent au tout début du vernissage et j’ai
acheté une œuvre faite à partir de bacs à glaçons
et de papier froissé. Ce côté “recyclage de
matériaux” a d’ailleurs souvent empreint mes
choix suivants. The first piece of contemporary
art that I bought in a considered way was after a
visit to the FIAC three years earlier, in 2006. I’d
seen the works of a young French artist, Benjamin
Sabatier, on the Jérôme de Noirmont gallery stand
but they were all sold. I asked the gallery owner
if he was planning an exhibition soon and I wrote
down the date. Six months later I was there at the
very beginning of the preview party and I bought
a work done with ice-cube trays and crumpled
paper. This “recycling of materials” aspect has
often colored my choices since then.
Comment êtes-vous venu à la photographie ?
How did you get into photography?
Avant mon “année sabbatique”, j’avais déjà
acheté quelques photos au fil de rencontres
(des photos peintes d’Elizabeth Lennard,
une amie américaine qui m’est très chère ;
le revers d’un socle d’objet du Louvre par
le parisien Raphaël Chipault avec qui j’avais
participé à des ateliers d’ethnographie
contemporaine pour jeunes publics ou une
série de radiographies de flacons de mon
ami liégeois Aniceto Exposito Lopez). Mes
premiers achats de photo ont commencé par
être plutôt historiques, et plutôt dans des
ventes aux enchères : Berenice Abbott, les
Becher, Henri Cartier-Bresson ou Walker
Evans. Puis à Paris Photo, plusieurs planches
de deux photographes de Rotterdam, Ari
Versluis et Ellie Uyttenbroek, de la série
Exactitudes sur les pratiques vestimentaires de
différentes tribus modernes, qui questionnent
l’appartenance au groupe et l’individualité.
C’est sans doute mon cursus d’ethnologie qui
m’avait fait apprécier ces anthropologues du
monde contemporain. Before my “sabbatical
year” I had already bought a few photographs
through various encounters: the painted
photographs of Elizabeth Lennard, a dear
American friend; the reverse of an object plinth
in the Louvre by the Parisian Raphaël Chipault,
with whom I had worked on contemporary
ethnography workshops for young visitors;
or a series of X-rays of bottles by my friend
Aniceto Exposito Lopez from Liège. My first
photographic purchases started out as mainly
historical, and bought at auction: Berenice
Abbott, the Bechers, Henri Cartier-Bresson, or
Walker Evans. Then, at Paris Photo, several
contact sheets by two Rotterdam photographers,
Ari Versluis and Ellie Uyttenbroek, from the
series Exactitudes on the sartorial practices of
different modern tribes, which question belonging
to a group and individuality. I’m sure it is my
career as an ethnologist that made me appreciate
these anthropologists of the contemporary world.
Y a-t-il une période que vous préférez ? Do
you have you a favorite period?
En tant qu’amateur, je m’intéresse à des
styles de photo différents et visite aussi bien
les expositions d’artistes historiques que
contemporains, au fil de la programmation des
institutions. J’ai une tendresse particulière
pour les photographes humanistes de la France
d’après-guerre, mais n’en possède quasiment
pas. En tant que collectionneur, je me concentre
plutôt, quelle que soit la discipline artistique,
sur la création récente. J’adore les artistes
un peu “froids”, au travail assez visuel et
construit comme Louise Lawler ou Hiroshi
Sugimoto, mais aussi des portraitistes plus
décalés comme Walter Pfeiffer et Wolfgang
Tillmans. J’aime bien aussi la représentation
de lieux originaux : un aéroport portugais par
Edgar Martins, le détail d’une rue de New York
par Viktoria Binschtok ou une horloge repérée
par Yves Marchand et Romain Meffre dans un
immeuble ravagé par le feu. As an enthusiast,
I’m interested in different styles of photography
and visit exhibitions of historical artists as well
as contemporary ones, depending on what the
different institutions have on their program. I’m
particularly fond of the humanist photographers
of Post-War France, but I have hardly any in my
collection. As a collector, I tend to concentrate on
recent creations, whatever the artistic discipline. I
love the artists that are considered rather “cold”,
with a very visual and constructed work like
Louise Lawler or Hiroshi Sugimoto, but also the
more off-beat portraitists like Walter Pfeiffer and
Wolfgang Tillmans. I also like the representation
of original places: a Portuguese airport by Edgar
Martins, the detail of a street in New York by
Viktoria Binschtok or a clock spotted by Yves
Marchand and Romain Meffre in a building
ravaged by fire.
Quel artiste conseilleriez-vous de regarder
à de jeunes collectionneurs ? What artist
would you recommend young collectors to
take a look at?
Il y avait à Volta, une foire “off” de Bâle, un
artiste danois, Adam Jeppesen qui faisait des
séries aux tirages limités dans le temps et non
dans le nombre, permettant ainsi au galeriste de
proposer des prix raisonnables. Je trouve en effet
que la photo est parfois chère quand on prend
en compte le nombre d’exemplaires tirés. Je
conseillerais donc à un jeune collectionneur de
chercher des beaux tirages d’artistes renommés
dans des tirages élevés (mon Sugimoto fait
partie d’un portfolio édité à 500 exemplaires et
m’a couté moins de 500 euros). Ou de se laisser
entrainer par un coup de cœur personnel au fil
des balades et des rencontres. Un bel endroit
pour trouver des pièces historiques de qualité
(même si le nombre d’exemplaires tirés n’est pas
toujours précisément connu) est la Maison Revue
Noire, à Paris, qui propose des photos d’artistes
africains déjà historiques mais aussi des œuvres
de plasticiens contemporains de talent, comme
Joël Andrianomearisoa, qui aborde à travers
différents médias, la photographie mais aussi le
papier, le tissu ou la performance, à travers les
thèmes du désir et du temps qui passent. Il utilise
la photo pour ce qu’elle permet d’apporter si
bien par rapport à d’autres pratiques artistiques
: faire passer l’émotion de façon très directe. In
Volta, a fringe fair at Basel, there was a Danish
artist, Adam Jeppesen, who was doing print
series limited in time and not in number, thereby
allowing the gallery owner to offer reasonable
prices. I sometimes find photography expensive
in view of the number of examples printed. I
would therefore advise a young collector to look
for attractive prints by known artists in relatively
large editions (my Sugimoto was part of a portfolio
of 500 examples and cost me less than 500 euros).
Or to let themselves be carried away by something
that moves them personally as they wander around
and have encounters. A good place to find quality
historical pieces – even if the number of prints is
not exactly known – is the Maison Revue Noire
in Paris, which offers photographs by African
artists that are already considered historical, as
well as works by talented contemporary artists
like Joël Andrianomearisoa. This artist works
in different media – photography but also paper,
fabric or performance – on the themes of desire and
the passage of time. He uses photography because
it allows him to convey things better than other
artistic techniques: to express emotion in a very
direct way.
Quel a été votre dernier coup de cœur en
photo ? What is your latest passion in terms
of photography?
Je suis depuis deux ou trois ans un
photographe israélien de Los Angeles, Elad
Lassry, mais n’avais pas pu trouver la photo
qui était en même temps disponible et à mon
goût. A la foire de Bâle au mois de juin, j’ai
trouvé une photo étrange représentant des
couverts comme en lévitation dans un intérieur
déstructuré. La représentation, très esthétique,
d’objets triviaux et le jeu sur les couleurs (le
noir et le blanc, mes préférées même si Elad
Lassry privilégie généralement les tons plus
vifs) m’ont séduit. J’ai appris par la suite que
l’artiste photographie sur une table miroir qui
déforme les objets, permet les reflets (un thème
qui m’attire souvent) et laisse ainsi apparaître
sur cette photo les murs de son studio, ce
qui donne un côté personnel à un travail a
priori distancié. A noter aussi le cadre choisi
par l’artiste (en métal argenté) qui fait partie
intégrante de l’œuvre. For two or three years
now I’ve been following an Israeli photogapher
who lives in Los Angeles, Elad Lassry, but I
hadn’t been able to find the photograph that was
both available and my taste. At the Basel fair
in June I found a strange photograph showing
place settings that seemed to be levitating in
a deconstructed interior. The very aesthetic
representation of trivial objects and the play
of colors (black and white, my favourite even
if Elad Lassry generally prefers brighter tones)
attracted me. I learnt afterwards that the artist
photographs on a mirror table, which distorts
the objects, allows reflections (a theme that often
attracts me), and lets the walls of his studio
appear on this photo, which gives a personal side
to an approach that is generally objective. It is
also worth mentioning the frame chosen by the
artist, in silvered metal, which forms an integral
part of the work.
Technikart fotofever \ Oct 2012 \ 11