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MÉDIATIONS ET POSITIONNEMENTS : DEUX CONCEPTS ... - Acedle

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UNIVERSITÉ PARIS 3<br />

SORBONNE NOUVELLE<br />

MÉDIATIONS <strong>ET</strong> <strong>POSITIONNEMENTS</strong> :<br />

<strong>DEUX</strong> <strong>CONCEPTS</strong>-CLÉS<br />

DANS LA FORMATION DES ENSEIGNANTS<br />

EN ANGLAIS<br />

Document de synthèse<br />

Présenté en vue de l’Habilitation à Diriger des<br />

Recherches<br />

En Langues et Littératures anglaises et anglo-saxonnes<br />

11 e section<br />

Marie-Christine Deyrich<br />

Maître de conférences en Anglais<br />

IUFM de l’Académie de Montpellier<br />

Le 16 novembre 2007


Sommaire<br />

Référence à mes travaux ................................................................................... 2<br />

Introduction ........................................................................................................ 5<br />

Première partie : Parcours de recherche et formation....................................... 7<br />

Deuxième partie : Sujet(s) et langue(s) au cœur des médiations.................... 52<br />

Troisième partie : Des positionnements qui interrogent la formation.............. 97<br />

Conclusion ..................................................................................................... 135<br />

Abréviations, sigles et acronymes utilisés...................................................... 137<br />

Références bibliographiques.......................................................................... 138<br />

Table des matières......................................................................................... 146<br />

1


RÉFÉRENCE À MES TRAVAUX<br />

a) Travaux sélectionnés pour présenter l’Habilitation à Diriger des Recherches<br />

Deyrich, 2001<br />

« Quelles médiations pour une gestion efficace de la transposition didactique en anglais<br />

de spécialité », ASp, la revue du GERAS, n°31/33 (2001) 143-152.<br />

Deyrich, 2003<br />

Deyrich, M.C. Des activités au service des apprentissages : quelle gestion de la<br />

transposition didactique Actes de la Journée d’étude du GEPED du 24 janvier 2003<br />

« L’activité en classe de langue », (2003) 48-62.<br />

Deyrich, 2004a<br />

« Exploration didactique de la langue du milieu professionnel à l’université : quel<br />

apport pour la définition de tâches d’enseignement-apprentissage » ASp, la revue du<br />

GERAS (2004 n° 43/44), 125-134.<br />

Deyrich, 2004b<br />

« Reconstruire la motivation avec des stratégies d’enseignement-apprentissage intégrant<br />

internet » Les Cahiers de l’APLIUT., (2004 vol. 24), no 2, 74-85.<br />

Deyrich, 2005a<br />

«La recherche documentaire sur Internet dans la construction de compétences<br />

culturelles en langue étrangère. Exploration des attitudes culturelles et des stratégies<br />

d’investigation», De Babel à la mondialisation : apport des sciences sociales à la<br />

didactique des langues, J.Aden (dir.), CNDP - CRDP de Bourgogne, coll. Documents,<br />

actes et rapports pour l'éducation, 2005.<br />

Deyrich, 2005b<br />

« Social responsibility as a key factor in IT management for teacher-training », M.<br />

Khosrow-Pour ed. Managing Modern Organizations with Information Technology.<br />

Proceedings of the 2005 Information Resource Management Association International<br />

Conference, Hershey, London, Melbourne, Singapore, Idea Group Publishing, 2005.<br />

Deyrich, 2006<br />

« Des gestes langagiers pour surmonter le désaccord. Analyse didactique et linguistique<br />

du début de cours d’anglais à l’école », Actes de la Journée d’Etude du Cercle des<br />

Linguistes Anglicistes le 8 avril 2005, Nancy : Publications de l’AMAES Hors série,<br />

(2006), 59-76.<br />

2


Deyrich, 2007a<br />

Deyrich M.C. Enseigner les langues à l’école, Paris : Ellipses, 2007.<br />

Deyrich, 2007b<br />

« Altérité et expérience dans la formation des maîtres en anglais. Le cas d’un dispositif<br />

intégrant les nouvelles technologies », J. Aden (dir.) Construction identitaire et altérité<br />

en didactique des langues, Paris : Le Manuscrit, collection Langues, 229-248.<br />

Deyrich, soumis à l’éditeur<br />

« Une didactisation entre le pourquoi et le comment. Le cas des micro-tâches », J.<br />

Walski & J.-P. Narcy-Combes (éd.) La tâche vecteur d'apprentissage d'une langue :<br />

diversités et convergences.<br />

Deyrich & Dyson, 2006<br />

Deyrich, M.C, Dyson, L. (2006) « Integrating Cultural and Language Development with<br />

Technology in Curricular Design: A Foreign Language Learning Case Study from a<br />

French Teacher Training College », International Journal of Learning, Volume 13,<br />

Number 2 (2006) 103-112.<br />

Deyrich & Matas-Runquist, 2006<br />

Deyrich, M.C., Matas-Runquist, N. « Cultural awareness, sub-genres and regional<br />

dimensions in CMC. The Case of French University Websites », Proceedings of the<br />

Fifth International Conference on Cultural Attitudes towards Technology and<br />

Communication, Tartu, Estonia, 28 June-1 July 2006, 21-48.<br />

Deyrich & Olivé 2004<br />

Deyrich, M. C., Olivé, S. « Quelle(s) articulation(s) entre le français langue de l’école<br />

et les langues étrangères ou régionales Une exploration de la transférabilité des<br />

apprentissages à l’école élémentaire », Repères n°29 (2004) 23-41.<br />

Deyrich & Ulrich, 2002<br />

Deyrich, M.C., Ulrich, S. « Généralisation de l’enseignement des langues vivantes à<br />

l’école élémentaire : vers une nouvelle conception du métier et de la formation des<br />

professeurs des écoles », Actes du colloque inter-IUFM 2002 à Bordeaux sur<br />

CDROM.<br />

Asdih & Deyrich, à paraître<br />

Asdih, C., Deyrich M.C. « Ajustements et artefacts dans le début de cours de langue en<br />

maternelle », D. Bucheton (dir.), L’agir enseignant : des gestes professionnels ajustés.<br />

b) Autres travaux mentionnés dans le document de synthèse :<br />

Deyrich, 1994<br />

Analyse lexicale d’une langue de spécialité hybride : l’économie des compagnies<br />

aériennes. Mémoire de Diplôme d’Etudes Approfondies présenté en 1994 à l’Université<br />

Bordeaux 2 – Victor Segalen.<br />

3


Deyrich, 1995<br />

« Analyse d’erreurs dans l’acquisition des langues vivantes et intérêt didactique de<br />

l’interlangue » Le rôle de l’erreur dans la relation pédagogique : Actes de la Journée<br />

d’Etude du 16 mars 1994, Villeneuve d’Ascq, Publications de l’IUFM Nord-Pas-de-<br />

Calais, UdReFF, 49-55.<br />

Deyrich, 1996<br />

« Didactique des langues vivantes étrangères et approches différenciées »,<br />

communication dans le cadre de la journée d’étude « Pédagogie différenciée : mythe,<br />

réalité, caricatures », 10 janvier 1996 à l’IUFM d’Arras.<br />

Deyrich, 1997<br />

« Dédramatiser la lecture : mise en place d’une expérimentation » Lecture à<br />

l'Université, Langue maternelle, seconde et étrangère, dir. G. Taillefer et AK Pugh,<br />

Presses de l’Université des sciences sociales de Toulouse. 373-380.<br />

Deyrich, 2000<br />

La transposition didactique dans l’enseignement de l’anglais à l’université. De la<br />

linguistique à une grammaire opératoire pour la maîtrise des savoir-faire en langue<br />

étrangère. Thèse pour le Doctorat présentée le 8 décembre 2000 à l’Université Paris 7 –<br />

Denis Diderot, publiée aux Presses Universitaires du Septentrion (2001).<br />

Deyrich, 2005c<br />

« Les savoirs dans la classe de langue : spécificités, références, transpositions ».<br />

Symposium de didactique comparée : Généricité et spécificité didactique, Réseau<br />

International de Recherche en Éducation et Formation, Université Paul Valéry,<br />

Montpellier 3, 15-17 septembre 2005 (publication interne).<br />

Deyrich, 2007c<br />

« L2 Vocabulary Instruction in Primary Schools : An Emerging Curriculum Issue for<br />

Teacher Education » 10th Biennal University of Seville Conference on Applied<br />

Linguistics, University of Seville, March 14-16 2007.<br />

Deyrich & Ess, 2007<br />

Deyrich, M.C., Ess, C. « Cultural Diversity and Participatory Evolution in IS : Global<br />

vs. Local Issues », Australian Conference on Information System, ACIS 2007, the 3 Rs:<br />

Research, Relevance and Rigour - Coming of Age University of Southern Queensland,<br />

December 5-7.<br />

Accardi & Deyrich, à paraître<br />

Accardi, J., Deyrich, M.C. « L’expérience esthétique dans la formation des maîtres en<br />

L2 : représentations et positionnements », Colloque international ‘Créativité,<br />

expérience esthétique et imaginaire’ IUFM de Créteil, 24-25 mai 2007.<br />

Pélissier & Deyrich, 2005<br />

Pélissier, C., Deyrich, M.C. « Mise en œuvre des compétences linguistiques et<br />

culturelles dans le cadre de l’utilisation des TIC en cours d’anglais », communication au<br />

13 e congrès RANACLES, Université de Caen Basse Normandie, 25-27 novembre 2005.<br />

4


MÉDIATIONS <strong>ET</strong> <strong>POSITIONNEMENTS</strong> :<br />

<strong>DEUX</strong> <strong>CONCEPTS</strong>-CLÉS<br />

DANS LA FORMATION DES ENSEIGNANTS EN ANGLAIS<br />

INTRODUCTION<br />

Ce travail de synthèse organise la réflexion autour de deux concepts qui accompagnent<br />

mon parcours de recherche au fil de mes travaux et qui semblent pouvoir contribuer à<br />

une mise en perspective éclairante des problématiques propres à la didactique de<br />

l’anglais L2 pour la formation des enseignants. Dans ce champ d’investigation, ces<br />

concepts évoluent déjà à un premier niveau, celui de l’engagement du chercheur, de sa<br />

méthodologie de recherche et de tous les traits qui caractérisent son positionnement<br />

dans ses travaux sur l’objet de recherche et dans son investissement sur le terrain. Dans<br />

le domaine de l’enseignement-apprentissage, ensuite, l’exploration de ces concepts<br />

oriente la discussion sur des mises en relation qui interrogent la matière, cet ‘objet’ en<br />

interaction avec des ‘sujets-apprenants’ dans une situation d’enseignementapprentissage.<br />

Se trouvent ainsi convoquées les questions relatives aux rôles de chacun<br />

des protagonistes qui interagissent en fonction de positionnements personnels et<br />

sociaux. En situation institutionnelle, la question du rôle de l’enseignant est alors posée<br />

pour déterminer s’il peut contribuer par ses médiations au processus d’apprentissage et<br />

à quelles conditions. Si la recherche adopte une perspective interventionniste pour<br />

proposer des solutions aux problèmes rencontrés, des hypothèses théoriques sont alors<br />

émises et testées sur le terrain, dans des dispositifs expérimentaux. Cette recherche peut<br />

d’ailleurs être constitutive de la formation, dans le cadre de recherches-actions. La<br />

question de la formation des enseignants se pose en effet. Il ne peut s’agir uniquement<br />

de définir des contenus et des procédures en fonction de principes, aussi honorables<br />

soient-ils. La formation des enseignants soulève des problématiques spécifiques, qui<br />

relèvent de la recherche en didactique de la L2, des problématiques qui supposent une<br />

reconfiguration des interrogations propres à l’apprentissage de la L2, en fonction du<br />

cadre dans lequel elles évoluent. Cette synthèse propose d’examiner certains aspects de<br />

ces reconfigurations autour des concepts de médiation et de positionnement, afin de<br />

5


déterminer, du point de vue de la recherche, comment l’élaboration curriculaire peut<br />

évoluer pour intégrer des apports innovants.<br />

Par ailleurs, l’orientation générale de ces travaux de recherche est sous-tendue par mon<br />

parcours professionnel et par les problèmes rencontrés sur le terrain, d’abord dans<br />

l’enseignement de l’anglais puis dans la formation des enseignants en anglais L2. Mes<br />

travaux ont pu évoluer, grâce à des chercheurs qui m'ont aidée à explorer plus avant des<br />

questions théoriques. Leur rigueur scientifique m’a encouragée à porter un regard plus<br />

distancié et plus informé et à enrichir ma réflexion en sollicitant des domaines de<br />

référence complémentaires pour tenter d’apporter des réponses à des questions de<br />

recherche. Je convoquerai, dans cette synthèse, le concept de ‘résonance’ pour envisager<br />

ce qui rend ainsi possibles et souhaitables de telles mises en perspective dans des<br />

articulations interculturelles et interdisciplinaires. Le concept de ‘positionnement<br />

épistémologique’ sera sollicité pour tenter de mieux cerner ce qui explique ma<br />

démarche dans la diversité des approches du champ de la didactique de l’anglais.<br />

J’ai organisé le travail de synthèse en trois parties :<br />

Dans une première partie je reviens sur mon parcours qui associe formation et<br />

recherche sous une forme que je qualifie d'engagée, puisqu'elle allie formation<br />

personnelle et formation des maîtres. Se pose ainsi le problème du<br />

positionnement de recherche et de son interaction avec les spécificités de la<br />

configuration didactique dans la formation des maîtres.<br />

La seconde partie examine les articulations et les médiations entre les sujets et<br />

les langues dans l’enseignement apprentissage. Les problèmes posés par la<br />

spécificité de l’objet sont mis en perspective avec ce qui ressortit à<br />

l’apprentissage. Sont alors envisagés quelques points de la formation des<br />

maîtres, sur lesquels la théorisation didactique devrait apporter une contribution.<br />

La troisième partie concerne les positionnements d’ordre social et langagier à<br />

l’œuvre dans le cours de L2 et dans les dispositifs pour la formation des maîtres.<br />

Ceux-ci se fondent sur l’intégration des nouvelles technologies, dans une<br />

approche ‘expérientielle’. Ces projets sont examinés dans des travaux publiés et<br />

en cours.<br />

6


PREMIÈRE PARTIE<br />

PARCOURS DE RECHERCHE <strong>ET</strong> FORMATION<br />

Formation et recherche sont intimement liées dans mon parcours et semblent<br />

imbriquées, aussi bien au niveau du développement personnel que professionnel. Tout<br />

d’abord, parce que les questions de recherche ont vu le jour pour tenter d’apporter des<br />

éléments de réponse aux problèmes posés par la formation de maîtres dans le cadre des<br />

missions qu’on m’avait confiées. Ensuite, parce qu’au fil des travaux menés, les<br />

questions relatives à la formation partent de l’observation du terrain et que les<br />

hypothèses théoriques et les propositions sont formulées pour un retour sur ce terrain.<br />

La proximité du sujet d’étude et mon implication personnelle interrogent toutefois la<br />

validité de la recherche, où distanciation et objectivité sont attendues. Cet aspect est<br />

caractéristique des sciences humaines et participe de la construction d’un<br />

positionnement épistémologique entre engagement et distanciation (Elias, 1993). Dans<br />

la didactique des langues, où l’objet ne peut pas être posé en stricte extériorité<br />

(Demaizière & Narcy-Combes, 2007), la cohérence des choix méthodologiques procède<br />

de la construction d’une épistémologie propre au chercheur (J.P. Narcy-Combes, 2005)<br />

et partagé avec sa communauté.<br />

Cette première partie examinera tout d’abord comment l’engagement personnel et<br />

professionnel s’inscrit dans le cadre interprétatif de la didactique de l’anglais, où il<br />

oriente mes investigations. La question du positionnement épistémologique qui en<br />

découle sera alors abordée pour déterminer ce qui caractérise ma démarche de<br />

recherche. De ce point de vue, enfin, la discussion portera sur la formation<br />

professionnelle des maîtres, dans ses rapports avec la recherche.<br />

1. R<strong>ET</strong>OUR SUR UN ENGAGEMENT PERSONNEL <strong>ET</strong> PROFESSIONNEL<br />

1.1. Des questions vives en début de parcours professionnel<br />

La question de la formation des maîtres s'est d'abord posée à moi lorsque l'on m'a<br />

demandé d'accueillir et d'accompagner des enseignants-stagiaires. Or, je venais d’être<br />

7


titularisée et ce rôle de conseillère pédagogique a mis sérieusement en question<br />

l'équilibre que je tentais de bâtir dans des situations d'enseignement apprentissage en<br />

lycée professionnel, où l'enseignement de la langue étrangère n'était pas, loin s'en faut,<br />

la priorité. Les études universitaires que j'avais suivies m'avaient aidée à approfondir<br />

mes connaissances linguistiques, littéraires, civilisationnelles et elles m'avaient surtout<br />

confortée dans l'amour que je portais à la langue anglaise et aux pays anglophones. Le<br />

rapport à la langue ‘étrangère’ revêt une dimension affective qui n’est pas symétrique<br />

dans l’enseignement-apprentissage (Deyrich, 2006). Les apprenants dont j’avais la<br />

charge ne partageaient ni mon attrait pour l'anglais ni l'envie de communiquer dans une<br />

situation très éloignée de leurs préoccupations (Deyrich, 2004a).<br />

a) Décalages dans le cours de langue : reproduire ou créer <br />

Bien que la formation professionnelle que j’avais reçue à l’École Normale Nationale<br />

d’Apprentissage (ENNA) ait été intense, elle m’avait essentiellement préparée, en ce<br />

milieu des années 70, à utiliser strictement la méthode audio-orale. Dans ce type de<br />

cours préparés avec soin et parfaitement minutés, les élèves étaient censés réagir et<br />

(re)produire automatiquement des éléments langagiers conformes à l’attente (Deyrich,<br />

2007a). J’ai bien vite découvert que cette méthode posait des problèmes avec les élèves<br />

dont j’avais la charge. Souvent en difficulté scolaire et, en général, un peu plus âgés que<br />

leurs homologues des lycées classiques et modernes, ils ne parvenaient pas à se fondre<br />

dans un moule où on ne leur laissait aucune liberté de parole et/ou d’action. Par ailleurs,<br />

les manuels de l’époque n’apportaient pas de solution à ce problème. Des tâches plus<br />

ouvertes, des tâches élaborées ‘sur mesure’ (Deyrich, 2004a) pouvaient les aider à se<br />

rendre compte des progrès réalisés (2004b). Cette perspective supposait que des<br />

‘médiations’ soient ménagées (Deyrich, 2001) pour que la L2 devienne ‘enseignable’ et<br />

‘apprenable’. Les premières médiations me situaient dans un entre-deux où je tentais<br />

d’aménager des situations dans lesquelles ils accepteraient de jouer le ‘jeu’. Dans le<br />

dictionnaire de l'académie française de 1694, le mot ‘médiation’ est défini par le mot<br />

‘entremise’, le résultat d'une médiation étant un ‘accommodement’. Ma démarche en<br />

était assez proche. En tous les cas, elle était d’ordre heuristique. Bien vite je me suis<br />

aperçue de la nécessité de trouver des moyens pour les motiver. Or, il eût été illusoire<br />

d'imaginer que la motivation pouvait être intrinsèque (Nuttin, 1980). En conséquence, il<br />

fallait que les situations d'enseignement apprentissage mettent en valeur, c’est-à-dire<br />

qu'elles préservent l’estime de soi (Muchielli, 1981), en aidant ces apprenants à se bâtir<br />

8


des repères dans des activités valorisantes (Deyrich 2004b). Dans la pratique<br />

quotidienne de la classe, il a alors fallu inventer des stratégies pour motiver ces élèves,<br />

de telle sorte qu’ils se mettent volontiers en activité dans la L2.<br />

C’est donc très tôt que des questions didactiques se sont fait jour, en particulier celles de<br />

situation d’enseignement-apprentissage, d’activité, de motivation, de stratégie. Face à la<br />

réalité de la classe, les stratégies d'enseignement auxquelles je pouvais avoir recours<br />

correspondaient davantage à des tâtonnements, à du ‘bricolage’ pour inventer des<br />

situations dans lesquelles les élèves auraient envie de participer dans la langue<br />

étrangère. Pour Engeström (1987), dans un système d’activité où les réponses classiques<br />

au problème posé ne peuvent apporter de résultat, le niveau de solution doit alors être<br />

créatif pour transformer l’objet. Cependant, dans les expérimentations qui s’ensuivent, il<br />

y a un deuxième niveau de contradictions (entre les actions traditionnelles et les<br />

nouvelles actions), qu’il faut alors dépasser, en forgeant un nouvel objectif s’inscrivant<br />

dans de nouveaux modèles de pensée qui rendent possible la transformation de l’objet.<br />

La phase suivante concerne l’application et la généralisation de la transformation. La<br />

créativité supposerait ainsi, d’une part, une forme de décentration pour une formulation<br />

différente des données du problème et l’introduction d’actions nouvelles et, d’autre part,<br />

la nécessité pour ce nouvel objet d’être intégré dans les pratiques et donc de faire partie<br />

du système.<br />

Dans le contexte de ce lycée, il s'agissait d’innover tout en situant ces actions nouvelles<br />

dans une conformité institutionnelle. Rendre cet apprentissage légitime en dépit de<br />

l’absence d’utilité immédiate (à l’inverse de ce qui se passait dans les matières<br />

professionnelles) supposait en premier lieu une définition de tâches d’enseignementapprentissage<br />

(Ellis, 2003) dans lesquelles les élèves pouvaient se sentir valorisés en<br />

tant qu’individus (Deyrich 2004b), parce qu’ils avaient quelque chose à dire à titre<br />

personnel, non seulement dans la langue étrangère mais aussi à propos de cette langue<br />

(Deyrich 2001). L’expérience était enrichissante car, malgré les résistances à surmonter,<br />

certains d’entre eux progressaient. Les interrogations didactiques commençaient certes à<br />

émerger, eu égard aux besoins de la situation, mais elles n'étaient pas encore sur le<br />

devant de la scène. À ce stade de ma vie professionnelle, ma pratique se fondait<br />

essentiellement sur l'intuition qui se manifestait dans des tâtonnements parfois heureux<br />

dans la mise en œuvre pédagogique et sur l’empathie avec un public qui m’accordait<br />

ainsi sa confiance.<br />

9


) Décalages dans la formation des maîtres<br />

L'arrivée dans mes classes de professeurs-stagiaires en formation a en quelque sorte<br />

fragilisé un consensus et déstabilisé un climat harmonieux que je tentais de maintenir.<br />

- Une attente institutionnelle : le compagnonnage<br />

Le savoir et le savoir-faire professionnels que j’étais censée transmettre n’étaient qu’au<br />

tout début de leur gestation et il m’était difficile d’imaginer le ‘modèle’ que je devais<br />

transmettre en qualité de conseillère pédagogique Il se limitait à une exemplarité<br />

supposée acquise à l’issue d’une visite d’inspection et qui allait devoir être transmise<br />

pendant la formation. C’était un véritable problème, puisque le compagnonnage attendu<br />

par l’institution en 1980 supposait une base stable de ‘bonnes’ pratiques : une imitation<br />

du ‘bon’ professeur qui adopte la ‘bonne’ démarche, c’est-à-dire la démarche type<br />

validée par l’inspection de l’époque. Cette démarche n’existait cependant pas au<br />

quotidien dans la classe. La mise en scène du cours-type était réservée à la visite de<br />

l’inspecteur : un minutage précis du cours pour que toutes les activités prévues y soient<br />

réellement présentes, des réponses d’élèves spontanées et qui s’enchaînent dans un<br />

climat détendu, une correction des erreurs qui vise l’exactitude de la production orale,<br />

etc. Dans la formation, ces ‘bonnes’ pratiques étaient d’abord répétées avec le conseiller<br />

pédagogique (et avec les élèves pour la préparation des réponses ‘spontanées’) puis<br />

elles étaient mises en œuvre par le professeur-stagiaire le jour de l’inspection<br />

certificative.<br />

Pour se référer à ce type de formation, on parle maintenant de ‘modèle du<br />

compagnonnage’. L’objectif est une imprégnation de la culture du métier, grâce à une<br />

relation privilégiée entre l’expert et l’apprenti. Comme l’écrit Altet (1994), la place de<br />

la théorie est réduite (voire inexistante) et l’accent est mis sur les savoir-faire à acquérir<br />

(conduite de cours, conduite de classe) et les savoir être (relations avec les élèves). Pour<br />

Wallace (1991 : 6), ce modèle présente le défaut d’être strictement conservateur,<br />

puisque, à l’inverse de la société qui évolue, il stabilise des pratiques qui se transmettent<br />

de génération en génération, sans qu’il soit possible de tenir compte des évolutions<br />

scientifiques sur l’apprentissage. Un modèle qui fonctionne par ‘autoréférence’ (J.P.<br />

Narcy-Combes, 2005) et dont l’efficacité implique que la pratique de l’expert soit<br />

conforme à son discours sur la pratique :<br />

10


« The young trainee learns by imitating the expert’s techniques, and by following<br />

the expert’s instructions and advice. Hopefully, what the expert says and what the<br />

expert does will not be in conflict 1 ». (Wallace, op.cit.)<br />

Or, c’était bien là le problème. Ne pouvant combiner le ‘faire’ qui prévalait dans mes<br />

classes et le ‘dire’ (ce que j’étais censée dire), mon positionnement en tant<br />

qu’« experte » normative n’était pas crédible.<br />

- Un accompagnement pour des débuts difficiles<br />

Dès lors, la formation attendue s’est progressivement muée en accompagnement dans<br />

un travail sur le mode collaboratif : les jeunes stagiaires étaient associés aux prises de<br />

décision dans la conception des situations d’enseignement-apprentissage qu’ils<br />

mettaient à l’épreuve sur le terrain. Ce dispositif n’était pas systématiquement efficace<br />

et il prenait beaucoup de temps. En particulier, il fallait aussi encourager et sécuriser les<br />

stagiaires, parce qu’ils auraient, dans un premier temps, préféré se raccrocher à un<br />

modèle stable à reproduire. La difficulté de l’apprentissage réside dans la nécessité<br />

d’une déstabilisation, un processus de déconstruction-reconstruction des ‘conceptions’<br />

comportementales et mentales qui permettent à l’apprenant de gérer son environnement<br />

(Giordan & De Vecchi, 1987).<br />

Cependant, la déstabilisation génère aussi de l’anxiété, représentant ainsi parfois un<br />

frein à l’apprentissage (Deyrich, 2007a : 24-25). Dans le début de la prise de fonction, il<br />

est fréquent qu’elle provoque de l’angoisse. La revue Les Langues Modernes a publié<br />

un dossier intitulé « Les débuts de l’enseignant de langue » dans lequel les auteurs<br />

montrent à quel point cette dimension devrait être prise en compte. C’est pour Aden<br />

(2006) l’une des « dimensions cachées de l’enseignant de langue ». L’angoisse est pour<br />

l’auteure liée au fait que les enseignants débutants se trouvent dans une situation<br />

inconfortable, dans une « culture professionnelle de l’entre deux » : entre la doxa – un<br />

ensemble confus de ce qui est censé être partagé par le monde enseignant – et les<br />

difficultés engendrées par la confrontation de l’Autre, une confrontation identitaire que<br />

Chevallard (2006) qualifie d’« altérité praxéologique ». Il semble désormais admis que<br />

les données psychologiques sont fondamentales dans l’enseignement mais comme<br />

l’indique Aden, leur prise en compte est à ce jour plutôt rare dans la formation<br />

professionnelle.<br />

1<br />

« Le jeune stagiaire apprend en imitant les techniques de l’expert et en suivant les préconisations et<br />

conseils de l’expert. On ne peut qu’espérer que ce que l’expert dit n’entre pas en conflit avec ce qu’il<br />

fait. » (Traduction personnelle).<br />

11


- Des interrogations multiples<br />

Pour surmonter l’angoisse que ces enseignants-stagiaires ressentaient, les moyens<br />

relevaient plus de l’humain que de la théorie ou de la pratique ; ils visaient à les aider à<br />

acquérir de la confiance. Inciter les stagiaires à se préoccuper plus des élèves que du<br />

minutage de la leçon : leur donner l’envie de parler et les moyens langagiers qui<br />

facilitent leur prise de parole, soutenir leur attention dans des activités qu’ils acceptent<br />

et qu’ils souhaitent mener à bien, devenir en somme un interlocuteur valable. Le travail<br />

de collaboration mené avec les stagiaires fut l’occasion de discussions très ouvertes.<br />

J’attache une grande importance à cette période car j’ai l’impression que ces questions<br />

nombreuses et parfois dérangeantes ont été l’élément déclenchant de mon parcours de<br />

recherche didactique, une toute première étape, encore informelle. Dans la situation, je<br />

me suis en effet trouvée contrainte, d’une part, de déplacer mes interrogations qui sont<br />

passées du « comment » au « pourquoi », un sujet que j’aborde dans Deyrich (soumis à<br />

l’éditeur) et d’autre part, de changer de posture professionnelle (enseigner une<br />

L2/préparer des enseignants à enseigner une L2).<br />

1.2. Une recherche entre engagement et distanciation<br />

a) Des recherches dans la formation aux recherches sur la formation<br />

Lorsque j'ai été nommée à l’ENNA (École Normale Nationale d’Apprentissage) en<br />

1989, pour assurer la formation d'un groupe de professeurs-stagiaires anglais-lettres de<br />

lycée professionnel, j'ai pu mesurer l'écart entre les questions posées, liées le plus<br />

souvent à des difficultés rencontrées sur le terrain et les propositions que je pouvais<br />

faire. Avec la transformation de l'institution qui devint IUFM pilote l'année suivante, la<br />

question de la recherche a été posée de manière directe dans un colloque en octobre<br />

1990 et intitulé « La place de la recherche dans la formation des enseignants ». Il<br />

s'agissait à l'époque d’une question, non seulement complexe mais aussi controversée<br />

et, sur laquelle, le débat d'idées était censé apporter un éclairage sur ce qui rendait cette<br />

question aussi délicate (Actes du colloque 1990 :11-13). Un deuxième pôle de réflexion<br />

concernait la définition de la recherche, au niveau des méthodologies et au niveau des<br />

enjeux. À cette époque déjà, Perrenoud (in Actes du colloque) signalait la difficulté<br />

d'une recherche menée avec rigueur dans le contexte et il soulignait la nécessité<br />

12


d'instaurer un rapport critique à la connaissance. Fallait-il inscrire la recherche dans une<br />

logique de formation ou alors fallait-il considérer que ces besoins ne pouvaient<br />

concerner de ‘véritables’ recherches Il semble que certains IUFM aient penché pour<br />

une solution intermédiaire en offrant des séminaires de recherche internes, pour lesquels<br />

étaient prévues une aide scientifique et une aide pour la valorisation des recherches. La<br />

question de l'articulation entre recherches théoriques et formation s'est posée à moi de<br />

manière encore plus aiguë lorsqu'on m'a demandé d'assurer la formation des conseillers<br />

pédagogiques de lycées professionnels de l'Académie. Un degré supplémentaire de<br />

distanciation s'ajoutait ainsi par rapport à la pratique sur le terrain.<br />

La demande de formation était pressante, eu égard aux problèmes rencontrés par les<br />

collègues et je ne pouvais donc me contenter de simples conseils. Cette difficulté m'a<br />

amenée à une définition d'un dispositif de formation sous la forme de réunions de travail<br />

et sur le mode collaboratif avec les collègues. Elles ont fait apparaître que la<br />

compréhension de l'écrit était à la fois un domaine où les difficultés étaient nombreuses<br />

et pour lequel ils avaient envie de bâtir un projet (Deyrich, 1997). Le besoin d'une assise<br />

théorique s'est fait ressentir, en particulier lorsqu'il s'est agi de proposer des pistes<br />

exploitables sur le terrain.<br />

Ces pistes ne pouvaient se fonder sur de simples intuitions. La réflexion a ainsi dû être<br />

enrichie progressivement d'apports théoriques et d’hypothèses (de la recherche<br />

acquisition en langues et de la psycholinguistique) pour éclairer les choix que nous<br />

allions prendre. Le groupe ACAELP (Améliorer la Compréhension de l'Anglais Ecrit au<br />

Lycée Professionnel) s'est réuni à plusieurs reprises avec Jean-Paul Narcy qui était notre<br />

conseiller scientifique, d'abord pour élaborer un cadre théorique et une méthodologie de<br />

l'expérimentation, puis pour le suivi et l'évaluation. Dans la dynamique de la rechercheaction<br />

avec ACAELP, le groupe a poursuivi cette recherche pendant trois années<br />

consécutives, les travaux ont fait l'objet de communications (Journée d'études sur la<br />

pédagogie différenciée à Arras, Colloque sur la lecture à Toulouse) et d’une publication<br />

(Deyrich, 1997). Au niveau théorique, les résultats font apparaître que la notion de<br />

progrès concerne le savoir-être et la motivation dans sa relation avec la réussite. C’est<br />

un facteur de motivation, dont l’influence a été vérifiée avec un autre public de jeunes<br />

adultes (Deyrich, 2004b). Ces travaux ont aussi alimenté la réflexion sur les<br />

implications d'une action didactique en relation avec les sciences de fondement. Cette<br />

question demeure essentielle, si la didactique de l’anglais souhaite tirer parti des apports<br />

de la recherche. Il s’agit alors de « stratégies informées », comme je l’écris dans mon<br />

13


ouvrage, qui se fondent sur des hypothèses théoriques pour orienter les décisions<br />

(Deyrich, 2007a : 54-57). Au niveau pratique, les tâches méthodologiques élaborées en<br />

fonction des critères sélectionnés ont été données aux élèves puis évaluées et analysées<br />

(Deyrich, 1997). Les travaux sur ces tâches ont ensuite été un point d'appui pour la<br />

réflexion en formation initiale.<br />

En résumé, la recherche et la formation étaient étroitement liées dans ce parcours de<br />

recherche en tout début de construction. Cette imbrication limitait cependant les<br />

interrogations à des préoccupations locales et précises, alors que les problèmes posés<br />

par la formation, en particulier dans l'observation des classes, m'incitaient à prendre un<br />

peu de recul pour tenter de cerner les enjeux et les possibilités offertes. Il me manquait<br />

donc un point de vue plus général et plus scientifique. Un questionnement de recherche<br />

suppose un long parcours et aussi une forme de destruction de l'esprit non scientifique :<br />

« Trop souvent le savant se confie à une pédagogie fractionnée alors que l'esprit<br />

scientifique devrait viser à une réforme subjective totale. Tous réels progrès dans<br />

la pensée scientifique nécessitent une conversion. » (Bachelard, 1940).<br />

De ce point de vue, c’est une forme de rupture par rapport à une problématisation trop<br />

locale, qui m'a amenée à une poursuite de la recherche dans une ‘expérience nouvelle’,<br />

plus globale, quitte à contredire des connaissances antérieures. L’inscription en DEA à<br />

Bordeaux m'a aidée faire le point sur des enjeux théoriques dans le domaine de la<br />

didactique de l'anglais. J'y ai aussi appris à analyser et à mettre en perspective des<br />

apports théoriques contradictoires, comme dans le cas de l'erreur en L2, un sujet qui a<br />

retenu mon attention pour une journée d'étude (Deyrich 1994a). Le DEA m’a aussi<br />

permis de bâtir une première articulation entre linguistique et didactique dans<br />

l'exploration lexicale d'un domaine de spécialité (Deyrich 1994b). Toujours dans la<br />

même volonté d’approfondissement, l’inscription en thèse à Charles V sous la direction<br />

de Danielle Bailly s’inscrivait dans la poursuite de ma quête de l’articulation entre<br />

linguistique et didactique, avec une visée opératoire plus marquée (Deyrich, 2000).<br />

Depuis ma nomination à l’IUFM de l’Académie de Montpellier, la formation des<br />

enseignants est devenue source de questions dans un premier temps et progressivement<br />

objet de recherches.<br />

b) Un positionnement épistémologique inconfortable<br />

L’ancrage dans la situation interpelle le chercheur. Dans le cas de la formation des<br />

maîtres, il est cependant difficile de concevoir une recherche totalement objective et<br />

14


neutre, où l’implication et la subjectivité n’auraient aucun droit de cité. Les questions<br />

didactiques se traiteraient donc entre ces deux pôles et il conviendrait alors d’envisager<br />

des degrés et des modes de distanciation et d’engagement ainsi que la circularité qui<br />

s’établirait entre ces deux pôles.<br />

Je ne me suis pas demandée d’entrée de jeu s’il était possible, souhaitable, raisonnable<br />

ou inacceptable pour une chercheure de mener une recherche dans laquelle j’étais partie<br />

prenante. L’objectif premier assigné à ma recherche était d’appréhender les phénomènes<br />

didactiques pour intervenir sur les contenus et leur mise en œuvre afin de les rendre<br />

‘enseignables’ et ‘apprenables’ (cf. supra). Ces travaux étaient menés d’abord dans des<br />

recherches-actions puis dans le cadre de ma thèse J’étais une chercheure engagée dans<br />

une recherche que je posais comme interventionniste (Deyrich, 2001 et 2003). Il ne<br />

s’agit pas ici de revenir sur cette position que je continue de défendre, en particulier<br />

dans la mise en œuvre de dispositifs intégrant les nouvelles technologies (Deyrich,<br />

2005a). Cependant, le point de vue est plus nuancé pour tenter de voir comment les<br />

problématiques sous-jacentes interpellent aussi bien la formation des enseignants<br />

(Deyrich & Dyson, 2006) que le positionnement du chercheur engagé dans cette<br />

formation (Deyrich, 2007b) : entre intervention et neutralité, entre subjectivité et<br />

objectivité. Les interrogations concernent alors la place du chercheur dans son rapport<br />

avec l’objet d’étude.<br />

Le chercheur en sciences humaines est également un témoin engagé dans des<br />

phénomènes sociaux. Se pose alors la question de la « bonne » distance à l’ « objet ».<br />

La recherche est confrontée à un dilemme fondamental pour Elias (1993) entre<br />

engagement et distanciation, s’agissant de deux opérations mentales contradictoires,<br />

bien qu’indissociables. En fonction des impulsions qui tendent soit vers l’engagement et<br />

les autres, soit vers la distanciation.<br />

« Ces impulsions peuvent entrer en conflit les unes avec les autres, lutter pour la<br />

prééminence ou passer des compromis et se combiner selon les proportions et les<br />

formes les plus diverses. En dépit de toute cette diversité, c’est la relation entre<br />

ces deux pôles qui détermine le cours des actions humaines ». (Elias 1993 : 10)<br />

Le chercheur se trouve ainsi confronté à deux fonctions : celle de ‘participant’ et celle<br />

de ‘chercheur’ et il lui faut aborder le dilemme de la séparation de l’engagement et de la<br />

distanciation. Pour Elias (1993 : 29), la solution ne se trouve pas dans l’abandon du<br />

groupe au profit de la fonction de chercheur : les affaires sociales du groupe concernent<br />

nécessairement le chercheur. En ce sens, pour l’enseignant-chercheur, le détachement<br />

15


du terrain est illusoire. L’absence d’engagement semble en effet difficile lorsqu’on se<br />

penche sur des situations où l’objet n’existe que dans ses interactions avec l’humain. Or,<br />

ces interactions sont au cœur des préoccupations didactiques parce que la L2 n’existe<br />

qu’à travers des mises en relations avec des sujets (cf. Deyrich, 2007a : première partie,<br />

chapitre 1). Elias va cependant un pas plus loin : pour le chercheur il ne s’agit pas<br />

d’éviter l’engagement mais au contraire d’en tirer profit :<br />

« Le dilemme devant lequel se trouvent placés les spécialistes en sciences<br />

humaines ne peut donc pas être résolu par le simple fait qu’ils renonceraient à leur<br />

fonction de membre d’un groupe au profit de leur fonction de chercheur. Ils ne<br />

peuvent cesser de prendre part aux affaires sociales et politiques de leur groupe et<br />

de leur époque, ils ne peuvent éviter d’être concernés par elles. Leur propre<br />

participation, leur engagement conditionne par ailleurs leur intelligence des<br />

problèmes qu’ils ont à résoudre en leur qualité de scientifiques ». (Elias 1993 : 29)<br />

Parce que l’engagement conditionne l’intelligence des problèmes, la recherche en<br />

sciences sociales a tout à gagner d’une mise en relation des deux pôles (engagement et<br />

distanciation). Dans le domaine de l’anthropologie, cette synergie est affirmée par des<br />

chercheurs comme Fassin (1999) qui, à la suite d’Elias, estiment nécessaire de « penser<br />

ensemble » ces deux pôles de l’activité humaine, à la fois conflictuels et inséparables.<br />

« Le chercheur est engagé par rapport au monde qu’il étudie à la fois comme sujet<br />

connaissant et comme sujet citoyen. L’effort de distanciation sur lequel il<br />

construit son discours scientifique l’implique de même dans cette double<br />

définition de sa position. » (Fassin 1999 : 43)<br />

Dans cette perspective, plutôt que d’envisager l’engagement du chercheur comme un<br />

obstacle épistémologique qui nuit à la scientificité de ses travaux, il convient de<br />

l’apprécier en tant que condition nécessaire pour une meilleure connaissance des<br />

problèmes soulevés. De ce point de vue, l’engagement sur le terrain des chercheurs en<br />

didactique des langues est un gage de qualité.<br />

c) Position du chercheur dans le cadre interprétatif de la didactique des<br />

langues<br />

Pour le chercheur, l’adoption d’une perspective expérientielle de l’engagement ne va<br />

pas de soi. Elle ne peut faire l’économie de la tension fondamentale entre un<br />

engagement nécessaire au niveau du vécu et une distanciation indispensable, eu égard à<br />

la complexité de chacun des objets investigués.<br />

16


- Des sujets « engagés »<br />

La langue, pour Hagège (1996) est avant tout objet d’amour ; elle est aussi matière de<br />

toutes les matières. De ce point de vue, toutes les langues – s’agissant aussi bien de la<br />

langue dite « maternelle » que les langues apprises (voire acquises) – sont ainsi partie<br />

prenante de la construction du sujet (Bailly, 1994). En cela, l’enseignementapprentissage<br />

d’une ‘langue vivante étrangère’ ne peut être un objet d’étude comme les<br />

autres, puisqu’il touche au(x) sujet(s) dans leurs relations avec les langues (Anderson,<br />

1999). Dès lors, dans la didactique des langues, le questionnement ne se limite pas à la<br />

langue en tant que telle mais il se doit d’investir les problématiques multiples soulevées par<br />

les relations qui s’établissent entre la/les langue(s) et les sujets (Deyrich, 2007a : 15-18).<br />

La recherche se heurte ainsi à une concaténation de sujets ‘engagés’ dans des relations<br />

qui s’avèrent d’autant plus délicates à cerner qu’elles touchent à leur moi intime<br />

(Mallet, 2005). C’est le cas pour les sujets-apprenants en langue qui ne font pas que<br />

‘passer’ de la L1 à la L2 pour apprendre ainsi une L2 (Deyrich, 2007a : 20-25). Cet<br />

engagement concerne aussi le sujet-enseignant qui est conjointement censé maîtriser la<br />

L2, cette ‘autre’ langue, qui n’est pas sienne – hormis s’il est locuteur natif – et en faire<br />

l’objet de son enseignement pour la rendre ‘apprenable’ (Deyrich et Ulrich, 2002).<br />

Pour Anderson (1999, 2003), l’enseignement d’une langue étrangère se singularise car<br />

l’enseignant en langue est dépositaire d’une ‘autre’ langue et il l’actualise dans l’acte<br />

d’enseignement. Il y a selon lui ‘attribution’ de la langue d’autrui et, en conséquence, le<br />

fait de ‘posséder’ cette langue amène à une ‘reconnaissance’ : être lui-même tout en<br />

étant ‘multiple’. Or, un tel phénomène ne va pas de soi : il faut que cette langue<br />

étrangère puisse être « possiblement sienne ». L’auteur convoque le concept lacanien de<br />

« parole vraie » : par opposition à une « parole vide », celle « où le sujet s'égare dans les<br />

machinations du système du langage », une « parole pleine » est celle qui « réalise la<br />

vérité du sujet ». L’accès à ce qui pourrait constituer cette « parole pleine » n’est pas<br />

pour autant facile à cerner – d’autant que la part d’imaginaire dans l’acquisition des<br />

langues (Mallet, 2003) et la charge affective (Diaz-Corralejo Conde, 2004) viennent<br />

encore brouiller les pistes.<br />

- Entre engagement et distanciation<br />

Pour la formation des maîtres, l’investigation des chercheurs est très difficilement<br />

distanciée, même lorsque leurs travaux portent sur des domaines a priori extérieurs.<br />

17


Cependant, chacune de ces formes d’engagement implique que le chercheur se donne<br />

les moyens d’une prise de distance, censée garantir l’objectivité requise par le domaine<br />

scientifique. L’exercice est particulièrement difficile en sciences ‘sociohumaines’, ne<br />

serait-ce qu’en raison de la multiplicité des points de vue (Juan, 1999). C’est d’ailleurs<br />

ce sentiment que j’ai ressenti à la (re)lecture de mes travaux. La tension entre<br />

engagement et distanciation y a laissé des traces, tant dans les champs d’observation<br />

que dans les démarches méthodologiques. Je constate ainsi que la distanciation est<br />

parfois affirmée explicitement : pour rendre compte de « la gestion du parcours<br />

transpositif » (Deyrich, 2001) ou encore pour permettre de « repérer et analyser chacune<br />

des articulations stratégiques » (Deyrich, 2003) dans l’élaboration de contenus adaptés<br />

au contexte. Une distanciation plus marquée apparaît dans le recours aux données<br />

chiffrées et aux schémas pour une analyse dans le cadre d’une enquête (Deyrich &<br />

Ulrich, 2002) qui, par ailleurs, dénotait un engagement assez fort, l’objectif étant de<br />

mieux situer les problèmes rencontrés personnellement en formation des maîtres du<br />

primaire. Il persiste toujours une forme de tiraillement entre une volonté<br />

d’objectivisation et un ancrage des questions dans l’expérience du vécu. Ainsi, dans le<br />

cas d’une recherche sur les manifestations de la diversité culturelle dans des sites<br />

universitaires (Deyrich & Matas-Runquist, 2006), le point de vue est apparemment<br />

externe mais l’exploration d’un cadre méthodologique est orientée vers la réception<br />

critique de données, vers une prise de recul indispensable pour l’apprenant comme pour<br />

l’enseignant. En résumé, l’engagement donne une orientation générale à la recherche<br />

que je mène.<br />

2. <strong>POSITIONNEMENTS</strong> ÉPISTEMOLOGIQUES<br />

2.1. Des points de vue pour construire la connaissance<br />

Pour Jean-Paul Narcy-Combes (2006 : 302-303), le positionnement, l'élaboration de<br />

problématiques théoriques ainsi que la réflexion sur les résultats et leur validité<br />

supposent une distanciation scientifique. Or, cette distanciation requiert également un<br />

engagement personnel, ce dernier étant indispensable pour que le chercheur-didacticien<br />

puisse être créatif. Dès lors, un positionnement épistémologique reflète le point de vue<br />

de son auteur et ne peut être universellement partagé, chaque individu construisant la<br />

connaissance d'une manière différente.<br />

« Toute réflexion épistémologique reflète nécessairement un point de vue, celui de<br />

son auteur, ce qui explique qu'elle soit biaisée. » (ibidem)<br />

18


Pour le chercheur didacticien, la distanciation scientifique concerne les pratiques<br />

apprenantes ou enseignantes. Cette distanciation est partie intégrante de la définition de<br />

Bailly (1997 : 10) :<br />

« Le terme “didactique”, dans son acception moderne -- relativement récente --<br />

renvoie, au moins, à une démarche de distanciation et au plus à une pleine activité<br />

de théorisation : schématiquement il s'agit dans tous les cas, pour un observateur<br />

ou un expérimentateur, de s'abstraire de l'immédiateté pédagogique et d'analyser à<br />

travers toutes ses composantes l'objet d'enseignement, les buts poursuivis dans<br />

l'acte pédagogique, les stratégies utilisées par l'enseignement, les transformations<br />

de compétences de conduites que cet enseignement induit chez l'élève et par<br />

conséquent les stratégies d'appropriation de l'objet déployé par cet élève lors de<br />

son activité d'apprentissage. »<br />

L'objet de recherche dans le cadre de la didactique des langues est donc protéiforme et<br />

complexe. Il n'est pas possible de l'appréhender dans sa totalité de manière scientifique.<br />

Dès lors, la focalisation portera sur un aspect ou un autre, en fonction de la situation<br />

mais aussi de l'intérêt pour le chercheur ou pour la communauté de chercheurs. C'est<br />

donc à partir d'un contexte précis que s’élabore une problématique, un cadre théorique<br />

construit dans lequel la réflexion s'inscrit (Juan, 1999) et qui, comme l'écrit J.P. Narcy-<br />

Combes (2006 : 305), a ceci de particulier : la problématique didactique ne peut<br />

s'inscrire dans une perspective unique, eu égard à la multiplicité des domaines<br />

scientifiques à convoquer. Les données qui sont construites témoignent donc d'une<br />

méthode mais aussi d'un engagement du chercheur, en fonction d'un réseau de valeurs<br />

lui sont propres. D'autre part, ces données sont aussi le résultat de la nature de<br />

« construit social de la connaissance scientifique » (Jordan, 2004 : 83, cité par Narcy-<br />

Combes, 2007) qui traduit une rationalité partagée. De ce point de vue, la recherche<br />

suppose des échanges et des rencontres qui affinent non pas un point de vue mais les<br />

différents points de vue en jeu sur des problématiques qui intéressent des communautés.<br />

À titre d'exemple, les rencontres de l'association des didacticiens en langue (ACEDLE)<br />

apportent l'occasion d'enrichir le débat et de confronter des points de vue parfois<br />

divergents, la connaissance pouvant être ne pas être consensuelle. Des postures de<br />

recherche se dégagent ainsi dans le travail de théorisation. Le 12 janvier 2007, une<br />

journée d'étude de l'ACEDLE avait pour thème « Méthodologie de recherches en<br />

didactique des langues » (Demaizière & Narcy-Combes, 2007). L'objectif annoncé était<br />

de faire le point sur les objets et les outils et méthodes dans le domaine de recherche de<br />

la didactique des langues : toute situation de recherche impose la construction d'une<br />

19


problématique en fonction du contexte, des objectifs de la recherche et sans doute de la<br />

posture du chercheur. Cette problématique a été mise en relation avec les choix<br />

méthodologiques : recherche expérimentale, recherche-action, recherchedéveloppement<br />

et recherche compréhensive. Les discussions relatives au<br />

positionnement du chercheur ont montré qu'il s'agit d'une question polémique, en<br />

particulier en raison de la tension entre engagement et distanciation. La notion même de<br />

données est paradoxale, puisque les données ne sont jamais neutres dans leur sélection,<br />

leur organisation, leur découpage, leur choix etc. La méthodologie du recueil des<br />

données se trouve ainsi interrogée. Un autre aspect de l'engagement dans le<br />

positionnement du chercheur a été souligné : le chercheur a une histoire, il existe en tant<br />

qu'individu et cela a une incidence sur la façon dont il met en relation l'objet d'étude<br />

avec l'objet de la recherche.<br />

a) Une dimension interdisciplinaire<br />

- Une interdisciplinarité à géométrie variable<br />

Dans le champ anglo-saxon de la linguistique appliquée, les domaines de connaissances<br />

qui concernent l’enseignement-apprentissage des langues et auxquelles il est<br />

généralement fait référence (Richards, 1990 ; Bartels 2005 ; Widdowson 2003) ont trait<br />

à l'acquisition de la seconde langue, la méthodologie, la syntaxe, la pragmatique,<br />

l'évaluation, etc.<br />

Si l’on considère le champ de la didactique des langues, les références scientifiques sont<br />

encore plus vastes et l’épistémologie de la discipline ne se résume pas aisément. Bailly<br />

(1984), par exemple, montre à quel point la nature des domaines de référence est variée<br />

et complexe, allant de la linguistique à la psycholinguistique à la psychologie cognitive<br />

– domaines auxquels il convient d'ajouter la sociologie, l'anthropologie, l'éthique, et<br />

bien d’autres,... D'un point de vue épistémologique déjà, l'interdisciplinarité est<br />

indispensable :<br />

«L’épistémologie est la théorie de la connaissance valable et, même si cette<br />

connaissance n’est jamais un état et constitue toujours un processus, ce processus<br />

est essentiellement le passage d’une validité moindre à une validité supérieure. Il<br />

en résulte que l'épistémologie est nécessairement de nature interdisciplinaire,<br />

puisqu'un tel processus soulève à la fois des questions de fait et de validité.»<br />

(Piaget, 1970 :15)<br />

S'agissant de l'épistémologie génétique, traiter conjointement de la validité et des faits<br />

suppose un travail de collaboration entre deux domaines, celui de la logique est celui de<br />

20


la psychologie des fonctions cognitives (ibid. : 16-18). Dès lors, l'étude du<br />

développement fait appel à une coopération qui entraîne une méthodologie de recherche<br />

interdisciplinaire. Solliciter les spécialistes des domaines concernés pour chacune des<br />

investigations propres à la didactique des langues serait difficile mais il peut être<br />

intéressant d'y avoir recours lorsque que cela est possible. En effet, il semble important<br />

de souligner que les domaines concernés par les discussions du domaine didactique sont<br />

à la fois techniques et spécialisés. L’articulation de notre discipline avec ces disciplines<br />

contributoires profondément hétérogènes demande de la prudence pour que soient prises<br />

en compte les implications inhérentes à la convocation de chacun des domaines<br />

théoriques de référence. Dans le cas de la mise en place de dispositifs dans lesquels la<br />

recherche documentaire visait un développement de compétences culturelles, une<br />

connaissance des domaines de référence a été utile pour anticiper les problèmes posés<br />

(Deyrich, 2005a). Cette interdisciplinarité ne peut cependant faire perdre de vue<br />

l’investigation de questions relatives à l'enseignement-apprentissage d'une L2. Ainsi,<br />

dans la recherche de ‘synergies didactiques’ entre le français et la L2 à l’école primaire<br />

(Deyrich, 2007a, deuxième partie), des questions supposées communes se sont<br />

déclinées dans des logiques différentes pour la L1 et la L2 : tel est le cas par exemple de<br />

l’oral où doivent être prises en compte les caractéristiques particulières de la prise de<br />

parole en L2 (ibid. : 135-136).<br />

- Des articulations scientifiques<br />

La validité scientifique de la recherche suppose que les concepts amenés et exploités<br />

aient non seulement une pertinence dans le champ d'investigation mais aussi qu'on en<br />

mesure les enjeux. C'est une forme de rigueur scientifique indispensable pour que la<br />

recherche soit aussi réellement informée que possible. Le domaine des TIC est<br />

emblématique à cet égard parce qu’il témoigne du paradoxe de la recherche didactique.<br />

En effet, pour la didactique des langues, il est essentiel que les technologies dites<br />

‘nouvelles’ soient explorées, que ce soit pour en mesurer les effets, pour proposer des<br />

dispositifs, pour étudier les pratiques, etc. Or, il ne s’agit pas d’un ‘outil’ qui entrerait<br />

dans la situation didactique sans la modifier en profondeur (Deyrich & Dyson, 2006).<br />

Par ailleurs, le chercheur en didactique des langues ne sera jamais pleinement chercheur<br />

en informatique. Il s'aperçoit cependant que certains concepts du champ de recherche de<br />

l’informatique, par exemple ceux ayant trait à l’interculturel, peuvent contribuer à la<br />

réflexion dans son domaine de recherche.<br />

21


Ces concepts ne peuvent pas être appréhendés en surface uniquement, puisqu'ils sont le<br />

produit d'une réflexion scientifique en profondeur. Par honnêteté intellectuelle, le<br />

chercheur vérifie ses sources, en examine la validité et s’il jongle avec des concepts, ils<br />

ne peuvent être simplement empruntés. J.P. Narcy-Combes (2006 : 73) parle des ‘liens’<br />

à établir entre les façons dont les diverses théories sont formulées pour parvenir à une<br />

« intégration temporaire et expérimentale de ces concepts pour résoudre un problème<br />

donné ». L’auteur met ce point de vue en perspective avec celui de Kühn (1970 : 203)<br />

qui considère qu’il faut qu’il y ait ‘traduction’ des concepts d’un domaine à un autre.<br />

La notion de traduction présente l’intérêt de mettre l’accent sur le processus qui fait<br />

passer d’un environnement langagier à un autre, un processus qui peut néanmoins être<br />

redoutable – il suffit de corriger les épreuves du CAPES pour voir à quel point la<br />

‘traduction’ peut être mutilante. Faute de trouver un terme plus adapté, je sollicite ici<br />

des concepts piagétiens, s’agissant du processus d'assimilation et d'accommodation<br />

(Piaget, 1947). Une assimilation présuppose une construction active du sujet, pour que<br />

les connaissances nouvelles prennent leur place au sein d'autres connaissances qui s'en<br />

trouvent modifiées. Une accommodation se traduit par un (ré)investissement de cet<br />

objet-concept et débouche sur un ajustement soucieux de la situation. Pour qu’ils<br />

mènent une vie scientifique productive dans un champ qui n’est pas le leur, les concepts<br />

ont à être explorés et mis en relation avec les hypothèses qui ressortissent de leur<br />

conception et du champ d’investigation pour lesquels ils sont sollicités. De ce point de<br />

vue, l’aspect social de la recherche que souligne Jordan (2004) paraît utile pour rendre<br />

compte du dialogue nécessaire entre la recherche en didactique des langues et les<br />

recherches menées dans d’autres champs disciplinaires.<br />

Ce dialogue peut déjà intervenir à un premier niveau : celui de la lecture de travaux de<br />

chercheurs des domaines convoqués. Il est encore plus productif lorsqu'il se produit<br />

dans un contexte de recherche et sur des objets bien précis. J'ai expérimenté ce travail<br />

de collaboration scientifique à plusieurs reprises (Asdih & Deyrich, à paraître ; Deyrich<br />

& Dyson, 2006 ; Deyrich & Olivé, 2004) et il m'a permis d'enrichir mon champ de<br />

recherche en instaurant un lieu de discussion interdisciplinaire, une articulation<br />

dialogique circonstancielle et provisoire.<br />

- Une coordination didactique, méthodologique et conceptuelle<br />

Dans le cas des TIC, j'ai mis en place plusieurs articulations de recherche sur une base<br />

de collaboration scientifique : avec Laurel Dyson, chercheure spécialiste des dispositifs<br />

22


d'enseignement apprentissage intégrant les nouvelles technologies pour une analyse d'un<br />

dispositif expérimental dans la formation des maîtres (Deyrich & Dyson, 2006), avec<br />

Charles Ess, philosophe spécialiste des TIC pour une réflexion sur la dimension éthique<br />

dans les pratiques collaboratives émergentes sur Internet (Deyrich, Ess, actes du<br />

colloque ACIS décembre 2007, à paraître).<br />

La dimension épistémologique de l’articulation entre deux domaines de spécialité a été<br />

explorée avec Christa Pélissier, chercheure dans le domaine des nouvelles technologies,<br />

dans le cadre d’une communication au colloque RANACLES de Caen, 24-26 novembre<br />

2005 (Pélissier, Deyrich, à paraître). Ce travail portait sur l'élaboration d'un dispositif<br />

d’apprentissage en autonomie pour un renforcement des connaissances linguistiques et<br />

culturelles en anglais et destiné à être expérimenté par un public préparant le concours<br />

de CRPE. Il se fondait sur une intégration de deux perspectives didactiques différentes,<br />

pour une expérimentation. Les sélections opérées tenaient compte de la faisabilité<br />

matérielle, de la mise en valeur de la démarche, du degré d’autonomie visé, de l’activité<br />

censée être engendrée, des difficultés prévisibles et des aides éventuelles. Les<br />

hypothèses de recherche ont été élaborées en commun, ainsi que le cadre<br />

méthodologique et nous nous sommes intéressées à la démarche de réflexion, telle que<br />

nous l’avons menée. Nous souhaitions en effet que notre tentative de construction<br />

didactique à ce croisement ne trahisse pas les conceptions inhérentes à nos deux<br />

domaines didactiques respectifs.<br />

Dans cette entreprise de coordination didactique, nos échanges et nos confrontations de<br />

concepts sur un mode dialogique ont été nécessaires pour une définition et une<br />

délimitation précise de compétences et de sous-compétences. L’exercice fut difficile<br />

pour un objet aussi labile qu’une langue vivante mais il était indispensable du point de<br />

vue des TIC. De plus, le choix d’un support littéraire pour l’entrée culturelle a rendu la<br />

didactisation difficile : d’une part, l’extrait devait être court et néanmoins constituer une<br />

unité de sens et, d’autre part, il fallait pouvoir identifier des références culturelles<br />

isolables et susceptibles de donner lieu à des développements répondant à des besoins<br />

différenciés pour ‘hypertextualiser’ ce document. Le choix d’un extrait de Lilian’s Story<br />

de Kate Grenville a permis de résoudre la plus grande partie des problèmes posés : la<br />

scène se passe pendant un cours d’histoire en Australie, les références y sont<br />

nombreuses mais l’avantage principal réside dans le fait que la lecture demande des<br />

connaissances culturelles pour parvenir à dégager l’implicite et donc la part d’humour<br />

de l’œuvre littéraire.<br />

23


Pour dresser un rapide bilan du projet, il faut souligner que l’entreprise a été<br />

chronophage parce qu’elle a demandé un travail de précision. Du côté du<br />

développement du produit informatisé, la coordination interdisciplinaire a porté ses<br />

fruits pour l’exploitation didactique de la démarche adoptée. Elle est en effet<br />

conceptualisatrice, la dimension réflexive et métacognitive étant incluse dans chacune<br />

des tâches d’entraînement (micro-tâches). Elle a aussi permis un entraînement à ce que<br />

Cazade (2004 : 61) appelle la « navigation cognitive » :<br />

« [Elle] demande une réelle personnalité intellectuelle pour parvenir à garder le<br />

cap malgré les errances inévitables qui menacent une recherche d'information mal<br />

cadrée. On sent bien que la qualité de conception du document hypertextuel visé<br />

comptera pour beaucoup dans la valeur des informations qu'on pourra tirer de ce<br />

type de données. ».<br />

La démarche est particulièrement difficile : le hasard des rencontres par hypertexte<br />

devrait avoir des limites, dès lors qu'on se fixe un but précis. Pour ce qui est de la<br />

recherche documentaire, la ‘sérendipité’ – « la caractéristique d'une démarche qui<br />

consiste à trouver quelque chose d'intéressant de façon imprévue, en cherchant autre<br />

chose, voire rien de particulier, d’après Wikipedia, version française, sur le site www.<br />

wikipedia.org – traduit, comme l'écrit Tricot (2004), « la prise de conscience d’un<br />

besoin de documentation » mais elle traduit aussi parfois un besoin parfois impérieux ou<br />

compulsif, au point d’en oublier les motivations mêmes de la recherche initiée. Ce n’est<br />

pas parce que la recherche intervient en anglais qu’elle échappe à cette difficulté. Pour<br />

aider les apprenants dans cette prise de conscience du besoin d’information, Tricot émet<br />

l’hypothèse suivante :<br />

« [I]l faudrait […] aider [les apprenants] à développer leur incertitude, à se poser<br />

des questions […] ; il faudrait les conduire à élaborer l’idée selon laquelle le<br />

développement de connaissances n’entraîne pas une augmentation de la certitude<br />

mais de l’incertitude. »<br />

La démarche a permis d’instituer la recherche documentaire comme élément signifiant<br />

dans l’apprentissage, parce que découlant d’un besoin d’information. Elle a aussi<br />

contribué à cadrer cette recherche dans le temps et dans l’espace et à mieux gérer<br />

l’incertitude comme élément clé dans l’apprentissage, en donnant envie d’en savoir<br />

davantage grâce aux connaissances acquises, sans pour autant que la quête ne prenne le<br />

dessus sur la tâche à accomplir. De plus, elle nous semble transférable : nous avançons<br />

l’hypothèse qu’elle devrait favoriser le transfert de cette démarche dans une macrotâche<br />

(simulation d’épreuve) – cette hypothèse n’a pas encore été vérifiée, parce que<br />

24


nous souhaitons préparer un ensemble de tâches sur les principes adoptés avant de<br />

lancer l’expérimentation.<br />

b) Une dimension transpositive et intégrative<br />

- À l’épreuve de la recherche<br />

Il est des domaines pour lesquels des éléments théoriques sont sollicités, sans pour<br />

autant qu’une collaboration scientifique ait lieu. Une collaboration avec d'autres<br />

chercheurs n’exclut d’ailleurs pas pour autant un certain nombre de mises au point<br />

conceptuelles. Dans cette perspective, le processus d’assimilation et d’accommodation<br />

décrit ci-dessus suppose que le décalage entre le champ d’origine et celui où le concept<br />

devient opérationnel ne dénature pas ce qui fait l’intérêt du concept dans la définition<br />

qu’en fait le chercheur.<br />

Ma posture de recherche est compréhensive et ascendante dans un premier temps (cf.<br />

J.P. Narcy-Combes, 2006), puisque je pars des problèmes du terrain sans a priori<br />

théoriques. Il n’y a donc pas de rapport de subordination avec les théorisations des<br />

disciplines contributoires, qu’elles soient convoquées ponctuellement ou de manière<br />

plus systématique. En effet, le problème posé émane du terrain et c’est lui qui guide mes<br />

interrogations dans les domaines de référence. En ce sens, ma posture est descendante<br />

dans une seconde phase, pour apporter des propositions, voire des solutions.<br />

La question du positionnement s’est posée à propos des contenus grammaticaux et du<br />

métalangage. Pour mieux cerner la démarche adoptée, j’ai emprunté un concept dans le<br />

champ disciplinaire de la sociologie (Verret, 1975) et de la didactique des<br />

mathématiques (Chevallard, 1991) : le concept de transposition didactique. Je l’ai<br />

ensuite assimilé et accommodé (à cette époque je parlais de ‘décantations successives’)<br />

pour examiner comment il pouvait être fonctionnel dans le domaine de la didactique de<br />

l’anglais dans une visée praxéologique, d’une linguistique énonciative à une grammaire<br />

opérationnelle dans les apprentissages (Deyrich, 2000). J’ai ensuite envisagé comment<br />

il peut aider à faire le point sur les médiations didactiques (Deyrich, 2001) sur les<br />

positionnements dans la formation des enseignants (Deyrich, 2003) et enfin sur la<br />

didactisation dans le cas de micro-tâches (Deyrich, soumis à l’éditeur).<br />

Il ne faudrait pas confondre cette démarche avec une nouvelle forme<br />

d’'applicationnisme. J’entends par ‘applicationnisme’ ce qui relève de l’application<br />

directe comme ce fut le cas pour le béhaviorisme ou pour la grammaire structurale<br />

25


(Puren, 1988). Ces épisodes malheureux du point de vue de la didactique des langues<br />

traduisent une absence d’assimilation et d’accommodation et, partant, une absence de<br />

transposition. De plus, étant donné la complexité de notre domaine d’observation et/ou<br />

d’intervention, qui n’est pas constitué de savoirs (comme les mathématiques) mais de<br />

savoirs associés à des savoir-faire, des savoir-être, etc., la transposition didactique ne<br />

peut être considérée comme un mécanisme ou un ensemble de chaînes causales<br />

prédéterminées et figées. C’est avant tout un outil d’analyse qui peut contribuer à<br />

infléchir l’action éducative. Une démarche transpositive se fonde ainsi sur l’hypothèse<br />

de l’utilité d’un recours aux avancées scientifiques des domaines de référence qui sont<br />

estimés pertinents pour répondre aux besoins pédagogiques. Les connaissances<br />

théoriques sont sollicitées mais « dans la stricte mesure des besoins pédagogiques »<br />

(Bailly, 1998 : 211) dans le but d’éclairer la nature de l’objet d’enseignement ainsi que<br />

les modalités de son apprentissage et de nous donner ainsi les moyens d’expérimenter<br />

efficacement dans l’enseignement-apprentissage (Deyrich, 2003).<br />

Dans une interprétation spécifique à la didactique des langues, le noyau du concept<br />

permet tout d’abord, en orientant notre interrogation sur « le passage du savoir savant au<br />

savoir enseigné » (Chevallard, 1991), de rendre compte de la nécessité d’ancrer la<br />

réflexion sur des domaines de référence. La didactique relève donc bien du domaine<br />

scientifique et ce n’est pas parce que la didactique de l’anglais traite de l’enseignement<br />

d’une langue, donc d’un objet qui existe hors contexte d’enseignement-apprentissage<br />

que ce domaine se situerait à l’écart, sans se soucier des apports des sciences humaines.<br />

Solliciter des disciplines contributoires est en cela un besoin vital, ne serait-ce que pour<br />

avoir le droit de cité dans la recherche internationale. De plus, ce besoin ne se limite pas<br />

à la linguistique mais il concerne un certain nombre de domaines en constante<br />

évolution. Il suffit d’ailleurs d’un changement institutionnel pour que l’on s’interroge<br />

sur ce que peuvent apporter les autres champs scientifiques. Tel fut le cas avec<br />

l’institutionnalisation des contenus culturels dans les contenus scolaires (Programme<br />

national de pilotage, Actes de la DESCO, 4-5 décembre 2003). Le colloque<br />

international, qui a été organisé les 11 et 12 mars 2005 à l’Université de Cergy Pontoise<br />

par le groupe ALDIDAC (Approche Linguistique et Didactique de la Différence<br />

Culturelle), avait pour thème « Contenu culturel et didactique des langues : rôle des<br />

disciplines contributoires ». Les communications ont montré la richesse des apports<br />

potentiels des sciences humaines dans des domaines allant de la sociologie à<br />

l'ethnologie, à la linguistique, en passant par la géographie.<br />

26


Cependant, aussi éclairants qu’ils puissent être, ces apports de la recherche ne<br />

présentent un intérêt pour l’enseignement-apprentissage que s’ils sont l’objet d’un<br />

processus transpositif. Dans le domaine de la culture il ne s'agit donc pas d'importation<br />

d’éléments théoriques en l'état. La question du passage des savoirs provenant d’un<br />

contexte scientifique (des savoirs qualifiés de ‘savants’ ou, plus simplement,<br />

‘théoriques’) à la didactique des langues (un autre contexte) supposent des<br />

transformations pour une intégration de manière explicite ou implicite dans des ‘objets<br />

d'enseignement’ et/ou des ‘objets de recherche’. Envisager les choses sous cet angle met<br />

ainsi l’accent sur le décalage entre les savoirs en fonction de leur contexte ainsi que sur<br />

le passage, le flux de savoir qui implique des transformations. L'important demeure que<br />

ces transformations puissent jouer un rôle positif dans le processus d’apprentissage. En<br />

effet, il convient de ne jamais perdre de vue qu’au premier plan, se situe la dimension<br />

praxéologique, la logique qui prévaut étant celle de l’enseignement-apprentissage<br />

(Deyrich, 2003). Le concept nous invite donc à réviser le statut des ‘savoirs savants’<br />

dans une approche ‘transpositive et intégrative’. Le didacticien intervient pour<br />

‘optimiser’ le processus transpositif ; il se sert des avancées du domaine scientifique en<br />

les transformant au profit de l’apprenant (Deyrich, 2001). En résumé, il bâtit des ponts<br />

lorsque le besoin s’en fait sentir, pour apporter des éléments de réponse. Et, tout comme<br />

pour la construction de ponts, la partie la plus importante n’est pas directement visible ;<br />

de la même façon que pour un édifice terrestre, la solidité du pont théorique devrait<br />

dépendre des fondations préalablement établies.<br />

- Aperçu de la démarche : le cas des neurosciences<br />

Pour illustrer le processus transpositif précédemment décrit, prenons le cas des<br />

neurosciences, dont les avancées intéressent l’apprentissage des langues (Bailly, 1984 ;<br />

Narcy-Combes MF, 2005). On constate bien vite que le domaine de spécialité est<br />

particulièrement technique et que des approfondissements sont nécessaires pour qu’une<br />

interprétation correcte des données ait lieu, préalablement à un réinvestissement dans la<br />

problématique propre à la didactique des langues. C’est en quelque sorte une première<br />

transposition, en ce sens qu’il n’y a pas transfert d’un domaine scientifique (les<br />

neurosciences) à un autre (la didactique de langues) mais exploitation des données<br />

censées devenir pertinentes pour une question précise. Dans le cas d’une recherche<br />

d’articulations et de transversalités des apprentissages pour une exploitation de<br />

synergies entre la L1 et la L2 à l’école primaire (Deyrich, 2007a : deuxième partie de<br />

27


l’ouvrage), j’ai exploré comment la psycholinguistique et les neurosciences pouvaient<br />

alimenter le débat (ibidem, 120-121). En effet, l'imagerie cérébrale commence à nous<br />

livrer des résultats sur l'activation des zones cérébrales. Parmi les chercheurs se<br />

penchant sur la question, un groupe de chercheurs de l’INSERM (Narly Golestani,<br />

Sébastien Meriaux, Christophe Pallier) publie sur ce domaine d’investigation (cf. liste<br />

sur le site http://www.pallier.org/papers/). Parmi ces lectures en ligne, un article a<br />

semblé éclairant pour vérifier si l’hypothèse de recouvrement cérébral pour la L1 et la<br />

L2 était fondée pour mieux comprendre l’enseignement-apprentissage des langues. Il<br />

s’agit de « Syntax production in bilinguals » dans la revue Neuropsychologia. Les<br />

résultats confirment des travaux antérieurs qui montraient que la région concernée par<br />

l’activation cérébrale est plus concentrée quand la seconde langue atteint un bon degré<br />

de maîtrise. Par ailleurs, les auteurs montrent l’incidence de la seconde langue sur<br />

l’activation :<br />

« Individual subject analyses on the left frontal region also showed that less<br />

grammatically proficient subjects show a greater separation in the peak location<br />

of French and English syntactical LIFG activation than do more proficient ones.<br />

This finding constitutes an extension of that by Kim et al. (1997), who showed an<br />

effect of age of acquisition on the distance separating left frontal activations in<br />

the first versus the second language during a covert sentence production task. We<br />

show a similar result for proficiency, and our results are the first, to our<br />

knowledge, to show that proficiency in a second language can influence the<br />

pattern of brain activation during a production task designed to favour syntax<br />

processing. A question to be addressed in future research is the mechanisms of<br />

such a finding. » (Golestani et al : 1038)<br />

Dès lors que l’on quitte les travaux en laboratoire pour passer dans le champ de la<br />

didactique des langues, les questions ne se posent pas de la même manière. Il s’agit,<br />

pour cette étape, d’envisager si ces travaux peuvent servir de point d’appui pour<br />

élaborer des hypothèses propres à notre champ – donc susceptibles de nous aider à<br />

mieux comprendre et à améliorer l’enseignement-apprentissage. Dans cet exemple, je<br />

retiens qu’il faudrait que l’accent soit mis sur l’articulation entre les langues dans<br />

l’apprentissage, donc sur les moyens à donner aux apprenants pour faciliter le traitement<br />

de deux (ou plusieurs) langues. De ce point de vue, il convient d’explorer des ‘zones de<br />

convergence’ (Deyrich, op. cit. : 123). Les travaux en neurosciences confirment en cela<br />

l’hypothèse du « double-iceberg » de Cummins (1991) : il y aurait une compétence<br />

commune dans l’apprentissage des langues et, partant, il ne pourrait y avoir d’un côté<br />

une compétence en L1 et d’un autre côté une compétence en L2, puisque les deux<br />

28


seraient intimement liées. J’en ai déduit (Deyrich, ibidem : 128-131) que le recours à la<br />

L1 constitue l'une des conditions sine qua non de l'apprentissage de la L2, dans une<br />

mise en relation de la L1 et de la L2.<br />

En résumé, il semble que l’apprentissage des langues (L1-L2-L3- etc.) gagnerait<br />

beaucoup à être décloisonné (ibid. : deuxième partie de l’ouvrage). Or, les pratiques<br />

scolaires et universitaires sont en général fortement cloisonnées – hormis dans le cadre<br />

de projets ou d’expérimentations. De ce point de vue, l’enseignement des langues à<br />

l’école primaire est un champ d’investigation qui s’ouvre à la recherche sur des bases<br />

nouvelles (Deyrich & Olivé, 2004). L’enseignant est censé enseigner la langue<br />

étrangère au même titre que les autres disciplines. Par ailleurs, l’articulation entre les<br />

apprentissages langagiers est mentionnée explicitement dans les programmes. Les<br />

transferts dans les pratiques enseignantes et dans les apprentissages pourraient<br />

contribuer à vérifier nos hypothèses et nous aider à en formuler d’autres (Deyrich, op.<br />

cit. : 155-192). À travers cet exemple, il ressort que c’est plus le caractère dynamique<br />

d’un processus contributoire que la stabilité de domaines de référence qui concerne la<br />

recherche en didactique des langues. De ce point de vue, dans le domaine de la<br />

formation, il s’agit d’enclencher un processus dynamique, plutôt que d’appliquer ce qui<br />

pourrait découler des travaux des domaines de référence. Un autre type de transposition<br />

est alors nécessaire : il s’agit de mettre en abyme des avancées théoriques dans des<br />

dispositifs de formation.<br />

« Therefore, when designing applied linguistics courses for language teacher<br />

education programs, it is not enough to simply provide a short apprenticeship in<br />

applied linguistics and hope for the best because the knowledge that teachers use<br />

in their practice is more complicated that just knowing facts and general<br />

conceptions of language and language learning. 2 » (Bartels, 2005)<br />

J’ai souligné la nécessité et la complexité de l’élaboration de dispositifs qui prennent en<br />

compte les besoins de formation des enseignants (Deyrich, 2007b). Une démarche de ce<br />

type relève de la responsabilité sociale, notamment dans le cas de l’intégration des TIC<br />

(Deyrich, 2005b).<br />

- Une démarche transpositive dans la formation<br />

2<br />

« C’est pourquoi, dans l’élaboration de programmes de formation en linguistique appliquée pour les<br />

enseignants de langue, il n’est pas suffisant de se cantonner à un court apprentissage de linguistique<br />

appliquée en espérant des résultats, parce que les connaissances auxquelles les enseignants ont recours<br />

dans leur pratique dépasse en complexité de simples savoirs factuels ou encore des conceptions générales<br />

sur le langage et sur son apprentissage. » (Traduction personnelle).<br />

29


L’élaboration et la mise en œuvre de dispositifs sont censées aider les futurs enseignants<br />

à maîtriser les outils théoriques pour gérer leur propre pratique. Poser ainsi la question<br />

de l’articulation entre théorie et pratique, c’est envisager l’utilité de la formation à deux<br />

niveaux: celui des ponts à bâtir entre les deux et celui des moyens à mettre en œuvre<br />

pour que le futur enseignant parvienne à gérer cette articulation de manière autonome,<br />

de telle sorte qu’il y ait une réelle prise en compte des avancées théoriques dans sa<br />

pratique et non pas un enfermement disciplinaire.<br />

Dans un symposium de didactique comparée, Chevallard (2005) est revenu sur le<br />

concept de transposition didactique :<br />

« Ce que dit la théorie de la transposition didactique, c’est qu’il n’y a pas de<br />

‘repère privilégié’ à partir duquel observer, analyser, juger le monde des savoirs.<br />

Le ‘savoir savant’ lui-même est une fonction, non une substance, et par rapport à<br />

quoi il faut dûment s’excentrer. […] le travail du didacticien consiste, chaque fois,<br />

en la construction d’un repère jamais définitif depuis lequel déconstruire et<br />

reconstruire le savoir dont il analyse la diffusion. »<br />

La déconstruction/reconstruction de ce savoir implique que le didacticien prenne un<br />

recul considérable et que sa réflexion évolue pour tenir compte des apports des<br />

disciplines contributoires (Deyrich, 2003). Parler de savoir au singulier est en cela<br />

trompeur. C'est de savoirs au pluriel qu'il s'agit, des savoirs investis dans la situation<br />

d'enseignement apprentissage, des savoirs qui permettent d’analyser ce qui se passe, des<br />

savoirs qui permettent d'agir sur ce qu'il y a à savoir, à savoir faire, etc. (Deyrich,<br />

2007a : 15-18). La recherche didactique se doit en ce sens d'être ‘multiréférentielle’<br />

pour tenir compte – en plus du fait que la langue n'est pas un savoir savant mais une<br />

pratique de référence (Martinand, 1986) qui convoque une multiplicité de savoirs de<br />

référence – de la complexité des problèmes soulevés et des possibilités explicatives<br />

disponibles dans d'autres champs de savoirs (linguistique, sociolinguistique,<br />

psycholinguistique, neurosciences, ergonomie, etc.). En fonction des interprétations<br />

partagées avec la communauté des didacticiens des langues ainsi que son engagement<br />

personnel dans l'analyse, voire dans la situation, le chercheur-didacticien construit des<br />

repères, qui correspondent à des besoins particuliers et qui ont donc une durée de vie<br />

limitée. En ce sens, dans la théorisation didactique, la fonction du ‘savoir savant’ n’est<br />

pas du domaine de l’application mais plutôt de celui du déclencheur d’hypothèses<br />

théoriques qui vont l’aider à bâtir un cadre de recherches (Deyrich, 2000). Or, le point<br />

de départ de ces recherches se situe toujours sur le terrain. Un cadre de recherche<br />

transpositif sera donc informé par un certain nombre de disciplines contributoires qui<br />

30


seront sollicités sur des problématiques précises. Le champ de vision ne peut être étroit,<br />

les disciplines étant systématiquement multiples. Dès lors, le fonctionnement<br />

transpositif dans la recherche en didactique de l'anglais ne se limite pas à l'identification<br />

des enchaînements sur un parcours depuis des savoirs savants jusque des savoirs<br />

enseignés. L’expression ‘configuration de recherche’ semble ainsi plus adaptée pour<br />

rendre compte de la mobilité du modèle et de la spécificité de chaque problème abordé.<br />

Ainsi, j’ai abordé la question de l’anglais de spécialité avec des étudiants en<br />

Administration Économique et Sociales sous plusieurs angles : celui de la réflexion<br />

métalinguistique (Deyrich, 2001) de la prise en compte de leur ‘paysage professionnel’<br />

dans la définition de tâches (Deyrich, 2004a), de la didactisation (Deyrich, soumis à<br />

l’éditeur) et de l’intégration des nouvelles technologies (Deyrich, 2004b). Chacune de<br />

ces questions a engendré une mise en perspective dans une configuration didactique,<br />

focalisant l’attention sur le problème soulevé, pour lequel des hypothèses sélectionnées<br />

visent une meilleure compréhension des événements qui se produisent sur le terrain et<br />

sont susceptibles d’aider l'enseignant à la mise en place de stratégies efficaces (dans la<br />

relation éducative, dans l'élaboration de dispositifs, leur mise en œuvre, etc.).<br />

2.2. Un parcours de recherche en quête de résonances : Différences et<br />

résonances interculturelles<br />

Une autre source d'interrogations est ce qui touche aux différences interculturelles qui<br />

entrent en jeu dans la formation des maîtres. La relation à l’ « Autre » concerne mes<br />

travaux, que ce soit directement (cf. Deyrich, 2007b) ou indirectement (cf. Deyrich,<br />

2006). Les questions soulevées sont de plusieurs ordres mais elles suivent trois<br />

orientations principales : les différences entre les langues-cultures (Deyrich & Matas-<br />

Runquist, 2006), celles qui relèvent des mises en relation institutionnelles d’identités et<br />

de cultures professionnelles divergentes (Deyrich, 2004a) et enfin, celles qui touchent à<br />

l’épistémologie de la discipline dans la convocation au sein d’un même domaine de<br />

recherche de disciplines contributoires différentes dont les logiques sont parfois très<br />

éloignées des nôtres (Deyrich, 2003).<br />

a) Vers une éthique de la résonance<br />

A chacun de ces niveaux, le rapport à l’Autre se fonde sur des différences liées à une<br />

culture et à une identité propres au contexte. De ce point de vue, la discussion devrait se<br />

31


focaliser sur la question des prérequis pour que ces mises en relation interculturelles aient<br />

des chances d’être profitables. Dans le domaine des technologies de l’information et de la<br />

communication (désormais TIC), cette question intéresse les chercheurs, en dépit d’une<br />

apparente homogénéisation sur le mode occidental anglo-saxon des attitudes et des<br />

pratiques. Or, comme l’écrit Ess (2006), les enjeux des facteurs interculturels dans les<br />

TIC sont trop souvent analysés au niveau des intérêts économiques pour mettre en<br />

exergue ce qui peut être uniforme. À l’inverse, l’auteur prône une conception globale de<br />

l’éthique dans laquelle les échanges devraient être rendus possibles par une acceptation et<br />

un respect des différences irréductibles entre nos cultures et nos identités – et non pas au<br />

moyen d’une hybridation ou une homogénéisation culturelle mettant l’accent sur des<br />

traits supposés partagés. Dans cette perspective, préserver la pluralité des cultures est un<br />

prérequis pour qu’un dialogue interculturel véritable puisse s’instaurer (Deyrich &<br />

Dyson, 2006). Cela dépasse largement le domaine des TIC. La question de la pluralité<br />

peut contribuer à revoir les différences culturelles qui nous préoccupent dans la<br />

didactique des langues. Encore faut-il s’interroger sur la façon dont nous pouvons nous<br />

engager dans ce dialogue avec l’Autre. Il faut alors poser que nos différences sont<br />

irréductibles mais aussi qu’elles sont porteuses de sens et devraient donc être valorisées<br />

dans ces échanges. Pour que la rencontre de l’Autre s’enrichisse de ces contrastes, Ess<br />

convoque la notion de ‘résonance’, telle qu’elle a été interprétée par le philosophe<br />

comparatiste japonais Kitaro Nishida – une notion qui s’inscrit dans la philosophie<br />

occidentale pour Platon ou Aristote et orientale pour Confucius. Pour Nishida, dans nos<br />

échanges interviennent toujours des ‘opposés absolus’, dès lors que nos identités sont à<br />

préserver en tant qu’irréductiblement distinctes les unes par rapport aux autres. Or, s’il<br />

n’y avait que des différences, les échanges seraient voués à l’échec. C’est donc par la<br />

‘résonance’ des deux points de vue qu’un dialogue peut intervenir :<br />

« But at the same time, this relationship sustains the irreducible differences<br />

required to keep our identities and awareness separate: Even if I know the<br />

thoughts and feelings of the other human being – this is not a simple unification<br />

[Vereinigung] of me with the other human being: my consciousness and the<br />

consciousness of the other must remain absolutely distinct from one another.<br />

What emerges, then, is the conjunction of what appears to be contradictory - i.e.,<br />

connection alongside irreducible difference: The mutual [gegenseitige]<br />

relationship of absolute opposites [Entgegengesetzter] is a resonant [hankyo]<br />

32


meeting or response. … Here we encounter a unity of I and You and at the same<br />

time a real contradiction. 3 »<br />

(Nishida Kitaro Zenshu, 1988ff., Vol. 6, 391f., cité par Elberfeld 2002, 138f.<br />

Traduction de l’allemand à l’anglais par Charles Ess)<br />

La résonance est en quelque sorte la clé des relations entre êtres humains, dans un<br />

pluralisme où les différences sont préservées. Elles sont irréductibles. Poser ainsi la<br />

contradiction fondamentale de la relation avec l’autre pour que des résonances soient<br />

possibles, c’est aussi accepter que la complexité l’emporte sur le pragmatisme. Cette<br />

perspective invite à réviser la façon d’appréhender les différences interculturelles. Ainsi,<br />

l’objectivisation sous-jacente dans la notion de ‘faits culturels’ ne permet pas de rendre<br />

compte de la relativisation nécessaire pour une mise en perspective des systèmes de<br />

représentations culturelles (Deyrich, 2004a). En ce sens, il paraît opportun de convoquer<br />

une « éthique de la résonance », visant à une forme d’harmonie respectueuse du<br />

pluralisme (Resonanz-Ethik Elberfeld 2002, cité par Ess 2006). Une recherche<br />

d’harmonie, nous rappelle Ess, déjà perçue comme nécessaire chez Platon entre les trois<br />

éléments contradictoires du psyche (la raison, l’esprit, les appétits).<br />

Les métaphores de résonance et d’harmonie paraissent éclairantes pour penser les<br />

médiations dans la didactique des langues. Dans cette perspective, l’enseignementapprentissage<br />

de la L2, tout comme la formation des enseignants en L2 supposent des<br />

évolutions et parfois des changements en profondeur : dans un processus de distanciation,<br />

une reconnaissance de l’altérité dans un jeu sur le ‘je’ (Deyrich, 2007b). Enfin, préserver<br />

la diversité culturelle, en particulier la diversité culturelle anglophone devient un enjeu<br />

d’ordre éthique dans chacune des médiations (Deyrich & Dyson, 2006).<br />

b) Dialogues interculturels dans la formation<br />

Tout d'abord, les différences sont inhérentes à la matière, une langue-culture, celle de la<br />

culture des pays anglophones (trop souvent réduite d'ailleurs à la culture britannique)<br />

dans une mise en relation différentielle avec notre propre culture. Comme l’écrivent Cain<br />

et Briane (1996 :7), nous sommes soumis à des schémas de perception et d'interprétation<br />

3<br />

« Mais, de la même manière, cette mise en relation maintient les différences irréductibles nécessaires<br />

pour que nous gardions séparées nos identités et nos consciences : Même si je connais les pensées et les<br />

sentiments d’un autre être humain – il ne s’agit pas d’une simple unification [Vereinigung] de mon être et<br />

d’un autre être humain : la conscience que j’ai de moi doit rester absolument distincte de la conscience<br />

que j’ai de l’autre. Ce qui émerge alors, c’est la conjonction de ce qui est contradictoire en apparence –<br />

i.e., tout à la fois un lien et des différences irréductibles : Cette mise en relation bidirectionnelle<br />

[Gegenseitige] de deux opposés absolus [Entgegensetzer], s’agissant d’une rencontre ou d’une<br />

interaction, est une résonance [hankyo]… Alors, nous faisons l’expérience à la fois de l’unité du Je et du<br />

Vous et de leur contradiction réelle. » (Traduction personnelle).<br />

33


de la culture de l'Autre qui se sont construits dans un contexte qui nous est propre. Ces<br />

schémas échappent à notre contrôle et perturbent notre capacité à relativiser la position de<br />

notre système maternel vis-à-vis du système étranger :<br />

« Prior to implementing a new language curriculum, as required by the<br />

Ministerial directive, the researchers conducted a preliminary survey of the<br />

trainee teachers to ascertain their existing knowledge in the subject area of<br />

English. A lack of competence was observed relating not only to language but<br />

also to cultural understanding. When asked to list cultural themes concerning<br />

English-speaking countries which they thought would be of interest for their<br />

teaching, it was discovered that those most often cited were extremely clichéd and<br />

included such things as the Queen, Christmas and Halloween, and various<br />

culinary eccentricities. 4 » (Deyrich & Dyson, 2006: 105)<br />

D'un point de vue didactique, les différences culturelles sont au cœur des interrogations,<br />

puisque la mise en place d'une compétence culturelle suppose que les représentations de<br />

l’apprenant évoluent pour dépasser le niveau des stéréotypes et pour qu’il y ait une<br />

reconnaissance de l'altérité. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille ignorer, voire<br />

gommer, les écarts entre les systèmes. Apprendre une autre langue reviendrait alors à nier<br />

son propre champ culturel. L’analyse des écarts entre les représentations culturelles est un<br />

point de départ pour un traitement didactique susceptible d’aider l’apprenant à relativiser<br />

sa culture maternelle et à s’intéresser à la culture de l’autre. Il est cependant difficile<br />

d’imaginer que des enseignants qui n’auraient pas eu l’occasion de relativiser leurs<br />

propres représentations pourraient adopter cette démarche avec leurs élèves (Deyrich,<br />

2007b). En ce sens, le recours aux TIC dans le dispositif expérimental mis en place avec<br />

des professeurs des écoles stagiaires (Deyrich et Dyson, 2006) a contribué à cette mise en<br />

perspective, au niveau individuel et dans la confrontation de points de vue occasionnée<br />

par le travail en groupe. Sans reconnaissance de l’altérité, le projet devenait difficilement<br />

réalisable, sans éthique de la résonance, il peinait à quitter les sentiers battus. À l’inverse,<br />

certains enseignants-stagiaires témoignent qu’ils ont su tirer parti de la richesse de ces<br />

écarts :<br />

« I however managed to find lapses of time when I could quench my thirst of<br />

knowledge, Maori, a culture which is filled with knowledge and hidden talents, all<br />

4<br />

« En amont de la mise en place du nouveau programme pour l’enseignement des langues, défini par les<br />

Instructions Officielles, les chercheures ont mené une enquête préliminaire auprès des professeurs<br />

stagiaires pour faire l’état des lieux de leurs connaissances réelles dans le domaine de l’Anglais. Les<br />

insuffisances observées avaient trait non seulement à la langue mais aussi à la compétence culturelle. Ils<br />

avaient à faire une liste, à propos des pays anglophones, de thèmes culturels qu’ils estimer présenter un<br />

intérêt pour leur enseignement ; nous avons découvert que les items récurrents étaient des clichés, tels que<br />

la Reine, Noël, Halloween ou encore diverses excentricités culinaires. » (Traduction personnelle)<br />

34


of which I will of course have the pleasure to unveil during my oral<br />

presentation 5 . » (ibidem : 110)<br />

Il y a non seulement le plaisir de la découverte mais aussi celui de partager le travail de<br />

recherche avec le groupe. Certains enseignants-stagiaires ont utilisé à cet effet la plateforme<br />

mise à leur disposition (ibid.).<br />

3. FORMER À UNE PROFESSION<br />

Il semble tout d'abord utile d'opérer un léger retour en arrière. En effet, lors de la<br />

création des IUFM, l'accent est mis sur la partie universitaire de la formation (Institut<br />

Universitaire) et sur la professionnalisation des enseignants (Formation des Maîtres). Il<br />

s’agit de former un enseignant professionnel (Altet, 1994), un membre d’une<br />

« profession » dans le sens anglo-saxon du terme (learned profession) et non pas lui<br />

donner un métier. Dès lors des savoirs universitaires sont convoqués pour produire,<br />

rationaliser et diffuser :<br />

« [D]es savoirs de haut niveau sur lesquels la profession assoie ses prétentions de<br />

compétences, d’exclusivité et d’autonomie » (Bourdoncle, 1993 : 108).<br />

Le temps s’est écoulé et les réformes de la formation des maîtres en cours nous<br />

interpellent en mettant l’accent sur l’intégration à l’Université, d’une part, et sur<br />

l’accroissement de la formation sur le terrain, d’autre part.<br />

Les questions sur l’articulation entre la recherche universitaire et la formation se posent<br />

encore, même si la forme est nouvelle, eu égard à l’intégration des IUFM dans les<br />

universités. Elles interpellent la didactique de la L2, dans les composantes théoriques,<br />

dans les références, dans les processus à mettre en œuvre et surtout dans les enjeux<br />

propres à cette formation de haut niveau.<br />

3.1. Des savoirs en contexte universitaire<br />

a) Une transversalité déconcertante<br />

Dès lors que nous ne pouvons nous satisfaire d’une simple juxtaposition de savoirs<br />

universitaires et de savoir-faire professionnels, il importe que le volet pratique et le<br />

volet professionnel aillent de pair avec des apports théoriques fondamentaux, de telle<br />

sorte que ces derniers ne soient pas déconnectés des apprentissages visés. Ainsi, dans<br />

5<br />

« Je suis cependant parvenu à trouver des espaces de temps pour assouvir ma soif de connaissance à<br />

propos des Maoris, une culture emplie de savoirs et de talents inconnus et tout cela bien sûr, je le<br />

présenterai avec plaisir dans ma présentation orale. » (Traduction personnelle).<br />

35


l’expérimentation d’une démarche articulant le français et la L2, les professeursstagiaires<br />

qui ont participé à l’innovation ont pu réfléchir sur les apports théoriques<br />

intéressant la didactique de la L2 et du français, préalablement à l’élaboration de<br />

séquences d’enseignement qui en tiraient parti (Deyrich & Olivé, 2004). On observe<br />

cependant que les théories didactiques sont plus volontiers cantonnées à un domaine<br />

général (on parle ainsi de ‘formation transversale’ dans le plan de formation de l’IUFM<br />

de Montpellier). De plus, les apports de la recherche en didactique des langues et<br />

cultures sont encore très faiblement sollicités dans la formation, où ils se limitent le plus<br />

souvent à quelques points de repère, trop souvent statiques, dans les mémoires<br />

professionnels. Il semble alors pertinent de se demander si une meilleure connaissance<br />

des didactiques disciplinaires respectives – dont la didactique de l’anglais – ne<br />

permettrait pas de dépasser une uniformisation généralisante et appauvrissante au profit<br />

d’une théorisation didactique plus novatrice, issue de la recherche.<br />

Par ailleurs, la question des savoirs académiques demeure posée. Ainsi, pour Jobert<br />

(2002), seule une maîtrise d’un savoir spécifique contribue à la « crédibilité du groupe<br />

professionnel », dès lors que ces savoirs spécifiques sont garants de résultats. La<br />

question des savoirs universitaires convoqués a été débattue et elle l’est encore mais<br />

souvent de manière très générale. C’est le cas de Ledrapier (2007), par exemple, qui<br />

distingue trois registres de savoirs : celui de l’analyse réflexive concernant la pratique<br />

professionnelle, pour former un praticien dit « réflexif » (analyse du geste professionnel<br />

sous l’angle de la relation interindividuelle sans prise en compte de la nature des savoirs<br />

en jeu) ; celui des didactiques disciplinaires, qui est centré sur des contenus spécifiques<br />

pour l’enseignement-apprentissage ; enfin celui du « rapport au savoir » (ce qui a trait<br />

au sens de l’école pour les élèves et à l’analyse des pratiques scolaires), qui suppose<br />

ainsi un passage d’un type de savoir : practical knowledge, celui du praticien, à un autre<br />

registre de savoir : technical knowledge, celui du théoricien (cf. Ellis, 1997). Cette<br />

perspective permet d’aller plus loin qu’une approche ‘réflexive’, dans laquelle le point<br />

de départ est l'idée que nous apprenons ‘dans’ l'action et ‘de’ l'action : nous sommes ‘en<br />

conversation’ avec la situation (Schön :1987). Il semble que cette conversation avec soimême<br />

dans une ‘réflexion sur la pratique’ peut tourner au monologue, présentant ainsi<br />

l’écueil d'un fonctionnement en vase clos. En d’autres termes, une interprétation étroite<br />

de l’approche réflexive met moins l’accent sur la réflexion que sur la réflexivité, le<br />

retour sur soi ; c'est, en quelque sorte, une redéfinition de la pratique en tant que théorie,<br />

36


une ‘théorisation de la pratique’. Il semble alors pertinent d’y ajouter, comme le fait<br />

Pastré (2005), le ‘pôle de l'expérience’, c'est-à-dire :<br />

« [T]out ce qu'un sujet a assimilé de par son histoire, mais aussi tout ce qu'il a<br />

acquis de par son appartenance à des groupes professionnels qui ont orienté son<br />

modèle opératif ».<br />

Tenir compte de l’expérience du sujet est en effet important mais cela ne peut suffire<br />

pour ce qui nous concerne : dans l’enseignement de la L2, la formation suppose la prise<br />

en compte de l’expérience de deux sujets en prise avec un objet qui n’est jamais neutre<br />

(Mallet, 2005). Au vécu de l’apprenant dans la L2 vient se surajouter le vécu de<br />

l’enseignant – qui a lui même une histoire dans laquelle il était (et il est toujours)<br />

apprenant. Dans son positionnement par rapport à la L2 et par rapport à l’apprentissage<br />

de la L2, un double mouvement de distanciation et de prise en compte du vécu seraient<br />

en cela constitutifs d’un ‘positionnement didactique’. Je décris ce phénomène dans<br />

Deyrich (à paraître) :<br />

« La didactisation et l’étayage dont il a la charge introduisent ainsi de nouvelles<br />

règles du jeu qui requièrent un recul critique supplémentaire. Celui-ci suppose une<br />

mise en perspective implicite de l’expérience attendue chez l’élève avec sa propre<br />

expérience. La primauté est accordée à la classe des apprenants tout en ne<br />

négligeant pas la part de vécu personnel de l’enseignant. »<br />

Si l’on admet que ce positionnement didactique représente un enjeu dont une formation<br />

responsable ne peut faire l’économie, alors, les dispositifs de formations devraient être<br />

conçus pour favoriser cette forme de distanciation.<br />

b) Une composante théorique parfois contestée<br />

Dans un article intitulé « Les IUFM et la formation des enseignants de langue », Janitza<br />

(1993) répond aux détracteurs des IUFM qui souhaitent qu'il y ait d'un côté une<br />

formation strictement disciplinaire (du ressort de l'université) et, d'autre part, la<br />

formation professionnelle pédagogique :<br />

« Oui, la formation disciplinaire est un préalable ; mais si elle doit aboutir à la<br />

constitution d'un savoir et d'un savoir-faire chez le futur enseignant, ce savoir et<br />

son savoir-faire font partie intégrante de la compétence professionnelle ».<br />

Il est alors absurde d'opposer « théoriciens » et « praticiens ». Janitza reprend ce que dit<br />

Bachelard (1938): on ne peut expliquer le concret que par l'abstrait, pour insister sur<br />

l’intérêt du mémoire professionnel dans la formation. Dans cet écrit professionnel, il ne<br />

s’agit pas de méconnaître la réalité mais d’offrir l’occasion d’amorcer une distanciation<br />

37


et une réflexion par rapport à la pratique. Quinze années se sont écoulées et on observe<br />

que, dans le champ de la didactique des langues, le mémoire professionnel semble avoir<br />

permis cette amorce de distanciation et d’analyse (Lawes : 2004). L’auteure a mené une<br />

étude comparative sur la formation initiale des enseignants en langue en Grande<br />

Bretagne et en France, dans laquelle elle constate que la distanciation théorique qui est<br />

requise pour écrire un mémoire est absente de la formation britannique. Dans le cadre<br />

du PGCE, les lectures théoriques sont avant tout utilitaires ; pour les étudiants, elles ont<br />

pour but la validation de la partie universitaire de leur cours ; pour les concepteurs de<br />

ces cours, elles aident les étudiants à acquérir des bases. Les entretiens qu’elle a menés<br />

montrent d'ailleurs que les étudiants britanniques se focalisent essentiellement sur le<br />

stage de pratique, au détriment de la réflexion théorique. L'auteure observe que la<br />

théorie ne joue pas le même rôle dans le cadre français, l'écriture du mémoire amenant<br />

les stagiaires à une exploration théorique sur des points précis, pour lesquels ils sont en<br />

quête de réponses. Dans les entretiens, ils se montrent satisfaits de la progression<br />

personnelle que ces lectures ont permise et certains signalent l'effet retour positif sur<br />

leur pratique. J’ai ainsi pu constater que les mémoires ont focalisé l’attention sur des<br />

questions émanant du vécu des enseignants (Deyrich, 2007a : 98-107), des questions<br />

parfois formulées de manière nouvelle, comme dans le cas de la démarche<br />

conceptualisatrice, où l’articulation L1-L2 est posée comme préalable (ibidem : 147). Il<br />

arrive que la distanciation critique aille jusqu’à des remises en cause de pratiques<br />

établies, l’analyse des ‘effets indésirables’ du jeu, par exemple (ibid. : 102-103).<br />

c) Références et principes organisateurs<br />

La multiplicité des domaines de référence en didactique des langues incite à explorer la<br />

question des références scientifiques. Elle s’est d’ailleurs posée récemment avec les<br />

réformes du CAPES et des IUFM. Pour Raby & Accardi, (2004) le sujet de la référence<br />

va de pair avec les rapports établis avec les normes ainsi convoquées. Les auteures<br />

estiment que la question comporte deux versants : d’une part des normes savantes<br />

(langagières, culturelles et scientifiques) et, d’autre part, des normes expertes, c’est-àdire<br />

issues, soit des pratiques externes de la classe (pratiques de spécialités, pratiques<br />

conversationnelles, artistiques), soit des pratiques internes à la classe (pratiques<br />

pédagogiques, pratiques didactiques, pratiques d'évaluation).<br />

Il semble que la discussion sur les références intéresse la didactique des langues dès lors<br />

que des directives institutionnelles introduisent des innovations. On observe que c’est le<br />

38


cas pour l’enseignement-apprentissage de la L2 à l’école. Or, étant donné le peu de<br />

recul dont on peut disposer à ce stade, la discipline scolaire n’en étant qu’à ses débuts,<br />

les références disciplinaires sont encore en cours de définition. Dans l’ouvrage que je<br />

consacre à l’enseignement des langues à l’école (Deyrich, 2007a), je constate que la<br />

discipline est en quête d’une identité scolaire plus marquée dans un contexte<br />

institutionnel spécifique (ibidem : 27-52), en fonction de pratiques propres à l’école<br />

primaire (ibid. : 73-94) et pour un public bien particulier, l’enfant étant le ‘principe<br />

organisateur’ (ibid : 95-110). Toutefois, cette identité ne peut se construire<br />

indépendamment des investigations déjà menées (le plus souvent hors du contexte de<br />

l’école), que ce soit au niveau de la définition d’hypothèses théoriques (ibid : 54-56), de<br />

la didactisation (ibid : 60-61), de la méthodologie (ibid: 62-68) ou encore de la mise en<br />

activité dans la L2 (ibid : 69-71). La question des références se trouve ainsi posée sous<br />

un jour nouveau. Dans ce contexte, il est difficile d’envisager que les contenus<br />

d'enseignement en L2 ne seraient que des entités propres au domaine scolaire, des<br />

contenus indépendants (ou presque) de toute réalité culturelle extérieure à l'école<br />

Chervel (2001). La ‘structuration des savoirs’ ne devrait pas pouvoir se faire à l’interne<br />

uniquement, dès lors qu’on admet que la discipline L2 vient seulement d’amorcer son<br />

stade de structuration dans le contexte de l’école. De ce point de vue, l’interpellation de<br />

la didactique est double : une identification des caractéristiques majeures de cette<br />

‘didactique des langues à l’école’ et des recherches portant sur des modes d’intervention<br />

spécifiques (Deyrich, op. cit. : 217). Les expérimentations et innovations montrent à<br />

quel point l’investissement peut être bénéfique, dans un contexte porteur d’innovations,<br />

tant par le public d’apprenants qui a encore la capacité de s’étonner et de nous<br />

surprendre (Tardieu, 2006 ; Voise, 2005), que par la possibilité de travaux moins<br />

contraints que dans le contexte scolaire du secondaire (Deyrich, op. cit. : 155-215).<br />

Posée dans le cadre de la formation des enseignants, la question des références ajoute en<br />

complexité et il semble peu opportun d’y procéder à un autre découpage ou à une<br />

catégorisation. Il paraît alors préférable de poser le problème en termes de ‘ principes<br />

organisateurs’ pour relier les différents aspects relevant de la formation Je considère que<br />

ceux-ci comportent trois dimensions complémentaires : une trame, des médiations, des<br />

positionnements.<br />

Parmi les éléments constitutifs de la trame, je retiens les suivants : la L2 ‘ matière’ et<br />

‘objet-langue-culture’ (cf. Deyrich, 2003 & Deyrich 2005a) ; les apprentissages et les<br />

apprenants (cf. Deyrich, 2007a: 18-26) ; les situations et les artefacts, dont les nouvelles<br />

39


technologies (cf. Deyrich & Dyson, 2006) ; le vécu, les représentations, les affects (cf.<br />

Deyrich, 2007b); les théories sciences de fondement ou domaines contributoires (cf.<br />

Deyrich, 2007a: 118-123 sur les hypothèses théoriques pour étayer une perspective<br />

plurilingue de l’apprentissage ; Deyrich, 2003, pour les apports de la linguistique<br />

énonciative à la démarche conceptualisatrice). L'ordre adopté ici n'est pas hiérarchique :<br />

ce qui importe dans cette trame se joue plutôt au niveau du choix des éléments, des<br />

interconnexions, de la mise en valeur de certains éléments plutôt que d'autres.<br />

La seconde dimension influant sur les principes organisateurs se situe au niveau des<br />

médiations. Elle suppose une intervention enseignante (Deyrich, 2001) qui, dans le cas<br />

du parcours transpositif de la linguistique à une grammaire opératoire se traduit par des<br />

transformations du contenu et de la forme (Deyrich, 2003). Je me suis intéressée aux<br />

médiations d’un point de vue plus global pour l’enseignement des langues à l’école<br />

(Deyrich, 2007a) : elles concernent en particulier des mises en relation, tout d’abord au<br />

niveau des apprentissages (ibidem : 11-14), s'agissant de l'apprentissage d'une langue<br />

dite ‘étrangère’, qui pose des problèmes, parmi lesquels, ceux liés à l'altérité (ibid. :<br />

132-133), aux compétences en jeu (ibid. : 34-35, 46-49), à l'évaluation(ibid. : 44-46),<br />

etc. Ces médiations interrogent aussi les mises en relation entre la L1 et la L2 (ibid. :<br />

118-120), dans les articulations cognitives (ibid. : 120-123), dans le recours à la L1<br />

(ibid. : 129-131) et dans la question du transfert, qui n'est pas toujours envisagé comme<br />

négatif (ibid. : 138-139). Les médiations orientent la réflexion sur toutes les<br />

transformations en jeu pour que l'objet-langue-culture humaine puisse mener une vie<br />

propre à aider l'apprenant dans l'activité langagière (Deyrich, 2005a). Il s'agit des<br />

médiations de la langue – de la linguistique à une grammaire opératoire, par exemple<br />

(Deyrich, 2003) mais il s'agit aussi des dispositifs susceptibles d'être utiles dans<br />

l'apprentissage, comme dans la définition de tâches (Deyrich, soumis à l’éditeur).<br />

Un dernier niveau, celui des positionnements est celui auquel il semble nécessaire<br />

d’accorder la priorité dans la formation des maîtres. Ces positionnements influent sur<br />

les sujets dans leur apprentissage : se positionner demande un réel travail sur les<br />

représentations et suppose la prise en compte d'une multiplicité de paramètres (Deyrich,<br />

2007b). La question du positionnement suscite aussi des interrogations sur l'enseignant<br />

dans sa formation, dans son cadre social, par rapport à une attente sociale, par rapport à<br />

des contenus qu'il est censé transmettre, par rapport à des apprenants qui sont sollicités<br />

intimement par la matière L2 (Asdih &Deyrich : à paraître).<br />

40


3.2. Formation des maîtres distanciations et articulations théoriques<br />

a) Du concours de recrutement à la salle de classe<br />

La définition du cahier des charges de l’enseignant de L2 existe à un premier niveau,<br />

celui des attentes sociales, des compétences censées acquises et des préconisations<br />

institutionnelles. La discussion pourrait intervenir à un deuxième niveau, celui d’un<br />

éventuel apport de la recherche en didactique des langues.<br />

- Qualités attendues chez l’angliciste enseignant<br />

Au sein de la SAES, le débat récent sur l’enseignement de l’anglais à l’école primaire a<br />

fait apparaître une divergence de points de vue, non seulement sur le bien-fondé de cet<br />

enseignement, sur les méthodes employées et les résultats mais, aussi et surtout, sur ce<br />

que l’institution et la société dans son ensemble attendent d’un enseignant en anglais.<br />

L’enquête sur les représentations des professeurs-stagiaires en formation (Deyrich &<br />

Ulrich, 2002) montre le décalage entre l’attente institutionnelle et les présupposés sur<br />

les compétences requises. Poser le problème ainsi revient à opposer des compétences de<br />

deux ordres, les premières étant liées à la ‘spécificité de la matière’, les secondes à la<br />

‘spécificité du métier’ de professeur des écoles (Deyrich, 2007a : 114). Avant de revenir<br />

sur l’articulation de ces compétences, je propose d’opérer un petit détour, dont l’objet<br />

est de montrer que le débat sur les compétences en anglais – sur l’incompétence, pour<br />

être plus exact – ne date pas d’hier.<br />

Dans le soixante-sixième de ses Propos sur l’Éducation, le philosophe Alain (1963 :<br />

145-147) montre à quel point, déjà à l’époque, la question des qualités attendues chez<br />

l’enseignant d’anglais ne pouvait être tranchée de façon irrécusable. Il s’agit du cas d'un<br />

jeune homme ‘très cultivé’ qui passe le concours de recrutement et qui, ayant réussi<br />

l'écrit du ‘plus haut examen’ pour enseigner à des Français la ‘rhétorique anglaise’, se<br />

trouve dans une situation fort difficile à l'oral, n'ayant jamais passé la Manche (ibidem).<br />

On lui conseilla donc de « fréquenter quelques temps les cochers de Londres » (ibid.).<br />

Or, la dimension communicative, pragmatique, la reproduction phonologique de<br />

l'anglais natif n'était pas sa priorité et ce n’était d’ailleurs pas non plus la façon dont il<br />

concevait l'apprentissage d'une langue : « Ce genre de singeries ne lui plut point ; il<br />

laissa la place aux grimaciers » (ibid.). Il avait en effet appris l’anglais pour sa<br />

rhétorique, sa beauté et l'esprit qui l’habite et ne pouvait donc se satisfaire de l’imitation<br />

d'une langue plus ordinaire, qui se caractérise par des sons et des gestes articulatoires et<br />

41


dont l’apprentissage lui aurait demandé un travail de ‘copie’, de ‘singeries’, le situant du<br />

côté de l'animal. Alain (idem) poursuit la description caricaturale des attentes d’une<br />

imitation parfaite tout en en soulignant le danger que cette ‘méthode de singe’ prenne le<br />

pas sur la pensée.<br />

La problématique a évolué depuis mais cette difficulté de la prononciation anglaise<br />

constitue encore un frein ; il semblerait que dans nos représentations cette première<br />

moitié du XXIe siècle, le redoutable [th] relève toujours de la grimace. L'angliciste qui<br />

y parvient spontanément (ou presque) est perçu comme une anomalie par rapport aux<br />

non-anglicistes. Il passe d'une langue à l'autre sans se soucier des grimaces, de<br />

l'étrangeté de la situation pour un observateur (cf. Mallet 2003 ; Deyrich, 2005a). Pour<br />

l’enseignant, c’est une manière qui peut lui sembler naturelle. Il arrive cependant qu'il<br />

dérange et, parfois, le regard extérieur est sévère, comme l’illustre ces remarques :<br />

« [D’]où, de ces produits anglais que nous appelons maîtres d'anglais, une<br />

méthode de traduction dont j'ai observé plus d'une fois les ridicules effets, mais<br />

péremptoire, mais arrogante, mais méprisante, il échangea le pays de la bouche.<br />

Ce genre de travail est étranger à l'esprit... » Alain (op. cit.).<br />

Bien que cette diatribe soit datée, notamment en raison des évolutions (télévision,<br />

voyages, technologies nouvelles) qui rendent l’anglais beaucoup plus accessible à<br />

présent, elle met l’accent sur la difficulté de se positionner dans l’enseignement de la L2<br />

par rapport aux attentes des apprenants et à leurs représentations (2005a). Dans ce<br />

positionnement, l’enseignant est aussi ‘motivateur’ (Deyrich, 2004b).<br />

Enfin, pour revenir à la question de la définition de compétences pour l’enseignant non<br />

spécialiste de l’anglais, un renforcement linguistique et culturel est nécessaire (Deyrich<br />

& Ulrich, 2002 ; Deyrich & Dyson, 2006). Il ne peut cependant suffire, la formation<br />

suppose que l’on vise la jonction de deux spécialisations, l’une liée à la matière et<br />

l’autre au métier (Deyrich, 2007a, 114-115). Dans cette perspective, relier les<br />

apprentissages, notamment les apprentissages langagiers dans une ‘dynamique<br />

plurilingue’ (ibidem : 121-123), devrait d’une part donner du sens à l’intégration de la<br />

L2 à l’école (ibid. : 114) et, d’autre part, faciliter la poursuite de la formation<br />

professionnelle en L2 (Deyrich & Ulrich, 2002). Cette formation gagnerait à prendre<br />

appui sur des dispositifs intégrant les TIC (Deyrich & Dyson, 2006).<br />

- Compétences attendues chez l’enseignant d’anglais ‘professionnel’<br />

42


Chini (2003) signale que la préparation au concours de recrutement est insuffisante pour<br />

une réelle préparation didactique. Elle constate que l’épreuve professionnelle au CAPES<br />

externe n’offre pas les conditions d’un pont entre théorie et pratique, notamment en<br />

raison de l’absence d’une expérience directe assortie d’une réflexion pendant cette<br />

année de formation. En conséquence, les apports sont avant tout théoriques et<br />

conformes à l’attente du concours. J'ai fait partie du jury du concours pendant six<br />

années consécutives pour le PLP2 anglais-lettres et pendant une année pour le CAPES<br />

externe d'anglais et j'ai pu constater au fil des années à quel point les candidats s'étaient<br />

investis dans l'apprentissage de données parfois complexes dans le champ de la<br />

didactique mais j'ai aussi pu regretter que l'épreuve professionnelle les limite à la<br />

superficie des problèmes. On pourrait imaginer qu'une fois le concours réussi, la<br />

formation leur donne enfin les moyens d'une réflexion personnelle en profondeur qui<br />

parte de l'observation du terrain, de leur vécu et du vécu des élèves. Or, la deuxième<br />

année est davantage consacrée à la gestion de l'urgence dans les stages en responsabilité<br />

et aux diverses composantes qui entraînent la validation. Ce décalage entre les<br />

possibilités offertes par la formation et les besoins des enseignants-stagiaires semble<br />

d'autant plus préoccupant que les attentes sont grandes pour ces enseignants, qu'elles<br />

soient sociales ou institutionnelles (Deyrich & Ulrich, 2002).<br />

Un nouveau cahier des charges fixe des compétences détaillées pour les formations<br />

futures. Les nouvelles définitions de contenu et de validation auxquelles les IUFM<br />

viennent de procéder se sont avérées délicates voire frustrantes. Plutôt que de m'y<br />

attarder, il semble préférable d'exposer brièvement les caractéristiques de la mission des<br />

enseignants en langue. Dans les textes officiels, les missions de l'enseignant relèvent de<br />

la responsabilité qu’il exerce : au sein du système éducatif, dans sa classe, et enfin, dans<br />

l'établissement. Bourguignon (2005) montre à travers l'analyse des textes officiels que<br />

cette responsabilité suppose une connaissance de sa discipline et qu’elle implique un<br />

recul épistémologique. Pour Quivy et Tardieu (2002), les qualités attendues relèvent de<br />

la ‘croyance’ et de la ‘technique’. Pour les auteures, il n'y a pas lieu d'opposer la figure<br />

d'un enseignant ‘ charismatique’, qui croit dans le potentiel de l'élève, à celle du parfait<br />

technicien, les deux étant nécessaires. Dans leur perspective, l'enseignant de langue est<br />

donc un technicien pour la « création de situations d'apprentissage et l'application de<br />

théories cognitivistes ». L’enseignant-technicien intervient, en fonction d’hypothèses<br />

théoriques, dans la mise en forme des données (Deyrich, 2001), dans une ‘mise en texte’<br />

des données langagières (Deyrich, 2003), qui donne l’occasion aux apprenants d’avoir<br />

43


prise sur le matériau et d’adopter une attitude positive et conceptualisatrice (Deyrich,<br />

soumis à l’éditeur). Il est aussi ‘ philosophe’ pour Quivy et Tardieu (op. cit.), parce qu'il<br />

s'agit non seulement d'instruire mais également d'éduquer en tenant compte des<br />

dimensions éthiques de l'enseignement. Ces dimensions impliquent la reconnaissance de<br />

l’altérité (Deyrich, 2005a) dans une mise en perspective des représentations<br />

linguistiques et culturelles (Deyrich, 2007b), où la différence est non seulement possible<br />

mais enrichissante parce qu’il y a ‘résonance’ (cf. supra à propos de ce concept). Outre<br />

ces qualités, l'enseignant est aussi un chercheur, puisqu'il doit adopter une attitude<br />

réflexive et distanciée par rapport à son enseignement et par rapport à ce qu'il y a à<br />

connaître dans sa discipline :<br />

« Le savoir est une des conditions de la liberté humaine. Lorsqu'on offre aux<br />

étudiants la possibilité d'accès à un cadre théorique construit, on leur donne les<br />

moyens d'accéder à la liberté et à la pensée d'action. En effet, s'ils sont rendus<br />

capables d'analyser de recul, ils seront capables d'agir en professionnels dans tous<br />

les contextes d'enseignement auquel ils seront confrontés. Le clonage suscité par<br />

la connaissance transmise interdit une telle souplesse. » (M.F. Narcy Combes,<br />

2005 : 15)<br />

En ce sens, priver les futurs enseignants d'une formation substantielle leur ôte les<br />

moyens d'accéder à une liberté de pensée et d'action dont ils ont besoin pour se<br />

construire comme ‘sujets-enseignants’ et comme acteurs dans leur propre vie<br />

professionnelle. Cependant, pour que cette liberté soit constitutive de la formation, les<br />

dispositifs devraient pouvoir contribuer à une plus grande prise en charge du processus<br />

de formation par les professeurs-stagiaires (Deyrich, 2007b).<br />

b) une formation « responsable »<br />

- Responsabilité et recherche didactique dans la formation<br />

La question de la responsabilité se pose tout d’abord au niveau épistémologique (J.P.<br />

Narcy-Combes, 2005). Pour le chercheur-didacticien, la responsabilité s’exerce non<br />

seulement sur les contenus mais aussi sur leur légitimité ou leur intégrité (Martinand,<br />

1994 : 255). Pour le chercheur-didacticien-formateur, la recherche devrait pouvoir jouer<br />

un rôle important pour qu’il soit à même d’aider les enseignants à agir efficacement et<br />

de façon plus sereine dans leur enseignement, en fonction des avancées de la recherche<br />

(Deyrich & Olivé, 2004). Dans cette perspective, les enseignants sont amenés à adopter<br />

des stratégies ‘informées’ par la didactique de la L2 (Deyrich, 2007a, 53-58).<br />

44


Pour ce faire, la didactique de l’anglais devrait se voir accorder une place de choix dans<br />

la formation des maîtres en anglais, une didactique entendue comme discipline<br />

scientifique, c’est-à-dire un domaine de recherche. Or, le mot ‘didactique’ est parfois<br />

galvaudé dans la formation, où il correspond, tantôt à l’exégèse des programmes et<br />

instructions par un inspecteur, tantôt à la méthodologie d’un cours donnée par un<br />

enseignant-expert (conseiller pédagogique ou formateur). Or, la didactique est un<br />

domaine de recherche scientifique qui regroupe plusieurs communautés de chercheurs<br />

français et étrangers produisant des travaux scientifiques qui peuvent permettre à la<br />

formation de dépasser les consignes et conseils, au profit d’une formation universitaire à<br />

la fois académique et centrée sur les problèmes réels suscités par l’enseignement, une<br />

formation avec et par la recherche et que je qualifie de ‘responsable’. À titre d'exemple,<br />

une formation d'enseignants en langue étrangère ou régionale devrait pouvoir aider les<br />

enseignants à réfléchir sur ce que l'on sait de l'apprentissage d'une langue, non pas de<br />

manière isolée mais en relation avec la langue maternelle et les autres apprentissages, en<br />

particulier lorsque cette formation intervient pour les enseignants du primaire (idem :<br />

127-140). De façon plus générale, l'articulation entre théorie et pratique, qui est<br />

d’ailleurs devenue un leitmotiv en formation des enseignants, n’a aucune signification<br />

s’il n’y a pas un projet d’ensemble de cette formation (Deyrich, 2005b et Deyrich,<br />

2007b).<br />

- Une démarche « responsabilisante »<br />

L’articulation théorique présente l’intérêt de montrer que la pratique scolaire ne se<br />

limite pas au compagnonnage et à l’application de techniques. Elle suppose une<br />

médiation engagée des chercheurs investis dans la formation des maîtres. En effet, pour<br />

les stagiaires en formation, il ne peut s’agir de données vagues – aussi théoriquement<br />

pertinentes soient-elles – dès lors que l’on espère qu’ils en tirent un quelconque profit.<br />

Je considère donc que cette articulation doit être interrogée pour dégager des<br />

orientations prioritaires. (cf. Deyrich, 2007a, 53-54). Celles-ci engagent alors la<br />

recherche à deux niveaux : celui des hypothèses théoriques et celui de la méthodologie.<br />

L’exercice est difficile parce que le chercheur-formateur se trouve dans une situation où<br />

il doit transposer, non pas pour sa propre recherche, mais pour engager des enseignantsstagiaires<br />

sur le chemin d’une recherche didactique personnelle, susceptible de leur être<br />

un peu utile à court et moyen terme (et si tel n’est pas le cas, sa crédibilité est fortement<br />

entamée). Cette démarche se veut donc ‘responsable’ et ‘responsabilisante.’ Elle est<br />

45


heuristique (le départ de la réflexion émane du terrain d’observation) mais elle s’appuie<br />

aussi sur ce qui semble nécessaire, voire incontournable dans le domaine théorique. Elle<br />

est aussi frustrante parce qu’il faut admettre que cette formation sera toujours partielle –<br />

une formation tout au long de la vie – et elle demandera d’opérer des choix (donc de<br />

remettre à plus tard ou d’abandonner).<br />

Un point particulièrement sensible de la démarche est la simplification didactique.<br />

J’avais déjà abordé la question dans ma thèse à propos de la simplification de données<br />

complexes dans les stratégies didactiques, en particulier pour la métalangue et j’en avais<br />

déduit que cette simplification ne pouvait en aucun cas être ‘simplifiante’ (Deyrich,<br />

2000). Or, bien que dans la formation les données du problème ne soient pas les mêmes,<br />

la simplification n’a pas le droit d’être simplifiante, puisqu’elle devrait donner à<br />

l’enseignant les moyens d’approfondir sa réflexion, un enseignant ayant sa part de<br />

responsabilité dans sa propre formation (Deyrich, 2005b). Cette démarche n’est pas<br />

utopique car elle intervient déjà dans le cadre du mémoire professionnel, où on observe<br />

que les enseignants-stagiaires vont souvent très loin dans la réflexion qu’ils mènent sur<br />

des points qui les préoccupent. Ils ne pourront pas régler tous les problèmes dans<br />

l’horaire de formation très réduit alloué à la didactique de l’anglais. C’est pourquoi un<br />

cadre méthodologique reproductible part de priorités. J’ai examiné cette question pour<br />

la formation des enseignants en langue à l’école primaire pour lesquels j’ai proposé<br />

l’adoption d’une démarche exploratoire que je reprends ci-après :<br />

« Adopter une stratégie d’enseignement suppose la prise en compte d’un certain<br />

nombre de paramètres dans une perspective qui devrait pouvoir comporter les<br />

étapes suivantes :<br />

(1) Le point de départ de la réflexion se situe dans la situation (institutionnelle<br />

pour ce qui nous concerne).<br />

(2) La réalité du groupe classe (contexte) est analysée.<br />

(3) C’est en fonction des données du problème que les théories didactiques sont<br />

alors interrogées et que leurs apports potentiels sont examinés.<br />

(4) Des décisions sont prises (pour tirer au mieux parti de cet enseignement).<br />

(5) Elles servent de point d’appui pour élaborer des dispositifs d’enseignementapprentissage<br />

(adaptés au contexte).<br />

(6) Ces dispositifs sont mis à l’épreuve du terrain.<br />

(7) Ils font l’objet d’une analyse et d’un bilan.<br />

(8) Ces éléments sont réinvestis (retour au point 1). » (Deyrich, 2007a : 54)<br />

Ce cadre a été expérimenté dans la formation des professeurs des écoles et il a donné<br />

lieu à des travaux professionnels (mémoires et dossiers de formation) qui témoignent<br />

d’un approfondissement de la réflexion. Ainsi, à propos de l’évaluation à l’école, censée<br />

46


être « positive », la démarche a été adoptée dans son ensemble et il semble que la<br />

réflexion ait évolué, en particulier sur la façon d’articuler la programmation d’activités<br />

et l’évaluation ainsi que sur les traces de cette évaluation pour les enfants et les familles.<br />

Ces enseignants semblent avoir été sensibilisés au fait que le détour théorique ne donne<br />

pas de solution clé-en-main mais un éclairage utile sur les problèmes posés qui sont<br />

ainsi mis en perspective avec des problèmes similaires : il serait illusoire d’imaginer que<br />

ces problèmes se posent pour la première fois.<br />

En résumé, cette démarche est assez proche de la recherche-action (Narcy-Combes,<br />

M.F. 2005) et elle peut ainsi s’attacher à interroger des questions à toute petite échelle.<br />

Elle offre l’avantage de responsabiliser l’enseignant dans une articulation pratiquethéorie-pratique,<br />

où la théorie est sollicitée au service de la pratique. Dès lors, il ne<br />

s’agit pas d’appliquer des prescriptions mais d’interroger les possibles, de dégager des<br />

priorités et de tester la validité d’hypothèses susceptibles d’apporter des éléments de<br />

réponse.<br />

c) Des hypothèses didactiques à mettre en perspective<br />

La réflexion didactique est très riche, en raison des évolutions qu’elle a subies au fil du<br />

temps. Elles ont donné lieu à des prises de position qui dénotent des points de vue<br />

différents sur les questions de l’apprentissage et de la matière L2. Or, les théories des<br />

didacticiens de la L2 sont fondées sur des hypothèses et ne sont donc pas directement<br />

applicables, bien qu’elles aient été expérimentées. Leur rôle est d’aider à donner une<br />

orientation générale cohérente au travail pédagogique, en fonction d’une sélection de<br />

principes qui semblent plus pertinents que d’autres.<br />

- Vers une articulation pratique-théorie-pratique<br />

J’ai proposé un parcours d’hypothèses théoriques (Deyrich, 2007a : 54-57). Le but est<br />

informatif mais je voulais aussi montrer comment ces hypothèses se font écho (ibidem),<br />

comment le fait de tester une hypothèse plutôt qu’une autre correspond à un<br />

positionnement théorique et devrait ainsi avoir un impact sur la pratique (ibid.). Pour<br />

que la démarche ne soit pas perçue comme abstraite, je suis partie d’interrogations<br />

d’enseignants-stagiaires (relevées dans le cadre de la formation, tant pour<br />

l’enseignement primaire que secondaire). Une première question relevant de la théorie<br />

concerne les données à introduire (ibid. : 55). Considérer que ces données ont un rôle à<br />

jouer dans l’apprentissage est déjà un positionnement, en opposition avec l’« innéisme »<br />

47


qui postulerait une homothétie entre les apprentissages langagiers de la L1 et de la L2.<br />

La question des données à introduire convoque les hypothèses théoriques développées<br />

par Krashen (1985), selon lesquelles l’apprentissage n’interviendrait que si un certain<br />

nombre de conditions étaient remplies. En premier lieu, l’input (c'est-à-dire les données<br />

et les informations dans la langue reçues par les élèves) doit être « optimal », intéressant<br />

et « compréhensible ». Il est approprié aux besoins de l’élève tout en allant au-delà du<br />

niveau de compétence. Pour ce faire, un input idéal se trouve juste au-dessus de ce que<br />

peut produire l’apprenant (i) ; grâce à cet input, l’apprenant est amené à passer de (i) à<br />

un niveau supérieur qui est (i)+1, selon un ordre qu’il qualifie de « naturel ». Enfin, cet<br />

input ne doit pas être présenté sous forme de séquences grammaticales. Ce<br />

positionnement va à l’encontre d’un enseignement de règles explicites, parce que, de ce<br />

point de vue l'apprentissage résulterait de la communication proprement dite et se<br />

réaliserait de façon implicite et non pas par un apprentissage de grammaire et de règles.<br />

Dans cette perspective, on pourrait envisager que tout l’apprentissage serait alors<br />

inconscient (Deyrich, 2007a : 55). Pour engager le débat, il est intéressant de convoquer<br />

le modèle de compétences variables développé par Bialystok, Ellis et Tarone (cf.<br />

Larsen-Freeman et Long, 1997). La perspective est différente puisque l'apprentissage de<br />

la L2 découlerait de l’interaction, d’une part, de processus inconscients et, d’autre part,<br />

de processus conscients et analytiques. Si l’on adopte ce point de vue, il y aurait des<br />

étapes dans l’apprentissage, puisque l'apprenant devrait dans un premier temps être<br />

amené à parler la langue de façon spontanée et sans connaissance préalable des<br />

structures grammaticales et syntaxiques (Deyrich, op. cit). Ce n’est qu'après avoir<br />

travaillé sur les formes, dans un deuxième temps qu'il appliquerait consciemment des<br />

règles et des structures. Ce n’est que dans un troisième temps que ce travail permettrait<br />

à l’apprenant de comprendre les énoncés qu’il avait formulés avant cet apprentissage.<br />

Parmi les autres questions mises en perspective, celles relatives au bien fondé de la<br />

répétition par exemple qui n’est plus du domaine du tabou (Gaonac’h, 2006) font écho<br />

au débat sur l’automatisation (Anderson, 1983), par opposition à l’acquisition<br />

d’automatisme (Logan, 1988). La répétition fait partie de la panoplie des stratégies<br />

mises en œuvre (Hilton, 2005 ; Deyrich, op. cit. : 87) mais ce n’est qu’un moyen, parmi<br />

d’autres (Deyrich, idem. : 55). Elle nous renvoie aussi à des interrogations sur la<br />

mémorisation (ibidem : 56) et à la nécessité d’un traitement en profondeur pour une<br />

mémorisation à long terme (Craik et Lockhart :1972).<br />

48


En résumé, c’est la mise en perspective des hypothèses théoriques qui offre la<br />

possibilité de formuler un certain nombre de principes (Deyrich, op. cit : 56) sur<br />

lesquels les stratégies d’enseignement-apprentissage peuvent s'appuyer pour une mise<br />

en forme de l’input en fonction d’une situation donnée (ibidem : 57).<br />

- Énonciation et didactique de l’anglais<br />

Une autre hypothèse concerne l’utilité d’un domaine scientifique de référence pour<br />

mieux comprendre et intervenir sur certains aspects de la didactique de l’anglais<br />

(Deyrich, 2003). De ce point de vue, s’intéresser à la linguistique, est nécessaire pour<br />

mieux comprendre ce qu’on observe à la surface de la langue et proposer ainsi des<br />

pratiques en harmonie avec ce qu’on croit savoir de la nature du langage (Osborne,<br />

1999). L’énonciation est sollicitée dans la didactique de l’anglais et, plus<br />

particulièrement, de la Théorie des Opérations Énonciatives (TOE) d’Antoine Culioli,<br />

parce qu’elle permet une focalisation sur l’activité du sujet en relation avec l’activité<br />

(Chini, 2003). Les motivations de ce choix ont d’abord trait à la logique<br />

d’apprentissage : dans Deyrich, 2001, j’écrivais qu’il fallait une description linguistique<br />

de la langue à la fois fiable et utile à l’apprentissage pour que le savoir linguistique<br />

puisse intéresser la didactique de l’anglais. Je relevais alors deux aspects susceptibles de<br />

permettre un appui sur l’apport théorique de la TOE dans une logique d’apprentissage :<br />

la mise en relation constante de la forme et du sens (dans les opérations langagières) et<br />

l’ancrage de la réflexion au niveau des représentations métalinguistiques (ibidem).<br />

L’appui sur le modèle explicatif implique des choix et des infléchissements qui se<br />

fondent strictement sur leur utilité pour l’efficacité de l’apprentissage (Bailly 1997 : 30-<br />

31). À ce propos, dans Deyrich, 2001, je cite Culioli (1979 : 209) :<br />

« Linguistics should essentially be behind the teacher, not in front of the class ».<br />

En effet, la linguistique est bien présente mais en arrière plan, dans une position<br />

‘médiate’ (cf. infra, deuxième partie), en particulier pour aider les apprenants à<br />

découvrir la logique d’un autre système de représentations (Deyrich, 2007a : 146). La<br />

démarche conceptualisatrice (Bailly, 1998) peut faciliter ce travail sur les<br />

représentations, si elle est intégrée au travail langagier en situation (Deyrich, op. cit. :<br />

71). Cependant, dans ce guidage de l’épilinguistique (inconscient) au métalinguistique<br />

(conscient) qui vise la construction d’une image plus juste du système (ibidem : 147), ce<br />

n’est pas le savoir linguistique qui intervient :<br />

« En conséquence, des transformations radicales doivent intervenir, depuis<br />

49


l’introduction d’éléments explicatifs du domaine des savoirs de référence jusqu’à<br />

la mise en œuvre d’explications qui soient adaptées aux besoins et intégrées dans<br />

des dispositifs concourant à l’acquisition de savoir-faire langagiers. » (Deyrich,<br />

2001)<br />

Dans mon interprétation du processus transpositif pour les hypothèses explicatives de la<br />

linguistique, le savoir devient ‘objet’ du travail didactique (Deyrich, 2003) pour une<br />

conception d’un appareil explicatif susceptible d’aider l’apprenant dans sa réflexion<br />

métalinguistique. Le cheminement attendu commence par l’observable, par la surface,<br />

pour interroger ensuite les marques, les mettre en perspective avec la situation et<br />

l’ensemble du système. (ibidem). À titre d’exemple, j’ai montré à propos de la modalité<br />

comment un système explicatif élaboré avec les étudiants acquiert une logique qui lui<br />

est propre (ibid : schémas en annexe). De tels mini-systèmes n’ont pas vocation<br />

scientifique mais ils sont susceptibles d’aider les apprenants à adopter une position<br />

distanciée.<br />

Le processus transpositif ainsi décrit intervenait dans un cadre restreint, s’agissant d’un<br />

dispositif expérimental. Les transpositions et les médiations intervenaient en fonction du<br />

repérage et de l’analyse d’articulations stratégiques (cf. Deyrich, 2001 pour le détail de<br />

ces différentes phases). Je m’intéressais alors à l’enseignant de spécialité et j’écrivais<br />

qu’il avait la possibilité d’être un « transposeur » professionnel prenant en charge la<br />

totalité du processus, l’ensemble des médiations (ibidem). Ce point de vue paraît<br />

exagéré aujourd’hui parce qu’il implique non seulement que les enseignants aient eu des<br />

cours de linguistique énonciative dans leur cursus mais aussi qu’ils aient déjà réfléchi à<br />

leur niveau sur ce qui fait système dans la langue anglaise et dans leur propre langue,<br />

dans une logique d’enseignement-apprentissage. Il n’est cependant pas utopique<br />

d’imaginer que la formation pourrait les aider à adopter une démarche<br />

conceptualisatrice et à progresser ainsi dans la réflexion métalinguistique pour une mise<br />

en place progressive de représentations moins ‘nativisées’ (cf. Andersen 1983 ;<br />

Schumann 1986 ; cités par J.P. Narcy-Combes, 2005). Cette démarche est possible en<br />

formation mais seulement sur une sélection de ‘faits de langue’ qu’il reste encore à<br />

définir (cf. Deyrich, 2007a : 152-153).<br />

L’apport théorique de la linguistique énonciative intervient dans la formation à un autre<br />

niveau, s’agissant de l’investigation fine des situations d’enseignement-apprentissage. Il<br />

s’agit alors de prendre appui sur des marques pour tenter de ‘reconstruire’ des<br />

motivations plus profondes, d’aller à l’implicite dans des situations parfois difficiles à<br />

50


analyser, comme dans le cas des débuts de cours (Deyrich, 2006 ; Asdih & Deyrich, à<br />

paraître). Un projet est actuellement à l’étude examiner comment ce travail de<br />

distanciation, fondé sur le grain fin d’analyse que permet la linguistique énonciative,<br />

pourrait intervenir dans la formation. Ce sera l’objet d’une journée d’étude inter-IUFM<br />

en juin 2008.<br />

CONCLUSION<br />

Dans cette première partie, j’ai jeté un regard rétrospectif sur mon parcours de recherche<br />

pour examiner comment, dans le cadre fortement prescriptif de l’enseignementapprentissage<br />

de l’anglais L2, des questions ont émergé, à partir des besoins recensés à<br />

ce niveau ainsi qu’à celui de la formation des maîtres. De ce point de vue, mes travaux<br />

ont d’emblée dû faire la part des choses entre engagement et distanciation, pour que la<br />

sollicitation d’hypothèses théoriques ne soit pas déconnectée des difficultés réelles<br />

rencontrées sur le terrain. Mon positionnement dans une recherche en sciences<br />

humaines procède d’une forme d’engagement qui est devenu une condition nécessaire,<br />

eu égard à la spécificité des relations que le sujets entretiennent avec la ‘matière’ L2 et<br />

au caractère pluridisciplinaire des interrogations qui en découlent. Il ne s’agit cependant<br />

pas d’un positionnement confortable parce que les questions sont ancrées dans le vécu<br />

et qu’elles incitent à une exploration d’articulations scientifiques pour une meilleure<br />

connaissance des problèmes soulevés. J’ai, en particulier, mis l’accent sur la<br />

coordination méthodologique et conceptuelle sur laquelle se fondent les travaux menés<br />

en collaboration avec des chercheurs d’autres domaines et sur la dimension<br />

transpositive et intégrative qui prévaut pour l’élaboration de dispositifs de recherche.<br />

Dans ces mises en perspectives interdisciplinaires et interculturelles pour les travaux de<br />

recherche, j’ai proposé une réflexion sur la notion de ‘résonance’ pour une relation<br />

dialogique qui prenne en compte et s’enrichisse de la différence de l’autre. De la même<br />

façon, dans le contexte de la formation, j’ai avancé que la différenciation et le recul<br />

critique devraient être sollicités pour une formation ‘responsable’ et ‘responsabilisante’.<br />

Enfin, j’ai proposé une discussion sur les hypothèses didactiques qui pourraient soustendre<br />

une articulation ‘pratique-théorie-pratique’ pour un positionnement de recherche<br />

dans et sur la formation.<br />

51


<strong>DEUX</strong>IÈME PARTIE<br />

SUJ<strong>ET</strong>(S) <strong>ET</strong> LANGUE(S) AU CŒUR DES MEDIATIONS<br />

Dans l’enseignement et la formation, il y a un ensemble de mises en relation de<br />

l’anglais langue et culture dites ‘étrangères’ (L2 et C2) par rapport à une langue et une<br />

culture sources (L1 et C1) avec des sujets enseignants et apprenants (Deyrich, 2007b).<br />

Or, tous sont impliqués, pour les travaux auxquels je me réfère, dans une situation<br />

institutionnelle hors immersion. De plus, la situation d’enseignement-apprentissage se<br />

caractérise par une interaction des sujets avec la L2 6 qui se fonde sur un input qui n’est<br />

en rien une donnée ‘naturelle’, puisqu’il résulte d’une mise en forme (aussi infime soitelle)<br />

de données langagières et culturelles (Deyrich, 2007a : 53-72). Elles sont censées<br />

intervenir positivement dans des dispositifs – c’est-à-dire, si l’on adopte une perspective<br />

socioconstructiviste, des données susceptibles de contribuer à une construction<br />

collaborative et individuelle de compétences langagières et culturelles (savoir, savoirfaire,<br />

savoir-être). La L2 n’est donc pas envisagée ici comme une ‘langue’ au sens<br />

commun du terme mais comme un ‘objet’ construit, un ‘objet-langue’ (Dabène, 1995)<br />

un ‘objet-langue-culture’ (cf. Deyrich, 2005a). Or la construction de cet objet interpelle<br />

une multitude de domaines, que ce soit pour la description scientifique de la langue et<br />

de la culture de référence, pour les théories relatives à l’apprentissage, ou encore dans<br />

l’élaboration de tâches données aux élèves (Deyrich, 2007a : 11-18).<br />

Les processus à l’œuvre sont complexes et les interrogations dépassent la définition<br />

d’une simple ‘matière’ d’enseignement-apprentissage. Elles vont aussi au-delà des<br />

questions fondamentales relatives à l’input et à son traitement, parce que, dans toutes les<br />

situations d’enseignement-apprentissage, il y a des sujets impliqués (ibidem : 11), non<br />

seulement dans le rôle qui est le leur, mais aussi en tant que sujets engagés<br />

personnellement dans une relation différentielle entre deux ou plusieurs langues (ibid. :<br />

43-44). Deux aspects se côtoient ainsi dans le la situation d’enseignement-apprentissage<br />

en L2 : d’une part une activité langagière et son traitement dans les processus<br />

d’acquisition et, d’autre part, des ‘langues’, au sens plein et symbolique du terme, ou,<br />

6<br />

Pour simplifier, j’emploie L2 en tant qu’hyperonyme de L2 et C2.<br />

52


plus exactement, les représentations et les positionnements que les acteurs ont par<br />

rapport à ces langues (Deyrich, 2007b). Un système de repérage suppose en effet un<br />

point d’origine : c’est celui des acteurs pour lesquels la L2 appartient à un autre univers<br />

langagier. Leur positionnement par rapport à la L2 intervient dans une mise en relation<br />

entre la langue maternelle et la/les langue(s) apprise(s), la notion d’étrangeté ne se<br />

justifiant alors que si on considère le point de vue des individus, puisqu’une langue ne<br />

peut être ‘étrangère’ en soi (cf. infra).<br />

Les sujets impliqués dans l'enseignement apprentissage de la L2 agissent ‘avec’ et ‘sur’<br />

cette langue. Pour l'institution il s'agit de rendre cette langue ‘enseignable et apprenable’<br />

(cf. première partie) ; l'enseignant, quant à lui, la transforme au moyen de didactisations<br />

pour rendre l'apprenant actif dans la langue (Deyrich, soumis à l’éditeur) ; l'apprenant se<br />

livre à des activités dans la langue qui sont censées l'aider à progresser dans la maîtrise<br />

de cette langue (Deyrich, 2007a : schéma de la page 63). Il convient cependant de<br />

préciser que ce cheminement n'est pas aussi simple qu'il pourrait paraître et il suppose<br />

un changement de perspective et des modifications en profondeur (Deyrich, 2003).<br />

Dans ma thèse de doctorat, j'ai étudié le parcours transpositif, de la linguistique à une<br />

grammaire opératoire visant la maîtrise des savoir-faire en anglais et j'ai pu observer à<br />

quel point le phénomène est complexe (Deyrich, 2000). Dans la suite de mes travaux,<br />

j'ai approfondi la question du parcours et des transformations sur plusieurs points : les<br />

savoir et savoir-faire langagiers, le choix des contenus d'enseignement apprentissage, la<br />

mise en forme et les simplifications didactiques (Deyrich, 2001), l'activité dans la<br />

langue et l'activité sur la langue (Deyrich, 2003), ainsi que le rôle de la réflexion<br />

métalinguistique (Deyrich, 2007a : 70-72). Dans ce parcours transpositif, interviennent<br />

systématiquement des médiations (Deyrich, 2001) qui varient en fonction de la<br />

situation, du « sujet médiateur », du public cible, des supports,...<br />

C'est donc sur ces médiations et sur ce qui les caractérise que je vais me pencher ciaprès,<br />

d'abord d'un point de vue descriptif pour tenter d'appréhender comment elles<br />

interviennent sur la langue dans l'enseignement de la formation, ensuite, dans les<br />

relations intersubjectives et affectives qui sont sous-jacentes dans les apprentissages<br />

langagiers, enfin, dans tout le travail de didactisation.<br />

53


1. LES SUJ<strong>ET</strong>S DANS LES MEDIATIONS LANGAGIERES<br />

1.1. Une « étrangeté » relative<br />

a) Dans la catégorisation des langues<br />

Par convention, la L2 est envisagée dans son rapport avec la L1, langue première qui, en<br />

situation d’enseignement-apprentissage, est la langue de la classe, c’est-à-dire pour ce<br />

qui nous concerne, le français langue de l’école (Deyrich & Olivé, 2004), qu’il ne faut<br />

pas confondre avec la langue maternelle (LM), cette dernière n’étant pas<br />

systématiquement commune avec la L1 pour tous les élèves. On parle parfois aussi de<br />

langue source et de langue-cible (Quivy & Tardieu, 2002, 2005 : 194) mettant ainsi<br />

l’accent sur le point de départ et sur le résultat à atteindre. Castelotti (2005 : 27)<br />

présente un éventail de ces dénominations et des enjeux sous-jacents pour la<br />

sociolinguistique (représentations sur la proximité des langues) et pour la didactique des<br />

langues (représentations sur l’apprentissage de la L2). Elle souligne l’ambiguïté des<br />

catégorisations : une continuité linéaire (langue source-langue cible), un conflit entre<br />

une langue représentée comme ‘naturelle’, celle de la mère et une langue ‘conceptuelle’,<br />

celle de l’école, des facteurs psycho affectifs, identitaires, etc. Les appellations ‘langue<br />

vivante étrangère’ et ‘langue vivante étrangère ou régionale’ ne revêtent aucun caractère<br />

scientifique mais perdurent néanmoins, notamment dans les programmes et instructions<br />

(Deyrich, 2007a : 37-50). Dans l’apprentissage en milieu institutionnel où je me situe,<br />

l’appellation L2 ne peut être confondue avec la ‘langue seconde’ qui est acquise en<br />

immersion, en milieu parfois qualifié de ‘naturel’ (ibidem : 13-14). La différence est<br />

qualitative et quantitative. Dans la langue seconde, l’interaction langagière se<br />

caractérise en général par son côté aléatoire et immédiat et par son absence d’orientation<br />

à plus long terme et où l’on se situe toujours dans des contextes particuliers pour<br />

répondre à des besoins bien précis (ibidem : 57). Dans le cas de la L2, la perspective est<br />

didactique : l’action langagière est envisagée aussi bien pour le long terme que pour le<br />

court terme (Bailly 1997) et l’objet-langue est préconstruit (Dabène, 1995) pour les<br />

besoins de l’apprentissage. Interviennent ainsi les questions liées au travail prépédagogique<br />

(Deyrich, op. cit. : 57-58), et au parcours transpositif (idem : 59-60) pour<br />

une mise en activité dans la L2 (ibidem : 69-71).<br />

La L2 est dite langue ‘étrangère’. Or, une langue n’est pas ‘étrangère’ en soi ; elle l’est à<br />

partir du moment où l’on se positionne par rapport à cette langue qui n’est pas sienne,<br />

54


qui appartient à un autre univers langagier. Pour Mallet (2005), une langue ne peut être<br />

étrangère que d’un point de vue existentiel, le parti pris sur la langue étant celui du<br />

sujet. En ce sens, l’expression ‘langue étrangère’ marque bien le positionnement qui est<br />

sous-jacent (cf. Deyrich, 2005a ; Deyrich, 2007b). C’est une façon de porter un regard<br />

distancié sur une langue (Lahire, 2001) : la L1 est le point d’ancrage fondamental et<br />

c’est à partir de ce point que nous dirigeons le regard vers tout ce qui n’est pas L1 et qui<br />

prend, par conséquent, le statut d’‘étranger’, tant dans la langue que dans la culture<br />

(Deyrich, op.cit.).<br />

Notre regard est ainsi en quelque sorte ‘formaté’ en fonction du vécu dans la L1 qui est<br />

la nôtre (ibidem.). Cet aspect concerne la notion d’ego langagier, sur laquelle je<br />

reviendrai ci-après. D’ores et déjà, il convient cependant de moduler la notion de vécu.<br />

Tout d’abord parce que l’apprentissage de la L2 n’est pas comparable avec ce qui a été<br />

vécu dans l’apprentissage de la L1, notamment parce qu’il n’a rien de « naturel » –<br />

l’expression « bain de langue » est d’ailleurs en cela trompeuse (Deyrich, 2007a : 20).<br />

Ensuite, la notion de vécu varie selon les individus : il est fréquent que des élèves ayant<br />

des difficultés dans la L1 (il s’agit parfois d’élèves en échec scolaire) se trouvent plus à<br />

l’aise dans la L2 (ibidem : 75). Enfin, non seulement l’étrangeté de la langue est le<br />

résultat du positionnement d’un individu ou d’un groupe d’individus mais il est aussi<br />

intéressant de noter que cette notion est aussi variable et évolutive : certaines langues<br />

apparaissent plus étrangères que d’autres en fonction du sujet, de facteurs historiques ou<br />

géographiques (ibid. : 125-126).<br />

b) Dans les notions d’étrangeté et altérité<br />

Le rôle que cette langue ‘étrangère’ joue dans l'histoire d'un individu influe sur sa façon<br />

d'appréhender l'étrangeté de cette langue (cf. Deyrich & Ulrich, 2002 ; Deyrich, 2007b).<br />

- Entre fascination et inquiétude<br />

Dans le cas de l'anglais, langue étrangère, un enseignant angliciste aura a priori été<br />

attiré par l'étrangeté de cette langue, ne serait-ce que pour y avoir consacré le temps de<br />

ses études. Pour lui, l'étranger anglophone appartient au domaine de l'étrange mais d'un<br />

étrange qu'il a envie de connaître et qui, progressivement, lui devient familier. Ce point<br />

de vue n'est cependant pas partagé par tous (cf. Deyrich & Ulrich, 2002).<br />

55


Le tout début de la présentation du XLVI Congrès de la SAES Nantes en mai 2006 et<br />

intitulé « L'étrange/étranger » traduit bien ces différences de positionnement :<br />

« Tel un ricochet langagier, “l’étrange/étranger” introduit une double<br />

interrogation, celle de l’étrange, source de fascination et aussi d’inquiétude, et<br />

celle de l’étranger, individu ou territoire, tantôt attirant, tantôt menaçant. »<br />

Fascination et attirance pour certains, inquiétude et menace pour d'autres. Pour un<br />

étudiant non spécialiste de l'anglais (c'est-à-dire spécialiste d'une autre discipline), la<br />

part d'étranger/d'étrangeté de la langue-culture anglophone n’est pas ce qui lui donnera<br />

prioritairement envie d’aller plus loin dans l’apprentissage (cf. Deyrich, 2004b).<br />

- Le défi de la rencontre d’autrui<br />

Pour Bauman (2007 :116), dans notre société qu’il qualifie de « liquide », pour marquer<br />

la fragilité des liens entre les hommes, le cloisonnement prédomine. De ce fait, les<br />

individus ne s’exposent pas facilement, au risque de quitter un environnement où tout<br />

leur ressemble pour s’aventurer à rencontrer l’Autre :<br />

« Plus les individus restent dans un environnement uniforme, en compagnie<br />

d’autres “comme eux”, qu’ils peuvent côtoyer sans courir le risque de<br />

malentendus et sans devoir assurer la traduction entre des univers de significations<br />

distincts, plus ils risquent de “désapprendre” l’art de négocier les significations<br />

partagées »<br />

Apprendre la langue de l'Autre c’est entrer dans un territoire où le risque de<br />

malentendus est grand. Dans le défi de la rencontre d’autrui, l’effort à fournir est<br />

d’abord un effort sur soi. Pour y consentir, l’apprenant adulte a besoin d’en ressentir le<br />

besoin (cf. Deyrich, 2004b).<br />

Dans le cas de l’anglais de spécialité, la rencontre du milieu professionnel et de l’espace<br />

didactique a généré de nombreux travaux témoignant que la langue de spécialité est<br />

facteur de motivation et de réussite (ibidem et Deyrich, 2004a). Dans le cadre d'une<br />

expérimentation avec des étudiants en administration économique et sociale, j'ai pu<br />

observer que l'orientation professionnelle générale donnée à des tâches d'enseignement<br />

apprentissage avait fourni aux étudiants des points de repères pour communiquer à<br />

partir de leur propres moyens et leur avait donné envie de progresser (Deyrich, 2004a).<br />

Un autre type de démarche a été testé (cf. Deyrich, 2004b). Le dispositif prenait appui<br />

sur l'intégration de l'outil informatique pour la recherche documentaire. Les trois points<br />

d'ancrage pour accroître la motivation étaient : communiquer pour donner du sens,<br />

56


concevoir des tâches qui mettent en valeur et enfin planifier l'application de l'apprenant<br />

(ibidem). Ces tâches visaient un ralliement des étudiants propice à l'émergence d'un<br />

besoin de travailler (ibid.). Elles débouchaient sur une mise en activité dans la L2 et le<br />

travail préparé était ensuite présenté au groupe qui devait interagir sur le contenu et<br />

apprécier l’intérêt du travail, en fonction de critères établis collectivement et de critères<br />

de satisfaction personnelle. La communication a alors pris tout son sens, puisqu'il<br />

s'agissait d'être compris des autres (qui avaient leur mot à dire sur l'évaluation). Dans<br />

ces conditions, la plupart des étudiants ont fait la découverte qu'émettre un message oral<br />

en L2 dépasse le statut d’exercice scolaire, dès lors qu’il doit être compris des<br />

interlocuteurs. Ce constat devrait respecter un certain nombre de normes, comme le<br />

montre ce témoignage:<br />

« Je pense qu’une expérience d'oral est toujours bonne à prendre, vu que nous n’y<br />

sommes pas habitués à l'école, au lycée et à la fac. Cela dit, il est dommage que<br />

nous ne puissions pas utiliser un vocabulaire complexe à l'oral sous peine de<br />

mauvaise compréhension de la part de l'auditoire. » (Extrait du feed-back à l’issue<br />

de l’expérimentation, in Deyrich 2004b).<br />

L'altérité ne se limite pas à l'Autre et à sa langue qui nous est étrangère. Dans cette<br />

expérimentation, dont le format est resté institutionnel (en ce sens que les rôles y sont<br />

préétablis), cet étudiant a néanmoins pris conscience de l'existence d'un « auditoire »,<br />

c'est-à-dire d'un groupe de personnes qui l'écoutent pour ce qu'il a à dire, un groupe<br />

pour lequel il a un effort à consentir s’il veut être audible et compris. Il a ainsi opéré le<br />

passage du rôle d'« apprenant » à celui d'interlocuteur. Cette focalisation accentue le<br />

rôle du savoir-être, aux niveaux personnel et interpersonnel. Elle suppose aussi une<br />

mobilisation des savoirs et des savoir-faire qui correspondent à la situation et aux<br />

attentes de l'auditoire.<br />

Un positionnement de cet ordre est encore plus manifeste dans les échanges<br />

interculturels de type coopératif. C'est le cas du projet ‘Tandem’ qui, comme l'écrit<br />

Tardieu (2006) offre un cadre plus souple que la classe et permet de « se lancer des<br />

défis à l'échelle des relations interpersonnelles ». Dans ce travail en binôme (deux<br />

personnes de langue maternelle différente), chaque partenaire est chargé d'apprendre sur<br />

la personne et la culture de l'autre, d'échanger des connaissances sur des domaines<br />

définis en commun, de collaborer à l'amélioration des connaissances et des compétences<br />

de l'autre. Cette réciprocité engage les apprenants dans des échanges où la prise de<br />

risque dans leur langue étrangère n'est pas perçue comme dangereuse mais plutôt<br />

57


comme nécessaire au bon déroulement de la démarche et pour un investissement du<br />

sujet dans la relation interpersonnelle et interculturelle.<br />

1.2. Des sujets dans les apprentissages langagiers<br />

a) Plusieurs conceptions pour chacun des sujets<br />

Dans toute situation d'enseignement apprentissage d’une L2, il y a des sujets qui<br />

sont engagés, voire impliqués, dans une relation qui ne peut pas être neutre. Dans un<br />

article où je m'intéressais à la gestion de la transposition didactique pour la mise en<br />

activité dans la langue, j'affirmais que la caractéristique la plus saillante de la matière<br />

L2, objet d’enseignement-apprentissage, est sa nature intime, qui requiert, de la part de<br />

l’apprenant, un travail sur soi (Deyrich, 2001). Or, le paradoxe de la L2 est qu’elle situe<br />

l’apprenant ainsi engagé dans une position doublement ‘secondaire’ par rapport au<br />

langage. En premier lieu, elle se fonde sur une objectivisation qui demande un<br />

positionnement proche du déplacement déjà demandé à l’école pour la L1 – un<br />

positionnement manifeste lors du passage à l’écrit (Deyrich, 2007a : 117-118). À propos<br />

de ce rapport réflexif et distancié, Lahire (2001) parle de ‘transformation ontologique<br />

radicale’ : l’enfant qui était ‘dans’ le langage se trouve alors ‘face’ à lui, dans une prise<br />

de conscience de sa matérialité. S’agissant d’une L2, vient ce surajouter à ce<br />

positionnement secondaire une distanciation supplémentaire entre la L1 et la L2 qui ne<br />

peut se traduire en termes d’objectivisation uniquement, les sujets étant personnellement<br />

engagés dans ces rapports au langage (cf. Deyrich, 2007b). Ces phénomènes de<br />

distanciation sont ainsi constitutifs de l’activité langagière en L2. Il est dès lors<br />

opportun d’envisager comment la didactisation peut rendre ces distanciations<br />

acceptables en allouant un rôle favorable à l’apprenant (cf. Deyrich, 2003). Ce point de<br />

vue suppose une interrogation préalable sur la conception que l'on peut avoir du rôle de<br />

l'apprenant dans son apprentissage langagier (ibidem).<br />

- Un sujet-apprenant-acteur-communiquant<br />

Les catégorisations sous-jacentes pour chacun des rôles que l'on assigne aux<br />

apprenants témoignent du parti pris sur ce qu'est l'enseignement-apprentissage d'une L2<br />

(cf. Deyrich, 2007a). À cet égard, déjà, parler de « sujet-apprenant » suppose que l'on<br />

considère la personne dans le processus d'apprentissage – un processus qui lui est propre<br />

– focalisant ainsi l’attention sur l’action et sur l’autonomie (relative) de l'apprenant,<br />

58


dans ce que la didactique institutionnelle qualifie parfois de ‘centration sur l'apprenant’<br />

(ibidem : 145-146). Si on l’appelle « apprenant-acteur », l’accent est mis sur l’activité.<br />

Celle-ci est alors censée contribuer à un apprentissage que le sujet construit dans un<br />

milieu donné (influence constructiviste), à partir d’un input (c’est-à-dire « la langue et<br />

l’information auxquelles l’apprenant est exposé » : définition de M.F. Narcy-Combes,<br />

2005 : 149). On n’envisage pas ainsi un apprentissage provenant de l'extérieur, par<br />

stimulus réponse (approche béhavioriste, méthodologies audio-orale ou audiovisuelle)<br />

ou encore par transmission d’un savoir que le sujet est supposé s'approprier<br />

(méthodologie traditionnelle, classique ou grammaire traduction). Dès lors, le sujet n’est<br />

pas ‘épistémique’ mais il est bien réel et il est ancré dans une situation d’enseignementapprentissage.<br />

Dans ce contexte et, s’agissant d’une langue ‘vivante’, l’institution<br />

s’attend à ce qu’il soit aussi (et parfois avant tout) un ‘sujet-communicant’ (op.cit. : 40-<br />

44). Dans ce cadre, la communication occupe une place paradoxale : c’est à la fois ‘par’<br />

et ‘dans’ la communication que l’acquisition linguistique est censée se faire (Quivy et<br />

Tardieu : 17), la langue étant à acquérir pour communiquer et la communication dans la<br />

langue devant agir comme moteur dans le développement de la compétence de<br />

communication. À la dynamique cognitive entre le sujet et le milieu, vient ainsi<br />

s’ajouter la dimension sociale de l’apprentissage dans la communication en L2<br />

(influence socio-constructiviste de Vygotski) mais aussi le souci de ‘réalisme’ dans des<br />

échanges verbaux censés engendrer des ‘besoins langagiers’, décrits dans les<br />

programmes et instructions sous forme de notions et de fonctions. La notion de ‘besoins<br />

langagiers’ n’intervient cependant pas de manière naturelle dans le cours de L2. Cette<br />

logique des contenus peut céder la place à une logique de l’apprentissage (besoins<br />

d’apprentissage/de désapprentissage) dans une approche par tâches (Deyrich, soumis à<br />

l’éditeur).<br />

- Un sujet dans l’activité langagière<br />

Dans la situation d’enseignement-apprentissage de la L2 en contexte institutionnel,<br />

l’observateur constate que le fonctionnement interactif ajoute une multiplicité de<br />

paramètres cognitifs, sociaux, institutionnels et idéologiques.<br />

Les échanges verbaux n’existent que par et pour le sujet. Lorsque ce dernier est « sujetapprenant<br />

», il n’en est pas moins « sujet-parlant » qui engage sa personne (aux niveaux<br />

corporel, intellectuel, affectif), malgré l’écart entre ce que l’apprenant voudrait dire et<br />

59


ce qu’il est en réalité capable de dire dans la L2 (Deyrich, 2004b). L’objet<br />

d’enseignement est non seulement vulnérable et instable mais il demande aussi un<br />

difficile travail sur soi pour une mise en perspective du système de représentations<br />

(linguistiques et culturelles) de la L1 et de la L2. L'activité langagière du sujet<br />

présuppose ces phénomènes de distanciation (cf. supra). Ils se manifestent dans les<br />

énoncés où des marques en surface traduisent une prise de position sur un contenu de<br />

pensée devant celui auquel on s’adresse (cf. Deyrich, 2006 : cheminement énonciatif de<br />

l’enseignante et des élèves). Ils sont aussi décelables dans les ajustements au fil du<br />

guidage et de l'étayage. Enfin, étant donné que l'apprenant possède déjà un système<br />

formé dans la L1, il n'a pas à développer à nouveau une sémantique du langage<br />

(Vygostski, cité par Mallet 2003 : 293). Les mots nouveaux s'inscrivent ainsi par rapport<br />

à un système déjà acquis de concepts. Il y a donc un rapport tout à fait nouveau, distinct<br />

de la L1 qui s'établit entre les mots et les objets. En d'autres termes, le rapport est<br />

médiatisé par les mots de la L1 (Deyrich, 2007a : deuxième partie). L'ordre des choses<br />

est ainsi inversé. Il y a d'abord une pratique spontanée puis une prise de conscience des<br />

formes verbales pour la L1 ; une prise de conscience précède la pratique spontanée pour<br />

la L2 (ibidem). Dans les deux cas, cependant, le but visé est l'existence d’un locuteur.<br />

Or, dans l'acquisition des L2, la part d'imaginaire intervient pour ce locuteur dans la<br />

construction de « l'idéal du moi » selon Mallet (2003 : 303). L’auteur ajoute que, dans la<br />

mesure où la L2 vient s'intégrer à la collection des objets intimes de l’apprenant, elle<br />

pourra prétendre à devenir un outil de locution pour le sujet. De ce point de vue, la<br />

question de l’image de soi dans l’appropriation personnelle de l’activité langagière fait<br />

partie des questions qui interpellent la didactique de la L2. L’image de soi va de pair<br />

avec la prise de risques nécessaire dans l’apprentissage. L’apprenant très jeune n’est pas<br />

encore anxieux par rapport à l’image qu’il va donner de lui-même (Deyrich, 2007a :<br />

25) ; le jeune adulte étudiant est beaucoup plus préoccupé par son image (Deyrich,<br />

2004b).<br />

- Un sujet-énonciateur<br />

La communication fait partie intégrante des objectifs visés dans les programmes<br />

et instructions scolaires et dans les cours de L2 de manière générale (Deyrich, 2007a).<br />

Elle est aussi censée être support de l’apprentissage. Dès lors, dans le contexte<br />

institutionnel, le statut de tout énoncé en L2 est double. Pour l’apprenant, la L2<br />

60


comporte deux niveaux de traitement : d’une part, celui qui est lié à l’utilisation de la<br />

langue pour des acquisitions linguistiques et, d’autre part, celui qui vise une production<br />

qui exprime ce qu’il a l’intention d’énoncer dans une situation de communication. C’est<br />

là un paradoxe que Trévise (1979) qualifie de « double je » dans la L2 en classe :<br />

l’énonciation didactique y est double car elle agit sur le traitement de la L2 par l’élève à<br />

deux niveaux : il est à la fois « sujet apprenant » et « sujet énonciateur ». De mon point<br />

de vue, considérer l’élève comme un « sujet-énonciateur » et ce, dès un tout jeune âge<br />

(Deyrich, op. cit. : 145-146)., offre l’avantage d’englober les propositions précédentes<br />

(sujet-apprenant-acteur-communiquant), tout en ajoutant une dimension supplémentaire<br />

indispensable dans notre domaine : la construction du sens (Ellis, 2003 ; J.P. Narcy-<br />

Combes, 2005). Il paraît important de souligner que le « sujet-énonciateur » a quelque<br />

chose à dire en fonction de la situation de communication mais c’est ce qu’il a à dire<br />

SUR la langue qu’il étudie qui lui permet d’être un interlocuteur à part entière, parce<br />

qu’il exprime ce qu’il a à dire sur la L2 (sans l’obstacle de la langue, parce qu’il le dit<br />

dans la L1). À ce titre, en effet, il prend en charge un énoncé pour parler de la L2, en<br />

relation avec la L1 (Deyrich, 2003). En d’autres termes, l’élève parle pour apprendre,<br />

pour communiquer, pour agir avec la langue ; il parle aussi pour construire du sens et<br />

pour prendre position dans la langue et à propos de la langue (Deyrich, 2007a : 58). Le<br />

positionnement métalinguistique est en ce sens constitutif de l’apprentissage de la L2.<br />

Les tâches données visent alors une acticité à deux niveaux : pour que l’apprenant<br />

puisse être ‘à la fois apprenant et énonciateur’ (ibidem).<br />

b) Investigations sur le sujet et ses représentations<br />

Convoquée dans plusieurs domaines des sciences humaines, la question des<br />

représentations intéresse la didactique des langues. Elle est « largement circulante en<br />

didactique et travaux portant l’acquisition des langues » (Moore, 2001, 2005) et elle<br />

permet de rendre compte des images et conceptions que les acteurs sociaux se font<br />

d’une langue/d’autres langues, par rapport à une/des norme(s), à son/leur apprentissage,<br />

ou aux apprentissages de façon plus large, etc.<br />

- Une fiabilité relative des données<br />

Les représentations sont d’autant plus liées aux langues qu’elles s’expriment par des<br />

verbalisations. C’est le cas le plus fréquent mais l’expression peut aussi être graphique<br />

61


comme dans les travaux de Castelloti et alli. (2001), où des enfants avaient à représenter<br />

par le dessin le fonctionnement plurilingue. Dans ce dernier cas, le dessin donne des<br />

indices pour un accès à la fonction symbolique des représentations et donc à la façon<br />

dont un sujet perçoit le monde sur un point précis. Pour les chercheurs, l’étape suivante<br />

est une interprétation de ces données, une traduction par rapport à ce qu’ils souhaitaient<br />

analyser – en l’occurrence, dans ce cas, la façon dont les apprenants envisageaient dans<br />

leur système cognitif la notion de proche et de lointain entre les langues.<br />

La question du recueil et de l’interprétation des données interpelle le chercheur qui<br />

souhaite que son analyse de corpus ait une certaine validité. L’appui sur les<br />

représentations pose problème, en raison des influences inconscientes qui rendent<br />

difficile l’accès à ce qui a été vécu (Chanouf, 2004). Par ailleurs, l'élaboration du<br />

dispositif d'enquête et son analyse témoignent aussi de l’engagement des chercheurs. À<br />

titre d’illustration, j'ai procédé avec une collègue à une enquête auprès d'un public de<br />

professeur des écoles stagiaires à l'IUFM (PE2) pour explorer la façon dont ils<br />

envisageaient l'intégration d'une L2 dans le cadre de leur mission (Deyrich et Ulrich<br />

2002). L'objectif était double : mieux connaître les représentations des PE2 sur leur rôle<br />

dans l'enseignement de la langue dans le primaire et dégager des pistes pour la<br />

formation. Cette enquête est en quelque sorte « événementielle » puisqu'elle a été menée<br />

au moment où l'institution a doté l'enseignement des langues de programmes et<br />

instructions. En conséquence, la L2 devenait ainsi discipline d'enseignement<br />

apprentissage à part entière. Pour ces PE2, enseigner l’anglais correspondait à une<br />

redéfinition du métier pour lequel ils avaient passé le concours, la décision ministérielle<br />

étant intervenue ultérieurement. Le nouveau profil était celui du maître à la fois<br />

polyvalent et spécialiste de l'enseignement d'une langue à l'école primaire (Deyrich,<br />

2007a), alors que l'épreuve de langue était encore facultative au concours. Cette épreuve<br />

est devenue obligatoire pour l'admission en 2006.<br />

Les chercheuses étaient engagées dans la formation en anglais de ce public qui<br />

manifestait son hostilité devant la modification du cahier des charges. Elles souhaitaient<br />

contribuer par cette enquête à une meilleure connaissance des problèmes et des besoins<br />

de formation. Le dépouillement et l’analyse des réponses a permis de mieux cerner ce<br />

qui occasionnait un malaise, à propos duquel nous n’avions jusque-là que des intuitions,<br />

des opinions ou du ressenti. Ainsi, nous avons pu constater que le problème majeur des<br />

professeurs des écoles stagiaires était qu’ils ne parvenaient pas à se positionner en tant<br />

qu'enseignant d'anglais (à l'époque nous parlions d'absence d'implication) : cet<br />

62


enseignement ne faisait partie ni de leur culture professionnelle ni de l'image de leur<br />

identité professionnelle (Deyrich & Ulrich, 2002). Ils n’avaient aucun repère, aucun<br />

vécu susceptible d'alimenter leurs réflexions et un profond ressenti d'insuffisance en<br />

anglais pour une majorité d'entre eux (ibidem). Le questionnaire anonyme avait été<br />

construit dans le respect des pratiques d’enquête avec le souci d’adopter une<br />

distanciation scientifique mais sa validité paraît contestable au niveau de l’exactitude<br />

des représentations qu'il était censé répertorier. En effet, le fait de proposer des éléments<br />

de réponse à classer pour la plupart des questions (ibidem, cf. le questionnaire en<br />

annexe) suppose des choix préalables et soulève le problème de l’engagement des<br />

chercheurs (Elias, 1983). Or, cet engagement se fonde sur des « valeurs » investies dans<br />

la recherche, des valeurs qui s’inscrivent alors dans la « rationalisation et la<br />

systématisation de l’effort de retour sur soi » (Lacroix, 2002, cité par Demaizière &<br />

Narcy-Combes, 2007). Les valeurs sont sous-jacentes mais elles sont aussi à mettre en<br />

perspective avec la curiosité intellectuelle des chercheurs et les intérêts sociaux qui<br />

motivent la recherche (cf. Demaizière & Narcy-Combes, op. cit.). Cette dimension est<br />

perceptible dans la formulation même des énoncés : « Qu'est-ce que vous aimez le plus<br />

dans l'enseignement de l'anglais en primaire », « Qu'est-ce qui vous paraît le plus<br />

difficile dans l'enseignement de l'anglais » (Deyrich & Ulrich, op cit.).<br />

- Une dynamique propre et un ancrage social<br />

Dans la recherche, les positionnements peuvent varier considérablement en fonction des<br />

chercheurs (Seidlhofer, 2003, cité par Demaizière & Narcy-Combes, 2007). Il y a donc<br />

des RE-constructions, des RE-présentations qui émanent de ces chercheurs. La fiabilité<br />

d’un travail d’enquête dépend ainsi non seulement du cadre méthodologique mais aussi<br />

de tous les sujets impliqués (dans les questions et les réponses) dans une situation<br />

particulière. On rejoint ainsi l'aspect social que revêtent les représentations : le<br />

processus peut être considéré comme socialement marqué, c’est une « forme de pensée<br />

sociale » (Jodelet, 1997). Le sujet est actif, il construit le monde à travers son activité<br />

dans son rapport à l'objet (Moscovici, 1997) et il est ainsi amené à se RE-positionner.<br />

La dimension sociale permet alors de rendre compte des évolutions. À cet égard,<br />

l'exemple du questionnaire précité (Deyrich & Ulrich, 2002 : les éléments d’analyse cidessous<br />

se fondent sur cet article) est emblématique : donné en 2002 lors du tout début<br />

de l'institutionnalisation de la matière, nous l'avons soumis aux professeurs des écoles<br />

63


stagiaires en 2004. Entre-temps, bien que l'épreuve de langue ait conservé son caractère<br />

optionnel, les préconisations des textes officiels commençaient à être connues et à faire<br />

partie des représentations partagées sur l'apprentissage de la langue à l'école primaire,<br />

comme le montrent les réponses à ce second questionnaire (ibidem).<br />

La représentation sociale du professeur des écoles chargé d’enseigner la L2 se faisait<br />

jour mais les réponses données ne dénotaient cependant pas une adhésion totale. Ainsi,<br />

en prenant l'exemple de la seconde question : « Quelle sera selon vous la place de<br />

l'anglais dans l'enseignement que vous avez dispensé », on relève toujours des<br />

réponses évasives : « Une place définie selon les programmes » ou encore un évitement<br />

de la matière : « Par échanges de services si possible ». Certaines réponses montrent<br />

qu’un doute subsiste sur leurs compétences : « Cela dépendra de mes compétences »,<br />

« Tout dépend de mon niveau en anglais après la formation ». On relève parfois,<br />

d'ailleurs encore, un refus de se conformer à l'attente institutionnelle : « Elle sera, bien<br />

que certains formateurs vous diront le contraire, minime ». Mais il s’agit de cas isolés,<br />

puisque pour cette même question, plus de la moitié des professeurs-stagiaires se<br />

montrent prêt à enseigner la L2. Parfois même, cette ‘adoption’ de la matière adopte un<br />

point de vue utopique : « Une place relativement importante pour que les élèves arrivent<br />

en sixième avec de bonnes bases ».<br />

La transformation des représentations sociales se traduit en particulier par une prise en<br />

compte des caractéristiques propres à l'école primaire : « L'anglais aura une place à part<br />

entière mais également transversale », « Une matière parmi d'autres mais qui est propice<br />

à l'interdisciplinarité ». Cette évolution semble aller de pair avec une inscription<br />

institutionnelle de la matière dans le cahier des charges et elle traduit une redéfinition de<br />

la professionnalité. On observe ainsi une plus grande considération pour la spécificité<br />

du public : « Avant tout un espace de plaisir et de communication, d'acceptation de<br />

l'erreur et du regard des autres (comme pour les arts visuels par exemple) » ou encore :<br />

« L'enseignement précoce doit tenir une place importante surtout pour essayer de<br />

supprimer les blocages à l'oral qu'ont souvent les Français ».<br />

Il est intéressant de noter que leur engagement s’accroît dans l’acceptation de cette<br />

nouvelle professionnalité. Cela se traduit en particulier par des propositions : « Outre les<br />

horaires obligatoires, il est possible de discuter avec les enfants en anglais au début de<br />

la journée. En EPS par exemple l'enseignant peut inviter les élèves à compter en anglais,<br />

etc. ». Cette professionnalité est parfois non seulement assumée mais aussi en quête de<br />

reconnaissance et de légitimité: « Une place importante. Il faudra que les élèves<br />

64


considèrent cette matière comme “sérieuse” et les parents aussi ! ». Cette évolution<br />

semble relever de ce que Moscovici (1997) appelle un mécanisme d’« ancrage », c’està-dire<br />

un mécanisme par lequel de nouvelles représentations se mettent en rapport avec<br />

un système de représentations préexistant. Par cet « ancrage », la représentation<br />

nouvelle de l’enseignant du primaire se fonde sur une connaissance partagée et elle met<br />

progressivement en place une nouvelle « réalité commune à un ensemble social »<br />

(Jodelet, 1997). Dans des cadres de pensée préétablis, il y a ainsi une intégration de la<br />

nouveauté, comme le montre cette autre réponse à l’enquête de 2004 (Deyrich & Ulrich,<br />

2002) : « Une matière parmi d'autres mais qui est propice à l'interdisciplinarité » : la<br />

notion de « matière » fait partie de ce qui est familier (des contenus, un apprentissage,<br />

une évaluation, etc. au même titre que les autres) et cette appartenance à un champ de<br />

représentations déjà installées permet un rapprochement avec l’inédit, un mode de<br />

classement, l’angle d’attaque étant ici la pluridisciplinarité. Le ‘paysage disciplinaire’<br />

est ainsi en cours de définition et devient progressivement familier (Deyrich, 2007a :<br />

11-18) ; dans ce contexte, la polyvalence devrait pouvoir servir de point d’appui pour<br />

donner sens à la matière (ibidem : 114).<br />

c) Des représentations dans l’enseignement et la formation<br />

- Représentions et présupposés dans les manuels<br />

La question des représentations des langues et de leur apprentissage intéresse de<br />

nombreux domaines, que ce soit celui de la définition des programmes et instructions<br />

(Deyrich, ouvrage en cours : 27-52), du choix des méthodologies (ibidem : 62-72), des<br />

pratiques, des supports, etc. Elle est traitée de façon indirecte à l'oral du concours de<br />

recrutement du CAPES externe d'anglais dans l'épreuve professionnelle sur dossier,<br />

dont une partie se fonde, dans la plupart des cas, sur des extraits de manuels ; les<br />

exposés visant à dépasser une description de surface adoptent un point de vue plus<br />

distancié. Les préoccupations didactiques et les représentations sous-jacentes des<br />

concepteurs de manuels sont ainsi matière à discussion. Dans un exemple de traitement<br />

de dossier (Bourguignon, 2005 : 121-131), les activités proposées dénotent une absence<br />

de prise en compte de l’élève et de son apprentissage qui est censé à l’écoute d’un<br />

dialogue l'élève de trouver dans la chaîne sonore ce qu'il a apprendre. : « D : Is that your<br />

pony too F : No, it’s my sister’s. Its’s Maeve’s pony. His name’s Ned. Maeve loves her<br />

pony… D : Oh, and whose bike is this .... » (ibidem, extrait d’un manuel de CM2). Or,<br />

65


les stratégies de compréhension de l'oral sont particulièrement complexes, comme le<br />

montrent Bailly (1998 : 30-31) et Quivy & Tardieu (2006 : 67-69). Ces stratégies<br />

paraissent d’autant plus difficiles à mettre en place de manière inductive dans l’exemple<br />

précité que l'accent n’est pas mis sur la découverte du sens mais d’un éventail de<br />

structures concernant la possession. Le développement des aptitudes à l’écoute participe<br />

bien de la compétence plurilingue et pluriculturelle que l’école est censée mettre en<br />

place (Deyrich, 2007a: 46-48). Cependant, apprendre aux élèves à maîtriser le code oral<br />

suppose un entraînement (ibidem: 134-135), ainsi qu’une didactisation qui suive une<br />

logique différente de celle de l’écrit.<br />

Les manuels traduisent des positions assez hétérogènes sur l’apprentissage de l’anglais<br />

et des langues. Avec l'entrée en application des nouveaux programmes pour le palier 1<br />

du collège, un éventail de nouveaux manuels nous donne un aperçu des représentations<br />

des concepteurs de ces manuels – qui sont également pour la plupart professeurs<br />

d'anglais.<br />

Ce début d'apprentissage en sixième n'en est plus un désormais, puisque les enfants sont<br />

censés avoir acquis un certain nombre de savoirs, savoir-faire savoir être, au cycle 3 (cf.<br />

Deyrich, 2007a : 37-52) mais la continuité des apprentissages semble encore poser<br />

problème. Ainsi, la méthode New Spring 6e (Hachette) aborde la liaison inter-cycles<br />

explicitement dans la partie « prologue », partant du principe qu'il faut aider les élèves à<br />

bâtir une continuité tout en montrant à quel point la leçon est différente dans le<br />

secondaire. Un document intitulé « J'ai déjà poussé la porte de l'anglais » les invite à<br />

faire le point sur leurs expériences culturelles et linguistiques. Les élèves ont en<br />

particulier à lister les mots anglais qu'ils connaissent dans le domaine des sports, de la<br />

mode, etc. Cependant, la prise en compte des enseignements du primaire s’arrête là : le<br />

contenu des premières unités reprend strictement ce qui est censé être acquis au cycle<br />

trois (My name is Julie. What’s your name ). La méthode Enjoy English in 6 e (Didier)<br />

semble, elle aussi, vouloir prendre en compte l'expérience antérieure des élèves mais<br />

l’introduction (qui annonce vouloir rassurer) s'inscrit plutôt dans la rupture entre les<br />

cycles (« j'ai appris une autre langue au primaire. J'ai peur d'être perdue en anglais ! », «<br />

Je pense que je vais avoir du mal en anglais parce que,... »). La continuité se situe<br />

cependant au niveau d'un certain nombre d’activités («Play Simon says… », « Make a<br />

poster ») pour lesquels il y a de quoi s'interroger sur la motivation des élèves qui ont<br />

déjà pratiqué ce type d'activités qualifiées de ludiques pendant un certain nombre<br />

d'années (cf. Deyrich, op. cit.). Les observations de classes du primaire montrent que les<br />

66


activités de type ‘Simon says’ et les démarches par le jeu posent parfois de réels<br />

problèmes au cycle 3 (ibidem : 99-102). Malgré ces maladresses qui dénotent une<br />

incompréhension de la situation réelle, on constate que la prise en compte des<br />

apprentissages de l'école primaire commence à s'ancrer dans les représentations des<br />

concepteurs de manuels. La question de l'articulation entre primaire et secondaire n'est<br />

certes pas nouvelle : les travaux de Luc (1992), de Audin (2004) ont exploré ce domaine<br />

et ont montré qu’il y avait des lacunes à combler. L’accent est essentiellement mis sur<br />

les résultats en termes de contenus. La question dépasse largement la vérification de ce<br />

qui est acquis, ne l’est pas ou devrait l’être. Elle concerne aussi les présupposés et leur<br />

évolution. Nous sommes actuellement dans une période transitoire où l’enseignementapprentissage<br />

dans le primaire commence tout juste à être accepté comme constitutif du<br />

parcours linguistique des élèves – tout en ayant des caractéristiques qui lui sont propres<br />

(Deyrich et Ulrich, 2002 ; Deyrich, 2007a). Les représentations devaient donc être en<br />

cours d’évolution. La question est explorée par le groupe de recherche ALDIDAC<br />

(Approche Linguistique et Didactique de la Différence Culturelle, Centre de<br />

Recherche : Civilisations et Identités Culturelles Comparées des Sociétés Européennes<br />

et Occidentales, EA 2529). L’investigation porte sur la façon dont l’altérité se bâtit, à<br />

tous les niveaux d’enseignement et, partant, à l’école primaire. L’analyse des<br />

représentations dans une approche éthnométhodologique devrait nous donner bientôt<br />

des indications plus précises sur la question.<br />

- Représentations dans les dispositifs d’enseignement<br />

Dans l'enseignement primaire, l'exploration des représentations des élèves est assez<br />

commune. Dans le domaine des sciences notamment, on part des représentations des<br />

élèves, préalablement à la mise en place d'une démarche expérimentale. Il est<br />

intéressant de noter que les représentations tendent à faire partie intégrante du cours de<br />

L2 également. Elles occupent d’ailleurs une place stratégique dans les documents<br />

d'accompagnement des programmes, comme le montre la fiche intitulée « Conseils aux<br />

enseignants », qui est commune à toutes les langues enseignées. Lors de la première<br />

rencontre, il est conseillé d'évaluer les perceptions des élèves, c'est-à-dire :<br />

« [L]a représentation de ce qu'est une langue, la représentation de la langue, des<br />

langues, l'intérêt ressenti pour l'apprentissage et la connaissance des pays où la<br />

langue est enseignée ».<br />

67


Le conseil est anodin en apparence mais il soulève des questions. Tout d’abord, celles<br />

relatives à la formation : interroger les enfants sur ce qu'est une langue présuppose que<br />

l'on ait soi-même réfléchi à la question au niveau théorique, en particulier au niveau des<br />

apprentissages langagiers et sur la façon dont se construisent les représentations sur la<br />

langue (Lira, 2001). Cela présuppose aussi une prise de distance par rapport à ses<br />

propres représentations sur les apprentissages langagiers, sur le rapport à l’altérité<br />

(Deyrich, 2007a : 132). Il faudrait encore avoir une idée de la façon d'interpréter ces<br />

représentations, voire de les exploiter dans la leçon. Or, la pratique de « prise de<br />

représentations » semble installée à l’école primaire, tout comme celle de ce qu'on<br />

appelle des « rituels » (ibidem : 104-107). La démarche présente l'intérêt pour<br />

l'enseignant de ne pas partir de zéro mais de s'appuyer sur ce que les élèves savent déjà.<br />

Tout comme l’apprenant adulte qui « apporte déjà toute une charge de connaissances<br />

qu’on doit valoriser pour faire avancer son apprentissage » (Lira, 2001), l’élève est déjà<br />

en possession de connaissances qui peuvent être valorisées dans la L2. La notion de<br />

« vrai débutant » est en cela dépourvue de sens. La démarche devrait aussi « amener les<br />

élèves à adopter une attitude efficace pendant le cours de langue » (Document<br />

d’accompagnement, op. cit.). Il ne s'agit pas pour autant d'une démarche facilement<br />

transposable comme l’écrit cette enseignante-stagiaire qui, lors de la prise de contact<br />

souhaitait que les enfants prennent conscience des différences ou similitudes entre les<br />

pays, de la relativité des usages et des habitudes :<br />

« Cette première séance de prise de contact n’est pas satisfaisante. Je basais<br />

l’essentiel sur les représentations des enfants mais je n'avais pas réalisé qu'ils<br />

étaient trop jeunes. Quelques-uns ont en tête des mots en anglais mais ils ne<br />

savent pas que ‘jeans’, ‘chewing-gum’, ‘football’,... sont des mots qui viennent de<br />

l'anglais. ».<br />

La réflexion sur les représentations suppose que l’univers langagier de la L2 puisse<br />

s’installer progressivement. Le guidage de l’enseignant peut alors y contribuer<br />

(Deyrich, op. cit. : 136).<br />

d) Le vécu, les affects, l’ego langagier<br />

Parler de « mécanismes d’apprentissage » donne l’illusion d’un fonctionnement<br />

prévisible, selon des données rationnellement explicables. Il suffit simplement<br />

d’observer ou de vivre une situation d’enseignement-apprentissage en L2 (cf. Deyrich,<br />

2006) pour constater l’absence de déroulement mécanique des processus cognitifs en<br />

jeu. L’apprentissage semble ainsi avoir des raisons qui dépassent l’entendement ou,<br />

68


pour le moins, on ne peut tenter d’en cerner le processus qu’en acceptant l’idée que la<br />

rationalité est de l’ordre de l’humain et qu’elle ne peut exister sans émotions. Dans son<br />

ouvrage L’erreur de Descartes : la raisons des émotions, Damasio (1997) montre la<br />

nécessité de dépasser une représentation erronée, bien qu’elle perdure néanmoins<br />

aujourd’hui. Elle consiste à faire de l'esprit et du corps deux entités distinctes, séparées,<br />

voire indépendantes l'une de l'autre. Or, des arguments scientifiques réfutent cette thèse.<br />

Il paraît ainsi utile de revenir sur quelques aspects concernant la place et l’impact des<br />

affects dans l’apprentissage tout d’abord pour envisager ensuite ce qui caractérise la<br />

part des émotions dans l’enseignement.<br />

- Du côté de l’apprenant<br />

Dans l’enseignement-apprentissage des langues, les facteurs humains et donc les<br />

émotions jouent un rôle considérable. Celui-ci peut être envisagé sous un angle positif,<br />

sachant que pour s’engager dans un apprentissage, il faut de la motivation, de la<br />

confiance en soi pour accepter une prise de risque, etc. (cf. Deyrich, 2004b). On peut<br />

aussi voir en ces émotions une entrave au processus d’acquisition. L’anxiété, par<br />

exemple peut être considérée sous ces deux registres alors que l’inhibition nous situe du<br />

côté de la barrière cognitive (Deyrich, 2007a : 24-25). La question a été abordée par la<br />

recherche sous plusieurs angles (Larsen-Freeman & Long, 1993 ; VanPatten &<br />

Williams, 2007) : les variables affectives qui sont pour Brown (1994: 135) « the<br />

emotional side of human behaviour » ont fait l’objet de recherches empiriques. Parmi<br />

les hypothèses théoriques qui rendent compte des facteurs, celle du « filtre affectif »<br />

(Krashen 1981) postule que ce filtre empêche en quelque sorte le passage de la L2 d’un<br />

univers externe (input) à l’univers interne de l’apprenant (intake) ; moins le filtre est<br />

important, plus il est facile de prendre des risques et d’engranger l’input. Un<br />

investissement profitable dans l’apprentissage de la L2 suppose ainsi qu’on soit en<br />

mesure d’avoir prise sur ce filtre pour l’ajuster.<br />

Vers une perméabilité de l’ego<br />

Parmi les théories pour rendre compte de la difficulté du passage de la L1 à la L2, celle<br />

de l’« ego langagier » de Guiora permet de rendre compte à la fois des émotions dans<br />

l'apprentissage de la L2 et du caractère intime que revêt une langue pour tout individu<br />

(Hinchey, 1997 ; Matter 2006 ; Deyrich, 2007a : 23-25).<br />

69


Les premiers travaux de Guiora et al. (1972) traitent de l'empathie nécessaire chez les<br />

apprenants pour qu'ils consentent à se diriger vers une authenticité de la prononciation.<br />

C’est pour ces auteurs un élément-clé dans la représentation de soi (ego self<br />

representation). Dans cette perspective, la langue n’est pas un simple moyen permettant<br />

la communication mais elle constitue aussi un élément essentiel de l’image que<br />

l’individu a de lui-même. La question de la prononciation authentique a été traitée sous<br />

le même angle par Matter (op. cit.) pour rendre compte de façon scientifique des<br />

difficultés que pose l'acquisition d'une prononciation authentique en L2. Guiora (op.<br />

cit.), n'explique pas ce phénomène par la motivation mais développe le concept « ego<br />

linguistique » qui traduit des caractéristiques plus profondes de la personnalité par<br />

lesquelles l’être humain se préserve en se raccrochant à sa communauté linguistique. La<br />

synthèse de Matter (op. cit.) et celle de Hinchey (op. cit.) font le point sur trois concepts<br />

fondamentaux de la théorie : body ego, language ego boundaries, language ego<br />

permeability 7 .<br />

Dans son développement, l’enfant acquiert une conscience de son propre corps (body<br />

ego) qui lui donne des indications sur ses propres limites en tant qu'être physique et<br />

apprend à distinguer entre ce qui est lui-même et ce que sont les objets alentours. De la<br />

même façon, l'enfant développe ensuite un sens des limites de son propre langage.<br />

D'après les tests auxquels Guiora (1979) a procédé, le développement de cet ego<br />

langagier serait complètement achevé à l'âge de cinq ans. Le concept de frontières de<br />

l'ego (language ego boundaries ) réfère aux représentations de soi et aux frontières que<br />

ces représentations instituent (Guiora, op. cit.). De son point de vue, nous ne parvenons<br />

pas à apprendre correctement la prononciation d'une langue étrangère parce que notre<br />

« ego linguistique » s'oppose à ce qui se présente comme une « attaque » contre notre<br />

identité, contre notre appartenance à une communauté linguistique.<br />

En conséquence, la capacité à ouvrir nos barrières linguistiques, et à s'ouvrir ainsi vers<br />

d'autres communautés suppose que les barrières soient rendues perméables (language<br />

ego permeability). Une telle perméabilité n'est cependant possible que pour les quelques<br />

rares personnes qui ne se sentent pas en danger par ce passage de frontières. La<br />

difficulté réside dans le fait que l’on se sent différent dans la pratique de la L2 :<br />

« [One] feels like a different person when speaking a second language and often<br />

indeed acts differently as well. To have permeable ego boundaries entails having<br />

7<br />

Ego corporel, frontières de l’ego langagier, perméabilité de l’ego langagier.<br />

70


a well defined , secure , integrated ego or sense of self in the first place. 8 »<br />

(Guiora 1979: 199, cité par Hinchey, 1997)<br />

Une représentation stabilisée de son propre ego est en effet nécessaire pour parvenir à<br />

passer de façon temporaire et réversible d'une langue à une autre et pour avoir ainsi une<br />

représentation de soi qui évolue en fonction de la langue utilisée (Deyrich, op. cit.).<br />

Structuration identitaire<br />

La plupart des gens écrit Matter (op.cit.) ne supportent pas d'avoir une double identité<br />

et, de la même façon, une fois que leur identité a été fixée dans la langue maternelle, ils<br />

n'acceptent pas non plus une double identité linguistique. J'ai qualifié le phénomène de<br />

passage de la L1 à la L2 de « bouleversement identitaire » dans un article qui examinait<br />

comment se met en place le cours dans la L2 (Deyrich, 2006). Dans l’apprentissage de<br />

la L2, il y a un passage de frontières entre la L1 et la L2 qui suppose une certaine<br />

perméabilité. Cet apprentissage requiert en effet une confrontation avec une<br />

organisation différente (étrangère donc étrange) de la perception et de la<br />

conceptualisation.<br />

Manifestation de la personne, la langue fait intervenir des paramètres intra- et<br />

interpersonnels, des aspects cognitifs et affectifs, sans oublier, le fait d’admettre le<br />

passage de ce que Marie-Françoise Narcy-Combes (2006) appelle un « seuil culturel ».<br />

Riley (2004) considère qu’il est fondamental de s’intéresser aux relations entre le<br />

langage et l’identité pour comprendre l’interaction sociale. Selon l’auteur, l’identité a<br />

une structure (une personne disant JE, d’une part, et d’autre part, une « Personne<br />

Sociale », à qui les autres disent TU/VOUS). Cela implique que des positions et des<br />

rôles successifs soient adoptés. Il en découle une mise en place de stratégies de<br />

négociation des identités observables dans des situations bilingues et plurilingues. Cette<br />

structuration identitaire peut être mise en parallèle avec la représentation de l’ego<br />

langagier que nous donne Guiora : chaque être humain serait entouré d’un certain<br />

nombre d’anneaux concentriques relatifs à son identité, le plus proche correspondant à<br />

son environnement familier et à sa communauté linguistique. La partie la moins<br />

accessible dans le noyau central étant la prononciation (cf. Matter, op. cit.).<br />

8<br />

« [On] a le sentiment d’être une personne différente quand on parle dans une langue seconde et il arrive<br />

souvent qu’on agisse aussi différemment. Être doté d’un ego aux frontières perméables implique en<br />

premier lieu qu’on dispose d’un ego bien défini, stable et intégré, d’une conscience de son propre soi. »<br />

(Traduction personnelle).<br />

71


L’apprentissage de la L2 vise ainsi à atteindre le noyau mais, qu’il y parvienne ou pas, il<br />

offre l’avantage d’une décentration, d’une ouverture à l’Autre :<br />

« [L]'apprentissage des langues étrangères ouvre la possibilité de mieux se<br />

connaître, car l'effet frontière des langues permet de se décentrer. Cette<br />

décentration a des effets bénéfiques pour la construction de la personnalité,<br />

puisqu'elle offre la chance, assez difficile autrement, de voyager vers son propre<br />

reflet, vers le regard de l'autre, qui nous présente le côté caché de notre être.<br />

Chaque langue nous équipe ainsi d'un observatoire privilégié d'où nous pouvons<br />

essayer de nous comprendre et de comprendre l'autre, tout en restant nousmêmes.<br />

» (Diaz-Corralejo, 2004 : 26).<br />

Cependant, des témoignages montrent que, dans ce ‘voyage’, le franchissement de la<br />

frontière L1-L2 peut être vécu comme violent. Ainsi, Hoffman (1989 : 105) emploie<br />

l’expression « seismic mental shift » pour décrire ce phénomène. Pour l’enseignant, il<br />

s’agit alors de trouver des moyens (repérages, ajustements) pour dépasser ces zones de<br />

résistance (Deyrich, 2006).<br />

Le passage de la L1 à la L2 semble plus facile pour l’enfant (Deyrich, 2007a : 24-25) :<br />

l’anxiété est moins grande dans le passage à la L2 que chez l’adulte, qui éprouve<br />

généralement de réelles difficultés à effectuer le passage L1-L2 sans remettre en cause<br />

son image de soi (ibidem : 25). Ces facteurs tendent ainsi à inhiber la production orale,<br />

la prononciation étant plus particulièrement affectée (Deyrich, 2006). Il ne faut<br />

cependant pas imaginer que le passage ne produit aucun effet chez l’enfant. Ainsi, j'ai<br />

pu observer que, même chez les tout-petits, des phénomènes de « désaccord identitaire »<br />

intervenaient (ibidem). Le début de cours est à cet égard emblématique parce que ce<br />

moment n'est pas une simple entrée en matière mais suppose un passage de frontière<br />

pour entrer dans un monde différent au niveau de la langue et des activités qui sont<br />

menées (Asdih & Deyrich, à paraître). On demande en effet aux élèves d'assumer un<br />

rôle et une personnalité nouvelle dans une mise en scène qu'ils n'ont pas choisie. La<br />

composante identitaire et affective intervient parfois fortement en se manifestant par un<br />

phénomène de rupture, de désaccord (Deyrich, op.cit.) qui montre bien que le passage<br />

de la L1 à la L2 n'est jamais une simple formalité ou une transition. (ibidem).<br />

En d’autres termes, ces apprentissages supposent un autre regard sur soi-même, sur le<br />

soi intime (Mallet, 2003) ; il s'agit donc – mais à des degrés divers selon les enfants,<br />

d'un « bouleversement identitaire qui affecte la personne, le moi profond, l'identité »<br />

(Deyrich, op.cit). Dès lors, pour accompagner les élèves, la question qui se pose est<br />

celle de la façon dont l'enseignant peut encourager, voire faciliter, une forme de<br />

perméabilité des frontières de l’ego. Il importe donc d'envisager comment et dans quelle<br />

72


mesure la médiation peut contribuer à une réinterprétation par l’apprenant de sa propre<br />

subjectivité, de telle sorte que l'activité dans la L2 ne soit pas perçue comme une<br />

transgression dangereuse.<br />

- Du côté de l’enseignant<br />

Si l'on adopte le point de vue de la théorie de l’ego langagier, il est intéressant pour<br />

l'enseignant de repérer les indices qui témoignent de la difficulté à traverser les<br />

frontières langagières. Elle procède chez les élèves bien plus souvent du désengagement<br />

que de l'opposition frontale et se traduit la plupart du temps par le silence, considéré<br />

dans la situation d'enseignement apprentissage comme une absence de participation<br />

dans les activités orales. Dans une approche socioconstructiviste de l'apprentissage, non<br />

seulement l'élève est censé construire petit à petit son apprentissage par assimilation et<br />

accommodation (Piaget 1969) mais on s'attend aussi à ce qu'une participation dans la<br />

langue contribue à l'apprentissage (Vygostski, 1985). Dans l'approche dite<br />

« communicative » sur le paradigme actuel qui est nous le rappelle MF Narcy-Combes<br />

(2005 : 40-41) à la fois communicatif et constructiviste, l'enseignement n'est pas centré<br />

sur la langue ou sur le maître qui serait détenteur du savoir sur la langue mais chacun est<br />

supposé reconstruire ce savoir qui préexiste par le biais de l'action. Ainsi, c'est à<br />

l'apprenant que revient la tâche d'agir sur la situation, d'adopter un point de vue<br />

personnel et non pas de reproduire ce qu'on attend de lui. L'activité dans la langue est de<br />

ce fait essentielle pour l'aider à construire des savoirs dans une interaction avec des<br />

savoir-faire et des savoirs-être. De plus, dès lors que l’on considère que l’apprentissage<br />

d’une L2 hors immersion implique un travail personnel intense, on s'attend à ce que<br />

l'apprenant ait envie de s’investir et donc qu'il soit suffisamment motivé pour accepter<br />

de jouer le jeu. Se posent ainsi les questions relatives à l’engagement dans l’activité<br />

langagière, ce qui est du ressort et de la responsabilité conjointes de l’apprenant et de<br />

l’enseignant (cf. Deyrich, 2003).<br />

- Une motivation à construire<br />

Dans un article sur l’utilisation des TIC en anglais de spécialité (Deyrich, 2004b), plutôt<br />

que de parler de motivation, j’estimais nécessaire de prendre comme point de départ le<br />

problème de la (dé)motivation. En effet, dans le cas d'étudiants avancés, qui ont<br />

73


énéficié de huit à douze années d'enseignement de l'anglais, les enquêtes ont montré<br />

que ces derniers étaient dans l'ensemble convaincus de ne pouvoir progresser davantage<br />

malgré leurs efforts (Deyrich, 2004b). Considérant que la motivation n'est pas un donné<br />

mais plutôt un construit, il fallait alors prendre en compte des paramètres<br />

psychologiques de diverses natures (ibidem). Ils sont parfois regroupés sous l'intitulé de<br />

« dynamique motivationnelle » (Nuttin, 2001) et je m'étais interrogée sur les acteurs<br />

dans cette dynamique (Deyrich, op. cit.). L'enseignant peut jouer un rôle clé mais à<br />

condition qu'il mette en œuvre des stratégies motivationnelles adaptées au public et à la<br />

situation (ibidem). Ces stratégies s’inscrivent aussi dans la durée, la motivation n’étant<br />

pas un état mais un processus (Dornÿei, 2001) orienté par la formation d’un but. Or, se<br />

donner un but d’apprentissage suppose que le dispositif laisse entrevoir cette possibilité<br />

aux apprenants. En ce sens, si l’enseignant ne parvient pas à ouvrir cette perspective, le<br />

processus motivationnel a fort peu de chances de s’enclencher (Deyrich, 2004b). Il y a<br />

donc lieu d’insister sur le rôle pré-pédagogique de l'enseignant dans la mise en scène<br />

des savoirs et des savoir-faire langagier (cf. Deyrich, 2003 ; Deyrich, 2005a). Les<br />

dispositifs visent alors à offrir les conditions les plus favorables possibles pour motiver<br />

et pour RE-motiver. Le « motivateur » exerce d’ailleurs un métier reconnu dans le<br />

champ de la communication. Décider que la motivation et la re-motivation font partie<br />

intégrante des charges de l'enseignant en anglais suppose que l'on s'intéresse à ce qui<br />

enclenche, génère, alimente et approfondit cette motivation. Une première piste est<br />

d'agir sur la compétence de l'apprenant ou, plus précisément, sur la perception qu'il a de<br />

sa propre compétence (Fenouillet : 2003). La question n'est pas simple car elle implique<br />

une réflexion sur les stratégies d'enseignements qui sont les plus susceptibles d'avoir un<br />

impact favorable sur cette motivation (cf. Deyrich, 2004b).<br />

- Une motivation à construire en commun<br />

Pour Mucchielli (1981), le point de vue est inversé par rapport à celui de Dornÿei. En<br />

effet, la motivation est considérée du côté du ‘motif’, puisque pour motiver, il faut<br />

envisager des propositions pour une intervention didactique qui soit ‘motivatrice’. Ce<br />

point de vue me plaît assez puisque ce serait trop facile de décider que rien ne marche,<br />

faute d'absence de motivation chez les apprenants. La proposition de Jean-Paul Narcy-<br />

Combes (2005) de considérer qu'il y a responsabilité à la fois chez l'enseignant et chez<br />

l'apprenant semble ici prendre tout son sens. Il n’y a pas d’un côté un « motivateur » et<br />

un « motivé » mais une construction commune (cf. Deyrich, 2004b : tableau). Dans<br />

74


cette construction, l’action didactique doit pouvoir jouer un rôle favorable au niveau<br />

‘intégrateur’, en particulier dans l’élaboration de projets qui engagent l’apprenant, ce<br />

qui pré-suppose une forme de négociation avec les apprenants (cf. Deyrich, 2005a ;<br />

Deyrich, 2005b).<br />

Enfin, la motivation de l’élève a une histoire : le constat qu’un apprenant est dé-motivé<br />

suppose comme préalable qu’il ait été motivé à un autre moment de son existence<br />

d’apprenant. Dans le cas de la L2, se pose ainsi la question du décalage entre<br />

l’engagement des élèves dans le tout début d’apprentissage et la démotivation qui<br />

intervient parfois peu de temps après. Il est possible alors d’évoquer la difficulté pour<br />

l’apprenant en L2 de préserver l’image de soi dans le mécanisme de défense sociale<br />

(Mucchielli, 1981 ; Deyrich, 2004b), d’envisager des propositions innovantes pour<br />

‘dédramatiser le travail’ en L2 (Deyrich, 1997), pour ‘reconstruire la motivation’<br />

(Deyrich, 2004b). Un examen approfondi du problème du désengagement pourrait<br />

apporter d’autres propositions.<br />

2. UNE L2 DANS UNE PERSPECTIVE D’ENSEIGNEMENT-<br />

APPRENTISSAGE<br />

2.1. Le paysage disciplinaire de l’anglais<br />

a) Un « objet-langue-culture » problématique<br />

Amenée à observer la discipline d’un point de vue externe dans le cadre de mon<br />

ouvrage pour en présenter les caractéristiques à des non spécialistes de l’anglais et des<br />

langues (Deyrich, 2007a), j’ai pu constater qu’il s’agit d’un exercice difficile. Peut-être<br />

tout simplement parce qu’après autant d’années passées à enseigner l’anglais, la<br />

didactique et la linguistique de l’anglais, il est difficile d’adopter un regard neuf, un<br />

regard de découverte sur la question. Cet exercice de décentration m’a cependant permis<br />

de reprendre des problèmes didactiques – qui sont certes loin d’être inédits – sous un<br />

angle qui ne m’était pas familier. J’ai aussi pu redécouvrir à quel point la discipline L2<br />

est singulière et mérite un traitement didactique qui ne se limite pas à une didactique<br />

générale.<br />

- Aperçu d’un ensemble disciplinaire<br />

75


Au premier abord, il s’agit d’un ensemble disciplinaire hétérogène et complexe, « un<br />

imbroglio de savoirs et de pratiques entremêlés » (Raby et Accardi, 2002). L’anglais<br />

L2, est non seulement une discipline composite mais sa définition varie en fonction du<br />

niveau d’intervention. C’est un ensemble des disciplines : littérature, civilisation,<br />

linguistique, etc. si l’on prend comme référence l’enseignement supérieur. Sur la palette<br />

de l’enseignement-apprentissage du secondaire, elle consiste en un assemblage de<br />

grammaire, de civilisation, de littérature, etc. Dans l’enseignement élémentaire, elle se<br />

plie aux premiers apprentissages dans des activités de découverte. L’objet disciplinaire<br />

est une des disciplines les plus hétérogènes qui soient. En effet, ce l’on peut observer, à<br />

l’issue des découpages et des programmations ne peut en traduire la complexité. Dans le<br />

cadre institutionnel, la L2 est un objet « construit » : codifié dans les manuels, les<br />

grammaires et prenant appui sur des programmes et sur des instructions officielles<br />

(Deyrich, 2007a : première partie). Enfin, dans la situation d’enseignementapprentissage,<br />

c’est une langue dynamique et évolutive, au fil des transformations et<br />

ajustements occasionnés par les échanges communicationnels (ibidem : 84-86). Il faut<br />

également garder à l’esprit que la transformation des langues en disciplines scolaires<br />

place les L2 dans un nouvel univers catégoriel. Elles acquièrent ainsi une dimension<br />

‘éducative’ (ibid. : 132-133). Dans ce cadre, elles sont censées participer au<br />

développement de la formation intellectuelle, notamment dans leur composante<br />

culturelle, s’agissant de l’apprentissage de l’altérité et dans les possibilités<br />

conceptualisatrices qu’offre la réflexion sur la langue (ibid. : 141-143).<br />

Le second trait disciplinaire qu’il semble intéressant de mettre en avant est le fait que la<br />

langue soit à la fois instrument et objet d’apprentissage (ibid. : 12). En cours d’anglais,<br />

l’objet-langue est en interaction avec la situation d’enseignement-apprentissage. Cette<br />

mise en relation lui octroie un double statut unique. En effet, la langue vivante est la<br />

seule discipline scolaire qui soit à la fois son moyen et sa propre fin, l’instrument et<br />

l’objet de l’apprentissage. Cette constatation est lourde de conséquences car elle signifie<br />

que les objectifs pédagogiques qui en découlent doivent être poursuivis simultanément :<br />

la langue n’est donc pas apprise puis utilisée ou encore utilisée puis apprise, la langue<br />

est apprise à travers son utilisation (ibid. : 62-64). Cette insistance sur la concomitance<br />

nécessaire de pôles a priori séparés et néanmoins complémentaires nous situe au cœur<br />

d’une problématique spécifique à la didactique de notre discipline : l’interaction entre<br />

les composantes linguistiques, culturelles et communicationnelles.<br />

76


- Une matière à discussions<br />

La caractéristique disciplinaire la plus difficile à admettre pour l’enseignant de langue<br />

est que sa matière se trouve souvent contestée – une mise en doute de la validité, de la<br />

légitimité, de cet enseignement qui trouve son explication dans les comparaisons dont la<br />

discipline peut être l’objet, que ce soit explicitement ou implicitement (cf. Deyrich,<br />

2007a : 13-14). Cette « matière à comparaisons » est ainsi mise sur la sellette par des<br />

attentes sociales souvent excessives. Une première comparaison est celles des<br />

performances de l’apprenant et du locuteur natif (ibid. : 51), d’un locuteur idéalisé.<br />

Cette caractéristique est particulière à notre discipline : rares sont, en effet, les<br />

comparaisons entre les performances d’un élève et d’un mathématicien, d’un historien<br />

ou encore d’un champion sportif. C’est là une dimension pragmatique explicable par<br />

une attente d’autant plus forte de la société qu’elle est ancrée dans un contexte socioéconomique<br />

dans lequel la maîtrise d’une langue étrangère est un gage de réussite.<br />

D’autres comparaisons interviennent : avec l’apprentissage en milieu ‘naturel’ pour la<br />

langue seconde, avec l’apprentissage de la L1 sur laquelle il pourrait être calqué. Or,<br />

tout ce qui est intuitif dans la langue maternelle doit, en même temps qu’il est pratiqué,<br />

être décomposé et analysé dans la L2 (Deyrich & Olivé, 2004).<br />

b) Représentations et dimension métalinguistique dans l’apprentissage<br />

D’un point de vue sociologique, les langues interviennent dans un phénomène<br />

d'affiliation sociale. Elles affirment un lien social et une identité (Jodelet, 1997). D’un<br />

point de vue philosophique, la réflexion sur le langage et sur les langues participe de la<br />

construction de l’esprit.<br />

« Tous les moyens de l’esprit sont enfermés dans le langage ; et qui n’a point<br />

réfléchi sur le langage n’a point réfléchi du tout. En suivant cette idée, on<br />

comprend aisément que l’esprit n’apparaîtra pas à celui qui ne sait qu’une<br />

langue…….. » (Alain, 1963 : 145)<br />

Le monolinguisme est en cela une anomalie (cf. Deyrich, 2007a: 122). D'un point de<br />

vue linguistique, le langage n’est pas un concept homogène. Il intervient à la fois dans<br />

la communication et dans la représentation du monde. Culioli (2002 :75) définit le<br />

langage comme une activité d’une part de construction de représentations et de<br />

référenciations et, d’autre part, une activité de régulation (dans le langage et entre les<br />

sujets). Des espaces de régulation du sens impliquent un sujet et un interlocuteur – un<br />

77


énonciateur et un co-énonciateur, si l'on se situe dans la théorie des opérations<br />

énonciatives – qui ajustent leurs discours, ou à l'inverse n'y parviennent pas lorsqu'il y a<br />

malentendu. Dans cette interaction se construit le sens. L'aspect dialogique est<br />

fondamental dans le langage humain : on est dans le domaine du ‘discutable’,<br />

contrairement au langage mathématique, qui lui repose sur un raisonnement simplement<br />

logique. C'est donc au niveau des représentations que se joue l'activité langagière. La<br />

notion de « représentation » occupe d’ailleurs une place centrale dans la théorie des<br />

opérations énonciatives, qui est aussi une théorie des représentations. Chez le sujet<br />

pensant et parlant, il y a une activité permanente de représentation, qualifiée<br />

d'épilinguistique et qui manifeste une « rationalité silencieuse » (Culioli, 2002), une<br />

cohérence qui organise cette dynamique interne et dont les textes gardent la trace.<br />

Dans le champ de la didactique de la L2, la question des représentations prend un tour<br />

particulier. Les langues nous interpellent sur la manière dont les sujets se représentent le<br />

monde extérieur (cf. Deyrich, 2007b : je mets en perspective les représentations de la L1<br />

et de la L2, pour l’apprenant, pour l’enseignant et pour le formateur). Du côté du<br />

linguiste, la question des représentations métalinguistiques l’incite à rechercher<br />

comment représenter cette représentation des choses. Du côté du didacticien cette<br />

question concerne l’apprentissage de la L2 (cf. Deyrich, 2003). Elle s’intéresse tout<br />

d’abord à la façon de faire émerger les représentations des apprenants (pour qu’ils<br />

opèrent un passage de l’épilinguistique au métalinguistique). Elle explore aussi la façon<br />

dont l’intervention peut faire évoluer les représentations (et favoriser ainsi le passage<br />

d’un système de représentations à un autre).<br />

Dans l’apprentissage de la L2, il y a travail sur un matériau langagier (plutôt que sur une<br />

dimension abstraite qui serait la langue) qui vise la construction progressive d’une<br />

‘grammaire interne’ (Adamczewski, 1979, cité par Osborne, 1999). Pour l’apprenant,<br />

cette construction ne se joue pas au niveau des règles de fonctionnement mais à celui<br />

des représentations. Dans cette perspective, l’apprentissage suppose qu’il y ait passage<br />

d’un système de représentations à un autre (L1 à L2). Or, nous savons que cela ne<br />

fonctionne pas par osmose mais que ce travail sur l’articulation entre la L1 et la L2<br />

demande une prise de distance, un recul réflexif (cf. Deyrich, 2007a : 70-71).<br />

Rappelons que ce travail se situe dans une approche théorique où la conceptualisation et<br />

la réflexion sur la langue sont envisagées comme constitutives de l’apprentissage de la<br />

L2. Il s’agit d’une « conscience linguistique » pour Bange (2000), une composante<br />

cognitive de l’action verbale pour Levelt (1989), d’une « combinaison d’installation<br />

78


d’habiletés linguistiques et d’élaboration de connaissances sur la langue » pour Gombert<br />

(2000), qui suppose le passage de l’image mentale au concept pour Changeux (1983).<br />

La dimension métalinguistique concerne tout ce qui est « à propos » de la langue, que ce<br />

soit pour parler du système langagier à l’étude, pour le positionnement, le point de vue<br />

adopté ou encore dans la « conscientisation » qui découle d’un recul réflexif sur<br />

l’articulation L1-L2 de type « awareness of language » Hawkins (1992). Le<br />

développement métalinguistique est très précoce (Gombert :2000) et cette dimension est<br />

ainsi fondamentale dès l’école élémentaire (Luc et Bailly, 1992). Dans ce cadre, son<br />

développement peut être encouragé, à l’articulation entre la L1 et dans la L2 (Deyrich,<br />

op. cit.) pour une prise de recul dans un travail sur les représentations mené avec les<br />

enfants. En effet, bien que les langues recouvrent des réalités différentes, il est<br />

particulièrement difficile de concevoir, dans l’environnement majoritairement<br />

monolingue en France, qu’une façon de percevoir les choses n’est pas universelle. Des<br />

enseignants en formation ont pu observer que chez les enfants intervient un phénomène<br />

de conceptualisation qui articule la L1 et la L2 (Deyrich, op. cit. : 147). Avec le guidage<br />

enseignant dans une démarche conceptualisatrice (ibidem), les enfants parviennent<br />

parfois à remettre en cause des phénomènes de ‘nativisation’ (cf. Andersen 1983 ;<br />

Schumann 1986 ; J.P. Narcy-Combes, 2005), des représentations ancrées dans une<br />

vision ethnocentrée du monde. Cette réflexion sur la langue devient ainsi constitutive du<br />

cours. Elle part de l’observation des enfants. Une enseignante-stagiaire raconte par<br />

exemple qu’à l’issue de la lecture d’un album en anglais, pendant la discussion sur ce<br />

que la chenille avait mangé,<br />

« Les enfants travaillaient sur l'énoncé ‘He was still very hungry’. Soudain, un<br />

élève s'est écrié : “Mais le caterpillar c'est UNE chenille et là c'est HE !” Dans un<br />

cours précédent nous avions travaillé sur la distinction entre ‘he’ pour un garçon<br />

et ‘she’ pour une fille.<br />

La discussion sur les genres, sur leurs représentations fondées sur une dichotomie<br />

de la catégorisation en français a alimenté la réflexion et les enfants ont pris du<br />

recul sur la relativité des visions du monde. Ainsi, l'enfant qui apprend l'anglais va<br />

pouvoir toucher du doigt une nouvelle forme de représentation du monde. »<br />

(Munoz G., 2003, citée par Deyrich, op. cit. : 146-147).<br />

2.2. Regards pluriels sur un objet protéiforme<br />

Les langues ne sont pas des savoirs ; elles sont « matière de toute matière » (Hagège,<br />

1996) et ne font que contenir un ensemble hétéroclite de savoirs. Ceux-ci sont<br />

79


cependant bien particuliers lorsqu’il s’agit de la langue étrangère en situation<br />

d’enseignement-apprentissage hors immersion.<br />

a) Culture et langue<br />

- Décalages entre l’attente institutionnelle et les pratiques<br />

La place accordée à l’ « objectif culturel » dans les programmes et instructions pour<br />

l’enseignement des langues vivantes n’est pas nouvelle mais l’intérêt plus récent porté<br />

par l’institution à la définition de « contenus culturels » nous situe du côté des<br />

compétences culturelles que l’enseignant est censé maîtriser. Le groupe ‘langue vivante’<br />

de l'inspection générale de l'éducation nationale signale à ce propos les difficultés<br />

rencontrées par les enseignants (Actes de la DESCO, 2004). Les pratiques qu’ils<br />

déplorent consistent en une séparation entre une « manipulation d’énoncés stéréotypés<br />

susceptibles d'aider à communiquer dans des circonstances dûment répertoriées » et un<br />

apport de données culturelles ressassées, année après année et qui se limitent aux<br />

caractéristiques de la vie quotidienne d'un pays.<br />

De telles critiques montrent l’étendue du problème mais il n’est pas sûr qu’elles<br />

produisent l’effet escompté. Il ne suffit pas de décréter pour que les pratiques évoluent.<br />

L’obstacle épistémologique (Bachelard, 1938) provient moins des difficultés liées à<br />

l’objet (les enseignants ont des connaissances culturelles) que des représentations sur<br />

cet objet qui ne permettent pas de changer de perspective. Une déstabilisation est<br />

nécessaire pour qu’il y ait apprentissage (cf. supra, première partie), pour dépasser la<br />

résistance au changement et s’engager dans une nouvelle approche. Encore faut-il qu’on<br />

donne à ces enseignants l’occasion de réfléchir à ce qui pourrait être fait dans ce<br />

domaine (Deyrich & Ulrich, 2002).<br />

- Une vision stéréotypée pour un objectif paradoxal<br />

Dans une enquête sur les représentations, menée auprès des deux groupes<br />

expérimentaux : en licence AES et en formation des professeurs des écoles stagiaires<br />

(Deyrich, 2005a ; Deyrich & Dyson 2006), j’ai pu observer que les problèmes posés ne<br />

se limitaient pas aux pratiques, pour ce public de non spécialistes de l’anglais. Pour une<br />

majorité d'entre eux, l’obstacle se trouve dans leur conception de la culture anglaise<br />

80


dans l’enseignement-apprentissage, une conception étroite et qui se fonde sur des<br />

stéréotypes.<br />

Le mot ‘stéréotype’ n'a pas systématiquement une connotation négative, comme le<br />

rappellent Amossy et Herschberg-Pierrot (1997), cette notion ayant fluctué au cours du<br />

temps. Il s’agit tout d'abord d’un emprunt au domaine de la publicité américaine, où elle<br />

désignait des représentations et des schèmes culturels préexistants, à l'aide desquels la<br />

réalité ambiante pouvait ainsi être filtrée ; ces images étaient donc considérées comme<br />

indispensables à la vie en société. Cette notion a ensuite été placée sous le signe de la<br />

péjoration par les psychologues sociaux américains, le stéréotype étant défini comme un<br />

processus qui simplifie et favorise une vision schématique de l'autre entraînant des<br />

préjugés. Une réévaluation de cette notion accorde aux stéréotypes un avantage<br />

cognitif : par ce que nous avons besoin pour comprendre le monde de nous référer à des<br />

modèles connus, à des croyances partagées. Il est intéressant de noter que la conception<br />

positive et la conception négative de la notion cohabitent actuellement, l'acception<br />

positive étant proche de la notion de ‘ représentation sociale’ considérée par Jodelet<br />

(1989 : 36) comme « ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une<br />

réalité commune à un ensemble social ». Cependant, dans l'analyse des représentations<br />

telles qu'elles ont été formulées dans les questionnaires, c’est l'aspect péjoratif de la<br />

notion de stéréotype qui domine, suivant en cela ce qu'écrit Maisonneuve (1989 : 141,<br />

cité par Amossy et Herschberg-Pierrot, op. cit.) :<br />

« Le propre de la stéréotypie, c'est d'être grossière, brutale, rigide et de reposer sur<br />

une sorte d'essentialistes simplistes ou la généralisation porte à la fois : – sur<br />

l'extension : attribution des mêmes traits à tout être ou objet désignable par un<br />

même mot […] – sur la compréhension : par simplification extrême des traits<br />

exprimables par des mots. »<br />

Le fait que des futurs enseignants de l'école primaire ne parviennent pas à dépasser des<br />

stéréotypes m'a semblé préoccupant pour les élèves dont ils auront la charge (Deyrich &<br />

Dyson, 2006). Cette inquiétude a d’ailleurs été renforcée par l’observation de leçons et<br />

par la lecture des manuels disponibles. En effet, étant donné les ouvertures culturelles<br />

offertes dans les programmes en général et de l’école primaire (cf. Deyrich, 2007a: 27-<br />

52) en particulier – partir du monde de l’enfant pour découvrir le monde et donc la<br />

culture d’autres enfants – les pratiques de classe pourraient aller au-delà d’un rebrassage<br />

sempiternel des mêmes « faits » (sic) culturels, censés être représentatifs de la culture<br />

enseignée (cf. Halloween pour l’anglais). Il semblerait que les nouveaux manuels<br />

81


commencent à adopter une vision un peu plus large de la culture du monde anglophone.<br />

J'ai néanmoins remarqué que l’ouverture culturelle de certains manuels est encore<br />

limitée même parmi les tout derniers publiés. Certains se cantonnent à un univers<br />

strictement britannique et londonien, avec bus et cabines téléphoniques rouges, la<br />

famille royale, Harrods, etc., comme par exemple, New Spring 6 e – malgré une<br />

invitation au voyage en Europe et en Afrique du Nord dans l'épilogue. D’autres sont<br />

moins stéréotypés mais leur ouverture n’est pas pour autant significative. Ainsi, le<br />

manuel Enjoy English 6 e offre une diversité culturelle qui permet aux enfants de<br />

dépasser Big Ben mais les thèmes culturels censés proposer des activités motivantes<br />

pour les enfants dénotent une imagination très modérée (Halloween, Thanksgiving,<br />

Christmas et autres thèmes qui ont déjà été abondamment exploités à l'école primaire).<br />

Or, il est des domaines où l’expérience peut être à la fois linguistique et culturelle, dès<br />

les débuts de l’apprentissage ; c’est en particulier le cas de l’album en version originale<br />

(Deyrich, op. cit. : deuxième partie, chapitres 4 et 5).<br />

- Un objectif culturel à construire<br />

Si l’on admet que le développement de la compétence culturelle suppose que l’on ait<br />

pour objectif de mieux comprendre la culture cible, il convient alors d’encourager une<br />

attitude dépourvue de préjugés pour accepter les écarts entre son propre système de<br />

représentations culturelles et l’autre dans la L2 (Cain & Briane, 1996) et pour<br />

entreprendre le développement d’une « intelligence interculturelle » (M.F. Narcy-<br />

Combes, 2006). Une telle démarche suppose que l’on donne les moyens aux<br />

enseignants de développer une compétence culturelle et interculturelle réflexive et<br />

personnelle. J’ai développé ce point de vue à propos de la compétence culturelle à<br />

l’école (Deyrich, 2007a : 10-11). Dans ce contexte, la culture enfantine est le point<br />

commun dans la définition des contenus culturels (ibidem : 75-76). L’enjeu est d’aider<br />

l’enfant à accepter les écarts entre les représentations qu’il a de sa propre culture (R1) et<br />

les représentations qu’il a de la culture dans la langue étudiée (R2). C’est donc à partir<br />

de l’identification et de l’analyse de ces écarts, qu’il devrait pouvoir bâtir pas à pas une<br />

compétence culturelle ouverte et évolutive. Il ne s’agit pas uniquement de comprendre<br />

ou de faire sienne la culture de la L2 mais d’adopter un positionnement intermédiaire,<br />

d’occuper une ‘troisième place ’ (Kramsch, 1993) qui se situe entre R1 et R2. Dès lors,<br />

pour occuper cette troisième place, pour se positionner dans une sphère interculturelle, à<br />

82


partir de laquelle les apprenants pourront réfléchir de manière personnelle, il y a un<br />

travail à mener. La didactisation d’œuvres littéraires des pays anglophones offre alors<br />

l’occasion de « lire d’autres cultures » (Deyrich, 2007a : 180-192).<br />

Le positionnement de l’enseignant devrait lui aussi se fonder sur l’observation et<br />

l’expérience plutôt que sur des stéréotypes rigides. Il est alors souhaitable que la<br />

formation leur donne la possibilité d’expérimenter un « vécu interculturel et<br />

interlinguistique » (Deyrich, 2007b), de telle sorte qu’ils prennent en charge leur propre<br />

apprentissage d’une distanciation critique et réflexive. La formation pourrait alors se<br />

pencher sur la façon de développer une conscientisation ‘cultural awareness’ pour une<br />

prise en compte et une analyse des différences culturelles (Deyrich & Matas-Runquist,<br />

2006).<br />

Dans la didactisation, que ce soit pour l’enseignement ou pour la formation, la priorité<br />

est de favoriser le phénomène de décentration, de telle sorte qu’il devient opportun et<br />

nécessaire de s’intéresser à d’autres systèmes de représentation (cf. Deyrich & Dyson,<br />

2006). La démarche devrait amener les apprenants à relativiser leur propre système et à<br />

le mettre en perspective avec celui d’autres personnes. Cependant, cette démarche, aussi<br />

fondée soit-elle, ne produit pas d’effets immédiats et demande donc qu’il y ait un<br />

entraînement régulier et progressif pour qu’il y ait prise de recul, décentrations et<br />

ajustements.<br />

b) Langue et savoirs langagiers<br />

- Dans le cours de L2 : une interprétation institutionnelle<br />

La L2 réfère à une pratique humaine et sociale et à des savoirs censés vivre en dehors de<br />

l’école. La L2 matière scolaire ne peut cependant pas être mise sur le même plan que la<br />

pratique ‘réelle’, langue de tous les jours, langue littéraire, langue de spécialité, etc. Elle<br />

n’en est pas le calque en miniature (Deyrich, 2007a : 11-12). Une première approche<br />

didactique serait de l’envisager comme constituée de prélèvements pour viser une<br />

pratique de cette L2 par des apprenants dans les contextes sociaux où ils vont se trouver.<br />

Savoir ce qu’il y a ‘à savoir’ sur la langue réfère ainsi à un secteur social qui ne cadre<br />

pas avec les pratiques scolaires. De ce point de vue, la dimension communicative de<br />

l’enseignement préfigure des situations actualisables mais cette approche dite<br />

‘communicative’ n’est qu’une interprétation de cette vie sociale par la didactique<br />

‘institutionnelle’ (programmes, instructions et documents d’accompagnement). Des<br />

83


‘besoins de communication’ sont ainsi créés, en relation étroite avec des besoins d’ordre<br />

linguistique (besoins lexicaux, grammaticaux exprimés en termes de notions et<br />

fonctions, etc.). ceux-ci représentent généralement une trame sur laquelle, au fil de<br />

l’actualisation didactique, l’apprentissage de la langue est censé se tisser<br />

harmonieusement. Dans l’examen des programmes et instructions successifs pour<br />

l’enseignement à l’école primaire, on constate à quel point le lien est étroit entre la<br />

description des savoirs et leur utilisation potentielle dans le cours de langue (ibidem :<br />

chapitres 2 et 3). De plus, l’investissement prévu dans les savoir-faire témoigne de<br />

l’évolution des présupposés sur le lien entre le monde extérieur et l’univers scolaire. Le<br />

trait le plus marquant des préconisations institutionnelles récentes est le passage d’une<br />

démarche communicative calquant le réel à une démarche ‘actionnelle’, qui accorde une<br />

prise sur le réel (ibid. : 93-94). On rejoint ici une approche par tâches (Ellis, 2003) où<br />

l’apport langagier n’est plus le point de départ mais un sous-ensemble qui permet la<br />

réalisation de la tâche et qui donne ainsi davantage de sens aux apprentissages (Deyrich,<br />

soumis à l’éditeur).<br />

- Pour l’enseignant d’anglais<br />

Si l’on définit l’anglais comme langue de communication dans les pays anglophones ou<br />

comme langue du locuteur natif anglophone, cela ne représente qu’une partie de ce<br />

qu’est la L2 pour l’enseignant. La question ne se pose pas tellement pour la qualité de la<br />

langue qui est attendue, bien qu’il existe parfois un décalage entre le niveau d'anglais de<br />

l’enseignant et celui qui est requis dans les concours de recrutement. Elle se rapporte<br />

plutôt à ce qui particularise cette langue lorsqu’elle devient langue pour l'apprentissage.<br />

Pour Widdowson (2002 : 68) une expertise est nécessaire mais elle concerne la<br />

« matière » langue (subject) et non la simple « pratique » de la langue : « experience in<br />

the object language is not the same as expertise in the language subject 9 ». De son point<br />

de vue, le locuteur natif ne peut donc se prévaloir de sa maîtrise de la langue pour<br />

s’arroger l’expertise de la langue comme matière d’enseignement-apprentissage parce<br />

qu’une langue pour l'apprentissage relève de la didactique. Cette langue-matière-pour<br />

l’apprentissage intervient aussi dans le guidage pour un entraînement dans la langue qui<br />

engendre des transformations de l’input, que ce soit pour donner à comprendre ou pour<br />

9<br />

L’expérience de la langue en tant qu’objet n’est pas la même chose que l’expertise au sujet de la langue.<br />

84


faciliter la prise de parole (Deyrich, 2007a : 84-85). Des compétences sont donc<br />

requises, tant dans la L2 que dans l’étayage avec cette L2.<br />

Dans les rôles que l’enseignant est censé jouer (M.F. Narcy-Combes, 2005 :110),<br />

l'expertise figure au premier rang : l'enseignant est un expert, d'une part de sa discipline<br />

(maîtrise de la langue obligatoire) et, d'autre part, de didactique de pédagogie (pour<br />

adapter son enseignement public, préparer son enseignement avec rigueur, etc.). Les<br />

autres rôles relevés sont : le technicien (qui organise apprentissage par le choix des<br />

supports, des activités, etc.), le chercheur (qui ajuste sa pratique aux découvertes<br />

concernant sa discipline), l’éducateur (qui contribue au développement intellectuel de<br />

l’élève) et l'employé de l'éducation nationale (qui connaît les instructions officielles et<br />

s'y réfère).<br />

Or, chacun des rôles assignés modifie en retour les contours et la définition de cet<br />

‘objet-langue-d'apprentissage’ qui est ainsi avant tout une construction d'ordre<br />

didactique bien distincte de la langue du natif, avec laquelle elle entretient cependant<br />

d’étroites relations. Pour Trappes-Lomax (2002) la formation des enseignants en langue<br />

ajoute un univers langagier supplémentaire : (A) le monde «réel », (B) le monde de la<br />

salle de classe, (C) le monde de la formation des enseignants en langue. Les variations<br />

se situent au niveau des pratiques concernant l’utilisation, l’acquisition et<br />

l’objectivisation. Ainsi, dans l'utilisation, les pratiques langagières se manifestent plus<br />

particulièrement dans la pensée, la communication les variations pour (A), dans le<br />

transactionnel et la gestion des tâches pour (B), dans le discours des séminaires et<br />

modules, du suivi du travail et autres activités. Bien que la notion de langue du monde<br />

« réel » doive être modulée, il paraît intéressant de s’interroger sur ce qui caractérise ces<br />

univers langagiers pour tenter de dégager ce qui dans la formation (C) pourra avoir un<br />

impact favorable dans le cours de langue (B). À mon sens, ces interrogations relèvent<br />

du domaine de la recherche en didactique des langues (qui est lui-même un autre<br />

univers langagier). En tous les cas, la « matière » langue dans le contexte de formation<br />

est problématique et il est difficile d'en rendre compte en termes de compétences<br />

disciplinaires uniquement (cf. Deyrich, 2007b). La professionnalité et l'expertise dans<br />

‘l'objet-langue-d'apprentissage’ supposent pour Trappes-Lomax (2002) une<br />

identification de ce qui est étranger dans la langue ; pour Widdowson (2002), elles<br />

requièrent une prise de conscience de la différence entre la langue, telle qu’on la parle et<br />

la langue-matière pour l’apprentissage. cette professionnalité pourrait encore aller plus<br />

loin, par une prise de conscience des processus cognitifs à l’œuvre, que ce soit pour tirer<br />

85


parti de l’articulation L1-L2 (Deyrich, 2007a : 117-121) ou pour proposer des tâches<br />

pour faciliter la mise en place de stratégies cognitives transférables (Deyrich, 2007a).<br />

2.3. Des médiations didactiques polyfonctionnelles<br />

Dans le champ de la L2, la notion de médiation didactique réfère à la langue culture<br />

mise à l'épreuve de l’enseignement-apprentissage. Les interrogations sont multiples, en<br />

raison des différentes fonctions ainsi allouées : une langue à apprendre et à enseigner,<br />

une langue pour apprendre et pour enseigner, une langue pour faire apprendre et faire<br />

enseigner. À chacun de ces niveaux différents niveaux, la médiation a pour but de<br />

donner des moyens pour que la langue-culture soit à la fois ‘enseignable et apprenable’<br />

(cf. supra, première partie).<br />

a) Des stratégies didactiques dans une logique d’apprentissage<br />

Les questions sont liées à l’activité de l’apprenant et aux moyens susceptibles de<br />

générer cet engagement dans une activité langagière (Deyrich, 2003). Parler de<br />

médiations en termes de « stratégies » (Deyrich, 2001) revêt un aspect positiviste qui<br />

pourrait être interprété comme une croyance naïve en des liens de causalité directe entre<br />

le travail didactique et l’apprentissage. La stratégie n’est pas non plus d’ordre offensif,<br />

dès lors que les apprenants et l’enseignant sont posés en leur qualité de sujetsénonciateurs.<br />

La terminologie pourrait là aussi être interrogée, parce l’emploi de ‘sujets’<br />

pourrait référer à un rapport de sujétion mais tel n’est pas le cas ici. J’ai employé<br />

l’expression « stratégies d’enseignement » et, faute de trouver une expression plus<br />

adaptée, je l’emploie ici parce qu’elle permet d’envisager la situation sous l’angle de<br />

l’enseignement. Il s’agit alors de tenter d’appréhender un ensemble complexe de<br />

données qui relèvent de la planification et de la didactisation (Deyrich, 2007a : 62-72).<br />

Dès lors, c’est en fonction des domaines de référence, des objectifs d’enseignementapprentissage,<br />

des motivations, etc. que l’intervention didactique est envisagée (cf.<br />

2004a). Les stratégies visent ainsi une mise en mouvement dans la langue et, pour ce<br />

faire, elles se focalisent sur le sens de cet apprentissage (ibidem). Parmi les situations<br />

qui mettent l’apprenant en mouvement, en négociation avec la matière langue, je<br />

m’arrêterai ici sur la réflexion sur la langue pour examiner la question du point de vue<br />

de l’apprentissage et des besoins de formation qui en découlent, puisque la réflexion sur<br />

la langue fait partie du cahier des charges de l’enseignant, tant au niveau de l’attente<br />

institutionnelle (Deyrich, 2007a : Deuxième partie, chapitre 3) qu’à celui d’une prise en<br />

86


compte des recherches qui en prouvent le bien fondé (cf. supra : Représentations et<br />

dimension métalinguistique dans l’apprentissage).<br />

En effet, puisque le professeur devra être capable de guider l’élève dans la construction<br />

de son système de représentations sur la langue, il est essentiel qu’il soit armé pour<br />

mener une réflexion sur les savoirs monopolisés dans les savoir-faire et sur les<br />

transformations qu’ils doivent subir pour entrer dans la salle de classe, donc sur les<br />

« savoirs enseignés » (Deyrich, 2001). On peut en déduire qu’il devra se montrer<br />

capable d’une relecture des connaissances disciplinaires qu’il a acquises à travers le<br />

filtre didactique. Il lui faudra notamment fournir un travail de déconstruction, de mise<br />

en perspective et de reconstruction de ses propres connaissances théoriques, de telle<br />

sorte qu’il soit capable de réorganiser de façon cohérente ce qui mérite d’être conservé<br />

et rejeter ou modifier ce qui ne résiste pas à l’examen (Deyrich, 2003).<br />

Mener des élèves dans ce type d’activité suppose que l’on ait soi même réfléchi à ce qui<br />

caractérise la L2 en tant que système, par rapport à la L1. Un recul est à prendre alors<br />

par rapport à un savoir linguistique universitaire pour une mise en place d’une<br />

grammaire opérationnelle, visant à aider les apprenants de se forger des repères<br />

(Deyrich, 2003) dans la construction de leur grammaire interne (cf. Osborne, 1999).<br />

- Travail pré-pédagogique<br />

Dès lors que l'on admet que les stratégies didactiques peuvent jouer un rôle dans<br />

l’apprenabilité de la matière, une multitude de questions se posent. Elles concernent<br />

différents aspects d'un travail qui est préalable à la situation d'enseignement<br />

apprentissage. Ainsi, pour tenir compte des processus mentaux à l'œuvre (M.F. Narcy-<br />

Combes, 2005), la question de l'accent à mettre sur l’explicite ou l’implicite dans le<br />

travail sur le langage côtoie celle de la forme à donner à l’input pour viser une<br />

appropriation (cf. supra et Deyrich, 2007a : 69). De plus, tenir compte du<br />

fonctionnement cérébral dans le contexte d’apprentissage interroge sur le choix entre<br />

une sollicitation d’un travail cognitif visant la mise en place de règles transférables<br />

(rule-based system) et/ou d l’assimilation de blocs directement exploitables dans<br />

d’autres situations (examplar-based system). Ces questions – et bien d’autres – montrent<br />

à quel point les stratégies didactiques ont lieu d'être informées par différents domaines<br />

scientifiques de références (ibid. : 53-58). Les hypothèses qui découlent de ces apports<br />

théoriques ont une incidence sur les paramètres à l’œuvre dans le travail pré-<br />

87


pédagogique. Ainsi, dans l'expérimentation d'une articulation entre la L1 et la L2 sur<br />

des supports littéraires (ibid. : deuxième partie, chapitres 4 et 5), l'hypothèse de la<br />

nécessité d'un recours à des processus de haut niveau en complémentarité des processus<br />

de bas niveau (Gaonac’h, 1991) a donné lieu à une mise en place de dispositifs qui ont<br />

orienté les tâches données aux élèves (Deyrich & Olivé, 2004). Ces paramètres<br />

multiples interviennent ainsi, tant pour la sélection des moyens langagiers donnés aux<br />

élèves que pour l'élaboration de dispositifs qui serviront de base à ce travail langagier.<br />

En conséquence, le travail de mise en forme de l’input intervient non seulement pendant<br />

la séance d’enseignement-apprentissage mais aussi et surtout en amont (cf. Deyrich, op.<br />

cit. : 62-63). Or, bien qu'il soit complexe, il semble important que les enseignants soient<br />

entraînés à prendre en charge les transpositions qui devraient s'enchaîner dans le travail<br />

pré-pédagogique (ibidem : schéma de la page 62), dès lors que la formation vise une<br />

autonomie responsable. À cet effet, j'ai proposé une version simplifiée de la description<br />

de ce processus :<br />

« De façon très concrète, ces transpositions successives seront les suivantes :<br />

1. Définir les caractéristiques de l’ « objet-langue » qui vont intéresser le<br />

travail langagier.<br />

2. En délimiter une portion qui servira de point d’appui, en fonction des<br />

programmes et d’objectifs fixés selon les besoins répertoriés.<br />

3. Transformer ce matériau langagier pour qu’il trouve place dans des activités<br />

où il sera travaillé à différents niveaux par les apprenants. » (ibid. : 57)<br />

b) Didactisations et tâches<br />

- Donner ‘à prendre’ dans une perspective didactique<br />

La notion de didactisation n’est pas naturelle en soi, malgré son ancrage dans la<br />

situation scolaire. Le débat est entamé depuis longtemps entre deux conceptions de<br />

l’apprentissage : d’un côté le naturel, l’action, la démarche volontaire et de l’autre, la<br />

rationalisation, la progression, la limitation des risques (Deyrich, soumis à l’éditeur).<br />

Comenius proposait déjà un apprentissage systématique, progressif qui permette<br />

d’échapper à l’aléatoire. A l’inverse, la pédagogie Freinet prend appui sur la volonté<br />

d’entreprendre et sur l’action. Pour Develay (1994), l’apprentissage ne requiert pas de «<br />

sages apprentis», dans la mesure où apprendre suppose une mise en activité personnelle<br />

et volontaire du sujet. La nécessité de cette activité est soulignée par Astolfi (2002) qui<br />

88


dit que les savoirs sont ‘à prendre’ dans l’école - apprendre correspondant à un doublet<br />

du verbe appréhender.<br />

Donner ‘à prendre’ suppose un travail de didactisation préalable pour qu’il y ait un<br />

input dans un contexte précis. De ce point de vue, il ne s’agit pas d’acquisition non<br />

guidée, comme ce serait le cas pour une langue seconde où les données sont<br />

généralement aléatoires. La perspective didactique suppose que des données soient<br />

introduites pour viser un apprentissage et donc in fine une acquisition (cf. Deyrich, op.<br />

cit. : 13-14 ; 57-58). Cet input peut ne pas avoir été traité mais son arrivée dans une<br />

situation d’enseignement-apprentissage est déjà de l’ordre du traitement, ou pour le<br />

moins, de l’ordre de l’organisation. Il s’agit le plus souvent d’un objet-langue préconstruit<br />

(Dabène, 1995) qui s’inscrit dans un cadre institutionnel où l’enseignant ne<br />

dispose pas du temps qui serait nécessaire pour rendre cet apprentissage ‘naturel’<br />

(Hilton, 2005). Le travail de planification envisage aussi bien l’action langagière<br />

immédiate que le plus long terme (Bailly, 1997).<br />

La question du traitement de l’input est toujours d’actualité et la réflexion évolue,<br />

notamment pour tenir compte des possibilités nouvelles offertes pour le contact avec la<br />

L2 (cf. Deyrich 2004a ; Deyrich & Dyson, 2006). Dans ce contexte, je considère qu’il<br />

n’y a plus lieu d’opérer un choix exclusif et systématique entre le ‘bain de langue’ et la<br />

situation d’enseignement-apprentissage construite. Il s’agirait alors plutôt de pondérer<br />

l’intensité de la didactisation en fonction de la situation. Ainsi, dans le cadre des<br />

échanges facilités par l’utilisation des TIC (e-twinning, tandem, tâches de type<br />

webquest, etc.) et en raison d’un encouragement institutionnel du développement de<br />

tâches d’enseignement-apprentissage (approche ‘actionnelle’), les apprenants se<br />

trouvent de plus en plus souvent en prise directe avec la L2 (Deyrich, 2007a, 93-94) et<br />

bénéficient d’une pratique plus proche de l’immersion. Ce n’est pas pour autant que ces<br />

dispositifs existent en dehors d’objectifs et, partant, de stratégies d’enseignementapprentissage<br />

(ibidem : première partie, chapitre 4).<br />

- Tâches et dispositifs<br />

Parler de didactisation suppose qu’il y ait enseignabilité de la matière, que cette matière<br />

ne se suffise pas à elle-même, comme c’est le cas si on adopte une thèse innéiste. Les<br />

évolutions successives des méthodes et méthodologies n’ont pas retenu cette hypothèse<br />

qui est difficile à mettre en œuvre dans l’apprentissage hors immersion. Quant à<br />

89


l’apprenabilité, elle ne peut se décréter d’office. Il ne suffit pas de vouloir que les élèves<br />

apprennent. Une didactisation est ainsi amenée à prendre un appui sur des hypothèses<br />

théoriques fiables, en particulier sur les processus en jeu dans l’apprentissage, en<br />

général et, plus particulièrement dans l’apprentissage d’une L2. C’est une réflexion que<br />

j’ai eu l’occasion de mener à propos de la didactisation se fondant sur le concept de<br />

tâches d’enseignement-apprentissage (Ellis, 2003) dans un groupe de chercheurs réunis<br />

autour de Jean-Paul Narcy-Combes (Deyrich, in Walski & Narcy-Combes, soumis à<br />

l’éditeur). Je m’intéressais aux micro-tâches dans le but d’examiner comment cette<br />

conception de la didactisation pouvait s’insérer utilement dans la logique<br />

d’apprentissage d’étudiants avancés en anglais de spécialité. Cependant, avant de faire<br />

le point sur l’élaboration, la mise en œuvre et le bilan de cette démarche, il m’a semblé<br />

utile d’opérer un détour que traduit d’ailleurs le titre de ma contribution : « Une<br />

didactisation entre le pourquoi et le comment. Le cas des micro-tâches ». Une première<br />

discussion porte sur ce qui peut justifier une didactisation en amont d’une L2 qui réfère<br />

à une pratique sociale pouvant s’acquérir d’une manière plus naturelle, en contexte<br />

(ibidem). Dès lors que cette justification est admise, l’élaboration des dispositifs devient<br />

nécessaire dans le cours de L2 mais elle suppose l’adoption d’une démarche susceptible<br />

de faire progresser les apprenants (ibid.).<br />

c) Médiations pour une démarche conceptualisatrice<br />

- ‘Désapprendre’ pour apprendre : Le cas des micro-tâches<br />

Les micro-tâches sont envisagées comme des moments plus intenses de travail dans la<br />

langue qui visent à faciliter la prise de recul réflexif sur la langue. En effet, bien que la<br />

répétition joue un rôle dans l’apprentissage, elle ne peut suffire, l’apprentissage<br />

supposant une forme de ‘désapprentisage’ (Ledoux, 2003), prérequis pour qu’un<br />

apprentissage puisse avoir lieu. Or, celui-ci requiert un recul conscient qui permet<br />

d’accepter d’apprendre (J.P. Narcy-Combes, 2005). De ce point de vue, l’approche<br />

conceptualisatrice (Bailly, 1998 ; Deyrich, 2001 ; Deyrich, 2003) peut contribuer à<br />

installer une attitude et une méthodologie de recherche profitables aux étudiants, aussi<br />

bien dans leurs études qu’à l’issue de leur formation.<br />

Les tâches que j’ai élaborées et expérimentées concernent la dimension<br />

métalinguistique et réflexive dans laquelle il y a mise en perspective du système de la<br />

L2 avec celui de la L1 (cf. Deyrich, 2007a : 144-147). Le point de vue est que cette<br />

90


dimension est essentielle dans l’apprentissage de la L2 parce qu’elle peut aider<br />

l’apprenant dans la structuration des données pour lui faciliter la mise en place d’un<br />

nouveau système de représentations (cf. supra). La focalisation sur la forme est censée<br />

contribuer à la construction du sens. L’objectif principal est d’aider l’apprenant à<br />

dépasser les problèmes liés à la ‘nativisation’ qui le cantonnent dans une vision du<br />

monde où tout ressortit aux principes de sa L1 ou de ses critères personnels (cf.<br />

Andersen 1983 ; Schumann 1986 ; J.P. Narcy-Combes, 2005). La démarche vise à<br />

inciter l’apprenant à se décentrer et à accepter qu’il puisse y avoir un autre système que<br />

le sien, qui mérite son attention et qui a sa propre cohérence. Il s’agit donc de l’aider à<br />

prendre du recul pour qu’il interroge la relation forme/valeur dans une démarche<br />

réflexive (cf. Deyrich, soumis à l’éditeur). Pour que ce décentrage et ce recul réflexif<br />

soient possibles, la démarche consiste alors à proposer aux apprenants des « occasions<br />

de désajustement » (Lahire, 1998 : 56) pour que le travail dans la langue soit mis en<br />

perspective avec le travail sur la langue (cf. Deyrich, op. cit.).<br />

- Des savoirs mis en forme<br />

Parce que l’objet d’enseignement est instable et vulnérable, seul un travail didactique<br />

raisonné et approfondi peut espérer rendre son enseignement profitable. Dès lors, la<br />

définition de contenus est indispensable car on ne peut laisser à l’apprenant le soin de<br />

faire le tri : une telle option serait propre à perpétuer les inégalités dans l’utilisation du<br />

savoir (Deyrich, 2000). Cependant, le savoir linguistique ne peut être livré à l’état brut.<br />

En d’autres termes, pour que la grammaire soit réellement opératoire, il y a lieu de<br />

s’interroger sur la nature et la fonction des traitements auxquels ce savoir linguistique<br />

devra être soumis pour qu’il ait toutes les chances de jouer un rôle déterminant dans<br />

l’apprentissage. Se trouve ainsi posée la question des moyens d’action dont nous<br />

disposons pour que le processus transpositif facilite l’apprentissage (Deyrich 2001).<br />

Globalement orientée vers un progrès, la médiation didactique transforme et simplifie<br />

l’ensemble des données pour qu’elles deviennent appropriables et qu’elles soient<br />

réinvesties dans les quatre savoir-faire en langue. Il ne s’agit cependant pas d’un<br />

phénomène uniforme. On constate notamment une démultiplication, au fil des<br />

différentes instanciations du savoir. Il nous faut donc parler de ‘médiations’ au pluriel.<br />

(Deyrich, 2001, 2003). Chacune de ces médiations possibles est orientée vers la quête<br />

91


d’une jonction favorable entre les stratégies d’enseignement et les stratégies<br />

d’apprentissage.<br />

- Des savoirs en position ‘médiate’<br />

Le savoir linguistique n'a absolument pas sa place en tant que tel dans l'enseignement de<br />

la langue étrangère : il a sa logique propre qui n’est pas celle de l’apprentissage (cf.<br />

supra). Il peut toutefois contribuer à une meilleure compréhension du fonctionnement<br />

de la L2, sans pour autant intervenir directement. Lorsqu’on le convoque, c’est toujours<br />

dans un entre-deux, dans une position médiate (Deyrich, 2001). Tout d’abord il aide<br />

l’enseignant à concevoir ce qui fait de la langue un système. L’analyse prend ainsi appui<br />

sur le domaine de la linguistique mais elle débouche toujours sur une analyse<br />

didactique, c'est-à-dire transposable en exercices et activités (Deyrich, 2003 ; Deyrich,<br />

soumis à l’éditeur). Le processus transpositif consiste à rendre le savoir (retenu comme<br />

pertinent pour une situation d’enseignement-apprentissage spécifique) à la fois<br />

intelligible (dans l’appareil explicatif) et conceptualisable (dans la réflexion sur la<br />

langue). Cette position médiate pointe le regard sur un paradoxe propre à la matière L2 :<br />

les savoirs n’y semblent pas prépondérants à première vue mais ils s’avèrent tout à la<br />

fois essentiels et indirects dans leur intervention (Deyrich, 2001). En effet, la L2 matière<br />

ne peut se réduire à un ensemble de savoirs à transmettre, mais elle implique que les<br />

apprenants parviennent à mobiliser des savoirs précis et complexes (dans la langue et<br />

sur la langue), au service des savoir-faire langagiers (cf. Deyrich, 2004a).<br />

d) Pour une maîtrise des médiations<br />

J’ai, à plusieurs reprises, mis l’accent sur le rôle que l’enseignant devrait pouvoir jouer<br />

dans les médiations (Deyrich, 2001 ; Deyrich, 2003 ; Deyrich, 2007a : 79-80). Donner<br />

aux futurs enseignants les moyens d’intervenir dans le choix des contenus et dans les<br />

didactisations relève de la formation (Deyrich, 2003 et supra). Cette prise en charge est<br />

à corréler avec la notion de « responsabilité épistémologique » (J.P. Narcy-Combes,<br />

2005) qui nous engage à considérer que notre responsabilité est engagée pour aider les<br />

enseignants à devenir pleinement acteurs dans le processus. Il s’agit dès lors d’une<br />

responsabilité à partager. Elle présuppose chez les enseignants des savoirs et savoirfaire<br />

professionnels spécifiques, ne serait-ce que pour être en mesure d’adopter une<br />

92


perspective distanciée et réflexive sur la notion de savoir ou pour objectiver les<br />

phénomènes langagiers.<br />

- De l’intuition à la problématisation<br />

Dans le cadre de l’instauration de la L2 comme discipline à l’école primaire, j’ai avancé<br />

(Deyrich, 2003) que la formation des maîtres devrait se donner les moyens de mieux<br />

analyser et comprendre le travail de l’enseignant, entre activité prescrite et activité<br />

réelle (Clot, 1999). Les observations de classe auxquelles je me suis livrée m’ont aidée<br />

à mieux cerner les caractéristiques de cette dimension professionnelle, nouvelle dans la<br />

palette du maître. De plus, j’ai pu me rendre compte que même si une innovation ne<br />

pose pas des problèmes résolument nouveaux pour la didactique des langues, sa mise ne<br />

œuvre effective nous incite à les examiner sous un angle différent (cf. Deyrich, 2007a).<br />

Parmi les problèmes soulevés pour la formation des maîtres, celui de la<br />

conceptualisation devrait faire l’objet d’une investigation. En effet, la réflexion sur la<br />

langue fait partie des préconisations des instructions officielles (idem, première partie,<br />

chapitre 3). De plus, les maîtres du primaire étant censés être polyvalents, leur travail<br />

dans ce domaine permet d'observer comment les enfants se bâtissent un système, à<br />

l'articulation entre la L1 et la L2 (idem, deuxième partie, chapitre 3). On constate tout<br />

d'abord en effet que bien souvent l’activité conceptualisatrice intervient en quelque sorte<br />

‘spontanément’. Ainsi, dans cette classe de CM1 (Deyrich, 2003 : annexe), le travail de<br />

mise en relation entre la L2 et le français qui ne semble pas poser problème : pas plus au<br />

maître qui dirige la réflexion, qu'aux enfants, qui se montrent curieux et jouent avec le<br />

langage.<br />

« - Maîtresse j’ai compris, day ça veut dire di.<br />

Les autres élèves ont tout de suite acquiescé en répétant les jours de la semaine en<br />

anglais suivis de leur équivalent en français.<br />

- Même pour dimanche ça marche mais le di est devant. »<br />

L'exemple ci-dessus montre bien l'intérêt, voire l'engouement dans le cours de langue.<br />

Dans l'article que j'ai écrit à ce sujet (Deyrich, 2003), j'ai néanmoins signalé que d'autres<br />

interactions posaient des problèmes. Il est en effet fréquent que les tentatives de mises<br />

en réseau ne parviennent pas à dépasser la surface du texte et avoir recours à un système<br />

explicatif cohérent. On observe par exemple des rapprochements abusifs ave le système<br />

de référence du français :<br />

93


« Lors de l’étude des fruits dans The Very Hungry Caterpillar, j’ai été amenée<br />

cette fois à leur faire entendre la différence entre one apple et two apples. J’ai<br />

répété plusieurs fois: one pear/ two pears, one orange/two oranges.<br />

- Que remarquez-vous leur ai-je demandé.<br />

- Le son ‘s’.<br />

- À quoi sert ce son ‘s’ <br />

- C’est quand il y en a plusieurs.<br />

- Donc c’est <br />

- Au pluriel.<br />

- Oui le ‘s’ est la marque du pluriel en anglais….. »<br />

J'ai par la suite pris appui sur cet extrait avec des stagiaires en formation pour les inciter<br />

à une réflexion sur la langue plus distanciée et j'ai été étonnée de constater que<br />

beaucoup d'entre eux entendaient le son [s] pour ‘apples’ et parvenaient à la même<br />

explication (en occultant d’ailleurs aussi ce qu’ils entendaient dans ‘oranges’).<br />

La réflexion sur la langue et la démarche conceptualisatrice ne sont pas possibles si,<br />

dans la formation il n'y a pas de complément disciplinaire sur certains points utiles pour<br />

aider les enfants dans leur apprentissage, des points estimés comme les plus sensibles<br />

(Deyrich, 2003 ; Deyrich & Dyson, 2006). En effet, nous savons que le développement<br />

de la conscience métalinguistique suppose qu’il y ait un réel guidage de l’enseignant. Il<br />

est cependant impossible qu’il puisse guider l’apprenant s’il n’a pas lui-même des<br />

connaissances sur le fonctionnement de la langue. Comme le signale Osborne (1999),<br />

les intuitions des apprenants peuvent être tout à fait valables mais on ne peut pas<br />

imaginer, pour autant, qu’ils vont découvrir par eux-mêmes les grands principes de<br />

fonctionnement de la langue. L’auteur en déduit que derrière les activités<br />

métalinguistiques proposées, l’enseignant doit avoir une idée préconçue de la direction<br />

visée et du but à atteindre. Pour que les ‘faits de langue’ puissent être l'objet d'une<br />

discussion en classe, il paraît alors essentiel qu'une analyse linguistique ait eu lieu<br />

préalablement, dans la préparation du cours, de telle sorte que l'enseignant soit parvenu<br />

à dégager ce qui fait système. En résumé, le guidage métalinguistique n’intervient pas à<br />

l’aveugle et il n’est pas vide de contenus. Enfin, dès lors que l'on considère la démarche<br />

réflexive comme constitutive de l’apprentissage (cf. Deyrich, 2007a : deuxième partie,<br />

chapitre 3), elle suppose aussi qu’il y ait une programmation des apprentissages<br />

(ibidem : 65-68), afin que les apprenants ne soient pas contraints de ‘ découvrir’ année<br />

après année les mêmes faits de langue.<br />

- Réflexion métalinguistique et métalangage<br />

94


Que l'enseignement ait lieu dans le primaire ou dans le secondaire, la démarche<br />

conceptualisatrice et le guidage supposent que l'enseignant ait les moyens de prendre<br />

prise sur une partie du parcours transpositif de la linguistique à la grammaire (cf.<br />

Deyrich, 2003). Pour ce faire, on peut déjà citer un certain nombre de moyens : avoir<br />

une idée de la façon dont la langue fait système, parvenir à confronter ce système avec<br />

celui de la L1, être capable de s'interroger sur ce qui risque de poser problème, etc.<br />

Cette déclinaison de compétences métalinguistiques professionnelles ne peut cependant<br />

suffire en soi car, pour l'enseignant, elles n'ont de valeur que dans le processus de<br />

réflexion qui doit amener les apprenants à adopter une perspective adéquate dans le<br />

passage d’une activité épilinguistique (inconsciente) à une activité métalinguistique<br />

(Deyrich, 2007a : 70-72). C'est un exercice auquel il est intéressant que l'enseignant se<br />

livre d’abord à titre personnel, s'il veut fournir aux apprenants des explications<br />

cohérentes. Un autre problème se fait jour alors et il se situe au niveau de la<br />

simplification. Les difficultés majeures se trouvent dans le choix et à la mise en réseau<br />

de concepts, dans le métalangage, dans l’organisation et la présentation des données (cf.<br />

Deyrich, 2001 ; Deyrich, soumis à l’éditeur). Or, il s'agit de capacité professionnelle de<br />

très haut niveau. J’écrivais (Deyrich, 2003) que pour un développement favorable dans<br />

le cadre de la formation des maîtres, il fallait avoir recours à des approches innovantes<br />

et intégratives, se fondant sur une démarche de type réflexif et associées à une synergie<br />

entre l’enseignement de la didactique et des matières académiques. Depuis lors, dans le<br />

cadre de projets innovants à l'IUFM de Montpellier (Deyrich & Olivé, 2004 ; Deyrich,<br />

2007a : deuxième partie), cette démarche a pu être expérimentée et les résultats se sont<br />

avérés positifs (ibidem). Cependant, seul un tout petit groupe de stagiaires en formation<br />

a participé au projet (ibid.).<br />

CONCLUSION<br />

En situant les interrogations dans les relations entre les sujets et les langues, cette partie<br />

s’est intéressée à ce qui caractérise les médiations ainsi opérées. L’investigation a<br />

d’abord porté sur les interactions dans l’apprentissage d’un objet d’une ‘étrangeté’ bien<br />

spécifique, qui place le sujets dans une position rendue parfois difficile par les affects et<br />

les représentations. La notion d’ego langagier a été sollicitée pour examiner l’impact de<br />

cette appropriation personnelle de l’activité langagière en L2, pour l’apprenant ainsi que<br />

pour l’enseignant.<br />

95


Le second niveau qui a concerné l’exploration des médiations est celui de la L2 dans<br />

une perspective d’enseignement-apprentissage. L’examen des composantes définitoires<br />

de cet objet a montré comment il est appréhendé, en fonction d’objectifs institutionnels<br />

délimitant un ‘paysage disciplinaire’. Un objet paradoxal sur lequel se concentre le<br />

point de vue didactique pour mettre en perspective les problèmes d’apprentissage posés<br />

dans la construction de compétences langagières, culturelles et interculturelles. La<br />

discussion s’est ensuite orientée vers la didactisation et les processus censés aider<br />

l’apprenant à dépasser les difficultés. Les propositions comportent deux volets : d’une<br />

part, un engagement dans des tâches et, d’autre part, une distanciation dans la réflexion<br />

métalinguistique. Pour la formation des maîtres, l’accent se trouve ainsi mis sur deux<br />

aspects complémentaires du développement professionnel, s’agissant de la didactisation<br />

dans des tâches qui mettent le savoir en position ‘médiate’ et de la problématisation<br />

métalinguistique dans une démarche conceptualisatrice.<br />

96


TROISIÈME PARTIE<br />

DES <strong>POSITIONNEMENTS</strong><br />

QUI INTERROGENT LA FORMATION<br />

Poser la question du positionnement incite à interroger des situations d’enseignementapprentissage<br />

et de formation trop souvent supposées neutres ou interchangeables (cf.<br />

Deyrich, 2004a). De la même façon, les acteurs qui y sont engagés se trouvent ainsi<br />

l’objet d’une investigation. Dès lors, leur position ne peut être tenue pour acquise (cf.<br />

Deyrich, 2006). On met ainsi l’accent sur la responsabilité des sujets (J.P. Narcy-<br />

Combes, 2005), dans leurs choix didactiques et professionnels (cf. Deyrich, 2007a : 53-<br />

72). La question du positionnement concerne aussi les sujets dans leur interaction avec<br />

un cadre social (cf. Asdih & Deyrich, à paraître). Leur part de liberté, leur marge de<br />

manœuvre se trouvent alors en relation dialectique avec des contraintes liées à la<br />

société, à des systèmes de valeurs, etc. Décider, écrit Berthoz (cité par J.P. Narcy-<br />

Combes, op. cit.) impose de convaincre ; il y a en cela un aspect dialogique dans la<br />

décision didactique, un positionnement par rapport à des valeurs, le plus souvent sousjacentes.<br />

D’un point de vue professionnel ou plus simplement humain, la démarche<br />

suppose que l’on fixe un repère : on se positionne par rapport à quelque chose et/ou par<br />

rapport à quelqu’un. On se positionne aussi par rapport à d’autres positionnements qui<br />

ont permis de nous situer à un moment ou à un autre et c’est alors par comparaison que<br />

le phénomène intervient. L’idée de base, c’est d’avoir envie d’y voir plus clair, pour<br />

mieux se situer dans l’univers didactique, où les sujets engagés dans une situation<br />

interagissent avec la L2. Se situer, situer l’Autre avec ses différences est un pré-requis<br />

pour qu’il puisse y avoir ‘résonance’ et donc enrichissement par les échanges (cf.<br />

supra : première partie). Une médiation serait aveugle (et donc inopérante), si elle ne<br />

situait pas les enjeux des protagonistes et les possibles des mises en relation.<br />

Seront d’abord envisagés les positionnements d’ordre social et langagiers et leur mise<br />

en texte dans la situation d’enseignement-apprentissage. L’investigation portera ensuite<br />

sur la question des systèmes de repérage et de leur traitement dans des dispositifs visant<br />

une prise en charge de l’apprentissage. Enfin, parler de positionnement dans la<br />

97


formation professionnelle suppose que l’on s’intéresse à la construction de l’identité<br />

professionnelle. La recherche sur l’élaboration curriculaire ouvrira le débat à ce sujet.<br />

1. UN POSITIONNEMENT D’ORDRE SOCIAL <strong>ET</strong> LANGAGIER<br />

Pendant le cours de L2, la question du positionnement prend un tour social (cf. Deyrich,<br />

2006) : l’enseignant et les élèves sont impliqués non seulement en tant que personnes<br />

mais aussi en tant que membres d’un groupe évoluant dans un contexte donné – qui est<br />

lui-même à mettre en relation avec la société au sens large (cf. Deyrich, 2004a ;<br />

Deyrich, 2005b).<br />

1.1. Spécificité des positionnements et de l’attente sociale<br />

Les positionnements nous amènent aussi à envisager la question du regard que l'on porte<br />

sur l’objet, de la multiplicité de ses regards possibles, de leur convergence ou de leurs<br />

divergences. Il s'agit du regard sur l'enseignement-apprentissage mais aussi du regard<br />

sur la langue (un regard porté par les anglicistes ou des non-spécialistes, des adultes ou<br />

des enfants). Il est intéressant de noter que le regard que nous portons sur la langue est<br />

fortement marqué par notre culture (Deyrich & Matas-Runquist, 2006 ; Deyrich & Ess,<br />

2007). Il en est de même pour le regard porté sur l'enseignement apprentissage de la L2<br />

(cf. Deyrich & Ulrich, 2002). Notre regard d’angliciste n’est pas celui des enseignants<br />

d'autres domaines. En effet, pour nombre de collègues, l'enseignement d'une langue<br />

étrangère, l'enseignement des mathématiques ou de l'histoire sont censés relever des<br />

mêmes processus (Deyrich, 2005c ; Deyrich, 2007a : 13-14).<br />

- L’anglais L2, une spécificité non reconnue<br />

Les anglicistes abordent souvent les questions relatives à leur matière entre collègues,<br />

sans se douter que ce qui relève selon eux de l’évidence est très loin d’être partagé,<br />

voire compris, par les collègues d’autres disciplines, par les élèves qui côtoient d’autres<br />

disciplines et par la société en général (Deyrich, 2005c). J’ai été amenée à cette<br />

remarque d’abord par la fréquentation de groupes de recherche pluridisciplinaires : le<br />

LIRDEF (Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Didactique et Formation, EA<br />

3749 Montpellier2, IUFM de l’Académie de Montpellier), dont je suis membre et une<br />

ERT (Équipe de Recherche Technologique) avec laquelle j’ai travaillé à l’IUFM de<br />

l’Académie de Montpellier sur les débuts de cours (cf. Asdih & Deyrich, à paraître). De<br />

plus, la participation aux travaux du REF (réseau international de Recherche en<br />

98


Éducation et Formation) dans le cadre d’un symposium de didactique comparée intitulé<br />

« Généricité et spécificité didactiques » (cf. Deyrich, 2005c) a donné lieu à une<br />

discussion comparative éclairante sur les difficultés rencontrées par les collègues<br />

d’autres disciplines de reconnaître la spécificité d’un enseignement-apprentissage de<br />

l’anglais L2 (ibidem). La L2, le language mathématique et le français langue de l’école<br />

sont mis sur le même plan : des langues qui sont ‘étrangères’ pour les élèves. La L2<br />

possède en effet les traits d’un construit institutionnel (cf. Deyrich, 2007a). J’ai<br />

cependant pu noter l’étonnement des collègues à l’issue d’une présentation d’un extrait<br />

vidéo que j’analysais pour donner un aperçu de l’étayage dans la communication orale<br />

(Deyrich, 2005c, op. cit.). Les manifestations de surprise devant l’ampleur du travail de<br />

l’enseignante – pour pallier le déficit langagier des élèves et pour encourager la prise de<br />

parole en L2 (cf. Deyrich, 2006), puis les questions au cours de la discussion ont montré<br />

que les questions vives pour la didactique de l’anglais sont très éloignées de leurs<br />

représentations. En somme, pour les enseignants d’autres disciplines, il y a<br />

indifférenciation des questions qui touchent au langage et aux langues et il semblerait<br />

que cela soit dû, au moins pour partie, à une incompréhension de la spécificité des<br />

problèmes liés à l’apprentissage d’une L2.<br />

La question de cette méconnaissance s’est ensuite posée à moi d’une manière différente<br />

dans le cadre de la formation des maîtres. Une enquête menée avec Sabine Ulrich en<br />

2001-2002 et visant à faire le point sur les besoins de formation (cf. deuxième partie et<br />

Deyrich & Ulrich, 2002) a montré à que le malaise était profond chez ces professeurs<br />

des écoles stagiaires. Non spécialistes de la L2 pour leur grande majorité, 95% d’entre<br />

eux estimaient que cet enseignement devait être pris en charge par un intervenant<br />

extérieur. Peu de temps après, l’enseignement de la L2 devenait obligatoire et faisait<br />

partie du cahier des charges des enseignants du primaire. Bien que les programmes de<br />

2002 parlent d’un « enseignement comme les autres », donc d’une matière ‘enseignable<br />

et apprenable’ (cf. supra), la matière L2 ainsi que son enseignement ne faisaient<br />

toujours pas partie du paysage professionnel des professeurs des écoles (Deyrich &<br />

Ulrich, op. cit.).<br />

- Des parallèles peu éclairants<br />

J'ai éprouvé le besoin de présenter ce que cette matière a de spécifique dans le but<br />

d'apporter quelques éléments de réponse aux questions posées par les professeurs des<br />

99


écoles stagiaires (cf. Deyrich, 2007a) et pour tenter de situer où se trouvent les<br />

problèmes majeurs. Je me suis rendue compte que ses traits caractéristiques se situent<br />

au niveau des représentations sociales et de l'attente qui en découlent (ibidem : 13-14).<br />

Les attentes s’avèrent souvent excessives en raison de la nature de l'objet langue ainsi<br />

que des comparaisons dont la matière est l'objet (ibid.). Une première confrontation doit<br />

être soulignée, s'agissant de celle de l'apprentissage institutionnel avec un apprentissage<br />

dit ‘naturel’. Les performances des élèves formés par l'école peuvent être<br />

immédiatement comparées avec celles de locuteurs natifs (ibid.).<br />

Tel n'est pas le cas pour les autres matières où l'on ne confronte pas les performances en<br />

mathématiques de l’élève avec celles d'un mathématicien, par exemple (Deyrich,<br />

2005c). Il s'agit cependant d'une dimension pragmatique dont il faut tenir compte parce<br />

que dans la société, la maîtrise d'une langue étrangère correspond à un gage de réussite<br />

(Deyrich, 2007a: 14). La discipline fait d’ailleurs maintenant partie du ‘socle commun<br />

des connaissances’, qui sert de base pour une hiérarchisation institutionnelle des<br />

disciplines d’enseignement-apprentissage (ibidem : 43-44), ce qui, dans l’imaginaire<br />

collectif, lui donne encore plus de poids en termes de réussite scolaire.<br />

Des comparaisons interviennent également avec l'apprentissage du français langue de<br />

l'école – qui est dans la majorité des cas la langue maternelle (ibid.). Par ailleurs, la<br />

langue étudiée à l'école appelée L2 par commodité et la ‘langue seconde’ ne peuvent<br />

être mises sur le même plan (cf. supra : deuxième partie), La question des progrès<br />

réalisés par rapport au temps passé à l’école devrait en cela être révisée – une année en<br />

« situation naturelle » équivaudrait à dix-huit années en situation scolaire, selon<br />

Gaonac’h (cité par Deyrich, 2007a). Parler de ‘bain de langue’ en contexte scolaire<br />

relève ainsi de l'illusion (ibidem : 19). Des travaux comme ceux d'Audin (2004), par<br />

exemple, montrent que les progrès réalisés dans la L2 n'ont rien à voir avec ceux du<br />

natif en L1. Parmi les explications théoriques, on retient que pour la L1, l’enfant qui<br />

apprend à parler a un comportement pragmatique, se fondant sur des schémas<br />

d’interactions verbales, en fonction des échanges (Lahire 2001 :209), alors que pour la<br />

L2, il n’y a pas apprentissage mais plutôt réapprentissage (Deyrich : soumis à l’éditeur),<br />

la L2 étant mise en perspective par rapport au filtre de la L1 (Robinson, 2001 et 2002)<br />

dans un phénomène de ‘nativisation’ (cf. supra), par lequel la perception et l'analyse des<br />

données langagières et culturelles interviennent selon des critères, non pas de L2, mais<br />

le plus souvent personnels à l'apprenant (Narcy-Combes, 2005). Il y a donc bien<br />

100


articulation cognitive entre les apprentissages langagiers (cf. Deyrich, op. cit. 118-122)<br />

mais il serait illusoire d’imaginer qu’il puisse y avoir transfert direct (ibidem).<br />

1.2. Un positionnement mis en texte<br />

Les présupposés sont nombreux et se positionner ne va pas de soi. D’autant moins que<br />

les facteurs en jeu sont multiples et instables. Chacun des protagonistes a une place à<br />

assurer, voire à défendre, socialement, verbalement, affectivement, etc. (cf. Deyrich,<br />

2006 ; Asdih & Deyrich, à paraître).<br />

a) Éléments de cadrage<br />

Dans le champ de la psychologie sociale, la théorie du positionnement (positioning<br />

theory) développée par Harré et ses collaborateurs (Harré & van Langenhove,1999;<br />

Harré & Moghaddam, 2003) envisage l'action comme la mise en place de positions,<br />

pour soi-même et pour les autres. Ces positionnements se traduisent par des actes<br />

(souvent discursifs) ayant un sens au niveau social et ils sont corrélés à une histoire.<br />

Celle-ci inclut une compréhension narrative du contexte : se raconter sa propre histoire<br />

n’est jamais un phénomène figé. De plus, pour les personnes engagées dans ce contexte,<br />

un positionnement implique des droits et des devoirs. Dès lors, les actes qui en<br />

découlent ne relèvent pas de la pure intentionnalité d'un seul sujet mais ils traduisent<br />

aussi des représentations internes de conduites sociales. Dans une telle perspective, c'est<br />

le sujet qui est un produit social et non pas l'inverse. Les discours, les mises en texte,<br />

sont ainsi inscrits à deux niveaux : au niveau social puisque leur origine se trouve dans<br />

le contexte social et au niveau individuel, en fonction de l'expérience personnelle qui<br />

alimente le répertoire social individuel (cf. Deyrich, 2006 ; Deyrich, 2007b).<br />

La perspective est à mettre en relation avec celle de Vygotski (1978), pour qui, dans la<br />

formation des concepts, les processus mentaux se mettent d’abord en place dans le<br />

groupe social (interpsychique), avant d’intervenir au niveau individuel (intrapsychique).<br />

Une symbiose psychologique, en somme, une « construction personnelle et<br />

obligatoirement lente » pour Visethier (1998) qui montre que la médiation pédagogique<br />

peut agir comme révélateur du langage intérieur de l’apprenant et comme moteur<br />

favorisant l’atteinte de la zone proximale de développement : (The zone between what<br />

the learner can do alone and what he/she can do with assistance, Vygotski cf. Deyrich,<br />

2007a: 143-144).<br />

101


Enfin, pour analyser ce qui se joue au niveau social et individuel dans une situation<br />

d’enseignement-apprentissage, d’un point de vue linguistique (cf. supra : deuxième<br />

partie ; Deyrich, 2006 ; Asdih & Deyrich, à paraître), je me fonde sur la théorie des<br />

opérations énonciatives d’Antoine Culioli (1990, 2002), qu’il définit comme une<br />

linguistique dont l’objet est l’étude de l’activité de langage à travers la diversité des<br />

langues, des textes et des situations. Toute communication va ainsi de pair avec des jeux<br />

de langage, des jeux sur le langage (Asdih & Deyrich, op. cit.). Comme le rappelle<br />

Culioli (2002 : 27), dans l’énoncé il n’y a pas de symétrie entre l’énonciateur et le coénonciateur.<br />

Il n’y a pas de symétrie non plus entre l’enseignant et l’apprenant (cf.<br />

Deyrich, 2004b). Cependant, pour appréhender le cheminement énonciatif, nous<br />

disposons de marqueurs ; ces traces nous donnent un aperçu de l’activité intersubjective<br />

parce qu’elles sont « la matérialisation de phénomènes mentaux auxquels nous n’avons<br />

pas accès » (Culioli, op. cit.). Dès lors, les linguistes ne peuvent en donner qu’une<br />

représentation métalinguistique – donc abstraite. Les traces de l’activité intersubjective<br />

nous indiquent à travers ces représentations comment le sujet produit un énoncé et<br />

comment le co-énonciateur reconstruit à partir des marqueurs et des représentations<br />

(Deyrich, 2006). L’analyse de ces échanges verbaux témoigne des ajustements, des<br />

tâtonnements, des « calfatages » (Culioli, op. cit. : 54) qui sont au cœur de la dynamique<br />

langagière (Deyrich, op. cit.). Cette dynamique fonctionne selon des principes de<br />

régulation (qui rappellent les « principes de collaboration » de Grice) ou, à l’inverse,<br />

des principes qui introduisent une rupture (ibidem). Dans l’intersubjectivité, la langue<br />

n’est absolument pas transparente. Dans l’énonciation il y a non seulement cette activité<br />

en elle-même mais aussi :<br />

« [C]et événement pour l’observateur, qui consiste pour un sujet humain à<br />

produire du texte, écrit et oral, qui va être agencé, c’est-à-dire comporter des<br />

régularités, avec des marqueurs qui sont les traces d’opérations, de telle sorte que<br />

cet énoncé va être appréhendé, autrement dit saisi sensoriellement et analysé dans<br />

les traces de marqueurs, et non pas dans sa signification, pour être en même temps<br />

reconnu comme signifiant ». (Culioli cité dans Ducard, 2004 : 12)<br />

Dans la situation dissymétrique que représente le cours de L2, les marqueurs sont ainsi<br />

autant d’indices pouvant aider à mieux comprendre comment le sujet-enseignant et le<br />

sujet-apprenant entrent en contact dans la L2, comment ils ajustent leurs énoncés – ou, à<br />

l’inverse, comment des malentendus surviennent (Deyrich, op. cit). Il s’agit d’énoncés,<br />

certes peu sophistiqués en situation scolaire, mais ils nous fournissent des indices, des<br />

« hublots » pour Adamczewski (1991) qui devraient nous permettre d’aller un peu plus<br />

102


loin, dès lors qu’on les examine de près pour interpréter ce qui est en jeu dans<br />

l’interaction verbale (Deyrich, op. cit.). Parmi ces énoncés en situation d’enseignementapprentissage,<br />

certains sont plus riches en indices que d’autres. C’est le cas du début de<br />

cours de L2 (ibidem).<br />

b) Seuil(s) à franchir<br />

Pour l’enseignant, le moment où les difficultés interviennent de façon évidente est le<br />

tout début du cours de langue (ibid.). Je me suis intéressée à la question pour analyser<br />

avec Carole Asdih, une chercheure psychologue, les gestes professionnels d'entrée et<br />

d'ajustement d'une enseignante experte (cf. Asdih & Deyrich, à paraître). Nous avons pu<br />

observer que ces gestes reposent sur l'expérience d'ajustements préalables vécus dans la<br />

classe (ibidem). Or leur réussite est d'autant plus incertaine que, même chez l'enseignant<br />

expert, il n'existe pas de forme idéalisée de ce concept. Il s'agit là d'un constat souvent<br />

difficile à admettre chez les enseignants débutants : pour eux le début de cours de<br />

langue est souvent vécu comme un échec et cela se traduit d'ailleurs souvent par des<br />

difficultés dans la suite du cours (ibid.).<br />

Chez l'enseignante experte, nous avons analysé comment les obstacles de l'entrée du<br />

cours étaient pour partie surmontés par la construction d'un « espace langagier<br />

commun » dans lequel le positionnement énonciatif de chacun des sujets impliqués était<br />

manifeste (ibid.) Le « passage » dans le cours de langue ne se produit absolument pas de<br />

manière naturelle. Des obstacles d'ordre identitaire, langagier, on affectif, interviennent<br />

(ibid). Le fait d'amener les apprenants à « entrer » dans le cours de langue, quels que<br />

soient leur âge et leur niveau d'études, suppose que les positionnements respectifs soient<br />

reconnus et acceptés (Deyrich, 2006). Dans un article portant sur la notion de<br />

désaccord, mon analyse sur le même début de cours s'est attachée à la délicate mise en<br />

place des positionnements langagiers pour dépasser les zones de résistance (ibidem). Ce<br />

travail s'inscrivait dans une recherche sur « l'agir enseignant et ses ajustements »<br />

(Bucheton, à paraître) menée en collaboration avec l'équipe de recherche technologique<br />

en éducation (ERT) de l'IUFM de Montpellier. Le début de cours a été choisi par<br />

l'équipe de recherche pour une investigation de ce qui se joue au niveau du langage à ce<br />

moment important de la situation didactique (ibidem). L'analyse pluridisciplinaire de ce<br />

moment névralgique comportait en effet une visée praxéologique et transformative,<br />

pour tenter d’apporter des éléments de réponse aux problèmes soulevés par la formation<br />

des maîtres (ibid.). L'analyse a concerné plusieurs domaines disciplinaires : le français,<br />

103


les mathématiques, les sciences et techniques, les langues vivantes étrangères. Les<br />

perspectives croisées sur la question des gestes professionnels se sont longuement<br />

arrêtées sur ce qu'ils ont en commun et sur ce qui en fait leur spécificité disciplinaire. Il<br />

est des gestes transversaux : questionner, problématiser, évaluer, etc. mais ces gestes de<br />

métier communs sont néanmoins toujours spécifiques, car liés à l'épistémologie de la<br />

discipline (ibid.). Ainsi, évaluation et réécriture d'un texte, par exemple, nécessitent des<br />

réglages didactiques bien particuliers (Bucheton & Chabanne, 2002). Quant au<br />

questionnement qui traverse toutes les disciplines, le réglage didactique du début de<br />

cours de L2 semble ne rien laisser au hasard. Ainsi, l’énoncé ‘OK, what are we gonna<br />

say to Jane ’ n’est pas une simple question ouverte (par opposition à une question<br />

fermée, ‘Are we gonna say Hello to Jane ’) mais plutôt une étape dans le cheminement<br />

énonciatif censé être commun à l’enseignante et aux élèves (Deyrich, 2006). Ce<br />

cheminement observé pendant trois séances consécutives met en scène les enfants,<br />

l’enseignante et Jane, la grenouille-marionnette, objet de discours et objet transitionnel<br />

(Winnicott, 1971) pour faciliter le passage d’un univers langagier à un autre (Deyrich,<br />

op. cit. ; Asdih & Deyrich, à paraître).<br />

c) Un accord indispensable<br />

Dans le cheminement énonciatif, un passage de la L1 à la L2 est cependant impossible,<br />

s’il n’emporte pas l’accord des enfants (Deyrich, op. cit.). Aussi, le jeu de langage<br />

observé chez l’enseignante (cf. supra) met-il en place une implication progressive,<br />

censée engager les élèves, pas à pas (ibidem).<br />

La démarche s’avère efficace puisque dans les deux premières le contrat « implicatif »<br />

est progressivement accepté (ibid.), au fil des routines langagières qui impriment un<br />

mouvement en trois temps :<br />

(1) De la sphère de l’énonciateur (I = l’enseignante : ‘Jane, I’ll go and get Jane’)<br />

(2) Vers la sphère des co-énonciateurs (you = les enfants : ‘Could you help me ’)<br />

(3) Énonciateurs et co-énonciateurs sont associés aux actions (we : ‘What do we<br />

say ’) et ils s’adressent directement à Jane la grenouille (Hello).<br />

Le même schéma d’implication progressive est adopté au cours de la troisième séance<br />

mais, cette fois, les enfants ne s’impliquent pas dans le jeu (ibid.) : au lieu de saluer<br />

Jane comme ils l’avaient fait dans les séances précédentes, un élève s’écrie « Jane, c’est<br />

qu’un nounours », et les autres approuvent. Jane est la grenouille marionnette de chiffon<br />

créée par l’enseignante pour introduire rituellement chacun des cours d’anglais.<br />

104


L’enseignante a beau leur dire : « That’s a frog » puis « It’s a frog. It’s not a teddy<br />

bear », les enfants persistent : « C’est un nounours ». L’objet transitionnel a changé<br />

(Asdih & Deyrich, op. cit.) : la grenouille s’est transformée en nounours, objet<br />

transitionnel également mais, cette fois, relevant de la sphère familiale et non de la<br />

sphère scolaire. Pour la collègue psychologue, le nounours remplit lui aussi un rôle<br />

d’objet transitionnel, puisque l’enfant a besoin d’être rassuré, d’être accompagné pour<br />

entrer dans un espace langagier qui lui est étranger et pour y négocier ainsi sa place<br />

(ibidem). Nous en avons longuement discuté mais j’hésite encore car, avec un peu de<br />

recul sur cet épisode, j’y vois aussi un repli vers leur univers familial. Un repli qui ne<br />

leur permet pas de parler dans la L2 et qui, dans la suite des échanges, se manifeste<br />

encore plus ouvertement. Dans l’article sur la notion de désaccord (Deyrich, op cit.), je<br />

m’y étais intéressée en interrogeant la construction des positionnements énonciatifs de<br />

l’enseignante et des enfants dans cette troisième séance, au cours de laquelle des<br />

discordances apparaissaient. Les implications respectives n’y sont en effet pas<br />

symétriques (ibidem). Le désaccord des enfants se manifeste ouvertement par la mise en<br />

doute de l’identité de la grenouille – qui devient ainsi nounours. Ils se raccrochent<br />

affectivement, certes, au nounours mais ils excluent par là même l’objet transitionnel du<br />

rituel langagier : ils ne s’adressent pas au nounours mais directement à l’enseignante.<br />

Cet épisode attire l’attention sur la façon dont les positionnements symboliques et<br />

énonciatifs se mettent en place au tout début du cours de L2 (ibid. ; Asdih & Deyrich,<br />

op. cit.).<br />

2. <strong>POSITIONNEMENTS</strong> DES ACTEURS IN SITU<br />

2.1. Des systèmes de repérage<br />

Dans le début de cours de L2, les positionnements respectifs se mettent en place pour<br />

assurer un passage à situation d’enseignement-apprentissage (cf. supra). Or, ces<br />

positionnements donnent aussi des indications sur les opérations de repérage sousjacentes.<br />

De ce point de vue, identification, localisation et rupture interviennent aux<br />

niveaux symbolique et énonciatif.<br />

a) Une dimension symbolique<br />

Le seuil qui est franchi par l’enseignante dans le début de cours de L2 (cf. supra)<br />

représente le point de départ stratégique vers une mise en situation dans un autre univers<br />

105


langagier (Deyrich, 2007a: 104). Il y a passage du « je » initial dans la L1 au « double<br />

je » dans la L2 (ibidem).<br />

Dans le cas de l’entrée en cours précédemment décrite (cf. supra), la grenouille, objet<br />

transitionnel devait contribuer à faciliter ce passage symbolique. La ritualisation de ce<br />

passage comporte un second volet, où l’enseignante se met en scène : le passage de la<br />

L1 à la L2 est systématiquement rendu explicite par le franchissement symbolique<br />

d’une porte imaginaire, la ‘porte des langues’ (Asdih & Deyrich, op. cit.). Une fois la<br />

porte passée, il y a changement de langue. Cependant, la routine langagière censée se<br />

mettre en place se heurte ici à un obstacle paradoxal, puisqu’il est d’ordre langagier.<br />

L’enseignante, qui vient de franchir la porte des langues, s’attend à ce que les enfants<br />

entrent dans le jeu et lui disent qu’à partir de ce moment c’est l’anglais qui sera la<br />

langue de communication (ibidem). Il y a bien quelques murmures qui donnent<br />

l’impression que les élèves imitent des sonorités anglaises mais aucune prise de parole<br />

en anglais. L’enseignante lance alors : « En français » prévoyant que les élèves<br />

montrent qu’ils s’associent au passage de seuil (ibid.). Ce n’est pas ce qui se produit,<br />

puisqu’un élève intervient, mais en arabe : « Woua al hlib ».<br />

Il m’est toujours aussi difficile de trancher dans l’analyse de cet épisode : est-ce un<br />

refus de jouer le jeu Est-ce à l’inverse une modification de la règle du jeu sur les<br />

langues, en l’occurrence une prise en charge plurilingue, dans laquelle l’arabe, langue<br />

maternelle a le droit de cité En tous les cas, dans la suite de cet épisode, d’autres<br />

enfants de langue arabe reprennent cet énoncé qui devient un leitmotiv (Deyrich, op.<br />

cit.). Déstabilisée, l’enseignante perd non seulement le contrôle de la situation mais, en<br />

ne tirant pas parti de cette expérience multilingue, elle s’est mise en marge du jeu<br />

énonciatif (ibidem). C’est d’ailleurs ce qu’elle constate dans un entretien d’autoconfrontation<br />

mené quelques temps plus tard et elle ajoute regretter sa rigidité<br />

excessive ; elle l’explique par le fait qu’elle s’est sentie mal à l’aise au point d’éprouver<br />

la nécessité de « recadrer » les langues pour pouvoir retrouver sa place d’enseignante en<br />

anglais : « Qu’est-ce qu’on parle d’autre que le français dans notre classe » (ibid.). Un<br />

positionnement rigide et maladroit qui fait obstacle à la construction d’un espace<br />

langagier commun et obère les activités langagières prévues pour la suite. On peut<br />

avancer que la non prise en compte de la langue et donc de la personne vont à l’encontre<br />

de l’attente : le rôle attendu n’est plus assumé et la crédibilité de l’enseignante est alors<br />

largement entamée (ibid.).<br />

106


Se trouve ainsi une nouvelle fois posée la question de l’ego langagier (cf. supra :<br />

deuxième partie) mais, cette fois, elle oriente notre réflexion vers le rôle symbolique<br />

joué par l’enseignant dans sa relation avec l’apprenant. L’apprentissage de la L2 ne<br />

mobilise pas seulement un rapport au savoir (Deyrich, 2007a: 15-17), il instaure aussi<br />

un rapport à soi-même dans un retour sur sa L1 (Anderson, 1999, 2003) :<br />

« Il y a dans l'apprentissage tout le poids qu'entretient le sujet avec sa propre<br />

langue. Apprendre une autre langue dévoile sa propre langue mais instaure dans<br />

ce même temps particulier de l'apprendre une relation singulière à cette langue<br />

que l'enseignant expose. L'enseignant met en scène sa fonction maternelle dans<br />

l'espace transférentiel mais également sa position de père en tant que représentant<br />

la Loi. L'enseignant de langue a ceci de particulier qu'il dit la Loi » (ibidem)<br />

Dans cette perspective, le positionnement est encore plus complexe, puisqu’au niveau<br />

symbolique de la relation interpersonnelle, l’enseignant assure deux rôles concomitants.<br />

Un premier rôle est celui de la mère dont la fonction transférentielle implique qu’il y ait<br />

facilitation de la prise de parole : les stratégies de guidage répertoriées (Deyrich, op.<br />

cit. : 84-85) procèdent de cette mise en scène de la fonction maternelle (par exemple en<br />

instaurant une « progressivité sécurisante » (ibidem : 85). Dans le second rôle, il assure<br />

une fonction paternelle, en tant que représentant de la ‘loi’, par exemple, dans la<br />

répétition d’un modèle ou encore dans l’introduction de fragments d’anglais modèle<br />

dans l’input, visant un output conforme à l’attente (ibid. : 55). Dans la fonction<br />

paternelle Il n’y a pas d’ailleurs uniquement mise en forme de l’input, il y a aussi dans<br />

le recours que l’enseignant fait de la L2 : tout un travail sur la langue (exposition,<br />

monstration, nomination) qui engage l’enseignant dans le rapport que l’apprenant a avec<br />

la langue inconnue. Dans ce travail, l’enseignant peut être le médiateur ou, à l’inverse, il<br />

peut faire écran (Anderson, op. cit).<br />

L’influence de l’enseignant sur l’ego langagier des apprenants (Deyrich, op. cit. : 120)<br />

comporte des éléments d’ordre personnel et social. L’imperméabilité de l’ego se<br />

manifeste parfois par un repli qui empêche l’apprenant d’accepter la prise en charge de<br />

l’enseignant (ibidem : 23), qu’elle intervienne dans l’interaction (Cicurel, 2005), dans la<br />

prescription pour un étayage cognitif (Bange, 2000), ou dans la mise en activité dans la<br />

tâche (Deyrich, 2007b). Le fait que l’enseignant puisse faire écran incite à réviser son<br />

rôle de co-énonciateur systématique et de prescripteur omniscient. On s'oriente donc<br />

plutôt vers une approche collaborative (Deyrich, 2005a) dans laquelle l'expertise de<br />

l'enseignant se situe au niveau de l'apprentissage de la langue (Deyrich, soumis à<br />

l’éditeur) pour aider l'apprenant à devenir expert, c'est-à-dire capable de mettre en<br />

107


œuvre des connaissances dans un contexte donné (Deyrich, 2004a), en fonction de ce<br />

qui est pertinent pour la situation (Walski, in Walski & Narcy-Combes, soumis à<br />

l’éditeur).<br />

La construction du sens passe ainsi avant la construction de la situation d'enseignement<br />

apprentissage dans une approche par tâches (Deyrich, 2004a, Deyrich, soumis à<br />

l’éditeur, Walski & Narcy-Combes, op cit). Le sens importe en effet, puisque<br />

l'utilisation de la langue vise l'obtention d'un résultat réel (Deyrich, 109). Dès lors,<br />

l’enseignant n'est pas ce qui importe le plus : ce n'est pas lui qui a une incidence sur la<br />

tâche proprement dite. Il y a en quelque sorte un effacement de la figure professorale<br />

qui devrait avoir un effet bénéfique en laissant à l’apprenant la responsabilité de son<br />

apprentissage (Pélissier & Deyrich, 2005). Cet aspect semble pertinent dans le contexte<br />

de la préparation au concours, un contexte qui requiert un gros investissement<br />

personnel. L’hypothèse que les réticences liées à l'imperméabilité de l’ego langagier<br />

seraient en quelque sorte ‘court-circuitées’ par la mise à l’arrière-plan de l’enseignant a<br />

orienté l’élaboration d’un dispositif intégrant les nouvelles technologies, permettant<br />

ainsi de créer une distance (ibidem). Si l'on revient à la conjonction des dimensions<br />

maternelle et paternelle chez l'enseignant en L2 (Anderson, op. cit.), il semblerait<br />

qu’elles devraient être pondérées et redéfinies en fonction du contexte. En effet, la<br />

figure maternelle a peu de chances d'aider certains apprenants : ceux qui préparent un<br />

concours – ou, peut-être, plus généralement, ceux qui appartiennent à la catégorie des<br />

apprenants ‘avancés’ (Pélissier & Deyrich, op. cit.).<br />

b) Une dimension énonciative<br />

Accorder le statut d’énonciateur à l’apprenant dans son apprentissage langagier en L2<br />

vise à lui donner la parole pour qu’il apprenne, communique, agisse avec la langue (cf.<br />

supra deuxième partie). C’est aussi lui donner les moyens pour qu’il prenne en charge<br />

les énoncés (Deyrich, 2003). Un .sujet énonciateur prend en charge ce qui est dit. Or<br />

cela dépasse le simple niveau de la relation prédicative :<br />

« La phrase explicite comprend donc deux parties : l’une est le corrélatif du<br />

procès qui constitue la représentation (p. ex. la pluie, une guérison); nous<br />

l’appellerons, à l’exemple des logiciens, le dictum.[…]<br />

L’autre contient la pièce maîtresse de la phrase, celle sans laquelle il n’y a pas de<br />

phrase, à savoir l’expression de la modalité, corrélative à l’opération du sujet<br />

pensant. La modalité a pour expression logique et analytique un verbe modal (p.<br />

ex. croire, se réjouir, souhaiter), et son sujet, le sujet modal; tous deux constituent<br />

108


le modus, complémentaire du dictum. » C. Bally, cité par Desclès. & Guentchéva<br />

(2000).<br />

C’est cette prise en charge dans le modus de ce qui est exprimé la relation prédicative,<br />

qui fait de lui le ‘sujet modal’ et, partant, le ‘sujet pensant’ (ibidem.). Devenir un sujet<br />

modal en L2 suppose qu’on ait à sa disposition une panoplie de moyens. Pour l’anglais,<br />

les étudiants éprouvent des difficultés à nuancer leur propos – et donc à exprimer ce<br />

qu’ils pensent – parce qu’ils ne maîtrisent pas les valeurs des auxiliaires de modalité et<br />

parce qu’ils évitent de les employer, ne parvenant pas à les inclure dans la relation<br />

prédicative (cf. Deyrich, 2003).<br />

Leur donner les moyens pour progresser dans la prise en charge relève alors du travail<br />

de didactisation (ibidem), dans la mise en réseau pour l’appareil explicatif (ibid.), dans<br />

l’élaboration de micro-tâches (Deyrich, soumis à l’éditeur) et dans le guidage<br />

métalinguistique (Deyrich, 2007a : 70-72).<br />

Il ne s’agit cependant que d’un aspect de la prise en charge énonciative, le second<br />

concerne les positionnements respectifs de l’apprenant et de l’enseignant dans l’acte<br />

d’énonciation. Chaque énoncé produit témoigne en effet d’un ‘acte d’énonciation’ que<br />

Groussier (1996 : 69) définit ainsi. :<br />

« [U]n acte de production par un énonciateur donné d’un énoncé donné à un<br />

moment d’énonciateur donné à l’intention d’un co-énonciateur donné »<br />

Or, dans la situation d’enseignement-apprentissage de la L2, les positionnements de<br />

différents acteurs de l’énonciation ne sont pas souvent bien établis. Dans ce que Desclès<br />

& Guentchéva qualifient de « dipôle dialogique », qui met en relation un énonciateur et<br />

un co-énonciateur (Je-Tu), la prise en charge de ce qui est dit présuppose que la<br />

situation s’y prête ou, en d’autres termes, que l’énonciateur dise quelque chose que le<br />

co-énonciateur interprète comme neuf, vide de sens, informatif, etc. Pour qu’il y ait acte<br />

d’énonciation, il y a ainsi une part d’inconnu qui donne un sens à l’interlocution et à la<br />

situation : le co-énonciateur n’est pas un simple ‘récepteur’ mais il analyse, interprète,<br />

réagit, ajuste, etc. Dans le domaine scolaire, le phénomène d’interprétation n’a que<br />

rarement sa raison d’être : le co-énonciateur est le plus souvent l’enseignant et il sait de<br />

quoi l’énonciateur est censé parler, puisque c’est lui qui est chargé de la mise en scène<br />

et de la gestion de la situation d’enseignement apprentissage (cf. Deyrich, 2007a). Le<br />

professeur ‘ventriloque’ est parfois déçu par les prestations en L2 qu’il a tenté<br />

d’insuffler mais il est rarement surpris par le contenu de pensée de ce qui est dit. Les<br />

109


epères énonciatifs sont ainsi faussés. La distinction qui se dégage alors est celle entre<br />

‘locuteur’ et ‘énonciateur’ (cf. Deyrich, 2003). La production du locuteur est<br />

géographique ou vocale (Berthoud, 1982). Le locuteur peut être simple reproducteur<br />

d’une chaîne sonore dans le cadre de la restitution d’un dialogue, ou dans un exercice<br />

grammatical de type structural par exemple. L’énonciateur prend en charge : à un<br />

premier niveau déjà parce qu’il a compris sur quoi porte sa production mais il est censé<br />

aussi intervenir au niveau du modus et devenir ainsi un ‘sujet pensant’ dans la L2. Il<br />

s’agit là d’une forme de liberté de parole difficile à assumer par l’apprenant en contexte<br />

institutionnel et dans une situation de communication où il y a « double énonciation »<br />

(Trévise, citée par Deyrich, 2007a). Le rôle de l’enseignant dans l’interaction en L2 est<br />

en général fondamental et il demande une « flexibilité communicative » (Cicurel, 2005)<br />

dans le guidage interactif :<br />

« Se profile ici une double contrainte : pour enseigner une langue en contexte<br />

institutionnel il faut à la fois « tenir » l’interaction, remplir les obligations<br />

interactives et permettre une prise de parole individualisée et « fraîche »,<br />

susceptible de déranger l’ordre interactionnel parce que c’est une parole<br />

authentique, non calquée sur des modèles. On n’est pas loin d’une communication<br />

paradoxale : il faut apprendre à « parler naturellement » mais ceci dans le respect<br />

des règles liées à la situation didactique qui, elles, ne sont pas « naturelles ».<br />

Dans ces échanges contraints mais visant une liberté de parole relative, il y a lieu aussi<br />

de considérer l'apprenant comme l'acteur de son apprentissage, mettant ainsi l'accent sur<br />

sa responsabilité et sur sa nécessaire prise en charge de sa production langagière<br />

(Deyrich, 2001). Le sujet est alors envisagé comme construisant des énoncés à travers<br />

lesquels il ajuste progressivement son système de représentation (Deyrich, 2003). Cet<br />

ajustement, en fonction des différents repères (temporel, situationnel, composantes de la<br />

situation, etc.), est constitutif de l’appropriation qui lui permet de devenir énonciateur,<br />

c'est-à-dire acteur de sa production (ibidem). Prendre en charge l’énonciation suppose<br />

aussi que l’on donne aux apprenants les moyens de devenir vraiment acteurs (cf. supra :<br />

deuxième partie). Dans le cas de l’anglais de spécialité, avec des étudiants ‘avancés’, je<br />

m’étais interrogée sur les difficultés rencontrées dans cette prise en charge (Deyrich,<br />

2004a). Dans ce contexte comment un étudiant pourrait-il prendre son rôle au sérieux,<br />

dès lors qu’il se rend compte d’un écart entre le ‘vouloir dire’ et le ‘pouvoir dire’ (dans<br />

le cas de la modalisation des énoncés par exemple). Les propositions se situent à<br />

plusieurs niveaux. Un entraînement à la conceptualisation dans des micro-tâches qui<br />

s’intéressent à la fois aux besoins langagiers conceptuels (Deyrich 2001, Deyrich,<br />

110


2007b) ; des tâches prenant en compte des traits du paysage professionnel (Deyrich,<br />

2004a). La question de la prise en charge des énoncés semble aussi être à mettre en<br />

relation avec les possibilités offertes par les dispositifs de formation. Le dispositif<br />

‘frontal’ s’y prête difficilement. Avec les TIC nous disposons de moyens pour<br />

individualiser les prises de position, pour faire en sorte qu’il y ait bien prise en charge<br />

du modus non seulement par énonciateur et par un co-énonciateur autre que l’enseignant<br />

(Deyrich, 2004b, Deyrich & Dyson, 2006).<br />

En résumé, le positionnement énonciatif en contexte institutionnel est un domaine où la<br />

responsabilité des acteurs est en jeu, du côté de l’enseignant, non seulement dans son<br />

guidage de l’interaction mais aussi dans le travail pré-pédagogique, du côté de<br />

l’apprenant dans la prise en charge de son apprentissage pour lequel il est supposé agir<br />

avec et par le langage. Cette double responsabilité est un sujet difficile mais riche du<br />

point de vue de la formation des maîtres (cf. Deyrich, 2007b).<br />

2.2. Tâches et ingénierie didactique<br />

La notion de tâche occupe une place de plus en plus importante dans la didactique des<br />

langues (Deyrich, soumis à l’éditeur). Elle semble un excellent angle d'analyse des<br />

différentes positionnements (Deyrich, 2004a) et de la façon dont une didactisation peut<br />

agir sur l'apprentissage (Deyrich, soumis à l’éditeur). On emploie cependant ce mot<br />

dans des contextes très variés mais la définition qu'en donne Catroux (in Walski et<br />

Narcy-Combes, soumis à l’éditeur) donne un aperçu des modalités d'une démarche<br />

d’enseignement-apprentissage par tâches :<br />

« Centrée sur l'apprenant et la recherche de l'information, la tâche incite à<br />

l'activité langagière en fournissant à l'apprenant l'occasion d'échanges avec ses<br />

pairs. »<br />

La notion de tâches a évolué au fil du temps. D'abord définie par l'oral, la<br />

communication, l'activité dans la salle de classe ou par un ‘produit’, elle se définit<br />

aujourd'hui par :<br />

« [L]a langue dans toutes ses modalités, par l'interaction, par la réflexion de<br />

l'enseignant et celle de l'apprenant sur le processus qui est à l'œuvre, ainsi que par<br />

le nouvel environnement d'apprentissage que constituent les centres de langue et<br />

la formation à distance. » (Catroux, op. cit.)<br />

111


a) Vers une prise en charge de l’apprentissage<br />

Contrairement aux exercices et activités de l'enseignement traditionnel, dans une tâche,<br />

les décisions à prendre sont du ressort de l'apprenant (Deyrich, op. cit. ; Deyrich,<br />

2004a). Dès lors, la tâche ne se limite plus à un ‘produit’, c'est un ‘déclencheur des<br />

processus d'apprentissage’ (Walski, 2001) qui incite donc l'apprenant à utiliser la langue<br />

étrangère et à prendre davantage d'autonomie. Elle favorise ainsi l'exploitation de ses<br />

propres ressources linguistiques et lui donne l’occasion d’une prise en charge<br />

énonciative (cf. supra).<br />

- Des tâches pour un output compréhensible<br />

Si l'on s'intéresse aux tâches du point de vue de la production, on considère<br />

généralement qu'elles offrent des conditions d'utilisation susceptibles de faire progresser<br />

l'apprenant (Ellis, 2003), la production langagière étant censée jouer un rôle dans<br />

l'automatisation des processus linguistiques. Anderson (2000), par exemple, considère<br />

que cette production devrait évoluer pour passer d'un stade initial de connaissances<br />

déclaratives à un stade final où les connaissances sont automatisées et, selon cet auteur,<br />

les apprenants parviennent à cette connaissance procédurale grâce à une pratique<br />

extensive de la L2. La question est alors de déterminer quel type de pratique sera utile<br />

pour une automatisation (Ellis, 2003 : 112 113 ; Deyrich, 2004a). Adopter une<br />

perspective béhavioriste comme celle décrite par Lado mènerait à l'idée qu'il faut un<br />

contrôle de l'apprenant c'est-à-dire une formation d'habitude sûre des structures<br />

spécifiques acquises de manière mécanique dans des exercices centrés sur la forme.<br />

Cependant, les théories cognitives de l'acquisition montrent qu'il y a un besoin de<br />

pratique en contexte (Johnson, 1988, cité par Ellis). En cela, l'approche par tâches<br />

présente l'intérêt de mettre l'accent sur l'utilisation plutôt que sur l'apprentissage de la<br />

langue.<br />

- Construire du sens dans des tâches d’écoute et de lecture<br />

Bien que dans l'approche par tâches, on s'intéresse généralement à la production écrite<br />

ou orale (Deyrich, 2001 ; Deyrich, 2005a), les autres savoir-faire langagier ont aussi<br />

intéressé les chercheurs et les enseignants, en particulier le domaine de la<br />

compréhension de l'oral (cf. Walski, op. cit.). De plus, il convient de souligner que les<br />

tâches de compréhension présentent l'avantage d'amener un cadre ressenti comme non<br />

112


menaçant par les apprenants dans des activités qui ont du sens (Deyrich, soumis à<br />

l’éditeur) et qui peuvent servir de point d'appui pour des développements de<br />

compétences dans des tâches de production (Ellis: 37). La recherche s'est concentrée sur<br />

deux questions principales : les effets du type de tâche sur la compréhension des<br />

apprenants, les effets du type de tâche sur l'acquisition de la L2 (ibidem). Les questions<br />

sous-jacentes étant liées à la fonction attribuée : dans le premier cas une écoute pour<br />

comprendre, dans le second une écoute pour apprendre. Walski (in Walski & Narcy-<br />

Combes, op. cit.) fonde la conception de tâche d'écoute sur le principe que comprendre,<br />

c'est construire du sens situant sa recherche dans le cadre de l'écoute. L’auteure<br />

considère également que, dans cette démarche, le volet de l'apprentissage joue un rôle,<br />

d’autant plus que les tâches qu'elle élabore conduisent l'apprenant à une analyse<br />

réflexive l'aidant à mieux comprendre son activité cognitive.<br />

Avant tout l'apprenant doit être actif dans son interaction avec l'environnement<br />

linguistique (Deyrich, 2007a : 93-94). Cette conception du rôle des apprenants est<br />

mentionnée comme prérequis par Andersen and Lynch (1988, cités par Ellis, 2003):<br />

« active model builders [rather than] tape recorders 10 ». La compréhension suppose<br />

alors une interprétation des données qui, selon ces mêmes auteurs intervient aussi bien<br />

dans les tâches d'écoute que dans les tâches de lecture. En cela, ils rejoignent les thèses<br />

des psycho-cognitivistes sur la nécessité d'un recours à des processus de haut niveau (a<br />

'top-down' model), se fondant sur des schémas de contenus c'est-à-dire sur des structures<br />

qui organisent notre connaissance du monde et sur des schémas formels, des<br />

informations sur l'organisation textuelle, qu’il s’agisse de structures micro rhétoriques<br />

ou macros rhétoriques. L’hypothèse a été testée dans des mises en réseau de lecture<br />

d’œuvres à structure itérative (cf. Deyrich, op. cit. : 162-171 et schéma de la page 164).<br />

On s'oriente de plus en plus dans les recherches vers l'hypothèse d'une interaction entre<br />

les processus de haut niveau et de bas niveau (Gaonac’h, 1991). En complément du haut<br />

niveau (top-down processing), dans les processus de bas niveau (bottom-up processing),<br />

l'écoute se fonde sur des informations pour décoder mots, marqueurs, etc. On peut donc<br />

en déduire qu'un dispositif d'enseignement apprentissage sera utile à l'apprenant s’il<br />

l'aide dans la mise en place de ces deux processus mentaux complémentaires (Deyrich,<br />

1997). Or, on s'aperçoit que, dans la L2, contrairement à ce qui se passe dans la L1, il<br />

est difficile à l'apprenant d'avoir recours aux processus de haut niveau. C'est donc sur ce<br />

10<br />

« des constructeurs de modèles actifs [plutôt que] des magnétophones ».<br />

113


point que les tâches d’enseignement apprentissage peuvent jouer un rôle pour un<br />

entraînement (Ott, cité par Deyrich, op. cit.). La didactisation de tâches peut alors se<br />

concentrer sur la transformation et l'utilisation de supports dans des activités signifiantes<br />

et valorisantes, ayant pour but de ‘dédramatiser’ l'activité dans la L2 (cf. comptes rendus<br />

des travaux du groupe ACAELP in Deyrich, 1996 et Deyrich, 1997). Elle peut aussi<br />

viser un transfert de savoir-faire acquis en L1 (cf. Deyrich & Olivé, 2004 ; Deyrich,<br />

2007a : deuxième partie). Dans ces tâches, la compréhension est envisagée comme un<br />

apprentissage à part entière (tâches méthodologiques) visant à rétablir l'équilibre entre<br />

fluidité et précision (Deyrich, 1997). Les apprenants ont un rôle à y jouer en fonction<br />

d'objectifs bien précis en relation avec l'activité de compréhension: le texte est un objet<br />

et non pas un outil, la compréhension ne relève pas du déchiffrage (Deyrich, 2007a :<br />

162-163) et prend appui sur des « facteurs de reconnaissance » (Gaonac’h, 1990).<br />

Orienté par les besoins de la tâche, le travail sur des indices, rend non seulement<br />

l’apprenant actif mais il lui donne le statut d’acteur de son apprentissage.<br />

- Des tâches qui mettent en valeur<br />

Dans le cours de L2 pour des spécialistes d’autres domaines, l’enseignant se trouve<br />

parfois face à un mécanisme de défense sociale particulièrement aigu de la part de ces<br />

apprenants qui ne manifestent plus aucun désir de réussir (Deyrich, 2004b). Un<br />

phénomène d’ordre ‘socioculturel’, qui trouve une part de son explication dans la notion<br />

d’ego langagier (cf. supra) mais qui s’explique aussi par la thèse des domaines de<br />

compétence que nous expose Mucchielli (1981 : 40) :<br />

« [H]ors du domaine élu, ne plus montrer d’amour propre et se vanter de son<br />

incompétence et de ses fautes est une réaction défensive correspondant à un<br />

besoin de préserver sa valeur aux yeux des autres ».<br />

En d’autres termes, pour un étudiant ou un spécialiste d’un domaine scientifique, par<br />

exemple, il est plus conformable d’estimer, une fois pour toutes, que l’anglais n’est pas<br />

de son domaine et, en conséquence, qu’il n’y pas lieu d’y investir de sa personne. Se<br />

déclarer ‘nul’ en anglais est ainsi perçu comme valorisant – ou censé être perçu comme<br />

tel – par sa communauté scientifique. Face à ce type de manifestation mettant en jeu<br />

l’estime de soi et la désirabilité sociale (ibidem), il revient à l’action didactique<br />

d’instaurer un climat éducationnel favorable, qui donne à l’apprenant l’envie de prendre<br />

des risques. Cette démarche n’est cependant possible que si le dispositif est bâti pour<br />

l’aider à trouver des repères lui permettant une évaluation positive en tant que personne.<br />

114


L’approche par tâches (Deyrich, 2004a, Walski & Narcy-Combes, soumis à l’éditeur)<br />

semble sur ce point la plus à même pour que l’apprenant se sente maître du processus,<br />

développant ainsi la confiance en soi et pour que ses progrès soient mis en valeur<br />

(Deyrich, 2004b).<br />

b) Une mise en scène didactique spécifique<br />

- Un enseignant ‘didactiseur’<br />

Dans un enseignement de type traditionnel, c'est à l’enseignant de gérer l'ensemble des<br />

paramètres, de pointer ce qu'il y a à voir, à savoir, à découvrir. Dans un enseignement<br />

par tâches, c'est le dispositif d'apprentissage qui va inciter l’apprenant à prendre<br />

conscience de son propre processus d'apprentissage (cf. Walski & Narcy-Combes,<br />

soumis à l’éditeur).<br />

De la tâche à l’activité<br />

Parler de ‘tâche’ renvoie à une conception de l’enseignement et à une conception de<br />

l’apprentissage, où le ‘didactiseur’ joue un rôle essentiel : il ne s’agit pas d’enseigner la<br />

langue étrangère mais d’envisager des modes de l’apprendre ; l’accent est mis sur le<br />

travail didactique en amont (Deyrich, 2001). La conception de tâches suppose que l'on<br />

prenne en compte les paramètres de l'environnement dynamique qui sont créés par la<br />

situation d'enseignement apprentissage (Gardey in Walski et Narcy-Combes, op. cit.).<br />

Or, bien que la tâche indique une prescription, parfois une obligation, l'activité ne lui<br />

correspond pas terme à terme : « la tâche indique que ce qui est à faire, l'activité ce qui<br />

se fait. » (Leplat et Hoc, 1983 cités par Gardey, op. cit.). L'auteure montre dans son<br />

organigramme d'élaboration de tâche qu'il il y a une évolution du côté de l'enseignantconcepteur<br />

: de la tâche ‘imaginée’ à la tâche ‘prescrite’ et, une série d'évolutions du<br />

côté de l'apprenant, de la tâche ‘redéfinie’ à la tâche ‘actualisée’ à la tâche ‘évaluée’ en<br />

passant par la tâche ‘réalisée’. En voici les grandes lignes. Dans la définition de la<br />

tâche, telle qu'elle est imaginée, les critères de priorité s'inscrivent selon trois pôles qui<br />

orientent la conception : les objectifs, le type de tâche (critères d'authenticité,<br />

d'efficacité, de créativité) et les supports (critères structuraux et critères de cohérence).<br />

Dans la tâche telle qu'elle est prescrite, le concepteur rend opérationnelle la tâche<br />

imaginée et pour cela, il établit des repères de réalisation, s'agissant des consignes<br />

(formulation de l'objectif de tâche), des repères de construction (réseau d'indicateurs<br />

115


pour guider le réalisateur dans la construction de son parcours), des modalités de<br />

fonctionnement (paramètres qui sous-tendent l'activité, tel le temps accordé).<br />

Suivi et tutorat<br />

Les tâches mettent l'accent sur l'autonomie des apprenants et elles se traduisent souvent<br />

par une diversification des parcours dans des travaux de types collaboratifs (Catroux, in<br />

Walski et Narcy-Combes, op. cit.). La question du suivi de ces travaux se pose alors,<br />

d'une part parce que l'enseignant ne peut pas se démultiplier pour assurer un travail de<br />

suivi dans tous les groupes et, d'autre part, parce que l'engagement affectif est différent<br />

avec un tuteur externe (Deyrich &Dyson, 2006). Le rôle du tuteur doit alors être<br />

clairement défini. Dans une perspective cognitiviste, le suivi qu'il assure pour chaque<br />

phase est censé déclencher des processus d'apprentissage qui devraient l'amener à la<br />

phase suivante. Ce rôle est complexe et, en conséquence, la formation des tuteurs est un<br />

point crucial (Narcy-Combes, in Walski et Narcy-Combes, op. cit.). La question se pose<br />

également pour la formation à distance. Ainsi, Ling (2006) a analysé des corpus de<br />

séances de discussions synchrones en ligne (educational chat) inscrites dans la<br />

formation d’étudiants et portant sur des ouvrages du curriculum. Elle a constaté ‘l'effet<br />

tuteur’ sur l'engagement des apprenants dans le travail collaboratif. Le rôle de tuteur,<br />

selon elle, suppose une ouverture bienveillante et néanmoins associée à un guidage<br />

serré. L'enseignant-didacticien-concepteur de dispositifs d'enseignement apprentissage<br />

se trouve ainsi avec un paramètre supplémentaire à définir dans l'élaboration des tâches<br />

pour les rendre opérationnelles : celui du tutorat (cf. Deyrich & Dyson, 2006).<br />

Des tâches à l’école primaire<br />

Bien que la notion de tâche ait été introduite dans l'apprentissage des adultes, elle peut<br />

contribuer à définir favorablement les stratégies d'enseignement-apprentissage pour un<br />

public d'enfants (Deyrich, soumis à l’éditeur : 93-95). Elle focalise alors sur ce qui est<br />

réellement fait par les enfants dans la L2 (ibidem). Il s’agira alors, par exemple, de<br />

résoudre un problème ou une énigme, de jouer à un jeu ou encore de partager et de<br />

comparer des expériences (Cameron : 2001). Tout comme pour les tâches données aux<br />

adultes, elles sont orientées vers un but qui motive des actions nécessitant l’emploi de la<br />

L2 (cf. Deyrich, 2004a). Dès lors, pour l'enfant une tâche vise un objectif clair et donne<br />

un sens à l’emploi de la L2 (plutôt qu’à celui de la L1). Cette perspective rejoint les<br />

116


principes de l’approche actionnelle/actancielle du Conseil de l’Europe (cf. Deyrich,<br />

soumis à l’éditeur : 44-51). Dans l’activité, le sens est premier (la tâche fait sens pour<br />

l’apprenant). De plus, cette activité débouche sur un résultat : l’élève est en situation de<br />

devoir faire quelque chose pour y parvenir (ibidem : 51). Enfin, une tâche destinée aux<br />

enfants gagne à tenir compte du principe de réalisme constructif mentionné par<br />

Halliwell (1995, citée par Deyrich, op. cit.) pour gérer le temps, canaliser l’énergie et<br />

l’action, tenir compte du vécu de la classe et viser ainsi une interaction suffisamment<br />

riche et qui implique les enfants.<br />

Critères de validation<br />

Pour établir une validation des tâches, Chapelle (2003), propose un certain nombre de<br />

facteurs identifiables. Un premier concerne le but. Il peut être ou non pertinent, susciter<br />

un degré de motivation, potentiel d’acquisition langagière chez l’apprenant (Demaizière<br />

& Narcy-Combes, 2005), Dans le cas d’une micro-tache, le potentiel d’acquisition est<br />

ciblé et donc étroit (Deyrich, in Walski et Narcy-Combes, op. cit). Un second critère de<br />

validation concerne l’input, dans son adaptation à l’apprenant, sa pertinence, cohérence,<br />

authenticité, ses possibilités de traitement du sens, et la faisabilité des tâches<br />

(Demaizière & Narcy-Combes, op. cit.). Les autres critères mentionnés par Chapelle<br />

(op. cit.) sont les conditions, qui intéressent notamment l’adaptation à l’apprenant et au<br />

contexte, et enfin les résultats, mesurables en termes de produit et de processus, les deux<br />

aspects pouvant être complémentaires (cf. Deyrich, soumis à l’éditeur).<br />

- Un apprenant acteur<br />

Dimension active et actionnelle<br />

Agir efficacement avec le langage nécessite un entraînement et donc une mise en action<br />

de l’apprenant (cf. Deyrich, 2007a). Le développement des compétences visées<br />

(linguistiques, sociolinguistiques, pragmatiques) n’est cependant possible que si cette<br />

mise en action a un sens pour l’apprenant (ibidem). C’est là que la didactisation est<br />

fondamentale : il s’agit de créer un environnement, une interface entre les apprenants et<br />

la langue qui puisse donner sens à l’activité langagière. La notion de sens est donc<br />

essentielle dans toute élaboration de tâche : c’est elle qui guide la démarche adoptée. La<br />

didactisation est alors structurée par la façon dont la tâche facilitera l’accès au sens, tout<br />

en veillant à ce qu’un travail sur la forme ait bien lieu (Deyrich, soumis à l’éditeur). Il<br />

117


s’agit donc de prendre en compte l’apprenant et ses besoins et d’envisager quels<br />

contenus impliquer, comment organiser les différents supports, planifier les activités,<br />

prévoir des médiations, etc. En d’autres termes, mettre l’apprenant en situation c’est lui<br />

donner les moyens d’agir aussi efficacement que possible avec la langue dans un<br />

contexte où il peut négocier le sens au fil des activités qui jalonnent la tâche (ibidem).<br />

Enfin, didactiser la mise en situation suppose que les activités facilitent aussi bien le<br />

travail dans la langue que le recul métalinguistique (ibid.), l’activité langagière<br />

constituant une sorte de fil conducteur de la pensée plus théorique, qui facilite une<br />

migration vers le système de représentations de la L2.<br />

Micro-tâches et ‘dénativisation’<br />

De nombreux problèmes soulevés dans l'apprentissage proviennent des phénomènes de<br />

‘nativisation’ c'est-à-dire une analyse de l’input selon des critères internes à l’apprenant<br />

(et non selon ceux de L2). (cf. supra et Demaizière & Narcy-Combes, 2005). Dès lors,<br />

pour les étudiants, prendre conscience des différences entre la L1 et la L2 est une étape<br />

importante pour enclencher un phénomène de ‘dénativisation’, ou, en d’autres termes,<br />

pour que l'étudiant accepte ainsi de manière intériorisée sa différence (cf. supra). Cela<br />

implique d'une part un processus de repérage (noticing) et, d'autre part un traitement en<br />

profondeur (deep-processing). Le traitement du sens est de ce fait explicite :<br />

l’objectivisation de l’activité métalinguistique et métacognitive est censée aider<br />

l’apprenant à relativiser son point de vue et à envisager – voire à accepter – un recours à<br />

un autre système (Deyrich, 2003 ; Deyrich, soumis à l’éditeur). Ce travail de<br />

restructuration suppose que l'apprenant soit préalablement déstabilisé dans ses certitudes<br />

et dans son système de valeurs (ibidem). Dans le cas du système de l’article, par<br />

exemple, les erreurs récurrentes (surgénéralisation de ‘the’) donnent une indication de la<br />

difficulté de la ‘dénativisation’ pour des francophones (Deyrich, soumis à l’éditeur). La<br />

détermination nominale est trop souvent considérée comme un ‘petit’ point de<br />

grammaire supposé acquis et, pour lequel, apprenants et enseignant n’osent<br />

généralement pas s’atteler à une remédiation, en particulier s’il s’agit d’apprenants<br />

‘avancés’ (ibidem). Les exercices structuraux et l’apprentissage de règles et<br />

d’exceptions ne semblent pas agir sur ce paramètre (ibid.). Dans le cadre d'une<br />

expérimentation en anglais de spécialité, j'ai pu observer que cette déstabilisation<br />

intervient plus facilement en contexte, c'est-à-dire lorsque les faits de langue ne sont pas<br />

déconnectés des supports d'enseignement apprentissage (ibid.). Les micro-tâches<br />

118


constituent alors des parenthèses réflexives à l'intérieur d'un ensemble thématique dont<br />

la visée première n'est pas le travail sur la langue. Cependant, ces parenthèses sont<br />

censées contribuer à une progression dans un dispositif plus global, une macro-tâche<br />

(ibid).<br />

3. <strong>POSITIONNEMENTS</strong> DANS LES DISPOSITIFS DE FORMATION<br />

Cette partie aborde les points de vue sur la formation (Deyrich, 2005b), le rôle des<br />

différents acteurs (Deyrich, 2005a), l’ingénierie de la formation (Deyrich & Dyson,<br />

2006) et des propositions de modélisation (Deyrich, 2007b, Deyrich, 2007c). Les<br />

travaux sur lesquels elle se fonde concernent la formation des maîtres en anglais L2 et<br />

suivent un cheminement qui a permis l’élaboration de propositions (ibidem). Il s’agit<br />

cependant d’un domaine en cours d’exploration (Accardi & Deyrich, à paraître,<br />

Deyrich, 2007c) et qui est donc encore susceptible d’évoluer.<br />

3.1. Retour sur les éléments de cadrage<br />

En parcourant la littérature sur les recherches menées dans le cadre de la formation des<br />

maîtres, on observe qu’elles se concentrent en général sur des thèmes (connaissance du<br />

sujet, prise de décision, attitudes et croyances, etc.) et qu’elles n’adoptent pas un cadre<br />

théorique spécifique (cf. Freeman, 2002, Vélez-Rendón, 2002, Borg, 2003 cités par<br />

Reis, 2005). Certaines recherches se réfèrent toutefois aux théories de l’apprentissage et<br />

adoptent ainsi des perspectives et des cadres différents (Reis, op. cit : 39-40). Le bilan<br />

de ces recherches et de leurs recommandations donnent un aperçu des représentations<br />

sur les motivations dans le choix d’une approche pour la formation des enseignants<br />

(ibidem et Schwille & Dembélé, 2007).<br />

Deux orientations se dégagent alors plus particulièrement (ibidem : 27-38) : une<br />

approche expérientielle (dans l’observation, l’action ou l’expérimentation) et une<br />

approche réflexive (sous son aspect métacognitif et/ou social). Ces deux orientations ne<br />

sont toutefois pas opposées mais complémentaires (ibid.). Le parti pris est ici celui<br />

d’une exploitation conjointe, alliant expérience et altérité dans la formation (Deyrich,<br />

2007b). L’élaboration d’un dispositif suppose ainsi une redéfinition du rôle de la<br />

formation dans la construction identitaire et un aménagement de l’approche<br />

119


expérientielle pour tenir compte de la spécificité des paramètres en jeu dans<br />

l’enseignement-apprentissage d’une L2 (cf. supra et Deyrich, op. cit.).<br />

a) Formation et identité professionnelle<br />

Dans une approche réflexive (cf. supra : première partie), les transformations<br />

identitaires sont censées émaner de l'enseignant en formation : ‘critical reflective<br />

practitioner 11 ’ (Wallace 1991). Dans une perspective ‘socioculturelle critique’, les<br />

transformations identitaires chez l'enseignant sont envisagées comme construites<br />

socialement (Johnson 2001, cité par Richards & Singh, 2006). En ce sens, les évolutions<br />

attendues dépendraient des dispositifs qui faciliteraient cette construction (Deyrich, op.<br />

cit.). Elles seraient aussi à mettre en relation avec les principes sous-jacents (ibidem).<br />

Cette façon de voir les choses part du présupposé que l'élaboration curriculaire peut, en<br />

quelque sorte, ‘transformer’ les participants. La visée transformative a des limites mais<br />

elle permet d’envisager que la formation peut avoir un impact, fût-il limité (ibid.).<br />

Ce point de vue est controversé, si l’on se réfère à Schwille & Dembélé (op. cit.) qui ont<br />

trouvé peu d’exemples de travaux faisant état de progrès réels attribuables à la<br />

formation. Ces auteurs fondent leur analyse sur des ‘modèles’ de formation préexistants.<br />

Cette position semble trop rigide dans le contexte de la formation des maîtres, où des<br />

modèles (qu’ils soient expérientiels ou réflexifs) ne sont pas directement applicables,<br />

(Deyrich, op. cit.) – comme c’est d’ailleurs le cas pour toutes les questions dans le<br />

champ de la didactique (cf. supra) :<br />

« We need to take into account what kind of knowledge language teachers need<br />

(as opposed using what knowledge we can offer as a starting point) and what<br />

kinds of learning experiences will help them acquire such knowledge. 12 » (Bartels,<br />

2005)<br />

Le point de départ se trouve dans les besoins répertoriés sur le terrain (Deyrich, op. cit.).<br />

Les questions qui se posent – parfois avec intensité – ne peuvent pas pour autant être<br />

traitées de manière indifférenciée ou rapide. La réponse n’est d’ailleurs jamais<br />

totalement satisfaisante, notamment parce que l’évolution identitaire découle d’un<br />

ensemble complexe :<br />

« We therefore see teacher identity as ‘woven’ through the ideologies, discourses,<br />

11<br />

Un praticien réflexif et critique.<br />

12<br />

« Il nous faut prendre en considération quel type de connaissances les enseignants en langue ont besoin<br />

(ce qu’on peut leur transmettre n’est pas le point de départ) et quels types d’expériences d’enseignement<br />

vont les aider à acquérir ces connaissances. » (Traduction personnelle).<br />

120


contents and approaches of the course, and the individual teacher’s own desire to<br />

find meaning in becoming a teacher 13 . » (Richards & Singh, op. cit.)<br />

Les objectifs de la formation et ceux de l’enseignant-stagiaire sont parfois divergents et<br />

plutôt que d’escompter l’adhésion totale du groupe, il a été décidé de diversifier les<br />

parcours et de proposer un environnement de travail en autonomie (cf. Deyrich &<br />

Dyson, 2006 : 107), associé à des phases de regroupement (ibidem).<br />

La question de l’évolution identitaire se posait aussi à un autre niveau, s’agissant de la<br />

formation en L2 des professeurs des écoles stagiaires. En premier lieu, il fallait admettre<br />

l’impossibilité de transformer des non spécialistes en spécialistes (Deyrich, 2005b,<br />

Deyrich & Dyson, 2006). Il était de plus difficile de résoudre de façon globale les<br />

lacunes relevées tant en anglais que pour la culture des pays anglophones (ibidem). Par<br />

ailleurs, pour ce public spécifique, l’examen des représentations avait fait apparaître une<br />

réelle difficulté à intégrer cette matière nouvelle dans la construction de leur identité<br />

professionnelle (cf. supra et Deyrich & Ulrich, 2002). Le point de vue adopté était que<br />

faute de devenir ‘bons’ en anglais, ils auraient l’occasion de développer une appétence<br />

pour cette langue en vivant une expérience linguistique et culturelle sur un point limité<br />

et choisi par leurs propres soins (Deyrich, 2007b).<br />

L’analyse de leurs travaux montre que l’exploration a souvent été gratifiante (Deyrich<br />

& Dyson, op. cit.). Ce vécu de l’altérité devait ensuite leur donner envie de faire vivre<br />

cette altérité aux élèves mais sous une forme qui corresponde au public et à l’attente<br />

institutionnelle. L’analyse des travaux est plus nuancée à ce niveau (Deyrich & Dyson :<br />

tableau de la page 109). Entre le vécu personnel et le vécu à faire vivre chez l’élève, il y<br />

un travail qui demande de l’imagination dans les prises de décision. J’avais abordé la<br />

question sous l’angle du ‘positionnement didactique’ (Deyrich, 2007b). Celui-ci est en<br />

effet requis pour une mise en perspective mais il ne suffit pas pour qu’il y ait création.<br />

Aux propositions bipolaires – émotion et raison – des chercheurs qui s’intéressent à la<br />

prise de décision (cf. Damasio, 1997), Wierzbicki 1997 ajoute un troisième pôle :<br />

l’intuition. Cette perspective permet de mieux rendre compte du processus créatif :<br />

l’intuition serait à la fois source d’hypothèses méta-théoriques et d’idées innovantes<br />

(ibidem). Par ailleurs, l’intuition créatrice ne serait pas aussi spontanée qu’on pourrait<br />

l’imaginer. Elle comprendrait six phases pour cet auteur (Recognition ; Deliberation or<br />

13<br />

« Nous considérons par conséquent que l’identité de l’enseignant est un tissage d’idéologies, de<br />

discours, de contenus et d’approches de la leçon, ainsi que du désir chez l’enseignant lui-même, en tant<br />

qu’individu, de trouver un sens au fait de devenir enseignant. » (Traduction personnelle).<br />

121


analysis ; Gestation ; Enlightenment; Rationalization ; Implementation 14 ). Ce qui relève<br />

de la découverte intuitive (« Enlightenment; the expected eureka effect 15 », ibid.)<br />

demanderait de la maturation. Un entraînement à la décision créatrice est en cela<br />

possible mais il suppose qu’on accorde davantage de temps pour les projets. Dans un<br />

dispositif ultérieur, cette variable pourrait faciliter les didactisations innovantes.<br />

L’impact de la formation sur la construction identitaire était aussi envisagé sous l’angle<br />

du vécu, de l’approche expérientielle (cf. Deyrich 2007b, pour une schématisation).<br />

C’est l’expérience vécue grâce au dispositif de formation qui devait faciliter ce<br />

processus (Deyrich, 2007c ; Accardi & Deyrich, à paraître). Cette approche se fonde<br />

avant tout sur la nécessité d’un engagement des acteurs pour que la formation soit<br />

reproductible (Deyrich, 2005a). La visée du dispositif n'est en effet pas directement<br />

utilitaire – même si, d'entrée de jeu, les enseignants-stagiaires assurent des<br />

responsabilités dans les classes, de plus en plus nombreuses et précoces. La fonction<br />

essentielle de la formation est alors propédeutique (Deyrich, 2005b). Pour qu'elle ait des<br />

chances de servir de point d’appui dans la suite de leur carrière, elle devrait ainsi aider<br />

les futurs enseignants à assurer un positionnement responsable, qui leur donne un rôle à<br />

jouer dans leur propre formation (Deyrich, 2007b ; Deyrich, 2007c). Plusieurs points de<br />

vue sont alors possibles, le premier consistant à considérer que le professeur-stagiaire<br />

est en même temps ‘apprenant en L2’ (Deyrich, 2007b). Cette position est contreproductive<br />

parce que les professeurs-stagiaires en formation éprouvent de grandes<br />

réticences à s’engager dans l’apprentissage de la L2 (ibidem) et préfèrent en général<br />

attendre passivement que le cours se déroule, calquant en cela l’attitude qu’ils<br />

réprouvent chez leurs élèves.<br />

« Teacher-learners will not simply “convert” to a program’s student-centered<br />

“progressive” pedagogy, as if this were a smooth, uncontested process. A good<br />

example is the conflictual positions between the passive learning approach<br />

favored by some learners and the trainer’s expectation they become active,<br />

reflective learners on courses run according to progressive, liberal pedagogic<br />

principles » (Singh & Richards, 2006)<br />

Ce problème est particulièrement aigu quand la matière enseignée est une L2. En effet,<br />

faute d’une implication réelle, cet apprentissage est fortement compromis : apprendre<br />

une langue c’est tester des hypothèses dans la langue et à propos de la langue, avoir<br />

donc prise directe sur le matériau langagier (cf. supra).<br />

14<br />

Reconnaissance, délibération ou analyse, gestation, inspiration, rationalisation, mise en œuvre.<br />

15<br />

Inspiration, l’effet eureka qui est attendu.<br />

122


Dès lors, plus que la ‘formation’, c’est le ‘développement’ qui importe (development vs<br />

training, Singh & Richards, op. cit.). Le point de vue adopté va un pas plus loin en<br />

considérant que le professeur-stagiaire est un « praticien chercheur en devenir »<br />

(Deyrich à paraître). La formation est ainsi censée être une pièce maîtresse dans le<br />

principe de développement (ibidem). Elle devrait leur permettre d’expérimenter<br />

suffisamment d’autonomie au niveau personnel et les encourager à se fixer des normes<br />

eux-mêmes (Villegas-Reimers, 2003, cité par Schwille & Dembélé, 2007). La part de<br />

responsabilité des futurs enseignants dans leur propre apprentissage est ainsi soulignée.<br />

De plus, la responsabilité de tous les acteurs est engagée et cette responsabilité va audelà<br />

des paramètres organisationnels et matériels, pour s’intéresser aux processus (J.P.<br />

Narcy-Combes, 2005 :118 ; Deyrich, 2007b).<br />

b) Positionnements dans la formation<br />

Dès lors qu’un enseignant n’est pas un simple exécutant chargé de transmettre des<br />

savoirs et d’améliorer des savoir-faire, savoir-être, etc. (cf. Deyrich, 2007a), sa<br />

responsabilité personnelle est en jeu dans son enseignement (J.P. Narcy-Combes, 2005 ;<br />

Deyrich, 2007b). Le rendre capable de prendre du recul, d’interroger aussi bien les<br />

contenus que les modalités mises en œuvre, devient ainsi un enjeu fondamental de la<br />

formation (Deyrich, 2007b). C’est cependant un enjeu qui demande un travail de<br />

préparation curriculaire important. Il faut en effet parvenir à allier toutes les<br />

composantes nécessaires dans la formation (Deyrich, 2005c) avec le développement<br />

d’un recul épistémique, à la fois informé de la théorie (J.P. Narcy-Combes, 2005), des<br />

stratégies d’enseignement-apprentissage et des attentes institutionnelles. Un projet aussi<br />

ambitieux suppose une distanciation critique des différents sujets impliqués<br />

(professeurs-stagiaires et formateurs mais aussi élèves).<br />

La formation est ainsi censée prendre en compte les sujets (cf. supra : première partie).<br />

Distanciation et altérité se trouvent alors interpellées dans le champ de la formation<br />

(Deyrich, 2007b). Le positionnement du futur enseignant suppose, non seulement qu’il<br />

apprenne à connaître son public, mais aussi qu’il apprenne à se connaître (cf. Deyrich,<br />

opus. cit. : en particulier les schémas qui illustrent ces positionnements).<br />

Plusieurs niveaux de construction identitaire entrent en jeu dans la formation (Deyrich,<br />

2007b). Cependant, la construction de l’identité est avant tout personnelle et elle ne<br />

concerne la formation que dans la mesure où elle peut aider les enseignants-stagiaires à<br />

se bâtir des repères (ibidem). Cette démarche implique, en effet, de se situer comme<br />

123


point de départ pour respecter l’autonomie des autres acteurs, mais aussi pour être<br />

reconnu par autrui (Taylor, 1994, Ess, 2006). Cela relève de la quête identitaire et ne<br />

peut être transmis. Le vécu de cette altérité peut cependant être constitutif d’un<br />

dispositif de formation (Deyrich, op. cit.). Par ailleurs, une identité est à la fois stable –<br />

la personne envisagée dans sa permanence (idem ou ‘mêmeté’, pour Ricoeur, 1996),<br />

dans son statut social d’enseignant – et elle est aussi censée être capable de<br />

changements adaptatifs (ipse ou ‘ipstéité’, pour cet auteur). Elle est capable – ou elle<br />

devrait l’être – d’infléchissements dans la pluralité qui est constitutive de la personne<br />

humaine : une identité non identique, en fonction de son engagement avec l’autre<br />

(ibidem). La question qui se pose alors pour la formation est si elle peut opérer à ce<br />

double niveau (Accardi & Deyrich, op. cit.). Elle devrait, pour le moins, contribuer à un<br />

positionnement plus juste du sujet (Deyrich, 2007c ; Deyrich, 2007b), c’est-à-dire à un<br />

positionnement qui le rendrait « capable de dire “ je ” pour faire l’épreuve de la<br />

confrontation avec l’autre » (Ricœur, op. cit.).<br />

Cette distanciation est constitutive des positionnements didactiques visés par le<br />

dispositif de formation (cf. Deyrich, 2007b). Il instaure plusieurs niveaux de<br />

distanciation, au fil d’un cheminement alternativement expérientiel et réflexif (ibidem :<br />

cf. schéma). Le point de départ se situe dans un vécu personnel de l’altérité<br />

(représentations linguistiques et culturelles) ; il sert ensuite de point d’appui pour une<br />

mise en perspective progressive avec ce qui est attendu chez les apprenants (ibid.). En<br />

effet, sans distanciation personnelle et délibérée sur ces positionnements, il ne peut y<br />

avoir chez l’enseignant de prise de conscience sur ce que l’apprentissage peut<br />

représenter pour les élèves (ibid.). Dans cet esprit, la conception du dispositif était axée<br />

sur le développement d’une dimension expérientielle dans la formation, prenant appui<br />

sur le modèle de Kolb (cité dans Deyrich, op. cit.) pour une association du vécu de<br />

l’expérience et du recul réflexif dans la conceptualisation abstraite (ibidem).<br />

c) Fluidité des schémas de positionnement<br />

Devenir acteur de sa formation suppose l’adoption d’un système de repérage complexe<br />

par rapport à des repères (personnels et sociaux) ainsi qu’à un schéma de<br />

positionnement (cf. supra). Exprimé ainsi, ce principe pour la formation devrait être<br />

nuancé pour tenir compte du caractère évolutif des situations et des personnes (cf.<br />

Deyrich, 2007b ; Deyrich, 2007c). Il s’agit d’encourager une capacité à se rendre<br />

compte de la fluidité des schémas de positionnement (Harré & Moghaddam, 2003) et à<br />

124


s’y adapter. Dans la théorie interactionniste du positionnement discursif (ibidem et cf.<br />

supra : début de la troisième partie), les schémas de positionnement sont fluides, parce<br />

que, dans la construction d'une culture commune, la pensée et l'action changent avec le<br />

temps. Il en est de même pour la distribution des droits et devoirs au sein du groupe<br />

(ibid.). De la même façon, dans le groupe social des enseignants, ces droits et ces<br />

devoirs dépendent non seulement du moment (on rejoint ici la notion de<br />

« chronogenèse » développée en didactique générale, cf. Chevallard, 1991) mais aussi<br />

du lieu : aspects « topogénétiques » (ibidem). De ce point de vue, le moi est multiple.<br />

Harré (op. cit..) en distingue trois : un moi profond et invariant qui fait l'unité de la<br />

personne (‘embodied self’), un moi auto-biographique, à travers lequel on se raconte et<br />

qui évolue d'histoire en histoire (‘autobiographical self’), un ou des moi(s)<br />

social/sociaux qui varie(nt) en fonction des rencontres avec les autres (‘social self or<br />

selves’). Alors que dans la trajectoire de la vie personnelle et professionnelle, le moi<br />

profond n'évolue pas, le répertoire des personnalités (auto-biographique et sociale)<br />

change et parfois de façon radicale (ibidem). Ces évolutions de la personne vont de pair<br />

avec des évolutions dans la distribution des droits, des devoirs, du pouvoir (ibid). Dans<br />

cette perspective, l’expérience est ‘vecteur’ d’apprentissage par les transformations<br />

qu’elle apporte (Deyrich, 2007b) mais il convient d’en relativiser l’impact (en<br />

particulier sur le moi profond). De plus, la fluidité inhérente aux schémas de<br />

positionnement et la pluralité identitaire du moi qui en découle incitent à réviser la<br />

notion de statut et, partant, celle de crédibilité, des personnes engagées dans la situation<br />

d’enseignement-apprentissage. Cette notion était sous-jacente, par exemple, dans le<br />

guidage de l’enseignant (cf. Deyrich 2007a : 69-70 et supra, à propos des<br />

positionnements symbolique et énonciatif).<br />

Dans la théorie de l’« interactionnalisme » symbolique de Goffman (1959), la<br />

reconnaissance du statut dépend d’un certain nombre de valeurs morales. En cela, la<br />

question des valeurs et de leur partage sous-tend les analyses de la présentation de soi<br />

(The Presentation of Self in Everyday Life, 1959). Un des principes de base est qu’il faut<br />

qu’il y ait correspondance entre les caractéristiques sociales qu’une personne affiche et<br />

celles qui lui sont propres :<br />

« Society is organized on the principle that any individual who possesses certain<br />

social characteristics has a moral right to expect that others will value and treat<br />

him in an appropriate way. Connected with this principle is a second, namely that<br />

125


an individual who implicitly or explicitly signifies that he has a certain social<br />

characteristic ought in fact to be what he claims to be. 16 » (Goffman, op. cit. : 13)<br />

La correspondance se joue à deux niveaux, en fonction des autres acteurs. De ce point<br />

de vue, un rôle d’enseignant ne peut pas se jouer en solo : l’interaction sociale<br />

dépendant d’un accord avec les autres acteurs. Cet accord est censé dépasser la surface,<br />

s’il vise à atteindre le consensus nécessaire. L’évitement de conflits requiert ainsi un<br />

consensus adapté à la circonstance et selon la répartition des rôles : un consensus « de<br />

travail » pour une action responsable. En quelque sorte, c’est une forme de « moralité<br />

interactionnelle » (ibidem).<br />

La fluidité des schémas de positionnement suppose enfin une pleine connaissance du<br />

rôle à jouer et des valeurs associées (Harré & Moghaddam, op. cit.). Une négociation<br />

préalable sur des objectifs clairs est ainsi constitutive de la formation (cf. Deyrich,<br />

2007c). Les acteurs, que nous sommes tous, sont a priori à la fois informés et sincères<br />

dans le rôle qu’ils jouent : « the enactment of the rights and duties associated with a<br />

status, a place, a position 17 » (Goffman, op. cit. : 138). De ce point de vue, dans une<br />

situation d’enseignement-apprentissage, chaque acteur (enseignant ou apprenant)<br />

présente une des facettes du soi ; il est nécessaire qu’elles correspondent à l’attente et en<br />

conséquence, qu’elles confirment ce que les apprenants, ces autres acteurs attendent.<br />

Enfin, dès lors que nous sommes tous acteurs, il est paradoxal de qualifier les<br />

apprenants de « public », ce qui revient de façon implicite à les déposséder du rôle<br />

d’acteur qu’ils ont à jouer dans leur apprentissage et dans la situation.<br />

La formation visée développe la capacité à se forger une identité fluide, investissable<br />

dans des rôles de l’apprendre, en d’autres mots, à s’adapter (Deyrich, 2007b). Dans une<br />

culture de l’‘apprenance’, l’individu s’ajuste et se développe au contact de son<br />

environnement (Carré, 2006). Le concept d’‘apprenance’ est souvent mis en relation<br />

avec la prise en charge de l’apprendre pour y trouver du sens dans l’auto-formation. Il<br />

couvre un domaine large dans des dispositifs formels ou informels (ibidem) qui placent<br />

le sujet dans une dynamique de développement (Deyrich, 2007c) : un sujet prend le<br />

risque de changer et de grandir dans le « seul métier durable de la vie » (Trocmé-Fabre,<br />

16<br />

« La société est organisée sur le principe que tout individu qui possède un certain nombre de<br />

caractéristiques sociales a le droit moral d’escompter que les autres l’apprécieront et le traiteront de<br />

manière appropriée. En accord avec ce principe, il y en a un second, à savoir que lorsqu’un individu<br />

indique explicitement ou implicitement quelles sont ses caractéristiques sociales, il devrait alors être ce<br />

qu’il prétend être. » (Traduction personnelle).<br />

17<br />

« L’accomplissement des droits et des devoirs, en relation avec un statut, un lieu, une situation »<br />

(ibidem)<br />

126


1999). L’intégration des nouvelles technologies peut contribuer à une définition de<br />

tâches visant cette dynamique (Deyrich, 2005a). Elles complexifient cependant le<br />

développement curriculaire et posent alors de nouvelles questions.<br />

3.2. Élaboration curriculaire et intégration des TIC<br />

Dans le contexte où je me situe, et eu égard au positionnement engagé adopté, la<br />

recherche menée sur la formation est aussi une recherche dans la formation (ibidem).<br />

Cette double dimension se traduit par une élaboration curriculaire, susceptible d’avoir<br />

un impact favorable sur la formation (Deyrich, 2005b ; Deyrich & Dyson, 2006). Cette<br />

élaboration est à la fois objet d’une investigation préalable (cf. Pélissier et Deyrich,<br />

2005), d’une expérimentation (Deyrich & Dyson, op. cit.), d’une théorisation (Deyrich,<br />

2007b) et d’une tentative de modélisation (Deyrich, 2007c). De plus, elle ouvre des<br />

perspectives sur les dimensions culturelles dans la formation (Deyrich & Dyson, op.<br />

cit.) et sur les évolutions récentes dans les pratiques culturelles liées à l’utilisation des<br />

TIC.<br />

a) Dispositif de formation dans une approche par tâches<br />

Dans la cadre de la formation des professeurs des écoles en anglais, j’ai élaboré et<br />

expérimenté un dispositif susceptible, d’une part, d’améliorer la formation dans le<br />

domaine linguistique et culturel pour un public de non spécialistes en langue (Deyrich et<br />

Dyson, 2006) et, d’autre part, d’inscrire cette formation dans une démarche<br />

professionnalisante, réflexive et humaniste (Deyrich, 2007b). Un premier projet (celui<br />

dont je parle ici) s’est déroulé en 2005-2006 à l’IUFM de Nîmes après une première<br />

phase expérimentale en 2004-2005. Plusieurs niveaux de recherche y étaient engagés,<br />

s’agissant de la prise en compte des représentations (ibidem) et des besoins du public<br />

(ibid. ; Deyrich, 2007c), de l’ancrage de la création curriculaire sur des hypothèses<br />

théoriques (ibid.), de l’intégration des TIC dans des tâches (Deyrich, 2005a) et enfin de<br />

la définition provisoire d’une modélisation qui articule la formation des maîtres et des<br />

élèves dans un processus dynamique et reproductible.<br />

- Développement curriculaire<br />

Pour que la formation initiale vise la construction de la « pensée didactique » (Mailhos,<br />

1997, citée par Deyrich, 2007b), du ‘sujet pensant’, parvenant à dépasser le dictum pour<br />

127


parvenir au modus (cf. supra)¸ deux séries d’hypothèses ont été émises. Tout d’abord, il<br />

s’est agi d’hypothèses générales définies selon quatre axes : une responsabilité sociale<br />

institutionnelle de la formation en L2, une approche intégrée de la langue, de la culture<br />

et des TIC, une démarche expérientielle (associant vécu, recul et réinvestissement), une<br />

approche par tâches qui démarre au niveau de l'enseignant pour une définition de tâches<br />

au niveau des élèves (Deyrich, 2005a). Les hypothèses se sont affinées dans le travail<br />

collaboratif mené avec Laurel Dyson. Un certain nombre de principes ont été ajoutés<br />

(Deyrich & Dyson, 2006). Une approche mixte (blended approach) et un suivi<br />

pédagogique devaient aider les stagiaires à tirer parti des technologies (ibidem). Une<br />

définition des tâches individualisées et flexibles était nécessaire pour motiver et tenir<br />

ainsi compte de la diversité des réticences et des besoins rencontrés.<br />

- Une dimension expérientielle<br />

Une expérience vécue dans la recherche documentaire (Deyrich, 2005a) et dans son<br />

exploitation à titre personnel dans un travail de synthèse devenait un préalable pour un<br />

développement de l'attitude réflexive, tant sur leur propre travail que sur les tâches<br />

élaborées en direction des enfants (Deyrich & Dyson, op. cit. ).<br />

De ce point de vue, il s’agissait de prendre appui sur un vécu, une ‘expérience’ (Dewey,<br />

1938) qui permette d’articuler les ressources dans l’action, de développer la créativité et<br />

la prise de décision didactique (cf. supra). La tâche ainsi définie débouchait sur une<br />

réalisation concrète qui orientait le projet (Deyrich & Dyson, op. cit.). Elle amène<br />

l’enseignant d’abord à ‘faire’ quelque chose dans la L2 avant de ‘faire faire’ quelque<br />

chose dans la L2, en fonction de la réflexion menée au fur et à mesure du projet<br />

(ibidem). Il convient enfin de noter que ce travail s’inscrivait dans une démarche<br />

collaborative (travaux par petits groupes). De plus, un parallélisme était établi entre ce<br />

que fait l’élève et l’enseignant pour qu’il y ait un vécu de l’apprentissage au niveau<br />

personnel, un recul sur l’expérience suivi d’un réinvestissement dans une<br />

‘expérimentation active’ (Kolb, 1984).<br />

Pour donner un aperçu du développement curriculaire pour la formation en L2 dans une<br />

démarche expérientielle, j’ai analysé l’élaboration et l’expérimentation pour modéliser<br />

les différentes phases de ces cycles expérientiels (cf. Deyrich, 2007b). Cette<br />

modélisation a ensuite servi de point d’appui pour affiner la réflexion sur les<br />

positionnements dans la formation (cf. infra).<br />

128


) Modélisations en cours<br />

- Des cycles expérientiels<br />

A partir de la notion de cycle de l’apprentissage « expérientiel », empruntée à Kolb<br />

(expérience concrète, observation réflexive, conceptualisation abstraite, expérimentation<br />

active), des phases de distanciation puis de production pédagogiques destinées aux<br />

élèves ont été introduites (cf. Deyrich, op. cit.). Le cycle de l’enseignant a ainsi été mis<br />

en perspective avec celui de l’apprenant dans une démarche prospective. (ibidem). Dans<br />

le cycle de l’enseignant, des adaptations du modèle de Kolb ont dû avoir lieu pour une<br />

prise en compte de l’orientation générale et des objectifs fixés (ibid.).<br />

- La première étape : ‘expérience concrète’ correspondait à l’expérience du vécu dans la<br />

L2 sur le sujet choisi.<br />

- La seconde étape ‘observation réflexive’, qui implique un premier niveau de<br />

distanciation, se subdivise ici en deux :<br />

(1) une expérience affectivo-cognitive qui est verbalisée en termes de difficultés<br />

et de points d’appui,<br />

(2) un positionnement didactique : le sujet traité est alors envisagé par rapport au<br />

public auquel il s'adresse.<br />

- La troisième étape ‘conceptualisation abstraite’ débouche sur une problématisation<br />

didactique.<br />

- La dernière phase : ‘expérimentation active’, qui concerne les tâches qui seront<br />

données aux élèves, se subdivise elle aussi en deux étapes :<br />

(1) délimitation du cadre global<br />

(2) élaboration d’une fiche de préparation d'une séquence d'enseignement<br />

apprentissage. Les tâches ainsi préparées pour les élèves devaient leur permettre<br />

d'expérimenter à leur tour un apprentissage expérientiel en quatre phases (ibid :<br />

243, cf schéma).<br />

- Une entrée par le culturel<br />

Cette première définition du cycle expérientiel de formation a servi de point d'appui<br />

pour l'élaboration d’un dispositif mis en place conjointement à l’IUFM d’Aix-Marseille<br />

et de Montpellier-Nîmes (Accardi & Deyrich, à paraître). Il s’agissait d'examiner<br />

comment ces cycles expérientiels pouvaient contribuer à la définition des modalités<br />

129


d'une formation en L2, où l'entrée par le culturel concerne l’exploitation de l’œuvre<br />

picturale en L2. Dans ce corpus expérimental, l’impact de la démarche n’a pas encore<br />

été étudié finement mais il semblerait que le détour par le vécu personnel ait aidé les<br />

enseignants à prendre de la distance par rapport aux tâches données aux élèves (ibidem).<br />

Certaines tâches dénotent d’ailleurs un réel souci de créativité didactique (cf. supra).<br />

- Problématiques liées à l’acquisition lexicale<br />

La démarche a de nouveau servi de point d’appui pour un dispositif de formation des<br />

maîtres visant à articuler les questions relatives aux acquisitions lexicales pour les<br />

élèves et pour les enseignants (Deyrich, 2007c). Le dispositif intégrait également les<br />

nouvelles technologies (pour les enseignants comme pour les élèves). La structure<br />

globale de dynamique expérientielle a été respectée (cf. schéma ci-après) mais la phase<br />

de ‘conceptualisation abstraite’ a été renforcée pour que les enseignants s’intéressent<br />

d’abord aux théories sur l’acquisition lexicale, préalablement à la prise de décision<br />

didactique et aux transformations pédagogiques (ibidem). Cette phase visait à donner<br />

aux enseignants les moyens de dépasser le stade de l'intuition dans l'élaboration des<br />

tâches données aux élèves (ibid.). Le corpus est encore en cours d’analyse.<br />

CONCR<strong>ET</strong>E<br />

EXPERIENCE<br />

words in<br />

context<br />

Pedagogical<br />

transformations<br />

Didactic<br />

decisions<br />

action<br />

words in<br />

context<br />

rules<br />

awareness<br />

Distance 1<br />

Personal<br />

experience<br />

Distance 2<br />

Experience as a<br />

teacher<br />

ABSTRACT<br />

CONCEPTUALIZATION<br />

theory<br />

130


c) Nouvelles technologies, nouvelles questions didactiques<br />

Dans les expérimentations auxquelles je me réfère, l’apprenant en L2 et le praticien<br />

chercheur en devenir sont une seule et même personne. Le dispositif de formation des<br />

maîtres devait ainsi pouvoir conjuguer ces apprentissages complémentaires – mais de<br />

deux ordres.<br />

- Intégration des TIC et responsabilité sociale<br />

L’intégration des TIC dans le dispositif s’expliquait par les nombreux paramètres à<br />

prendre en compte dans une situation de formation paradoxalement limitée en temps et<br />

en moyens. Cette intégration tentait de résoudre les problèmes liés à l’hétérogénéité des<br />

besoins en L2 (langue-culture), le besoin de renforcement de l’input, d’autonomie dans<br />

le travail, tant dans le choix de la démarche que dans les modalités de collaboration.<br />

Elle posait aussi la question de l’intégration des TIC, sous l’angle de la responsabilité<br />

sociale qui engageait l’institution ainsi que le formateur.<br />

« The way a society uses technology reflects social priorities and values. In<br />

teacher education, technology cannot be only an add-on but should be really a<br />

seamless part of the curriculum. 18 » (Deyrich, 2005b)<br />

En effet, bien qu’elles soient désormais constitutives de la formation des maîtres sur le<br />

plan institutionnel, avec l’instauration d’un certificat qui valide cette formation (C2i2e),<br />

on constate que les TIC existent dans la formation en vase clos, où elles deviennent<br />

‘TICE’ – technologies de l’information et de la communication « pour l’éducation »,<br />

sans pour autant que les disciplines– dont la L2 –en tirent parti, bien qu’elles soient<br />

supposées participer à (voire, participer de) l’éducation. Il n'est donc pas étonnant que<br />

les TIC ne soient que très rarement intégrées dans les pratiques réelles des enseignants<br />

(Deyrich, op. cit.). Partant du principe que les enseignants éprouvent des difficultés à<br />

transférer l'usage des TIC du domaine privé au domaine professionnel (Do and Alluin,<br />

2000, PNER 2003), la part de responsabilité de la formation peut être interrogée. Elle<br />

dépasse d'ailleurs ces considérations dans la mesure où le fossé numérique est bien réel<br />

malgré le développement de l’accès à internet (Deyrich, op. cit). Par ailleurs, du point<br />

de vue de l'intégration des TIC pour la L2, il semble important d'insister sur l'intérêt<br />

18<br />

« La façon dont la société fait usage de la technologie reflète ses priorités et ses valeurs sociales. Dans<br />

la formation des enseignants, la technologie ne peut être un simple élément ajouté alors qu’elle devrait<br />

être partie intégrante du curriculum. » (Traduction personnelle).<br />

131


d’une intégration dans les pratiques ‘ordinaires’ plutôt que dans des expérimentations<br />

montrées en vitrine (ibidem).<br />

- Une nouvelle donne pour la réflexion didactique<br />

Intégrer les TIC dans un dispositif de formation n’est pas une démarche anodine. Il est<br />

d’ailleurs grand temps d’abandonner l’idée que les TIC sont facteurs de progrès par leur<br />

simple présence. Malgré la multiplication des ressources, on observe que la révolution<br />

informatique n’a pas eu lieu dans la salle de classe (ibid). Une intégration suppose un<br />

dépassement du point de vue affectif, au profit d’une approche scientifique qui validera<br />

ou invalidera les théories scientifiques sous-tendues (Linard, 2000), ainsi qu’une<br />

clarification des soubassements épistémologiques de la notion de dispositif (Brodin,<br />

2004) et des positionnements retenus (J. P. Narcy-Combes, 2005). Dès lors, dans le<br />

contexte de la formation des enseignants, un décloisonnement de la recherche est<br />

indispensable pour mener une réflexion didactique qui interroge l’intégration des TIC<br />

langue(s) et culture(s). L’entrée en scène des TIC dans le domaine langagier et culturel<br />

modifie les donnes de la réflexion didactique, qu’il nous faut donc réinterroger (Brodin<br />

2004) pour mieux appréhender les stratégies cognitives à l’œuvre et tenter de situer les<br />

liens, les points d’appui et les zones de résistance. Ainsi, le dispositif de formation des<br />

maîtres mis en œuvre dans une formation ouverte à distance visait conjointement une<br />

amélioration dans le domaine de l’anglais et des TIC, pour un développement personnel<br />

et pédagogique (Deyrich, 2005b). Parmi les effets de la mise en relation des TIC,<br />

langues et cultures, on relève des possibilités offertes pour une individualisation des<br />

parcours, un travail en autonomie et un accès à des ressources diversifiées et<br />

nombreuses (cf. 2005 a). L'intérêt au niveau de l'input est ainsi quantitatif et qualitatif<br />

(ibidem). Il réside aussi dans la dimension sociale et collaborative, les tâches permettant<br />

d’évoluer dans des contextes transdisciplinaires et de développer des méthodes de<br />

travail efficaces dans le cadre d'un projet global (Deyrich & Dyson, 2006), permettant<br />

ainsi d'établir un lien entre le travail linguistique et une application tangible (Catroux in<br />

Walski & Narcy-Combes, soumis à l’éditeur).<br />

- Une ouverture sur le monde<br />

L'intégration d'Internet dans le dispositif multiplie les possibilités documentaires,<br />

ajoutant une profusion de documents authentiques, des possibilités d’exploitations<br />

132


dynamiques, une efficacité plus grande du travail dans la langue étrangère, tant pour<br />

l’apprenant que pour l’enseignant. L’engagement dans ce processus de recherche,<br />

« d’enquête », au sens où l’entend Dewey (1938) met à contribution des attitudes et des<br />

habiletés cognitives complexes – notamment dans le domaine de la L2 – pour entraîner<br />

les futurs enseignants à instaurer une continuité entre l’expérience et la pensée (Deyrich,<br />

2007b). Elle offre aussi une ouverture sur le monde, un accès à d’autres perspectives<br />

(Butler : 2003; Warschauer : 2000). La recherche documentaire sur Internet incite par<br />

ailleurs à une approche dynamique de la recherche, à l’adoption d’un point de vue<br />

moins normatif, à un traitement conjoint de la langue et de la culture (Deyrich, 2004b).<br />

Elle permet aussi une entrée par le culturel, promouvant ainsi une articulation logique<br />

entre langue et culture et visant le développement d’une compétence professionnelle et<br />

réflexive pour dépasser stéréotypes et les lieux communs (Deyrich, 2005a). Enfin, elle<br />

intervient dans un apprentissage situé (Brown, Collins & Duguid, 1989), où l’apprenant<br />

ajuste ses méthodes de travail à l’environnement et au contexte.<br />

- Diversité culturelle et créativité<br />

L'évaluation du projet (Deyrich, Dyson : 108-111) s'est fondée sur des questionnaires<br />

d'évaluation remis aux stagiaires, sur des tests et sur des entretiens, ainsi que sur les<br />

projets qu’ils ont présentés en fin de parcours.<br />

On observe que l’apport le plus significatif se situe au niveau du développement de la<br />

compétence culturelle. Cette évolution se traduit notamment par une volonté de<br />

diversification des thèmes et des activités proposées pour les enfants (l’art aborigène<br />

australien, les tatouages chez les maoris, le festival de Notting Hill, la culture de la<br />

canne à sucre, etc.). De plus, des progrès réels en anglais ont été constatés, plus<br />

particulièrement en relation avec le champ lexical exploré (Deyrich, 2007b). Les<br />

professeurs-stagiaires disent aussi avoir passé beaucoup de temps en travail autonome et<br />

en travail collaboratif (Deyrich & Dyson, op.cit.).<br />

Pour les TIC, le développement de la compétence a été évalué à deux niveaux : dans le<br />

traitement de l'information où, dans l'ensemble, l'objectif a été atteint, dans la<br />

préparation de tâches pour les élèves où on observe que l'intégration des TIC n’est<br />

effective que pour moins de la moitié des groupes. Certaines recherches ont par ailleurs<br />

tiré parti des possibilités offertes par les TIC, pour engager le développement d’une<br />

forme d’‘intelligence culturelle’ (cf. M.F. Narcy-Combes, 2006). Ainsi, un des projets a<br />

133


permis d’entrer en contact avec un club sportif par courriels ; les échanges se sont<br />

progressivement enrichis grâce à une mise en perspective des attitudes et des<br />

représentations culturelles. À l’inverse, on observe aussi des cas où les activités<br />

proposées aux enfants auraient tout aussi bien pu être extraites de manuels, les TIC<br />

n'ayant alors rien apporté de plus au projet. Parmi les questions qui restaient en suspens<br />

à l'issue de cette phase expérimentale, celle de la créativité didactique figurait parmi les<br />

priorités pour des développements ultérieurs. À travers les entretiens, il apparaissait<br />

aussi que la plus grande difficulté rencontrée par les professeurs-stagiaires avait été<br />

l’apprentissage de l’autonomie. Le projet redéfini l'année suivante a tenté de résoudre ce<br />

problème en accordant une place plus importante au tutorat (Deyrich & Dyson, op. cit.).<br />

CONCLUSION<br />

Cette partie a fait le point sur les positionnements sociaux et langagiers en jeu dans le<br />

cours de L2 et dans la formation des maîtres. Ces positionnements interpellent<br />

l’ingénierie didactique, pour une définition de tâches et une mise en scène susceptibles<br />

de favoriser l’apprentissage. Cette investigation concerne alors le développement<br />

curriculaire dans la formation des enseignants. De ce point de vue, sont exposés les<br />

derniers aspects d’une recherche engagée, certes depuis quelques temps, mais pour<br />

laquelle la formalisation de ce qui relève des positionnements et médiations n’est pas<br />

encore aboutie. Les articles qui s’y réfèrent témoignent de l’évolution de la réflexion<br />

depuis la question de l’intégration des TIC (Deyrich, 2005b) jusqu’à une analyse plus<br />

distanciée sur les positionnements des enseignants-stagiaires dans les dispositifs de<br />

formation (Deyrich 2007b). Enfin, d’autres contributions plus récentes examinent la<br />

question des dispositifs sous un autre angle : en prenant appui sur les premières<br />

modélisations dans un autre contexte (Accardi & Deyrich, à paraître) et en reprenant<br />

certains de ces aspects pour une nouvelle tentative de modélisation sur d’autres aspects<br />

de la formation des maîtres.<br />

134


CONCLUSION GÉNÉRALE<br />

Pour cette synthèse, j’ai concentré l’investigation sur les articulations entre la recherche<br />

en didactique de l’anglais L2 et la formation des enseignants. De ce point de vue, les<br />

interrogations et les hypothèses concernent à la fois le champ très vaste de<br />

l’enseignement-apprentissage mais aussi celui de la formation des maîtres, où ces<br />

mêmes questions sont posées mais cette fois, dans un contexte différent. Ainsi, la<br />

complexité première des mises en relation de la L2 ‘matière’ d’enseignementapprentissage<br />

avec les représentations des sujets-apprenants se trouve encore renforcée.<br />

Il s’agit, à ce stade, d’un double phénomène, dans lequel l’enseignant-stagiaire est à la<br />

fois engagé dans un processus d’apprentissage et entraîné à prendre de la distance pour<br />

amener des élèves à s’engager à leur tour dans ce processus. J’ai examiné ce qui, dans<br />

les médiations enseignantes, pouvait rendre la L2 ‘enseignable’ et ‘apprenable’, en<br />

relation avec la spécificité d’un objet hétérogène et paradoxal, qui demande une prise en<br />

compte réelle des apprenants : de leur vécu affectif dans la L2, de la perméabilité de<br />

leur ego langagier, de leurs difficultés et de leur recherche de sens dans l’apprentissage.<br />

Un tel programme d’action suppose une maîtrise des domaines de référence et des<br />

compétences de haut niveau, tant dans le domaine disciplinaire de l’anglais langue et<br />

culture, que dans la maîtrise de son enseignement. J’ai avancé que la didactique de<br />

l’anglais L2 permet de faire le lien entre ces deux domaines de compétence, en<br />

particulier par l’adoption de démarches de type recherche-action. Le recours aux<br />

avancées de la recherche en didactique donne aussi la possibilité d’expérimenter des<br />

démarches préalablement testées et validées, comme par exemple l’approche par tâche.<br />

J’ai aussi exploré les liens à établir entre linguistique et didactique dans la formation des<br />

maîtres, sur deux aspects : la réflexion métalinguistique dans une démarche<br />

conceptualisatrice et l’analyse des positionnements et cheminements énonciatifs dans le<br />

cours de L2. J’ai aussi montré l’intérêt de l’intégration des TIC pour une révision du<br />

paysage didactique. Cette ouverture interdisciplinaire aux problématiques des nouvelles<br />

technologies offre des possibilités nouvelles pour un enseignement plus ouvert de<br />

l’anglais. La question du traitement de la diversité culturelle à l’aide des TIC est à cet<br />

égard emblématique. De nombreuses pistes pourraient encore être exploitées.<br />

Cependant, dès lors que cette formation se veut ‘responsable’ et ‘responsabilisante’, la<br />

135


éflexion didactique investit un troisième niveau, celui de l’ingénierie, pour une<br />

élaboration de dispositifs partant des problèmes du terrain et se fondant sur des<br />

hypothèses susceptibles d’apporter une solution. La question des positionnements<br />

devient centrale à ce niveau d’intervention, que ce soit pour en situer les enjeux ou pour<br />

la faire intervenir dans la formation. Je présente un dispositif, où les enseignantsstagiaires<br />

sont amenés à agir avec la L2 et à se positionner par rapport à leur expérience<br />

dans un premier temps, avant d’entrer dans le processus de didactisation. La démarche<br />

intègre l’utilisation des TIC à tous les niveaux (formateurs, tuteurs, enseignantsstagiaires,<br />

élèves). Elle est à la fois ‘expérientielle’ et réflexive. Bien que ces travaux<br />

soient encore en cours, j’ai proposé une modélisation provisoire qui servira d’appui<br />

pour d’autres expérimentations. De nombreuses questions de recherche se profilent<br />

encore à l’horizon, parmi lesquelles l’influence du positionnement social et personnel<br />

sur la formation et les effets des évolutions récentes de l’usage des TIC (FLOSS :<br />

Free/Libre Open Source Software 19 , approches communautaires, participatives, etc.) sur<br />

les pratiques personnelles et professionnelles des enseignants.<br />

19<br />

Logiciels libres de droits.<br />

136


ABRÉVIATIONS, SIGLES <strong>ET</strong> ACRONYMES UTILISÉS<br />

ACAELP<br />

ACIS<br />

Améliorer la Compréhension de l’Anglais Écrit au Lycée<br />

Professionnel<br />

Australasian Conference on Information Systems<br />

ACEDLE<br />

AES<br />

ALDIDAC<br />

C2i2e<br />

CAPES<br />

CAPLP<br />

CRPE<br />

DEA<br />

DESCO<br />

ENNA<br />

ERT<br />

INSERM<br />

FLOSS :<br />

IUFM<br />

LIRDEF<br />

PE (1/2)<br />

PGCE<br />

PLP2<br />

PNER<br />

RANACLES<br />

REF<br />

SAES<br />

TIC<br />

TOE<br />

Association des Didacticiens en Langues Étrangères<br />

Administration Économique et Sociale<br />

Approche Linguistique et Didactique de la Différence<br />

Culturelle, Centre de Recherche : Civilisations et Identités<br />

Culturelles Comparées des Sociétés Européennes et<br />

Occidentales, EA 2529<br />

Certificat Informatique et Internet niveau 2 “enseignant”<br />

Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement<br />

Secondaire<br />

Certificat d’Aptitude au Professorat de Lycée Professionnel<br />

Concours de Recrutement des Professeurs des Écoles<br />

Directrice/Directeur d’École Annexe<br />

Direction de l'Enseignement SCOlaire<br />

École Normale Nationale d’Apprentissage<br />

Équipe de Recherche Technologique<br />

Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale<br />

Free/Libre Open Source Software<br />

Institut Universitaire de Formation des Maîtres<br />

Laboratoire Interdisciplinaire Didactique Enseignement et<br />

Formation , IUFM de Montpellier – Montpellier2, EA 4749<br />

Professeur des Écoles stagiaire de l’IUFM (1ère année/2 ème<br />

année)<br />

Postgraduate Certificate in Education<br />

Professeur de Lycée Professionnel deuxième grade<br />

Programme Numérisation pour l'Enseignement et la Recherche<br />

Rassemblement National des Centres de Langues de<br />

l’Enseignement Supérieur.<br />

réseau international de Recherche en Éducation et Formation<br />

Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur<br />

Technologie de l’Information et de la Communication<br />

Théorie des Opérations Énonciatives<br />

137


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145


TABLE DES MATIÈRES<br />

RÉFÉRENCE À MES TRAVAUX....................................................................... 2<br />

a) Travaux sélectionnés pour présenter l’Habilitation à Diriger des Recherches...........................2<br />

b) Autres travaux mentionnés dans le document de synthèse :.....................................................3<br />

INTRODUCTION...................................................................................................................................5<br />

PREMIÈRE PARTIE PARCOURS DE RECHERCHE <strong>ET</strong> FORMATION........... 7<br />

1. Retour sur un engagement personnel et professionnel..............................................................7<br />

1.1. Des questions vives en début de parcours professionnel.................................................................. 7<br />

a) Décalages dans le cours de langue : reproduire ou créer ............................................................. 8<br />

b) Décalages dans la formation des maîtres ..................................................................................... 10<br />

1.2. Une recherche entre engagement et distanciation .......................................................................... 12<br />

a) Des recherches dans la formation aux recherches sur la formation.............................................. 12<br />

b) Un positionnement épistémologique inconfortable...................................................................... 14<br />

c) Position du chercheur dans le cadre interprétatif de la didactique des langues ............................ 16<br />

2. Positionnements épistémologiques............................................................................................18<br />

2.1. Des points de vue pour construire la connaissance ........................................................................ 18<br />

a) Une dimension interdisciplinaire.................................................................................................. 20<br />

b) Une dimension transpositive et intégrative .................................................................................. 25<br />

2.2. Un parcours de recherche en quête de résonances : Différences et résonances interculturelles..... 31<br />

a) Vers une éthique de la résonance ................................................................................................. 31<br />

b) Dialogues interculturels dans la formation................................................................................... 33<br />

3. Former à une profession..............................................................................................................35<br />

3.1. Des savoirs en contexte universitaire ............................................................................................. 35<br />

a) Une transversalité déconcertante.................................................................................................. 35<br />

b) Une composante théorique parfois contestée ............................................................................... 37<br />

c) Références et principes organisateurs .......................................................................................... 38<br />

3.2. Formation des maîtres distanciations et articulations théoriques ................................................... 41<br />

a) Du concours de recrutement à la salle de classe ......................................................................... 41<br />

b) une formation « responsable » ..................................................................................................... 44<br />

c) Des hypothèses didactiques à mettre en perspective .................................................................... 47<br />

Conclusion .........................................................................................................................................51<br />

<strong>DEUX</strong>IÈME PARTIE SUJ<strong>ET</strong>(S) <strong>ET</strong> LANGUE(S) AU CŒUR DES MEDIATIONS<br />

......................................................................................................................... 52<br />

1. Les sujets dans les médiations langagières.................................................................................54<br />

1.1. Une « étrangeté » relative .............................................................................................................. 54<br />

a) Dans la catégorisation des langues............................................................................................... 54<br />

b) Dans les notions d’étrangeté et altérité ........................................................................................ 55<br />

1.2. Des sujets dans les apprentissages langagiers ................................................................................ 58<br />

a) Plusieurs conceptions pour chacun des sujets .............................................................................. 58<br />

b) Investigations sur le sujet et ses représentations .......................................................................... 61<br />

c) Des représentations dans l’enseignement et la formation ............................................................ 65<br />

d) Le vécu, les affects, l’ego langagier............................................................................................. 68<br />

2. Une L2 dans une perspective d’enseignement-apprentissage.................................................75<br />

2.1. Le paysage disciplinaire de l’anglais ............................................................................................. 75<br />

a) Un « objet-langue-culture » problématique.................................................................................. 75<br />

b) Représentations et dimension métalinguistique dans l’apprentissage.......................................... 77<br />

146


2.2. Regards pluriels sur un objet protéiforme ...................................................................................... 79<br />

a) Culture et langue .......................................................................................................................... 80<br />

b) Langue et savoirs langagiers ........................................................................................................ 83<br />

2.3. Des médiations didactiques polyfonctionnelles ............................................................................. 86<br />

a) Des stratégies didactiques dans une logique d’apprentissage....................................................... 86<br />

b) Didactisations et tâches................................................................................................................ 88<br />

c) Médiations pour une démarche conceptualisatrice....................................................................... 90<br />

d) Pour une maîtrise des médiations................................................................................................. 92<br />

Conclusion .........................................................................................................................................95<br />

TROISIÈME PARTIE<br />

DES <strong>POSITIONNEMENTS</strong> QUI INTERROGENT LA FORMATION ............... 97<br />

1. Un positionnement d’ordre social et langagier..........................................................................98<br />

1.1. Spécificité des positionnements et de l’attente sociale................................................................... 98<br />

1.2. Un positionnement mis en texte................................................................................................... 101<br />

a) Éléments de cadrage................................................................................................................... 101<br />

b) Seuil(s) à franchir....................................................................................................................... 103<br />

c) Un accord indispensable............................................................................................................. 104<br />

2. Positionnements des acteurs in situ......................................................................................... 105<br />

2.1. Des systèmes de repérage............................................................................................................. 105<br />

a) Une dimension symbolique........................................................................................................ 105<br />

b) Une dimension énonciative........................................................................................................ 108<br />

2.2. Tâches et ingénierie didactique.................................................................................................... 111<br />

a) Vers une prise en charge de l’apprentissage............................................................................... 112<br />

b) Une mise en scène didactique spécifique................................................................................... 115<br />

3. Positionnements dans les dispositifs de formation................................................................. 119<br />

3.1. Retour sur les éléments de cadrage .............................................................................................. 119<br />

a) Formation et identité professionnelle ......................................................................................... 120<br />

b) Positionnements dans la formation ............................................................................................ 123<br />

c) Fluidité des schémas de positionnement .................................................................................... 124<br />

3.2. Élaboration curriculaire et intégration des TIC............................................................................ 127<br />

a) Dispositif de formation dans une approche par tâches ............................................................... 127<br />

b) Modélisations en cours : des cycles expérientiels...................................................................... 129<br />

c) Nouvelles technologies, nouvelles questions didactiques .......................................................... 131<br />

Conclusion ...................................................................................................................................... 134<br />

CONCLUSION GÉNÉRALE........................................................................... 135<br />

ABRÉVIATIONS, SIGLES <strong>ET</strong> ACRONYMES UTILISÉS ............................... 137<br />

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES .......................................................... 138<br />

147

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