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Les élections de 2010 au Burundi : pari pour la ... - Idecburundi.org

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4* Exécutions extrajudiciaires <strong>de</strong> Muyinga: 31 victimes furent arrêtées, ligotées et jetées dans<strong>la</strong> rivière Ruvubu par les services <strong>de</strong> défense et sécurité. Après une longue et intense pressionmenée à <strong>la</strong> fois par <strong>la</strong> société civile et <strong>la</strong> commun<strong>au</strong>té internationale, un procès <strong>au</strong>ra enfin lieuà <strong>la</strong> Cour militaire <strong>de</strong> Mukoni mais sans le principal acteur-clé, le colonel Bangirinama quiavait déjà pris le <strong>la</strong>rge.*Radiation <strong>de</strong>s 22 députés <strong>de</strong> l’Assemblée nationale <strong>pour</strong> avoir quitté le parti (dont 19 députéspro-Radjabu 12 ) alors que les 12 députés du FRODEBU ayant fait <strong>de</strong> même à l’égard <strong>de</strong> leurparti n’étaient nullement inquiétés.*Corruption massive ayant gangrené pratiquement toute <strong>la</strong> société, dont l’illustration f<strong>la</strong>granteest <strong>la</strong> vente illégale du jet prési<strong>de</strong>ntiel (le fameux Falcon 50).*La tentative <strong>de</strong> museler <strong>la</strong> presse (bastonna<strong>de</strong> <strong>de</strong>s journalistes <strong>au</strong> domicile du député MathiasBasabose, emprisonnement <strong>de</strong>s journalistes Domitille Kiramvu et Serge Nibizi), etc.Dans cette perspective, <strong>la</strong> dimension « culturaliste » <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie s’amincie <strong>au</strong> fur et àmesure que le temps avance, en cédant <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>au</strong>x réflexes <strong>au</strong>toritaires. Et si tout n’est passombre dans <strong>la</strong> mesure où le gouvernement Nkurunziza compte quand même à son actif <strong>de</strong>spolitiques sociales louables telles <strong>la</strong> politique portant gratuité <strong>de</strong>s soins obstétriques etinfantiles (enfants <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 5 ans), <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique <strong>de</strong> gratuité <strong>de</strong> l’enseignement primaire,etc. ces politiques n’ont guère fait l’objet <strong>de</strong> concertation <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s partenaires soci<strong>au</strong>x lesplus concernés. Sans mesures d’accompagnement mûrement réfléchies en effet, cespolitiques avaient <strong>de</strong> fortes chances <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s effets pervers.II. Avec les enjeux élector<strong>au</strong>x <strong>de</strong> <strong>2010</strong>, inclinaison <strong>au</strong> monopartismeUn mandat après <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> transition, un observateur non averti <strong>au</strong>rait cru que leprocessus démocratique al<strong>la</strong>it avancer d’un pas <strong>de</strong> géant surtout avec <strong>la</strong> signature <strong>de</strong> cessez-lefeu avec le <strong>de</strong>rnier mouvement armé. Tel n’a pas toujours été le cas bien que <strong>de</strong>s signes enfaveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie soient visibles12 Hussein RADJABU est l’ancien prési<strong>de</strong>nt du CNDD-FDD qui a été condamné à 13 ans <strong>de</strong> prison.


82. Malgré <strong>de</strong>s réflexes monopartistes rémanents, un pluripartisme quand même visibleSans doute conscient que les enjeux politiques <strong>de</strong>s élections <strong>de</strong> <strong>2010</strong> sont différents <strong>de</strong> ceux<strong>de</strong> <strong>2010</strong>, le CNDD-FDD <strong>au</strong> pouvoir a développé <strong>de</strong>s reflexes d’un parti unique en faisant feu<strong>de</strong> tout bois <strong>pour</strong> contrôler le processus électoral. Pour ce<strong>la</strong>, plusieurs stratégies ont étédéployées entre <strong>au</strong>tres :* Tentative <strong>de</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’une Commission électorale (CENI en sigle) gagnée à sac<strong>au</strong>se : En juin 2008, le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> République signe un décret instituant <strong>la</strong> CENI sansdialogue préa<strong>la</strong>ble avec les <strong>au</strong>tres partis politiques. Selon ce texte, le Chef d’Etat avait <strong>la</strong>possibilité <strong>de</strong> démettre tout membre « accusé <strong>de</strong> tout acte <strong>de</strong> nature à perturber les élections ».Bien entendu, ce flou délibéré al<strong>la</strong>it donner <strong>au</strong> prési<strong>de</strong>nt et donc <strong>au</strong> CNDD-FDDl’opportunité d’éliminer tout membre <strong>de</strong> <strong>la</strong> CENI indésirable parce que non gagné à sa c<strong>au</strong>se.Tout naturellement, un tollé général a poussé le Chef d’Etat à changer d’avis.En décembre 2008, le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> République signe un <strong>au</strong>tre décret proposant les membres<strong>de</strong> <strong>la</strong> CENI suivants : Maître Clotil<strong>de</strong> Niragira (alors ministre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fonction publique, dutravail et <strong>de</strong> <strong>la</strong> sécurité sociale), Mgr Antoine-Pierre Madaraga (vicaire général du diocèse <strong>de</strong>Ngozi, Eglise catholique), Mgr Elie Buconyori (évêque <strong>de</strong> l’Eglise méthodiste libre du<strong>Burundi</strong>), Mme Sylvie Kinigi (ancienne premier ministre <strong>de</strong> 1993 à 1994) et Didace Birabisha(alors chef <strong>de</strong> cabinet <strong>au</strong> Ministère <strong>de</strong> l’énergie et <strong>de</strong>s mines. Maître Clotil<strong>de</strong> Niragira étaitpressentie comme prési<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> <strong>la</strong> CENI.Encore une fois, <strong>la</strong> polémique s’est enclenchée. <strong>Les</strong> partis d’opposition comme les<strong>org</strong>anisations <strong>de</strong> <strong>la</strong> société civile n’ont eu <strong>de</strong> cesse <strong>de</strong> critiquer sévèrement <strong>la</strong> volontémanifeste du parti <strong>au</strong> pouvoir <strong>de</strong> tailler une CENI sur sa mesure, hypothéquant par-là même <strong>la</strong>crédibilité <strong>de</strong>s élections. Le leitmotiv était que le parti prési<strong>de</strong>ntiel nomme les membres d’une<strong>au</strong>ssi importante commission sans consultation préa<strong>la</strong>ble <strong>de</strong>s partenaires politiques <strong>de</strong>l’opposition. Aussi le pouvoir finira-t-il par engager les consultations et ainsi nommer, <strong>de</strong>façon consensuelle, une équipe faisant l’objet <strong>de</strong> confiance <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s différentspartenaires politiques : 2 membres issus <strong>de</strong> <strong>la</strong> société civile, 3 membres issus du CNDD-FDD,du FRODEBU et <strong>de</strong> l’UPRONA respectivement (donc les trois partis majoritaires àl’Assemblée nationale).Précisons que contrairement à 2005, <strong>la</strong> CENI est permanente et que ces membres jouissentd’un mandat <strong>de</strong> 3 ans renouve<strong>la</strong>ble. Comme en 2005, elle est décentralisée <strong>au</strong>x nive<strong>au</strong>x


9provincial (Commission Electorale Provinciale Indépendante, CEPI) et communal(Commission Electorale Communale Indépendante, CECI).* Tentative d’imposer un co<strong>de</strong> électoral taillé sur <strong>la</strong> mesure du parti prési<strong>de</strong>ntiel : La loin°1/22 révisant <strong>la</strong> loi n°1/015 du 20 avril 2005 portant Co<strong>de</strong> électoral a été promulguée le 18septembre 2009 par le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> République. Encore une fois, un tollé s’est enclenché etune pression intense a été exercée sur le pouvoir, notamment <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s partis <strong>de</strong>l’opposition, <strong>de</strong>s <strong>org</strong>anisations <strong>de</strong> <strong>la</strong> société civile et surtout <strong>de</strong> <strong>la</strong> commun<strong>au</strong>té internationale.Aussi <strong>de</strong>s points d’achoppement portant notamment sur le montant <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>au</strong>tion <strong>pour</strong> <strong>la</strong>candidature à <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>ntielle, l’ordre <strong>de</strong>s scrutins, le type <strong>de</strong> bulletin à utiliser ont, à l’issue<strong>de</strong>s concertations avec différentes parties prenantes, fini par trouver <strong>de</strong>s solutionsconsensuelles :a) Au lieu <strong>de</strong> 25 millions on a 15 millions <strong>de</strong> c<strong>au</strong>tion <strong>pour</strong> <strong>la</strong> candidature à <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>ntielle ;b) Plutôt que <strong>de</strong> commencer par <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>ntielle, le compromis trouvé dispose l’ordre <strong>de</strong>sscrutins comme suit : les communales (21.5.<strong>2010</strong>), <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>ntielle (28.6.<strong>2010</strong>), leslégis<strong>la</strong>tives (23.7.<strong>2010</strong>), les sénatoriales (28.7.<strong>2010</strong>) et les collinaires (7.9.<strong>2010</strong>).c) S’agissant du type <strong>de</strong> bulletin, c’est <strong>la</strong> proposition du CNDD-FDD qui a été retenue : lebulletin double. Il en a découlé l’article 55 du Co<strong>de</strong> électoral qui dispose <strong>au</strong>x alinéas 2, 3, 4 et5 : « Après vérification <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> l’électeur, un membre du bure<strong>au</strong> pointe son nom sur lerôle, lui remet <strong>de</strong>ux enveloppes, une b<strong>la</strong>nche et une noire, cachetées et paraphées, et <strong>au</strong>tant <strong>de</strong>bulletins qu’il y a <strong>de</strong> candidats ou <strong>de</strong> listes <strong>de</strong> candidats.Ensuite, l’électeur entre directement dans l’isoloir où il introduit dans l’enveloppe b<strong>la</strong>nche lebulletin <strong>de</strong> vote représentant le candidat ou <strong>la</strong> liste <strong>de</strong> candidats <strong>de</strong> son choix. Il met lesbulletins non utilisés dans l’enveloppe noire.L’électeur sort <strong>de</strong> l’isoloir et fait constater par le bure<strong>au</strong> qu’il n’est porteur que <strong>de</strong>s <strong>de</strong>uxenveloppes, l’une b<strong>la</strong>nche et l’<strong>au</strong>tre noire. Il introduit l’enveloppe b<strong>la</strong>nche dans l’urne <strong>de</strong> voteet l’enveloppe noire dans <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> urne, en présence du bure<strong>au</strong> et du public.Le bure<strong>au</strong> <strong>de</strong> vote vérifie qu’<strong>au</strong>cun électeur n’emporte <strong>de</strong> bulletins <strong>de</strong> vote non utilisés.La Commission Electorale Nationale Indépendante détermine les modalités <strong>de</strong> cettevérification».


10* Tentative <strong>de</strong> « manipuler » l’enregistrement <strong>de</strong>s électeurs : Selon l’article 15 du Co<strong>de</strong>électoral, « l’inscription <strong>au</strong> rôle électoral est effectuée sur présentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> carte nationaled’i<strong>de</strong>ntité ou <strong>de</strong> toute <strong>au</strong>tre pièce d’i<strong>de</strong>ntification régulière ainsi que tout <strong>au</strong>tre document <strong>de</strong>nature à permettre <strong>la</strong> vérification <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité d’électeur du comparant ». Or, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>séchéances électorales, peu <strong>de</strong> Burundais <strong>de</strong>s coins et recoins <strong>de</strong>s collines disposent <strong>de</strong> <strong>la</strong> cartenationale d’i<strong>de</strong>ntité (CNI, en sigle) ou pensent à <strong>la</strong> chercher, tellement son obtention « coûtecher » à <strong>la</strong> fois en termes financiers (compte tenu <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>au</strong>vreté) et <strong>de</strong> temps (procéduresadministratives souvent longues). Et puis d’<strong>au</strong>tres documents tels les passeports ou les permis<strong>de</strong> conduire sont impensables <strong>pour</strong> cette popu<strong>la</strong>tion. C’est ainsi que nombreuxadministrateurs commun<strong>au</strong>x issus du parti prési<strong>de</strong>ntiel ont trouvé là une brèche <strong>pour</strong> nedistribuer <strong>la</strong> CNI qu’<strong>au</strong>x membres <strong>de</strong> leur parti, excluant par-là les membres <strong>de</strong> l’opposition.Heureusement qu’avec l’appui financier du PNUD, près d’un millions <strong>de</strong> CNI ont étégratuitement distribuées <strong>au</strong> cours d’une campagne <strong>de</strong> trois semaines. Malgré ce<strong>la</strong>, encore que<strong>de</strong>s irrégu<strong>la</strong>rités aient été constatées dans l’octroi <strong>de</strong> ces cartes, environs <strong>de</strong>ux millions <strong>de</strong>Burundais en âge <strong>de</strong> voter n’avaient toujours pas <strong>de</strong> CNI, selon <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong> 5 partispolitiques <strong>de</strong> l’opposition. C’est ainsi que <strong>la</strong> CENI a dû introduire une nouvelle piècedénommées « attestation d’i<strong>de</strong>ntification <strong>pour</strong> l’enrôlement <strong>de</strong> l’électeur » permettant <strong>la</strong>vérification <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> l’électeur. L’avantage manifeste <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière est qu’elle estdistribuée par les CEPI et les CECI <strong>au</strong>x chefs <strong>de</strong> collines ou <strong>de</strong> quartiers qui, en présence <strong>de</strong>smandataires <strong>de</strong>s partis politiques, ont pu remplir et signer le formu<strong>la</strong>ire d’attestation <strong>pour</strong> lecandidat électeur. Avec cette attestation, ce <strong>de</strong>rnier pouvait alors se faire enrôler. Cetteopération a eu l’avantage <strong>de</strong> se passer à <strong>la</strong> colline/quartier où tout le mon<strong>de</strong> se connaît, ce quicoupait court à toute tricherie, par exemple l’enrôlement <strong>de</strong>s mineurs ou <strong>de</strong>s étrangers. De là,<strong>la</strong> CENI a été en mesure <strong>de</strong> déterminer le rôle électoral <strong>de</strong> <strong>2010</strong> : 3.550.665 électeurs <strong>au</strong> total,dont 51.4% <strong>de</strong> femmes.* Obstacles <strong>de</strong> toute nature <strong>de</strong> <strong>la</strong> part du pouvoir à l’encontre <strong>de</strong>s partis d’opposition : danssa tentative <strong>de</strong> contrôler le processus électoral et d’en sortir vainqueur, le pouvoir a jouétoutes cartes possibles et imaginables. C’est ainsi par exemple que :a) Certains lea<strong>de</strong>rs <strong>de</strong> l’opposition ont fait l’objet d’une persécution <strong>la</strong>ncinante par les services<strong>de</strong> renseignement (cas Alexis Sinduhije du MSD) ;


11b) L’ouverture <strong>de</strong>s permanences <strong>de</strong>s partis <strong>de</strong> l’opposition était entravée sans raison parcertains administrateurs commun<strong>au</strong>x pro-CNDD-FDD (cas FNL, UPD dans plusieurscommunes) ;c) Des ailes rivales <strong>de</strong> certains partis d’opposition ont été mises en p<strong>la</strong>ce, et ce avec lesmêmes noms (cf. FRODEBU-Nyakuri). Ce<strong>la</strong> est contraire à <strong>la</strong> loi n°1006 du 26 juin 2003portant <strong>org</strong>anisation et fonctionnement <strong>de</strong>s partis politiques mais le Ministère <strong>de</strong> l’Intérieurn’a jamais daigné réagir. Seule l’aile dissi<strong>de</strong>nte du FNL a eu, même là non sans <strong>la</strong> pression<strong>de</strong>s <strong>org</strong>anisations <strong>de</strong> <strong>la</strong> société civile, <strong>de</strong>s partis politiques d’opposition et surtout <strong>de</strong> <strong>la</strong>commun<strong>au</strong>té internationale, moins <strong>de</strong> chances à se faire agréer comme parti politique.Au total, ces évènements montrent à suffisance que le CNDD-FDD <strong>au</strong> pouvoir n’a rienménagé <strong>pour</strong> contrôler tout le processus électoral, et ce, dès le départ. Il a usé <strong>de</strong> toutes lesstratégies <strong>pour</strong> affaiblir les partis d’opposition. Et c’est ici que l’on est en droit <strong>de</strong> parler <strong>de</strong>« réflexes monopartistes » propres <strong>au</strong>x partis-Etats <strong>au</strong>jourd’hui révolus. Heureusement que leparadigme démocratique est suffisamment avancé, puisque les actions conjuguées <strong>de</strong>s partispolitiques d’opposition, <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> <strong>la</strong> société civile et surtout <strong>de</strong> <strong>la</strong> commun<strong>au</strong>téinternationale via le corps diplomatique et consu<strong>la</strong>ire présent à Bujumbura notamment, ont puporter leurs fruits en direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie.III. Conclusions et recommandationsEu égard <strong>au</strong>x faits et gestes que nous avons restitués à travers cette note, il est utile <strong>de</strong> tirerquelques leçons et <strong>de</strong> proposer un certain nombre <strong>de</strong> recommandations.1. ConclusionsCette note nous <strong>au</strong>ra montré que <strong>la</strong> culture politique démocratique stricto sensu n’est pasencore une réalité chez les acteurs politiques burundais (comme chez <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion burundaisepar ailleurs). En d’<strong>au</strong>tres termes, <strong>la</strong> démocratie culturaliste telle que l’entend Zaki LAIDI estencore loin <strong>de</strong> sous-tendre les comportements in situ <strong>de</strong> nos politiques. Ici, il est questiondavantage <strong>de</strong> système politique que <strong>de</strong>s acteurs individuels <strong>au</strong> pouvoir dans <strong>la</strong> mesure où, si lemême système est souvent dénoncé par les opposants d’<strong>au</strong>jourd’hui, il n’est pas exclu que sices <strong>de</strong>rniers gagnaient les élections <strong>de</strong>main, ils n’adoptent pas le même comportement, tout


12se faisant comme s’il fal<strong>la</strong>it « tout changer <strong>pour</strong> rester pareil » 18 . L’essentiel porte donc sur le<strong>de</strong>gré <strong>de</strong> sociabilité <strong>au</strong>quel se trouvent et partagent différents acteurs politiques. La raison estque, comme maints <strong>au</strong>teurs n’ont cessé <strong>de</strong> l’analyser sous d’<strong>au</strong>tres cieux, les transformationspolitico-sociales en direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie prennent plusieurs décennies voire plusieurssiècles <strong>pour</strong> f<strong>org</strong>er démocraties et démocrates 19 . Aussi ne f<strong>au</strong>t-il pas s’attendre à ce que <strong>de</strong>sacteurs politiques fassent l’objet d’une « mutation démocratique » après une décennie <strong>de</strong>guerre civile <strong>de</strong> nature ethno-politique, et ce dans un environnement <strong>de</strong> p<strong>au</strong>vreté où, mêmesous perfusion économique, l’Etat <strong>de</strong>meure le principal employeur.Ce<strong>la</strong> dit, si <strong>au</strong> moins le processus démocratique en cours se dérou<strong>la</strong>it régulièrement, ce seraitdéjà un pas mo<strong>de</strong>ste certes, mais dans <strong>la</strong> bonne direction. Et s’il est vrai que le CNDD-FDDa affiché un comportement <strong>au</strong>toritariste <strong>de</strong> l’âge <strong>de</strong>s partis-Etats <strong>de</strong>s années 60-90 dans satentative <strong>de</strong> contrôler le processus électoral, il a quand même eu le mérite <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r à <strong>la</strong>pression <strong>de</strong>s parties prenantes diverses et variées (<strong>pour</strong>vue que ça dure !). Et puis, et ce n’estpas rien, nous avons <strong>la</strong> chance que ces <strong>de</strong>rnières aient existé et aient joué pleinement le rôlequi était le leur. Tel est, à notre avis, le début <strong>de</strong> <strong>la</strong> construction démocratique. Que leCNDD-FDD ait eu <strong>de</strong>s opposants parfois issus <strong>de</strong> ses rangs, <strong>de</strong> même obédience ethnopolitique,qui connaissent profondément ses tenants et ses aboutissants, c’est unerecomposition politique que tous les partis politiques du mon<strong>de</strong> occi<strong>de</strong>ntal ont connue <strong>au</strong>cours <strong>de</strong> leur histoire. Au passage, ce n’est pas moins une bonne chose dans <strong>la</strong> mesure où ce<strong>la</strong>sert à <strong>la</strong> décantation <strong>de</strong> <strong>la</strong> teneur ethno-politique. C’est ici une <strong>de</strong>s fonctions sociales duconflit, <strong>pour</strong> faire nôtre <strong>la</strong> leçon du sociologue allemand Ge<strong>org</strong> SIMMEL 20 . Tout ce que l’onsouhaite est que cette fonction du conflit intra-ethnopolitique transforme le conflit ethniqueen conflit simplement politique 21 .Bref, bien que les élections <strong>de</strong> <strong>2010</strong> soient loin d’asseoir une démocratie culturaliste, nousavons intérêt à ce que le processus se déroule régulièrement <strong>pour</strong> éviter le recul dans les affres<strong>de</strong> <strong>la</strong> violence politique. Et si ce défi était relevé, même les bailleurs <strong>de</strong> fond comme lesinvestisseurs seraient enclins à faire enfin confiance <strong>au</strong>x Burundais, ce qui contribueraitindubitablement à réduire <strong>la</strong> p<strong>au</strong>vreté.18 Voir BAYART (Jean-François), L’Etat en Afrique. La politique du ventre, Paris, Ed. Fayard, 198919 Voir par exemple l’intéressant ouvrage <strong>de</strong> Guy Hermet : HERMET(Guy), Sociologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> construction démocratique,Paris, Ed. Economica, 198620 SIMMEL (Ge<strong>org</strong>), <strong>Les</strong> fonctions sociales du conflit, Paris, PUF, 1982.21 POUTIGNAT (Philippe) et al, Théories <strong>de</strong> l’ethnicité, Paris, PUF, 1995


132. Quelques recommandationsPour mener <strong>au</strong> bon port le processus électoral en cours, c’est-à-dire les cinq échéancesélectorales (les communales, <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>ntielle, les légis<strong>la</strong>tives, les sénatoriales et lescollinaires), un certain nombre <strong>de</strong> recommandations mérite d’être formulé :A. A l’administration et Services <strong>de</strong> sécurité1° Une neutralité sans faille <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> défense et <strong>de</strong> sécurité : Etant donné qu’avec <strong>la</strong> fin<strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre civile les forces régulières et les ex-combattants ont fait l’objet <strong>de</strong> fusion <strong>au</strong> sein<strong>de</strong> <strong>la</strong> FDN et <strong>de</strong> <strong>la</strong> PNB sans une véritable formation faisant d’eux un véritable « Corps » <strong>au</strong>sens profond du terme, nombre <strong>de</strong> leurs membres sont toujours enclins à servir les partis dontils sont originaires ou sympathisants. Ce comportement est à bannir afin qu’ils assurent <strong>la</strong>sécurité <strong>de</strong> tous les partis sans <strong>au</strong>cun parti pris ;2° Une neutralité sans faille <strong>de</strong> l’administration territoriale à tous les nive<strong>au</strong>x : Dès le début <strong>de</strong>ce processus électoral, un certain nombre <strong>de</strong> cadres <strong>de</strong> l’administration territoriale, duMinistère <strong>de</strong> l’Intérieur jusqu’à à <strong>la</strong> commune ne se sont pas privés <strong>de</strong> mettre les bâtons dansles roues <strong>de</strong>s partis d’opposition. Ce<strong>la</strong> est contraire à leur <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> neutralité vis-à-vis <strong>de</strong>spartis politiques régulièrement agréés. Aussi <strong>de</strong>vraient-ils, dans leur rôle <strong>de</strong> cadresadministratifs, agir en hommes/femmes <strong>au</strong>-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s partis et donc <strong>de</strong> façon neutre strictosensu ;3° Un bon usage <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> l’Etat : Qui dit moyens <strong>de</strong> l’Etat suppose entre <strong>au</strong>tres lesvéhicules, le temps <strong>de</strong> service, etc. Il est tentant <strong>pour</strong> les acteurs <strong>au</strong> pouvoir <strong>de</strong> mener <strong>de</strong>sactivités politiques avec ces moyens-là, ce qui jouerait <strong>au</strong>x dépens <strong>de</strong> partis <strong>de</strong> l’opposition.Aussi les moyens <strong>de</strong> l’Etat ne <strong>de</strong>vraient servir qu’<strong>au</strong>x missions et tâches <strong>au</strong>xquelles ils sontofficiellement alloués.B. Aux partis politiques :1° Jouer un jeu franc en s’appesantissant davantage sur les programmes que sur toutdénigrement <strong>de</strong> l’adversaire politique qu’il ne f<strong>au</strong>t pas prendre <strong>pour</strong> ennemi. C’est en ce<strong>la</strong>qu’en menant une compétition d’idées, les partis politiques joueraient leur rôle d’éducationcivique <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion.


142° Renoncer à l’instrumentalisation <strong>de</strong>s <strong>org</strong>anisations <strong>de</strong> jeunes affiliées <strong>au</strong>x partis politiques :On connaît les potentialités <strong>de</strong> violence politique dont sont capables les <strong>org</strong>anisations <strong>de</strong>jeunes affiliées <strong>au</strong>x partis, lesquelles sont susceptibles <strong>de</strong> se muer vite en véritables groupesparamilitaires fort difficiles à contrôler une fois le mal fait. Il a fallu <strong>de</strong> peu <strong>pour</strong> que <strong>de</strong> telles<strong>org</strong>anisations telles les Imbonerakure (affiliés <strong>au</strong> CNDD-FDD), les Intaganzwa (affiliés <strong>au</strong>FRODEBU) et les Ivyuma vy’in<strong>de</strong>ge (affiliés <strong>au</strong> FNL) ne dégénèrent en véritable« hooliganisme » puisque les cas <strong>de</strong> violence ne cessaient <strong>de</strong> s’observer dans pratiquementtoutes les provinces du pays.Aussi les partis politiques <strong>de</strong>vraient-ils renoncer à cette dangereuse instrumentalisation <strong>de</strong>sjeunes et s’en remettre, <strong>pour</strong> <strong>la</strong> sécurité, <strong>au</strong>x forces <strong>de</strong> défense et <strong>de</strong> sécurité politiquementneutres.3°Accepter le verdict <strong>de</strong>s urnes et se plier <strong>au</strong>x instruments juridiques et institutionnelsgouvernant le processus électoral : Qui dit compétition dit gagnant et perdant. Or le gagnantd’<strong>au</strong>jourd’hui peut se révéler le perdant <strong>de</strong> <strong>de</strong>main et vice-versa. C’est là le jeu démocratique<strong>au</strong>quel tous les partis politiques <strong>de</strong>vraient s’adonner avec fair-p<strong>la</strong>y en acceptant le verdict <strong>de</strong>surnes.C. A <strong>la</strong> Société civile1° Pour les Médias, couvrir les activités politiques <strong>de</strong>s partis politiques <strong>de</strong> façon impartiale,et ce tout <strong>au</strong> long du processus électoral. Ce<strong>la</strong> ne <strong>de</strong>vrait pas poser be<strong>au</strong>coup <strong>de</strong> difficultésétant donné l’expérience déjà acquise en 2005 par <strong>la</strong> Synergie <strong>de</strong>s Média <strong>au</strong> travail fort bienréussi malgré <strong>la</strong> guerre civile qui sévissait jusque-là.2° Pour les <strong>au</strong>tres membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> société civile tels <strong>la</strong> COSOME 22 et <strong>au</strong>tres observateursdivers et variés, mener un équitable monitoring <strong>de</strong>s élections <strong>pour</strong> endiguer toute fr<strong>au</strong><strong>de</strong>.D. A <strong>la</strong> Commun<strong>au</strong>té internationaleDe continuer à appuyer le processus électoral non seulement par <strong>de</strong>s moyens matériels ettechniques, mais <strong>au</strong>ssi par le travail <strong>de</strong>s observateurs ainsi que toute <strong>la</strong> pression nécessaire surtout acteur politique enclin <strong>au</strong> comportement déviant, en vue <strong>de</strong> juguler toute fr<strong>au</strong><strong>de</strong>22 Coalition <strong>de</strong> <strong>la</strong> Société Civile <strong>pour</strong> le Monitoring <strong>de</strong>s Elections

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