27.12.2014 Views

Télécharger le texte - Normannia

Télécharger le texte - Normannia

Télécharger le texte - Normannia

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Précieuses à y assister. Il commença son discours par l'éloge de la vil<strong>le</strong> de Valognes, qu'il re<strong>le</strong>va par tous <strong>le</strong>s<br />

lieux communs de la rhétorique ; puis, après cet exorde insinuant, il poursuivit : “Tout <strong>le</strong> monde sait en quel<strong>le</strong><br />

réputation est votre vil<strong>le</strong>, Messieurs, vil<strong>le</strong> qui renferme dans son enceinte une infinité de personnes si distinguées<br />

par <strong>le</strong>ur nob<strong>le</strong>sse, <strong>le</strong>ur politesse et la délicatesse de <strong>le</strong>ur esprit, auquel rien n'échappe de ce qui regarde la<br />

littérature et <strong>le</strong> bon goût ; mais el<strong>le</strong> a encore quelque chose qui me paraît plus singulier et plus extraordinaire :<br />

c'est que <strong>le</strong> sexe même a part à cette distinction, et qu'on voit, parmi <strong>le</strong>s personnes qui s'appliquent à l'étude des<br />

beaux-arts, une compagnie de fil<strong>le</strong>s qui font profession d'un grand discernement. Il <strong>le</strong>ur manque cependant une<br />

chose, c'est qu'el<strong>le</strong>s n'ont point de chef pour présider à <strong>le</strong>urs assemblées. C'est ce qui m'a donné la pensée de<br />

[p. 558]<br />

<strong>le</strong>ur en choisir un qui <strong>le</strong>ur convienne. Mais je n'en trouve pas qui y soit plus propre en toute manière que...<br />

l'ânesse de Balaam ».<br />

« Tout <strong>le</strong> monde applaudit à l'adresse de l'orateur qui confondit ces fil<strong>le</strong>s de tel<strong>le</strong> sorte qu'el<strong>le</strong>s n'osèrent <strong>le</strong>ver<br />

<strong>le</strong>s yeux pendant <strong>le</strong> reste du discours, ni se rassemb<strong>le</strong>r depuis [23] ». Ainsi finit la prétendue Académie des<br />

Savantes de Valognes.<br />

UNE VILLE MORTE.<br />

Voici avec quel<strong>le</strong> tristesse et quel<strong>le</strong> amertume J. Barbey d'Aurevilly par<strong>le</strong> de Valognes, cette petite vil<strong>le</strong> grise,<br />

basse, déserte, si<strong>le</strong>ncieuse, fouettée de pluie et de vent, qui a tout l'air de garder au coin de chaque mur, à la<br />

porte de chaque vieil hôtel, un de ces secrets domestiques et sociaux que Balzac a su deviner.<br />

« La vil<strong>le</strong> que j'habite en ces contrées de l'Ouest, dit l'auteur d'Une Page d'histoire, — veuve de tout ce qui la fit<br />

si brillante dans ma prime jeunesse, — mais vide et triste maintenant comme un sarcophage abandonné, je l'ai,<br />

depuis bien longtemps, appelée “la vil<strong>le</strong> de mes spectres” pour justifier un amour incompréhensib<strong>le</strong> au regard de<br />

mes amis qui me reprochent de l'habiter et qui s'en étonnent... C'est eux, en effet, <strong>le</strong>s spectres de mon passé<br />

évanoui, qui m'attachent si étrangement à el<strong>le</strong>. Sans ses revenants je n'y reviendrais pas !<br />

Que de fois de rares passants m'ont rencontré faisant ma mélancolique randonnée dans <strong>le</strong>s rues mortes de<br />

cette vil<strong>le</strong> morte qui a la beauté blême des sépulcres et m'ont cru seul quand je ne l'étais pas !... ».<br />

— « De nos jours, écrivait naguère <strong>le</strong> peintre-graveur valognais,<br />

[p. 559]<br />

Félix Buhot, la sous-préfecture de Valognes est <strong>le</strong> type de ce que l'on appel<strong>le</strong> une vil<strong>le</strong> morte. C'est à ce caractère<br />

mélancolique de vil<strong>le</strong> morte qu'el<strong>le</strong> doit son charme, bien plus encore qu'à sa situation pittoresque et assez<br />

étrange au fond d'une presqu'î<strong>le</strong> boisée et marécageuse, ce qui fait que de trois côtés el<strong>le</strong> se trouve à quatre ou<br />

cinq lieues de la mer. Presque à chaque pas, aux environs, on rencontre des paysages de l'anglais Constab<strong>le</strong> ou<br />

de notre Ju<strong>le</strong>s Dupré. Mais son grand charme, c'est qu'el<strong>le</strong> est une vil<strong>le</strong> morte, c'est à dire une vil<strong>le</strong> qui a été jadis<br />

prospère, vivante, riche, et qui ne l'est plus ;... une vil<strong>le</strong> qui ne bâtit pas de maisons neuves, qui s'abrite sous de<br />

vieux toits, qui n'a que des rues à l'ancienne mode et des hôtels de seigneurs trop vastes et trop beaux. Les<br />

habitants sont, pour la plupart, des rentiers partageant <strong>le</strong>ur temps entre la <strong>le</strong>cture et la culture de <strong>le</strong>ur jardin ;<br />

quelques savants même, naturalistes, archéologues ou col<strong>le</strong>ctionneurs ; il y en a toujours eu à Valognes.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!