note de veille4 ahishakiye - Idecburundi.org
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ESPACE BUDGETAIRE ET VIABILITE DES DEPENSES PUBLIQUES DANS LE<br />
SECTEUR DE LA SANTE AU BURUNDI<br />
Par<br />
Honoré AHISHAKIYE *<br />
Introduction<br />
Le niveau actuel <strong>de</strong>s dépenses publiques consacrées à la santé dans les pays à faible revenu<br />
est trop peu élevé pour que ceux-ci puissent atteindre les Objectifs du Millénaire pour le<br />
Développement (OMD). La perspective d’augmentations substantielles <strong>de</strong>s apports d’ai<strong>de</strong><br />
peut permettre <strong>de</strong>s niveaux plus élevés <strong>de</strong> dépenses <strong>de</strong> santé dans ces pays. Dans quelle<br />
mesure est-il possible d’élargir durablement l’espace budgétaire pour financer les dépenses <strong>de</strong><br />
santé <br />
Le financement <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> santé <strong>de</strong>s pays à revenu faible ou moyen empêche souvent la<br />
majorité <strong>de</strong> la population d'accé<strong>de</strong>r aux services <strong>de</strong> santé essentiels et dans nombre <strong>de</strong> pays<br />
parmi les plus pauvres comme le Burundi, les dépenses sont encore trop faibles pour garantir<br />
un accès équitable aux services et aux interventions essentiels et <strong>de</strong> base.<br />
Cette <strong>note</strong> <strong>de</strong> veille décrit certains <strong>de</strong>s principales préoccupations du financement <strong>de</strong> la santé<br />
au Burundi, un pays à revenu faible. La première section définit les termes espace budgétaire<br />
et viabilité <strong>de</strong>s dépenses publiques dans l’optique du secteur <strong>de</strong> la santé, la <strong>de</strong>uxième analyse<br />
le système <strong>de</strong> financement du secteur <strong>de</strong> la santé au Burundi, la troisième montre les limites<br />
<strong>de</strong> l’espace budgétaire au Burundi. Ce qui nous permettre <strong>de</strong> dégager une conclusion et <strong>de</strong>s<br />
politiques économiques.<br />
* Honoré AHISHAKIYE est Chercheur Professionnel à l’Institut <strong>de</strong> Développement Economique (IDEC), volet<br />
Socio-économie et Développement Humain.
1. Définition <strong>de</strong> l’espace budgétaire et <strong>de</strong> la viabilité <strong>de</strong>s dépenses publiques<br />
1.1 Espace budgétaire<br />
L’espace budgétaire se réfère à la capacité du gouvernement d’affecter les ressources<br />
budgétaires disponibles aux fins souhaitées. L’espace budgétaire est défini comme « la marge<br />
permettant au gouvernement d’affecter <strong>de</strong>s ressources à la poursuite d’un objectif sans mettre<br />
en péril la viabilité <strong>de</strong> sa position financière ou la stabilité <strong>de</strong> l’économie »1.<br />
Il existe théoriquement plusieurs métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> création d’un espace budgétaire permettant<br />
d’augmenter les dépenses <strong>de</strong> santé en rapport avec la situation budgétaire <strong>de</strong> l’État. Chacune<br />
d’elles présente <strong>de</strong>s avantages, mais aussi <strong>de</strong>s inconvénients.<br />
Heller (2005) admet que <strong>de</strong> manière générale lorsqu’un espace budgétaire a été aménagé, <strong>de</strong>s<br />
ressources peuvent être libérées et affectées à <strong>de</strong>s programmes <strong>de</strong> dépenses publiques<br />
particulièrement dignes d’intérêt (ou à la réduction <strong>de</strong>s impôts). La création d’un espace<br />
budgétaire <strong>de</strong>vient encore plus attrayante si les dépenses qui en découlent stimulent la<br />
croissance à moyen terme, et peuvent même être défrayées à terme par les recettes budgétaires<br />
qu’elles engendreront dans l’avenir. Geoff (2009) 2 et Heller (2005) 3 relèvent six mécanismes<br />
principaux <strong>de</strong> création d’espace budgétaire : i) augmenter les recettes, soit par la croissance<br />
économique, soit par l’augmentation <strong>de</strong>s recettes publiques en pourcentage du PIB ; ii)<br />
réallouer les dépenses à partir <strong>de</strong> priorités moins élevées vers les dépenses à priorités plus<br />
élevées, et à partir <strong>de</strong> programmes à moindre efficacité et productivité vers ceux qui sont plus<br />
efficaces et productifs; iii) réduire la <strong>de</strong>tte en vue <strong>de</strong> libérer <strong>de</strong>s ressources engagées au<br />
service <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte ; iv) augmenter les emprunts extérieurs ou intérieurs ; v) augmenter l’ai<strong>de</strong><br />
sous forme <strong>de</strong> subventions et <strong>de</strong> prêts concessionnels ; et vi) le seigneuriage, ou la création <strong>de</strong><br />
revenus par l’émission <strong>de</strong> la monnaie.<br />
1 Heller,P.(2005), L’espace budgétaire: concept et genèse, Finances & Développement, p.32.<br />
2 Geoff Handley (2009), Espace budgétaire pour une protection sociale renforcée en Afrique <strong>de</strong> l’Ouest et du<br />
Centre, étu<strong>de</strong> publiée conjointement par l’UNICEF et l’ODI, p.3.<br />
3 Heller, P. (2005), Document <strong>de</strong> synthèse du FMI : comprendre le concept d’espace budgétaire, Fonds<br />
monétaire international, pp.2-7
1.2 Viabilité <strong>de</strong>s dépenses publiques<br />
La notion <strong>de</strong> viabilité <strong>de</strong>s dépenses publiques vise l’aptitu<strong>de</strong> du gouvernement à maintenir <strong>de</strong>s<br />
dépenses à <strong>de</strong>s fins données et pendant la durée prévue, et à faire face au coût <strong>de</strong>s emprunts<br />
sans compromettre sa situation budgétaire. Il faut remplir trois conditions pour réaliser la<br />
viabilité <strong>de</strong>s dépenses publiques stricto sensu : 4<br />
- Dans le cas <strong>de</strong>s dépenses financées au moyen <strong>de</strong>s emprunts. Le ren<strong>de</strong>ment financier <strong>de</strong>s<br />
dépenses supplémentaires <strong>de</strong>vrait couvrir le coût <strong>de</strong>s emprunts.<br />
- Dans le cas <strong>de</strong>s dépenses courantes financées par les dons <strong>de</strong>s bailleurs <strong>de</strong> fonds. S’il est<br />
envisagé <strong>de</strong> poursuivre ces dépenses au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> prévue <strong>de</strong> financement par les<br />
bailleurs <strong>de</strong> fonds, les gouvernements doivent être en mesure <strong>de</strong> mobiliser d’autres sources <strong>de</strong><br />
revenus pour remplacer les financements <strong>de</strong>s bailleurs <strong>de</strong> fonds lorsqu’ils prendront fin.<br />
- Dans le cas <strong>de</strong> tous les investissements. Les gouvernements doivent être en mesure <strong>de</strong><br />
financer les dépenses courantes <strong>de</strong> tout nouvel investissement, par exemple, les frais<br />
d’exploitation et d’entretien <strong>de</strong> la construction <strong>de</strong> nouvelles installations <strong>de</strong> santé, ainsi que le<br />
coût du capital.<br />
La viabilité <strong>de</strong>s dépenses publiques est une question particulièrement importante dans le<br />
contexte <strong>de</strong> l’augmentation <strong>de</strong>s flux d’ai<strong>de</strong>, car on ignore pendant combien <strong>de</strong> temps cette<br />
augmentation va durer. À un certain moment dans l’avenir, les gouvernements <strong>de</strong>vront<br />
mobiliser un surcroît <strong>de</strong> recettes publiques intérieures pour compenser un fléchissement <strong>de</strong>s<br />
flux d’ai<strong>de</strong>.<br />
La possibilité d’un espace budgétaire qui permet d’engager dans l’immédiat <strong>de</strong>s dépenses<br />
dans un secteur risque <strong>de</strong> ne pas pouvoir être reproduit dans l’avenir et le gouvernement<br />
pourrait se trouver dans l’obligation <strong>de</strong> sous-financer la nouvelle initiative ou <strong>de</strong> réduire<br />
ultérieurement d’autres dépenses ou <strong>de</strong> renoncer à d’autres dépenses dans d’autres domaines.<br />
2. Financement du secteur <strong>de</strong> la santé<br />
Cette section présente les tendances générales <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong>s financements <strong>de</strong> santé au<br />
Burundi. Pour cela, elle étudie certains indicateurs <strong>de</strong> financement du secteur <strong>de</strong> la santé.<br />
4 Secrétariat du Forum <strong>de</strong> haut niveau sur les ODM en matière <strong>de</strong> santé (2005), Espace Budgétaire et Viabilité<br />
<strong>de</strong>s Dépenses Publiques dans le Secteur <strong>de</strong> la Santé, Paris, p.9.
2.1. Insuffisance <strong>de</strong>s dépenses<br />
Bien que le total <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé exprimé en pourcentage du PIB soient restées<br />
relativement constant <strong>de</strong> 1995 à 2006, le total <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé par tête a diminué. Le<br />
Burundi affecte moins <strong>de</strong> 5 % <strong>de</strong>s dépenses publiques à la santé et il n’arrive même pas à<br />
atteindre le taux <strong>de</strong> 4,1% <strong>de</strong> l’année 1995, taux qui n’a fait que chuter durant toute la pério<strong>de</strong>.<br />
En valeur corrigée en fonction <strong>de</strong> la Parité <strong>de</strong>s Pouvoir d’Achat (PPA) , le total <strong>de</strong>s dépenses<br />
<strong>de</strong> santé par habitant était <strong>de</strong> 4 dollars en 2003 au Burundi contre 22 dollars dans les pays à<br />
faible revenu et <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 3.000 dollars dans <strong>de</strong>s pays à revenu élevé.<br />
D’après le Secrétariat Permanent Union Africaine (2006), dans la mesure où les dépenses<br />
publiques <strong>de</strong> santé représentent en moyenne 2,5 % du PIB dans les pays à faible revenu, il<br />
sera souvent possible d’augmenter les dépenses <strong>de</strong> santé. Toutefois, les ressources pouvant<br />
ainsi être dégagées seront relativement mo<strong>de</strong>stes. Le même article fait cependant remarque<br />
que : Dans un pays à faible revenu normal avec un PIB par habitant <strong>de</strong> 400 dollars, une<br />
augmentation <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé <strong>de</strong> 2,5 % à 5 % du PIB se traduirait par <strong>de</strong>s dépenses<br />
supplémentaires <strong>de</strong> 10 dollars seulement par habitant par an. Seul un accroissement du PIB<br />
par habitant grâce à la croissance économique permettrait d’élargir l’espace budgétaire au<strong>de</strong>là<br />
<strong>de</strong> cette limite 5 .<br />
Le Burundi ne dépensent pas 34 dollars par tête, montant recommandés par la Commission sur la<br />
macroéconomie et la santé (CMS) pour qu'un individu puisse acheter une série <strong>de</strong> services <strong>de</strong><br />
santé essentiels 6 . En outre, les capacités limitées à augmenter les recettes et les dépenses élevées<br />
prises en charge par les patients constituent également un far<strong>de</strong>au surtout pour le groupe <strong>de</strong>s<br />
pauvres qui constitue la majorité <strong>de</strong> la population.<br />
5 Secrétariat du Forum <strong>de</strong> haut niveau sur les ODM en matière <strong>de</strong> santé, Espace Budgétaire et Viabilité <strong>de</strong>s<br />
Dépenses Publiques dans le Secteur <strong>de</strong> la Santé, Troisième Forum <strong>de</strong> haut niveau sur les ODM en matière <strong>de</strong><br />
santé, Paris, p. 14. Secrétariat Permanent Union Africaine (2006), « financement <strong>de</strong> la sante en afrique », Une<br />
Afrique Unie pour l’Accès universel aux services <strong>de</strong> lutte contre le VIH/SIDA, la Tuberculose et le paludisme<br />
d’ici à 2010, sommet extraordinaire <strong>de</strong> l’Union Africaine sur le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme, 2-4<br />
mai 2006 Abuja (Nigéria), p.26.<br />
6 Organisation mondiale <strong>de</strong> la santé (2002), Mobilization of Domestic Resources For Health, Report of Working<br />
Group 3 of the Commission on Macroeconomics and Health, Geneva: World Health Organization.
Tableau n° 1 : Indicateurs sur le financement du secteur <strong>de</strong> la santé au Burundi<br />
Total<br />
<strong>de</strong>s<br />
dépe<br />
nses<br />
<strong>de</strong><br />
santé<br />
en %<br />
du<br />
PIB<br />
Dépenses<br />
générales<br />
du<br />
gouvernem<br />
ent en<br />
matière <strong>de</strong><br />
santé en %<br />
du total <strong>de</strong>s<br />
dépenses <strong>de</strong><br />
santé<br />
Dépenses<br />
<strong>de</strong> santé<br />
<strong>de</strong>s<br />
particulie<br />
rs en %<br />
du total<br />
<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />
santé<br />
Dépenses<br />
générales<br />
du<br />
gouvernement<br />
en<br />
matière<br />
<strong>de</strong> santé<br />
en %<br />
du total<br />
<strong>de</strong>s<br />
dépenses<br />
du<br />
gouvernement<br />
Ressources<br />
externes<br />
consacrées à<br />
la santé en<br />
% du total<br />
<strong>de</strong>s<br />
dépenses <strong>de</strong><br />
santé<br />
Dépense<br />
s totales<br />
<strong>de</strong> santé<br />
par tête<br />
à un<br />
taux <strong>de</strong><br />
change<br />
moyen<br />
(US$)<br />
Dépenses<br />
publiques<br />
totales <strong>de</strong><br />
santé par<br />
habitant<br />
PPP US $<br />
Dépenses<br />
publiques<br />
totales <strong>de</strong><br />
santé par<br />
habitant à<br />
un taux <strong>de</strong><br />
change<br />
moyen<br />
(US$)<br />
1995 3,6 29,9 70,1 4,1 13,7 6 5 2<br />
1996 3,3 30,6 69,4 3,9 17,9 5 4 1<br />
1997 2,9 21,1 78,9 3 12,2 4 3 1<br />
1998 3,1 19,5 80,5 2,3 9,1 4 3 1<br />
1999 2,9 17,1 82,9 1,8 9,6 4 2 1<br />
2000 3,1 17,8 82,2 2,1 5 3 3 1<br />
2001 3,1 21,5 78,5 2,3 8,3 3 3 1<br />
2002 3,2 23 77 2,2 9,7 3 4 1<br />
2003 3,2 25,3 74,7 2,3 11,2 3 4 1<br />
2004 3,2 26,2 73,8 2,3 13 3 4 1<br />
2005 3,4 28,6 71,4 2,3 17 3 5 1<br />
2006 3 24,6 75,4 2,3 13,7 4 4 1<br />
Source: Statistiques mondiales <strong>de</strong> la santé 2009, OMS Genève, 2009<br />
Comme le tableau n° 1 le fait remarquer, les dépenses <strong>de</strong> santé <strong>de</strong>s particuliers en % <strong>de</strong>s dépenses<br />
<strong>de</strong> santé au Burundi représentent d’une façon générale plus <strong>de</strong> 70% <strong>de</strong>s dépenses totales <strong>de</strong>s<br />
dépenses <strong>de</strong> santé. Cela a <strong>de</strong>s inci<strong>de</strong>nces importantes sur la durabilité du financement et expose<br />
une part importante <strong>de</strong> la population à <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé catastrophiques, susceptibles d’être<br />
dévastatrices, surtout pour les pauvres et les personnes les plus vulnérables en mauvaise santé.<br />
2.2. Viabilité <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong><br />
La cinquième colonne présente la part <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> engagée pour la santé. Il apparaît que les<br />
engagements d’ai<strong>de</strong> au développement en faveur <strong>de</strong> la santé au Burundi n’ont pas augmenté<br />
puisque la part <strong>de</strong>s ressources extérieures qui étaient <strong>de</strong> 13,7 % <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé en 1995<br />
reste le même en 2006. Seules les années 1996 et 2005 ont connu une légère augmentation<br />
pour atteindre 17%.
L’ai<strong>de</strong> publique au développement en général et l'ai<strong>de</strong> à la santé en particulier ont été<br />
critiquées pour l'imprévisibilité et la volatilité <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> financement. La volatilité et<br />
l'imprévisibilité <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s bailleurs <strong>de</strong> fonds peuvent être imputés 7 :<br />
.<br />
- Aux États <strong>de</strong>s pays bailleurs <strong>de</strong> fonds : processus politiques, législatifs ou budgétaires.<br />
- À la Conditionnalité : les décaissements peuvent en être suspendus ou arrêtés par <strong>de</strong>s<br />
bailleurs <strong>de</strong> fonds à cause du non respect <strong>de</strong>s conditions d’un programme ou d’un cadre<br />
macro-économique.<br />
- À la capacité d'absorption <strong>de</strong>s pays bénéficiaires : manque <strong>de</strong> compétence administrative ou<br />
gestion inefficace <strong>de</strong>s dépenses publiques (qui empêchent que le décaissement <strong>de</strong>s ressources<br />
n'atteigne les unités d’exécution <strong>de</strong>s projets ou <strong>de</strong>s programmes). Cependant, les problèmes<br />
peuvent également émaner <strong>de</strong>s bailleurs <strong>de</strong> fonds, qui peuvent poser <strong>de</strong>s conditions<br />
contraignantes pour les fournitures et l’établissement <strong>de</strong>s rapports.<br />
- À la fluctuations du taux <strong>de</strong> change : les engagements sont souvent exprimées ou calculées<br />
en dollars américains, donc la fluctuation du taux <strong>de</strong> change entre la <strong>de</strong>vise dans laquelle<br />
bailleurs <strong>de</strong> fonds prennent leur engagement et le dollars américain, et entre le dollars<br />
américains et la monnaie locale affectent la volatilité.<br />
On comprend aisément que, dans ces conditions d’insuffisance <strong>de</strong>s dépenses et <strong>de</strong>s flux<br />
d’ai<strong>de</strong>, les besoins soient souvent insatisfaits et que le niveau et l’efficacité <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong><br />
santé restent nettement inférieurs à ce qui serait nécessaire pour atteindre les OMD. Cela a<br />
pour conséquence que le Burundi comme les autres pays à faible revenu consacre moins <strong>de</strong> 5<br />
% <strong>de</strong> leur PIB à la santé, alors que la proportion est d’environ 6 % dans les pays à revenu<br />
intermédiaire et <strong>de</strong> 10 % dans les pays à revenu élevé.<br />
3. Espace budgétaire et viabilité <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé<br />
Les données comparatives <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> 1995-2006 sur le pourcentage du PIB alloué aux<br />
dépenses militaires et aux dépenses <strong>de</strong> santé au Burundi indiquent que les dépenses militaires<br />
sont supérieures aux dépenses <strong>de</strong> santé (tableau n° 2). Ces données reflètent en partie la<br />
7 Secrétariat Permanent Union Africaine (2006), financement <strong>de</strong> la sante en afrique, Une Afrique Unie pour<br />
l’Accès universel aux services <strong>de</strong> lutte contre le VIH/SIDA, la Tuberculose et le paludisme d’ici à 2010, Sommet<br />
extraordinaire <strong>de</strong> l’Union Africaine sur le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme 2-4 mai 2006 Abuja<br />
(Nigéria), p.
fragilité <strong>de</strong> l’état sécuritaire au Burundi qui a prévalu pendant plusieurs années. D’après une<br />
étu<strong>de</strong> du Secrétariat Permanent <strong>de</strong> l’Union Africaine 8 , dans la mesure où le niveau élevé <strong>de</strong>s<br />
dépenses militaires reflète <strong>de</strong>s tensions internes ou externes et <strong>de</strong>s conflits, cela signifie qu'en<br />
principe, les efforts déployés pour résoudre ces situations <strong>de</strong> conflit permettraient<br />
d’augmenter les dépenses <strong>de</strong> santé et d'éducation.<br />
Le Burundi ne peut pas continuer d’augmenter ses dépenses militaires, au moment même où il<br />
doit ajuster ses budgets à une conjoncture internationale changeante. Les dépenses comme les<br />
dépenses pour la police peuvent être un facteur d’espace budgétaire. Bien que le Burundi ait<br />
considérablement réduit les effectifs <strong>de</strong>s forces armées, les effectifs <strong>de</strong> la police ont beaucoup<br />
augmenté.<br />
Tableau n° 2 : Dépenses mililaires, dépenses <strong>de</strong> santé et recettes fiscales<br />
Total <strong>de</strong>s<br />
dépenses<br />
<strong>de</strong> santé en<br />
% du PIB<br />
Dépenses<br />
militaires<br />
(en % du<br />
PIB)<br />
Recettes<br />
(dons<br />
exclus) (en<br />
% du PIB)<br />
1995 3,6 4,2 19,27<br />
1996 3,3 5,85 17,62<br />
1997 2,9 6,36 13,46<br />
1998 3,1 6,57 17,1<br />
1999 2,9 6,26 16,2<br />
2000 3,1 5,97 19,2<br />
2001 3,1 8,04 20,0<br />
2002 3,2 7,15 20.3<br />
2003 3,2 7,3 21.1<br />
2004 3,2 6,75 20.1<br />
2005 3,4 6,22 20.0<br />
2006 3 5,46 19.0<br />
Source : Perspective Mon<strong>de</strong> Sherbrooke - Québec – Canada programme d'Étu<strong>de</strong>s politiques<br />
appliquées <strong>de</strong> l'Université <strong>de</strong> Sherbrooke pour les dépenses militaires et les recettes,<br />
Statistiques mondiales <strong>de</strong> la santé 2009, OMS Genève, 2009 pour les dépenses <strong>de</strong> santé.<br />
La pression fiscale est assez considérable pour un pays à faible revenu comme le Burundi<br />
(tableau n° 2). Comme il est difficile et peut-être économiquement inopportun d’augmenter<br />
encore le ratio <strong>de</strong>s recettes fiscales, l’augmentation <strong>de</strong>s investissements dépendra <strong>de</strong> la<br />
mobilisation <strong>de</strong> financements extérieurs ou <strong>de</strong> mesures visant à réduire les dépenses courantes<br />
8 Secrétariat Permanent Union Africaine (2006), op cit, p.8.
et à améliorer leur efficacité, selon une étu<strong>de</strong> faite par la Banque Mondiale<br />
Gouvernement du Burundi en 2008 9 .<br />
et le<br />
Il est donc important <strong>de</strong> réduire les dépenses publiques, même si cette politique limite<br />
considérablement le niveau <strong>de</strong>s dépenses sectorielles. Il faut que le Gouvernement fixe un<br />
plafond <strong>de</strong> dépenses compatibles avec la protection <strong>de</strong> la stabilité macroéconomique.<br />
D’après la même étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Banque mondiale et le Gouvernement du Burundi, Le<br />
Gouvernement et les programmes d’ai<strong>de</strong> réservent une part excessive <strong>de</strong> leurs allocations aux<br />
hôpitaux et à la lutte contre le VIH/SIDA. Presque chaque année <strong>de</strong>puis 2000, les hôpitaux<br />
autonomes ont reçu 36 à 37% du budget <strong>de</strong> fonctionnement du Ministère <strong>de</strong> la Santé<br />
Publique, et l’hôpital <strong>de</strong> Kamenge a reçu à lui seul l’équivalent <strong>de</strong> 38 à 43% du budget <strong>de</strong><br />
fonctionnement <strong>de</strong>s hôpitaux. Cette répartition <strong>de</strong>s ressources n’est pas optimale. En effet, la<br />
majorité <strong>de</strong> la population du Burundi vit en zone rurale, et les principales causes <strong>de</strong> mortalité<br />
et <strong>de</strong> morbidité peuvent être traitées <strong>de</strong> façon plus simple. En 2006, la lutte contre le<br />
VIH/SIDA a absorbé environ 25% <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s bailleurs <strong>de</strong> fonds au secteur santé ; la plupart<br />
<strong>de</strong>s ONG accor<strong>de</strong>nt elles aussi une haute priorité à cette activité 10 .<br />
La même étu<strong>de</strong> remarque aussi que la fragmentation du budget est un problème majeur au<br />
Burundi. La planification <strong>de</strong>s fonds PPTE n’est pas coordonnée avec celle <strong>de</strong>s autres<br />
dépenses. La planification <strong>de</strong>s programmes <strong>de</strong>s bailleurs <strong>de</strong> fonds est particulièrement<br />
difficile ; en effet, les services centraux ne sont pas systématiquement informés <strong>de</strong>s projets<br />
envisagés et <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong>s projets en cours. Comme les fonds PPTE et les programmes<br />
<strong>de</strong>s bailleurs <strong>de</strong> fonds sont les <strong>de</strong>ux principales sources <strong>de</strong> financement <strong>de</strong> la santé publique, il<br />
est pratiquement impossible <strong>de</strong> préparer <strong>de</strong>s propositions budgétaires réalistes, exhaustives,<br />
cohérentes et conformes aux priorités nationales.<br />
9 Banque Mondiale et Gouvernement du Burundi (2008), Revue <strong>de</strong> la Gestion <strong>de</strong>s Dépenses Publiques et <strong>de</strong> la<br />
Responsabilité Financière (PEMFAR) : Améliorer l’Efficacité <strong>de</strong>s Allocations et <strong>de</strong> la Gouvernance <strong>de</strong>s<br />
Dépenses Publiques et Investir dans le Capital Public pour Accélérer la Croissance et Réduire la Pauvreté,<br />
Département Réduction <strong>de</strong> la Pauvreté et Gestion Economique 3, Région Afrique<br />
10 Banque Mondiale et Gouvernement du Burundi (2008), Revue <strong>de</strong> la Gestion <strong>de</strong>s Dépenses Publiques et <strong>de</strong> la<br />
Responsabilité Financière (PEMFAR) : Améliorer l’Efficacité <strong>de</strong>s Allocations et <strong>de</strong> la Gouvernance <strong>de</strong>s<br />
Dépenses Publiques et Investir dans le Capital Public pour Accélérer la Croissance et Réduire la Pauvreté,<br />
Bujumbura, p.76.
La viabilité du financement <strong>de</strong> la santé est exacerbée par la soutenabilité <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte. Selon le<br />
Cadre d’Evaluation <strong>de</strong> la Soutenabilité <strong>de</strong> la Dette <strong>de</strong>s Pays à Faible Revenu du FMI/IDA 11 ,<br />
les financements extérieurs pour la pério<strong>de</strong> 2007-2017 porteront la valeur actuelle nette<br />
(VAN) <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte extérieure publique et avalisée du Burundi au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s cinq seuils <strong>de</strong><br />
soutenabilité <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte (<strong>de</strong>tte/PIB, <strong>de</strong>tte/exportations, <strong>de</strong>tte/revenu, Service <strong>de</strong> la<br />
<strong>de</strong>tte/exportations et Service <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte/revenu) en dépit <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> PPTE. La plupart <strong>de</strong>s<br />
indicateurs d’en<strong>de</strong>ttement se détérioreront nettement. D’où la nécessité que le Gouvernement<br />
obtienne l’essentiel <strong>de</strong>s financements extérieurs sous la forme <strong>de</strong> dons.<br />
Les problèmes liés au financement et à la performance du système <strong>de</strong> santé sont considérés<br />
comme étant les principales causes <strong>de</strong>s retards dans la réalisation <strong>de</strong>s cibles clés <strong>de</strong>s OMD en<br />
matière <strong>de</strong> santé, ceux liés à la mortalité infantile (OMD4), à la mortalité maternelle (OMD5)<br />
et à la prévention du VIH-sida, du paludisme et autres maladies (OMD6).<br />
Conclusion et recommandations<br />
Les principales conclusions <strong>de</strong> l'analyse <strong>de</strong> la présente <strong>note</strong> <strong>de</strong> veille sont les suivantes :<br />
- Le Burundi dépense <strong>de</strong>s montants très bas sur la santé, dans une certaine mesure.<br />
-La dépendance du Burundi par rapport au financement <strong>de</strong>s bailleurs <strong>de</strong> fonds soulève <strong>de</strong>s<br />
inquiétu<strong>de</strong>s relatives à la pérennité et à la stabilité <strong>de</strong> ces financements.<br />
- Il y a une autre raison pour laquelle le Burundi ne réussira peut-être pas à financer les<br />
services <strong>de</strong> santé <strong>de</strong> base et la protection financière nécessaires pour atteindre les OMD<br />
concernant la santé. Plus <strong>de</strong> 70 % <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé sont à la charge <strong>de</strong>s patients. Or, les<br />
dépenses à la charge <strong>de</strong>s patients privent <strong>de</strong>s bienfaits <strong>de</strong> la redistribution du revenu, <strong>de</strong> la<br />
mutualisation <strong>de</strong>s risques et <strong>de</strong> la protection financière.<br />
- Comme Schieber, G.,Fleisher Lisa et Gottret, P. 12 nous proposons aux bailleurs <strong>de</strong> fonds<br />
qu’au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la question du montant global <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong>, il faut chercher à accroître l’efficacité<br />
<strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> en la rendant plus prévisible et plus durable. Il est préférable d’accor<strong>de</strong>r davantage<br />
11<br />
World Bank (2007), Burundi Joint IDA-IMF Staff Advisory Note on the Poverty Reduction Strategy<br />
Pape, Washington, D.C.<br />
12 Comme Schieber, G.,Fleisher Lisa et Gottret, P.(2006), « Financement <strong>de</strong> la santé : une chance à saisir »,<br />
Finances & Développement, p.50
d’ai<strong>de</strong> sous forme <strong>de</strong> soutien au budget général et non, comme c’est la mo<strong>de</strong> actuellement <strong>de</strong><br />
viser <strong>de</strong>s maladies et <strong>de</strong>s interventions déterminées.<br />
- Il faudrait redéfinir les dépenses prioritaires. La réduction <strong>de</strong>s dépenses improductives doit<br />
être un objectif essentiel. Cette politique peut nécessiter la diminution <strong>de</strong>s subventions ou <strong>de</strong>s<br />
dépenses militaires, la modération <strong>de</strong>s salaires ou la rationalisation <strong>de</strong> certains éléments <strong>de</strong> la<br />
fonction publique (par exemple par l’apport d’une solution au problème <strong>de</strong>s agents fantômes).<br />
- Comme il faut assurer le service <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte intérieure et extérieure, les responsables doivent<br />
examiner si la rentabilité sociale <strong>de</strong> l’utilisation qu’ils enten<strong>de</strong>nt faire <strong>de</strong>s sommes empruntées<br />
justifie leur coût.<br />
- Le Gouvernement <strong>de</strong>vrait obtenir davantage <strong>de</strong> dons extérieurs. Les dons créent<br />
certainement un espace budgétaire plus grand que les emprunts, car, même si les prêts ont un<br />
caractère hautement concessionnel, il faut veiller à la viabilité <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte. Seul un apport <strong>de</strong><br />
dons durables et prévisibles peut laisser penser que l’augmentation <strong>de</strong>s dépenses, en<br />
particulier celle <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé, sera maintenue.<br />
- L’amélioration <strong>de</strong> l’espace budgétaire ne peut se faire d’une façon efficace que lorsque<br />
l’accroissement <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> et les réaffectations budgétaires s’accompagnent d’une croissance<br />
plus rapi<strong>de</strong>.<br />
Nous venons <strong>de</strong> constater qu’il faut nécessairement une augmentation <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> publique en<br />
faveur <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé. Une analyse <strong>de</strong>s effets macroéconomiques <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> en faveur<br />
<strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé est à envisager enfin d’éviter le syndrome hollandais lié à<br />
l’augmentation <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong>.<br />
.