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Elias_le renforcement des capacités du secteur ... - Idecburundi.org

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Le <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé au Burundi :portée et limitesPar Dr <strong>Elias</strong> SENTAMBA *RésuméA la suite <strong>des</strong> paradigmes qui ont caractérisé <strong>le</strong> développement depuis <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain de ladeuxième Guerre Mondia<strong>le</strong>, <strong>le</strong> concept de « <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités » s’est imposé aucours <strong>des</strong> années quatre-vingt-dix. La quasi-totalité <strong>des</strong> partenaires techniques et financiers sesont mis à s’en servir pour toute action de développement dans <strong>le</strong>s pays <strong>du</strong> Sud.Comme sa définition ne va pas de soi, nous en avons esquissé une définition: en montrant, àbase de quelques cas comment <strong>le</strong>s paradigmes <strong>du</strong> développement se sont imposés et se sontessoufflés au fil <strong>du</strong> temps faute d’avoir embrassé <strong>le</strong>s différentes facettes <strong>du</strong> développement,nous proposons une définition tablant sur son caractère multidimensionnel.Dans un deuxième temps, nous faisons un état <strong>des</strong> lieux <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé au Burundi, enrestituant <strong>le</strong> contexte de guerre civi<strong>le</strong> qui en a fragilisé à la pro<strong>du</strong>ctivité et <strong>le</strong>s <strong>org</strong>anisationsprofessionnel<strong>le</strong>s, et ce <strong>du</strong> centre à la périphérie. Nous en profitons pour présenter <strong>le</strong>s actionsde « <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités » que <strong>le</strong> Projet ARCANE a menées au profit <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé.Enfin, nous avons porté un regard évaluatif sur <strong>le</strong>s actions de « <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités »qu’a menées <strong>le</strong> Projet ARCANE. Aussi avons-nous essayé d’en évaluer la portée et <strong>le</strong>slimites. Comme portée, <strong>des</strong> actions louab<strong>le</strong>s tel<strong>le</strong>s la restructuration <strong>des</strong> <strong>org</strong>anisationsprofessionnel<strong>le</strong>s sont visib<strong>le</strong>s <strong>du</strong>r terrain. Quant aux limites, <strong>le</strong> seul fait d’être conçues enamont <strong>du</strong> terrain d’application fait que <strong>le</strong> système soit biaisé en quelque sorte.Mots clés : développement, <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités, action publique, <strong>secteur</strong> privé.Classification JEL : J53, J58, H75, P14* Dr <strong>Elias</strong> SENTAMBA est chercheur professionnel à l’Institut <strong>du</strong> Développement Economique (IDEC ensig<strong>le</strong>), Vo<strong>le</strong>t « Gouvernance et Développement institutionnel ». Adresse courriel: esentamba@idecburundi.<strong>org</strong>Nous remercions vivement Dr Siméon BARUMWETE pour avoir contribué à l’amélioration de ce travail par sesremarques. Les insuffisances qui restent dans <strong>le</strong> présent artic<strong>le</strong> relèvent bien enten<strong>du</strong> de notre seu<strong>le</strong>responsabilité.


Intro<strong>du</strong>ctionUtilisé dès <strong>le</strong> milieu <strong>des</strong> années quatre-vingt-dix, <strong>le</strong> concept de « <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités »n’est pas aussi faci<strong>le</strong> à définir que l’on <strong>le</strong> croit, tel<strong>le</strong>ment l’univers <strong>du</strong> développement auquelil s’applique est très fuyant. Loin de se limiter à la seu<strong>le</strong> formation (initia<strong>le</strong> ou en coursd’emploi) où semb<strong>le</strong>nt <strong>le</strong> confiner beaucoup de praticiens notamment ici au Burundi, ilrenvoie pourtant à différentes dimensions <strong>du</strong> développement d’un pays, d’une institution oud’un <strong>secteur</strong> d’activité donné.Dans <strong>le</strong> présent artic<strong>le</strong>, nous essayons de l’appliquer sur <strong>le</strong> <strong>secteur</strong> privé burundais, en prenantpour l’exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong>s actions menées par <strong>le</strong> Projet d’Appui aux Acteurs Non Etatiques(ARCANE en sig<strong>le</strong>). Pour cela, nous esquissons d’abord <strong>le</strong> contenu <strong>du</strong> concept (I), ensuitenous faisons l’état <strong>des</strong> lieux <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé au Burundi (II) et enfin nous portons un regardévaluatif sur <strong>le</strong> processus <strong>du</strong> <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé au Burundi (III).I. Aperçu sur <strong>le</strong> concept de <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacitésAprès avoir fait <strong>le</strong> tour <strong>des</strong> différents paradigmes de développement qui se sont succédédepuis <strong>le</strong>s années quarante en général et depuis <strong>le</strong>s années soixante pour l’Afrique enparticulier, nous essayerons de montrer <strong>le</strong>s tenants et <strong>le</strong>s aboutissants de celui de« <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités ».


I.1. Des paradigmes de développement successifs …Si <strong>le</strong> concept de « développement » est fort couramment employé aussi bien par tous <strong>le</strong>sgouvernements <strong>du</strong> monde que par <strong>le</strong>s institutions internationa<strong>le</strong>s, il ne reste pas moinsdiffici<strong>le</strong> à définir. La raison est que souvent <strong>le</strong>s définitions focalisent l’attention plus sur <strong>le</strong>normatif/souhaitab<strong>le</strong> que sur l’existant. Ceci s’explique par <strong>le</strong> fait que, si nous faisons nôtrel’analyse d’Emi<strong>le</strong> Durkheim, <strong>le</strong>s faits sociaux sont diffici<strong>le</strong>s à cerner scientifiquement parceque <strong>le</strong>s « prénotions », c’est-à-dire l’image que s’en construit <strong>le</strong> sens commun et la « notion »c’est-à-dire la définition <strong>du</strong> réel que construit scientifiquement <strong>le</strong> savant, sont souventinextricab<strong>le</strong>ment confon<strong>du</strong>es. C’est pourquoi la première règ<strong>le</strong> d’or qu’avance cet auteur pourl’analyse <strong>des</strong> faits sociaux est d’ « écarter systématiquement toutes <strong>le</strong>s prénotions »1,exercice qui est loin d’être une sinécure.C’est ainsi que depuis la fin de la deuxième Guerre Mondia<strong>le</strong> , <strong>le</strong> développement n’a cesséd’être un <strong>le</strong>itmotiv <strong>des</strong> institutions bretton - woodiennes et <strong>des</strong> autorités nationa<strong>le</strong>s. L’aide audéveloppement à la fois bilatéra<strong>le</strong> et multilatéra<strong>le</strong> était censée tirer <strong>le</strong>s pays <strong>du</strong> Tiers Mondeen général et <strong>le</strong>s pays africains en particulier <strong>du</strong> sous-développement. Dans la conception del’époque, <strong>le</strong>s pays en voie de développement devaient suivre la trajectoire qu’avaientempruntée <strong>le</strong>s pays développés. Dans cette perspective, <strong>des</strong> projets dans pratiquement tous <strong>le</strong>sdomaines de la vie nationa<strong>le</strong> (é<strong>du</strong>cation, santé, agriculture, énergie, in<strong>du</strong>strie, etc.) ont étéfinancés à coût de millions de dollars pour « transférer <strong>le</strong>s technologies » <strong>du</strong> Nord au Sud et,chemin faisant, rattraper <strong>le</strong> retard encaissé. Aussi <strong>le</strong>s décennies <strong>des</strong> années soixante etsoixante-dix auront-el<strong>le</strong>s été <strong>le</strong>s plus florissantes en termes de projets fort budgétivores.Ce ne sera qu’au début <strong>des</strong> années quatre-vingt que pareil paradigme de développement parprojets financés « <strong>le</strong>s yeux bandés » va s’essouff<strong>le</strong>r. Avec la crise que connaissaient <strong>le</strong>séconomies occidenta<strong>le</strong>s suite à la montée <strong>des</strong> prix de pétro<strong>le</strong> opérée par <strong>le</strong>s pays de l’OPEPd’une part, et à l’incapacité <strong>des</strong> pays <strong>du</strong> Tiers Monde à rembourser <strong>le</strong>urs dettes aux paysoccidentaux d’autre part, <strong>le</strong>s programmes d’ajustement structurel vont s’imposer.Dorénavant, <strong>des</strong> conditionnalités fort drastiques allaient s’appliquer aux Etats demandeursd’aide publique au développement. Pour être éligib<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s pays devaient faire preuved’austérité en faisant tout pour équilibrer la balance <strong>des</strong> paiements. L’aide publique au1 DURKHEIM(E.) Les règ<strong>le</strong>s de la méthode sociologique. Paris, Quadrige/PUF, 9 ème édition, 1997, p.31.


développement était alors orientée davantage au <strong>secteur</strong> de pro<strong>du</strong>ction (comme l’agricultureou l’in<strong>du</strong>strie) qu’aux <strong>secteur</strong>s sociaux (come la santé ou l’é<strong>du</strong>cation) fort coûteux. Bien plus,il était question de rabattre la demande à la pro<strong>du</strong>ction loca<strong>le</strong> en vue de limiter à la fois <strong>le</strong>simportations et <strong>le</strong>s dépenses <strong>des</strong> devises d’une part, et d’exporter autant que possib<strong>le</strong> pourobtenir <strong>des</strong> devises d’autre part. Pour cela, <strong>des</strong> stratégies très contraignantes tel<strong>le</strong>s ladévaluation <strong>des</strong> monnaies loca<strong>le</strong>s, la contraction <strong>des</strong> fonctions publiques jusque-làpléthoriques, la privatisation <strong>des</strong> entreprises publiques, etc. n’allaient pas tarder à pro<strong>du</strong>ire<strong>le</strong>urs effets indésirab<strong>le</strong>s en termes de paupérisation2. Les masses urbaines naguère favoriséespar rapport au monde rural allaient particulièrement payer un lourd tribut.Partant <strong>des</strong> effets négatifs <strong>des</strong> programmes d’ajustement structurel, l’UNICEF a fait con<strong>du</strong>ireune étude qui a donné lieu à un ouvrage au titre fort révélateur3 : « L’ajustement [structurel] àvisage humain ». L’essentiel de ce livre se résume dans <strong>le</strong> sous-titre : « protéger <strong>le</strong>s groupesvulnérab<strong>le</strong>s et favoriser la croissance ». Un nouveau paradigme de développement venait denaître : <strong>le</strong> développement humain. Il consistait à poursuivre l’ajustement structurel tout enévitant <strong>le</strong>s effets néfastes pourtant inhérents au programme d’ajustement. A la limite, cettedoub<strong>le</strong> préoccupation s’avère dichotomique et donc diffici<strong>le</strong>ment applicab<strong>le</strong>, puisqu’il est enréalité question de faire l’ome<strong>le</strong>tte d’un côté et éviter de casser <strong>des</strong> œufs de l’autre.Autrement dit, il faut réussir <strong>le</strong> tour de force qui consiste à concilier la ru<strong>des</strong>se de l’ajustementconsécutif au paradigme néo – libéral prôné par <strong>le</strong>s institutions de Bretton – Woods et <strong>le</strong>ssentiments de bon samaritain véhiculés par l’UNICEF [comme si <strong>le</strong> licenciement pouvait sefaire sans accroître <strong>le</strong>s rangs <strong>des</strong> sans-emplois !]. C’est en tout cas ce que laisse suggérercette photographie d’un visage d’enfant noir apparemment déprimé, que porte <strong>le</strong> frontispicede l’ouvrage4. Depuis 1990, soit trois ans après <strong>le</strong> livre labellisé par l’UNICEF, <strong>le</strong> PNUD n’acessé de s’inspirer <strong>du</strong> « visage humain » pour construire <strong>le</strong> paradigme <strong>du</strong> développement,tout se faisant comme s’il s’agissait d’invoquer la dimension humaine pour que <strong>le</strong>2 Pour plus de détails, lire avec intérêt l’ouvrage de Ge<strong>org</strong>e Corm: CORM (G.), Le Nouveau Désordreéconomique mondial, Paris, La découverte, 19933 CORNIA (G-A), JOLLY(R.) et STEWART (F.), L’ajustement à visage humain. Protéger <strong>le</strong>s groupesvulnérab<strong>le</strong>s et favoriser la croissance. Paris, Ed. Economica/ UNICEF, 1987.4 Pour plus de détail, je me permets de renvoyer à ma thèse dont je reprends <strong>le</strong>s idées-forces sur <strong>le</strong>s paradigmesde développement: SENTAMBA (E.), Représentations, Pouvoirs et Développement local. Analyse critiqued’une politique publique : <strong>le</strong> projet agro-sylvo-pastoral de la province de Rutana (BURUNDI) », Thèse deDoctorat en Science politique, UPPA, 2001, 2ème chapitre.


développement fasse peau neuve. En délaissant quasi systématiquement ces <strong>secteur</strong>s sociaux« coupab<strong>le</strong>s » de consommer <strong>des</strong> investissements budgétaires sans pro<strong>du</strong>ire directement dansl’immédiat, <strong>le</strong>s pays en voie de développement couraient <strong>le</strong> risque de compromettre <strong>le</strong>« visage humain » à long terme. Même en comptant avec nombre d’ONG étrangères quin’allaient pas tarder à se substituent de plus en plus aux Etats5, l’épine ne reste pas moins aupied <strong>du</strong> « développement humain » dès lors que ces ONG ne peuvent être prises en comptedans la planification à long terme d’un Etat, étant donné <strong>le</strong>ur caractère tant erratiquequ’exogène.En plus <strong>du</strong> qualificatif d’humain, un autre n’allait pas tarder à naître : celui de <strong>du</strong>rab<strong>le</strong>. A lasuite <strong>du</strong> « Sommet Planète Terre » de Rio de Janeiro de 1992 en effet, <strong>le</strong> paradigme de« développement <strong>du</strong>rab<strong>le</strong> » acquérait son droit de cité dans l’univers « idéologique » <strong>du</strong>développement. Le concept de « développement <strong>du</strong>rab<strong>le</strong> » remonte aux années soixante-dix,en particulier à la Conférence sur l’Environnement <strong>org</strong>anisée par l’ONU en 1972 à StockholmLa notion d’écodéveloppement fut utilisée avant que ne s’impose <strong>le</strong> « sustainab<strong>le</strong>development » quelques décennies plus tard. A l’issue de cinq ans de recherche dansdifférentes régions <strong>du</strong> monde, la Commission BRUNDTLAND écrit : « Le genre humain aparfaitement <strong>le</strong>s moyens d’assurer un développement <strong>du</strong>rab<strong>le</strong>, de répondre aux besoins <strong>du</strong>présent sans compromettre la possibilité pour <strong>le</strong>s générations à venir de satisfaire <strong>le</strong>s <strong>le</strong>urs. Lanotion de développement <strong>du</strong>rab<strong>le</strong> implique certes <strong>des</strong> limites. Il ne s’agit pourtant pas delimites absolues mais cel<strong>le</strong>s qu’impose l’état actuel de nos techniques et de l’<strong>org</strong>anisationsocia<strong>le</strong> ainsi que la capacité de la biosphère à supporter <strong>le</strong>s effets de l’activité humaine. Maisnous sommes capab<strong>le</strong>s d’améliorer nos techniques et notre <strong>org</strong>anisation socia<strong>le</strong> de manière àouvrir la voie à une nouvel<strong>le</strong> ère de croissance économique… » 6.Une tel<strong>le</strong> définition cache mal <strong>le</strong> di<strong>le</strong>mme qu’éprouvait l’aréopage d’experts (spécialistes del’environnement pour <strong>le</strong>s uns, (anciens) fonctionnaires de l’ONU pour <strong>le</strong>s autres) quicomposaient la Commission BRUNDTLAND: deux paradigmes s’opposaient sous <strong>le</strong> conceptde « développement <strong>du</strong>rab<strong>le</strong> ».5COUSSY (J.) « Les ruses de l’Etat minimum », in BAYART (J-F.) dir. La réinvention <strong>du</strong> capitalisme, op..cit.p.241.6 COMMISSION MONDIALE SUR L’ENVIRONNEMENT ET LE DEVELOPPEMENT, Notre avenir à tous,Montréal, Ed. <strong>du</strong> F<strong>le</strong>uve, cité par RIST(G.) op. cit. p.294


D’une part, on entend par développement <strong>du</strong>rab<strong>le</strong> un développement respectueux del’environnement : l’accent est mis sur la préservation <strong>des</strong> écosystèmes. Le développementsignifie alors <strong>le</strong> bien-être et la qualité de vie, et on ne s’interroge pas trop sur la compatibilité<strong>des</strong> deux objectifs, développement et environnement. C’est dans cette perspective ques’inscrivent à notre avis <strong>le</strong>s centaines d’associations de défense de l’environnementqu’analyse Pierre LASCOUMES7 sur <strong>le</strong> terrain français. Dans ce sens, écrit I. SACHS, <strong>le</strong>sommet de Rio déçut « …parce qu’on y parlait de développement dans <strong>le</strong> respect del’environnement et non de la conservation de la nature érigée en but unique, au détriment <strong>des</strong>intérêts <strong>des</strong> sociétés humaines »8. On est en présence d’une vision <strong>du</strong> monde qui sacralise lanature, notamment dans <strong>le</strong>s sociétés in<strong>du</strong>strialisées, comme <strong>le</strong> font remarquer VincentBERDOULAY et Olivier SOUBEYRAN pour l’Amérique <strong>du</strong> Nord : « la sacralisation dont afait l’objet la Nature aux Etats-Unis est un <strong>des</strong> référents idéologiques majeurs qui sont la cléde la compréhension <strong>du</strong> contexte culturel. La Nature primordia<strong>le</strong>, tel<strong>le</strong> que créée par Dieu etnon encore corrompue par l’action humaine, doit être préservée tel<strong>le</strong> quel<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> constitue untémoignage, un ref<strong>le</strong>t de la divinité, qui est <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur moyen de communiquer avec el<strong>le</strong>… ». 9D’autre part, on conçoit <strong>le</strong> concept « développement <strong>du</strong>rab<strong>le</strong> », comme visant la <strong>du</strong>rabilité,donc la repro<strong>du</strong>ctibilité <strong>du</strong> système de pro<strong>du</strong>ction. C’est la position défen<strong>du</strong>e par <strong>le</strong>séconomistes et in<strong>du</strong>striels. Ainsi, écrit Michel BEAU, « <strong>le</strong> développement soutenab<strong>le</strong> signifie<strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de pro<strong>du</strong>ction et de vie avec <strong>des</strong> prélèvements nuls ou infimes d’éléments nonrecyclab<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong> processus de la nature »10. L’économiste anglais David PEARCE précisequant à lui que « chaque génération doit transmettre à la suivante un stock de capital [ycompris naturel] stab<strong>le</strong>. Sinon <strong>le</strong> développement n’est pas soutenab<strong>le</strong>, c’est-à-dire que chaquegénération appauvrit la suivante »11. Dans cette perspective, <strong>le</strong> caractère <strong>du</strong>rab<strong>le</strong>/ soutenab<strong>le</strong>7 LASCOUMES(P.), L’éco-pouvoir. Environnement et politique. Ed. La découverte, Paris, 1994, pp.193-2658 SACHS (I.) « Le développement reconsidéré : quelques réf<strong>le</strong>xions inspirées par <strong>le</strong> Sommet de la terre » inRevue <strong>du</strong> Tiers-Monde, n° 137, Vol. XXXV, janvier-mars 1994,p.599 BERDOULAY(V.) SOUBEYRAN (O.) Débat public et développement <strong>du</strong>rab<strong>le</strong>. Arche de la Défense, Ed.Vil<strong>le</strong>s et Territoires, 1996, p.12.10 BEAU(M.) cité par LATOUCHE(S.) « Développement <strong>du</strong>rab<strong>le</strong>: un concept alibi. Main invisib<strong>le</strong> et mainmisesur la nature » in Revue Tiers-Monde, n°137, Vol.XXXV, janvier-mars 1994, p.8111 Ibid .


enverrait, pour paraphraser S.LATOUCHE12, non au développement réel<strong>le</strong>ment existantmais à sa repro<strong>du</strong>ction.Au total, <strong>le</strong>s différents paradigmes de développement qui se sont succédé <strong>le</strong>s uns aux autresn’ont pas résisté à l’usure <strong>du</strong> temps pour la simp<strong>le</strong> raison que <strong>le</strong>s fruits (<strong>le</strong> développement <strong>des</strong>pays <strong>du</strong> Tiers Monde) n’ont pas tenu la promesse <strong>des</strong> f<strong>le</strong>urs (ce que faisaient miroiter cesparadigmes de développement-là). Une <strong>des</strong> raisons est que ces paradigmes étaient conçus enamont <strong>des</strong> sociétés à développer et ne répondaient donc pas aux besoins perçus/ressentis par<strong>le</strong>s <strong>des</strong>tinataires in fine. En d’autres termes et pour faire nôtre l’analyse de Jean-DavidNAUDET, on cherchait <strong>des</strong> problèmes aux solutions déjà en poche13. Reste à savoir si <strong>le</strong>concept de « <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités » ne connaîtra pas <strong>le</strong> même sort.I.2. …A celui de « <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités »Intro<strong>du</strong>it dans la terminologie <strong>du</strong> développement au milieu <strong>des</strong> années quatre vingt-dix, <strong>le</strong>concept de « <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités » 14 est la tra<strong>du</strong>ction française <strong>du</strong> terme anglo-saxonde « capacity –building » ou « capacity-development ». Bien qu’ils soient souvent employésde façon interchangeab<strong>le</strong>, ces deux dernières notions ne sont pas <strong>des</strong> synonymes. Quand onpar<strong>le</strong> de « capacity-building » en effet, on a l’impression de faire allusion à <strong>des</strong> capacités àconstruire pratiquement ex nihilo. Or, quel que soit <strong>le</strong> degré de développement d’une société,il existe quand même <strong>des</strong> capacités, <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s font que cette société tient au moins la route,jusque et y compris dans la pauvreté. Quant à « capacity-development », il renvoie au faitqu’un certain nombre de capacités sont quand même là, que simp<strong>le</strong>ment el<strong>le</strong>s ne sont passuffisantes pour affronter efficacement <strong>le</strong>s problèmes auxquels est confrontée une sociétédonnée. Et puis il laisse entendre une dynamique dans <strong>le</strong> temps et non un ensemb<strong>le</strong> d’actionsà poser et à terminer. C’est pour cette raison que <strong>le</strong>s acteurs <strong>du</strong> développement tels la Banquemondia<strong>le</strong> et <strong>le</strong> PNUD préfèrent ce dernier au premier.12 LATOUCHE (S.), La Mégamachine : Raison technoscientique, raison économique et mythe <strong>du</strong> progrès, Paris,Ed. La Découverte, 199513 NAUDET (J-D.), Trouver <strong>des</strong> problèmes aux solutions. Vingt ans d’aide au Sahel, Paris, Editions de l’OCDE,1999.14 Le terme « capacitation » est éga<strong>le</strong>ment utilisé, notamment dans <strong>le</strong> français suisse.


Avant d’esquisser une définition <strong>du</strong> concept « <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités », il convient dejeter un regard rapide sur ce qu’on peut entendre par « capacités ». Selon <strong>le</strong> CAPES 15 , « <strong>le</strong>concept de capacité fait référence aux gens, aux institutions et pratiques qui permettent aupays de réaliser <strong>le</strong>urs objectifs de développement(…). Une augmentation de capacité inclutl’acquisition de connaissance par l’action et <strong>le</strong> développement à terme de pratiques pluseffectives. Le <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités est un investissement en capital humain, eninstitutions et pratiques, et un moyen pour une fin, plutôt qu’une fin en soi » 16 .La capacité est tout un ensemb<strong>le</strong> de composantes interdépendantes et inter-reliées pourformer tout un système ; <strong>le</strong>quel rend une société en mesure de répondre aux problèmes au furet à mesure que ces derniers se posent d’une part, et capab<strong>le</strong> de se construire un meil<strong>le</strong>uravenir. CAPES l’exprime mieux en ces termes : « A la vérité, <strong>le</strong> <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacitésdevra être considéré et mis en œuvre comme un véritab<strong>le</strong> compact où <strong>le</strong>s différentscomposants essentiels sont interdépendants et appelées en pratique à s’appuyer mutuel<strong>le</strong>mentet à former la chaîne <strong>des</strong> composants <strong>des</strong> capacités. Ces composants forment <strong>le</strong>s atomesnaturels de la molécu<strong>le</strong> <strong>des</strong> capacités » 17 . Comme on peut <strong>le</strong> lire dans <strong>le</strong> document précité, lacapacité comme système comprend cinq composantes 18 :i) La formation : la formation et tout ce qui la constitue, en ses formes variées et sesdifférents niveaux et bénéficiaires, en ses aspects de perfectionnement continu, est un simp<strong>le</strong>composant, sans doute nécessaire mais pas suffisant <strong>du</strong> développement <strong>des</strong> capacités. El<strong>le</strong> estparfois considérée à tort comme synonyme de <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités. Isolé de ce fait, àl’exclusion d’autres facteurs non moins essentiels, la formation est contre performante. A lavérité, cel<strong>le</strong>-ci n’est qu’une partie et non <strong>le</strong> tout <strong>des</strong> capacités.ii) Les systèmes : <strong>le</strong>s systèmes sont indispensab<strong>le</strong>s pour véhicu<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s compétences acquisespar la formation dans <strong>des</strong> conditions de performance et d’efficacité. C’est la dimensionnormative et régulatrice ; il s’agit <strong>des</strong> procé<strong>du</strong>res et de l’<strong>org</strong>anisation internes, <strong>des</strong> métho<strong>des</strong>,<strong>des</strong> processus de pro<strong>du</strong>ction de biens et <strong>des</strong> services, etc. Les composants systémiques <strong>des</strong>15Centre d’Analyse <strong>des</strong> Politiques Economiques et Socia<strong>le</strong>s16CAPES, Politique Nationa<strong>le</strong> de Renforcement <strong>des</strong> Capacités au Burkina Faso (PNRC, 2009-2019),Ouagadougou, 2009, p.2017 CAPES, op.ci. p.2118 Nous reprenons tel<strong>le</strong>s quel<strong>le</strong>s ces composantes.


capacités sont <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> d’opérations qui rendent aptes un indivi<strong>du</strong>, une <strong>org</strong>anisation, unecommunauté ou un réseau et qui facilitent l’exercice d’une compétence : ainsi un chirurgiencompétent dans un système hospitalier qui fonctionne bien pourra bien travail<strong>le</strong>r.iii) La logistique : el<strong>le</strong> porte sur <strong>le</strong>s moyens, <strong>le</strong>s équipements, et <strong>le</strong>s outillages de travail(ordinateurs, fax, véhicu<strong>le</strong>s, scanners, supports technologiques spécialisés selon <strong>le</strong>s <strong>secteur</strong>s,<strong>le</strong>s professions, <strong>le</strong>s spécialisations…). Sans de tels moyens, <strong>le</strong>s savoirs et savoir-faire <strong>le</strong>s luspointus ne sont pas aptes à appliquer <strong>le</strong>urs capacités, à pro<strong>du</strong>ire <strong>le</strong>s biens et <strong>le</strong>s servicesatten<strong>du</strong>s d’el<strong>le</strong>s et à répondre de manière satisfaisante à la demande <strong>des</strong> clients. Sanséquipements appropriés, <strong>le</strong> chirurgien <strong>le</strong> plus compétent <strong>du</strong> monde ne pourra opérer sespatients.iv) Les motivations : el<strong>le</strong>s incitent <strong>le</strong>s capacités à s’optimiser et <strong>le</strong>s encouragent à demeurerfidè<strong>le</strong>s au travail et rechercher l’excel<strong>le</strong>nce pour un meil<strong>le</strong>ur gain. El<strong>le</strong>s sont externes etpeuvent être monétaires (salaires compétitifs, indemnités, commissions, etc.) ou nonmonétaires (avancement accéléré, nomination à <strong>des</strong> postes de responsabilité, reconnaissancepublique par <strong>des</strong> décorations, etc.)v) Les comportements : Les comportements professionnels constituent une composante <strong>des</strong>capacités dans la mise en œuvre <strong>du</strong> savoir : ils forment <strong>le</strong> passage <strong>du</strong> savoir au savoir-faire ousavoir-être. Ils rencontrent dans <strong>des</strong> contextes culturels spécifiques <strong>des</strong> contraintes, parexemp<strong>le</strong> la difficulté voire l’impossibilité pour un économiste brillant titulaire d’un doctoratd’une prestigieuse université, d’al<strong>le</strong>r à l’encontre <strong>des</strong> points de vue de son chef hiérarchiquequi a déjà atteint son seuil d’incompétence, en raison <strong>du</strong> respect traditionnel que <strong>le</strong> jeune doitaux aînés.Comme on <strong>le</strong> voit, ces différentes composantes <strong>du</strong> puzz<strong>le</strong> « capacité » ne peuvent êtreopérationnel<strong>le</strong>s qu’une fois harmonieusement articulées. Aussi <strong>le</strong> « <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong>capacités » est-il un processus fort multidimensionnel, d’où sa comp<strong>le</strong>xité. Il ne s’agit pasd’actions isolées mais d’une approche qui embrasse tous <strong>le</strong>s pans de la société et ce de façondynamique, c’est-à-dire un processus problèmes-solutions-apprentissage <strong>des</strong> erreurs et <strong>des</strong>succès et ce, de façon continue. Contrairement aux solutions toutes faites chez <strong>le</strong>s partenaires<strong>du</strong> Nord pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il était question de chercher <strong>des</strong> problèmes ou <strong>le</strong>s besoins au Sud, i<strong>le</strong>st question d’appuyer <strong>le</strong>s <strong>des</strong>tinataires dans <strong>le</strong>s <strong>secteur</strong>s qu’ils identifient eux-mêmes en


fonction <strong>des</strong> « besoins » perçus et ressentis par eux-mêmes. Deborah EADE ne croit pas sibien dire lorsqu’el<strong>le</strong> définit <strong>le</strong> <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités comme une « approche inhérente audéveloppement et non quelque chose de séparé de ce dernier. C’est une réponse à unprocessus multidimensionnel de changement et non un ensemb<strong>le</strong> d’interventions techniques<strong>des</strong>tinées à pro<strong>du</strong>ire <strong>des</strong> résultats prédéfinis. En appuyant par exemp<strong>le</strong> <strong>des</strong> <strong>org</strong>anisations quitravail<strong>le</strong>nt pour la justice socia<strong>le</strong>, il est aussi uti<strong>le</strong> d’appuyer <strong>des</strong> capacités diverses et variéesque requiert cette dernière : intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>s, <strong>org</strong>anisationnel<strong>le</strong>s, socia<strong>le</strong>s, politiques, culturel<strong>le</strong>s,matériel<strong>le</strong>s, pratiques ou financières » 19 .On comprend que <strong>le</strong> <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités puisse se mener à plusieurs niveaux. C’estainsi que An DEWAELE propose quatre niveaux, <strong>le</strong>squels correspondent schématiquement àquatre cerc<strong>le</strong>s concentriques :i) « En commençant par l’intérieur <strong>des</strong> cerc<strong>le</strong>s, une action de <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacitésindivi<strong>du</strong>el<strong>le</strong>s vise l’accroissement <strong>des</strong> capacités spécifiques d’une ou plusieurs personnes :<strong>le</strong>urs connaissances, compétences, aptitu<strong>des</strong>, expériences. Il pourrait s’agir de capacitésd’animation <strong>des</strong> vulgarisateurs, de connaissance <strong>du</strong> système de cofinancement, <strong>des</strong> capacités àmotiver une équipe… Ces interventions de <strong>renforcement</strong> de capacités indivi<strong>du</strong>el<strong>le</strong>s peuvent setra<strong>du</strong>ire, précise l’auteur, par exemp<strong>le</strong> par <strong>des</strong> formations, <strong>des</strong> échanges, <strong>le</strong> coaching(accompagnement en miroir par une personne interne ou externe à l’<strong>org</strong>anisation) ou <strong>le</strong>mentoring (apprentissage à travers un appui par un collègue plus expérimenté) ;ii) Le <strong>renforcement</strong> <strong>org</strong>anisationnel (<strong>le</strong> niveau suivant) est défini comme <strong>le</strong> processuscontinu par <strong>le</strong>quel une <strong>org</strong>anisation accroît sa capacité à formu<strong>le</strong>r et à atteindre <strong>des</strong> objectifspertinents. Le <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités <strong>org</strong>anisationnel<strong>le</strong>s tel<strong>le</strong>s que la politique interne, <strong>le</strong>ssystèmes et procé<strong>du</strong>res, la structure… requiert d’autres types d’intervention, par exemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong><strong>renforcement</strong> de la politique de gestion <strong>des</strong> ressources humaines, une restructuration, uneplanification stratégique…19 EADE (Deborah), Capacity-Building. An Approach to Peop<strong>le</strong> Centred Development, Oxfam (UK andIreland), 1997, p.24. Notre tra<strong>du</strong>ction libre


iii) Le niveau suivant de <strong>renforcement</strong> de capacités se situe entre deux ou plusieurs<strong>org</strong>anisations, par exemp<strong>le</strong> la gestion d’un réseau, <strong>le</strong> montage d’une alliance pour une actioncommune spécifique, <strong>le</strong>s capacités de gestion de conflit...iv) Fina<strong>le</strong>ment, on pourrait s’orienter vers <strong>le</strong> <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités dans la société tel<strong>le</strong>que <strong>le</strong>s politiques, la législation, <strong>le</strong>s relations de pouvoir, <strong>le</strong>s normes socia<strong>le</strong>s... qui, à son tour,requiert <strong>des</strong> interventions spécifiques comme <strong>le</strong> <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités de plaidoyer, delobbying, pour développer un contrepoids aux structures gouvernementa<strong>le</strong>s… » 20 .En définitive, on aura compris que contrairement à ce que <strong>le</strong> sens commun en est venu à fairecroire au Burundi, <strong>le</strong> <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités ne se ré<strong>du</strong>it pas à la seu<strong>le</strong> formation en coursd’emploi où l’accent a souvent été mis sur <strong>le</strong>s indivi<strong>du</strong>s, et même là, dont la quasi-totalitérelèvent de la Fonction publique. Non seu<strong>le</strong>ment la formation initia<strong>le</strong> compte tout aussi bienque la formation continue, mais aussi, tout l’environnement social, <strong>le</strong> fonctionnement <strong>des</strong>institutions aussi diverses que variées, l’interaction permanente entre <strong>le</strong>s diverses partiesprenantes quel<strong>le</strong> que soit l’action en cause, <strong>le</strong>s moyens logistiques ayant fait l’objet deconsensus de la part <strong>des</strong> ces dernières, etc. constituent <strong>des</strong> composantes <strong>du</strong> <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong>capacités. C’est pourquoi qui dit <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités ne saurait faire l’impasse sur <strong>le</strong>« noyau <strong>du</strong>r » de la bonne gouvernance. Autrement dit, toutes <strong>le</strong>s dimensions <strong>du</strong> <strong>renforcement</strong><strong>des</strong> capacités se trouvent servies dans la mesure où l’interaction permanente entre l’Etat (dansses différents <strong>secteur</strong>s et sous-<strong>secteur</strong>s, dans ses instances aussi bien centra<strong>le</strong>s quedéconcentrées/décentralisées, etc.), <strong>le</strong> <strong>secteur</strong> privé (dans ses différentes branches d’activitéde pro<strong>du</strong>ction <strong>des</strong> biens et <strong>des</strong> services et ce à différents niveaux) et la société civi<strong>le</strong> (dans sadiversité). C’est que <strong>le</strong> résultat d’un <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités réussi (toujours contingentpuisqu’il est question de processus) se mesure à l’aune de la capacité col<strong>le</strong>ctive/sociéta<strong>le</strong>d’une société à re<strong>le</strong>ver ses défis, à capitaliser <strong>le</strong>s <strong>le</strong>çons et à apprendre <strong>des</strong> échecs, à changerde comportements en vue de réussir <strong>le</strong> tour de force en réalisant ses objectifs et à se construireun avenir meil<strong>le</strong>ur possib<strong>le</strong>.II. Etat <strong>des</strong> lieux <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé au Burundi20 DEWAELE (An), Note de synthèse <strong>du</strong> mo<strong>du</strong><strong>le</strong> de formation : « Accompagner un processus de <strong>renforcement</strong><strong>des</strong> capacités avec un partenaire », Sessions de formation <strong>des</strong> 7-8-9 février 2007, <strong>des</strong> 14-15-16 mars 2007 et <strong>des</strong>17-18-19 mars 2009, p.5


Après avoir brossé <strong>le</strong> tab<strong>le</strong>au <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé à travers la guerre civi<strong>le</strong> qu’a en<strong>du</strong>rée <strong>le</strong>Burundi plus d’une décennie <strong>du</strong>rant, nous présenterons <strong>le</strong>s actions menées par <strong>le</strong> ProjetARCANE en vue de « renforcer ses capacités ».II.1. Un <strong>secteur</strong> privé déjà affaibli par plus d’une décennie de guerre civi<strong>le</strong>Déjà fragi<strong>le</strong> étant donné l’enclavement <strong>du</strong> Burundi, <strong>le</strong> <strong>secteur</strong> privé a subi un coup <strong>du</strong>r de parla crise inhérente à la guerre civi<strong>le</strong> plus d’une décennie <strong>du</strong>rant. Il convient de rappe<strong>le</strong>rqu’après l’assassinat <strong>du</strong> président Melchior Ndadaye et nombre de ses collaborateurs en1993, il s’en est suivi une longue guerre civi<strong>le</strong> sur base ethno-politique qui a endeuillépratiquement tout <strong>le</strong> territoire national. Des colonnes de réfugiés internes (dans <strong>le</strong>s camps dedéplacés généra<strong>le</strong>ment situés sur <strong>le</strong>s centres administratifs et/ou religieux) et externes (vers<strong>le</strong>s pays voisins) ou <strong>des</strong> dispersés (dans la foulée de l’enc<strong>le</strong>nchement de la guerre, <strong>des</strong> milliersd’habitants étaient dispersés dans <strong>le</strong>s marais, dans <strong>le</strong>s buissons, etc.) ont privé <strong>le</strong> <strong>secteur</strong>pro<strong>du</strong>ctif de bras. Même <strong>le</strong>s habitants restés sur <strong>le</strong>s collines étaient loin d’être dans unenvironnement propice à la pro<strong>du</strong>ction. Aussi <strong>le</strong> monde rural où vivent norma<strong>le</strong>ment plus de90% de la population active a-t-il vu <strong>le</strong> gros et petit bétail vandalisé d’un côté et un certainnombre de champs laissés à l’abandon de l’autre 21 . On devine aisément combien la pro<strong>du</strong>ctionagrico<strong>le</strong> a vertigineusement chuté d’une part, et comment <strong>le</strong> cheptel (procurant viande pour laconsommation et fumure pour la fertilisation) a sérieusement été décapitalisé d’autre part ; cequi n’a pas manqué de pro<strong>du</strong>ire une pauvreté jamais égalée. Aussi peut-on lire dans <strong>le</strong>document de Cadre Stratégique de Croissance et de Lutte contre la Pauvreté ce constat amer:« Au moment de l’approbation <strong>du</strong> premier CSLP [en 2005], <strong>le</strong> Burundi commençait à émergerd’une longue période de croissance négative (jusqu’en 2000), puis de croissance faib<strong>le</strong> (avecrecul <strong>du</strong> PIB par tête plus d’une année sur deux) de 2000 à 2005. La chute <strong>du</strong> PIB par têtes’était tra<strong>du</strong>ite par une forte augmentation <strong>du</strong> taux de pauvreté qui est passé de 36% en 1990 à67% en 2006. Ce taux de pauvreté était très inéga<strong>le</strong>ment réparti (34% dans <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s, 69%dans <strong>le</strong> monde rural et 82% dans <strong>des</strong> provinces particulièrement démunies tel<strong>le</strong>s que21 Pour plus de détails, lire avec intérêt <strong>le</strong>s contributions de Julien Nimubona, de Christian Thibon et d’ArnaudRoyer dans l’ouvrage publié sous la direction d’André Guichaoua : GUICHAOUA (A.), dir. Exilés, réfugiés,déplacés en Afrique centra<strong>le</strong> et orienta<strong>le</strong>, Paris, Ed. Karthala, 2004.


Kirundo) 22 et s’accompagnait d’une forte insécurité alimentaire (69% <strong>des</strong> habitants), plusgrave dans <strong>le</strong>s zones rura<strong>le</strong>s que dans <strong>le</strong>s centres urbains. » 23S’agissant <strong>des</strong> entreprises <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> structuré, la guerre civi<strong>le</strong> n’a pas moins sévi. Nonseu<strong>le</strong>ment <strong>des</strong> usines ont fait l’objet de vandalisme mais aussi <strong>le</strong>s entrepreneurs existants et/oupotentiels en sont venus à baisser <strong>le</strong>s bras au regard de l’environnement sécuritaire qui étaitfort délétère à l’investissement.. Il faut dire que <strong>le</strong>s entreprises vendant <strong>des</strong> services étaientprincipa<strong>le</strong>ment confinées dans la capita<strong>le</strong> Bujumbura au moment où <strong>le</strong>s centres urbainssecondaires étaient sous-approvisionnés à cause de l’insécurité qui caractérisait <strong>le</strong>s voiesroutières d’une part et de la détérioration (coupure <strong>des</strong> ponts ou carrément <strong>des</strong> chaussées) <strong>des</strong>voies de communication reliant <strong>le</strong>s centres urbains entre eux d’autre part. A ce chape<strong>le</strong>t demisères, il faut ajouter la baisse vertigineuse de l’énergie é<strong>le</strong>ctrique en partie <strong>du</strong>e à la<strong>des</strong>truction <strong>des</strong> pylônes transportant l’énergie é<strong>le</strong>ctrique ; ce qui paralysait sévèrementl’activité in<strong>du</strong>striel<strong>le</strong> fort consommatrice d’é<strong>le</strong>ctricité. Notons par ail<strong>le</strong>urs que l’embargodécrété par <strong>le</strong>s pays de la sous-région en 1996 est venu empirer <strong>le</strong>s choses dans la mesure où,hors de l’action humanitaire d’urgence, aucun appui en provenance <strong>des</strong> bail<strong>le</strong>urs de fondstraditionnels ne venait en aide au pays autour <strong>du</strong>quel l’étau se resserrait de plus en plus.Ce ne sera qu’après <strong>le</strong> « retour à la paix » consécutif à la signature <strong>des</strong> Accords d’Arushad’une part et à différents cessez-<strong>le</strong>-feu qui l’ont suivie (avec <strong>le</strong> CNDD-FDD en 2003 et avec<strong>le</strong> Palipehutu-FNL en 2009 respectivement) et après la mise en place <strong>des</strong> institutionsdémocratiquement élues en 2005 que <strong>le</strong> <strong>secteur</strong> privé a commencé à se remettre sur <strong>le</strong>s rails,et ce non sans difficultés. Il devra saisir <strong>le</strong>s opportunités qu’est censé offrir l’intégrationrégiona<strong>le</strong> 24 et plus particulièrement l’adhésion <strong>du</strong> Burundi à l’East African Community en2007. Pour cela, <strong>le</strong>s acteurs <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé devront faire preuve d’efforts soutenus (allantjusqu’à changer la culture de fonctionnariat dans laquel<strong>le</strong> baignent un certain nombred’opérateurs voire d’entreprises) pour affronter la concurrence de <strong>le</strong>urs partenaires est-22 Avant la crise, la province de Kirundo était considérée comme l’un <strong>des</strong> centres de la pro<strong>du</strong>ction vivrière <strong>du</strong> pays, enquelque sorte <strong>le</strong> grenier <strong>du</strong> Burundi.23 Avant la crise, la province de Kirundo était considérée comme l’un <strong>des</strong> centres de la pro<strong>du</strong>ction vivrière <strong>du</strong> pays, enquelque sorte <strong>le</strong> grenier <strong>du</strong> Burundi24 Le Burundi appartient en effet à 6 communautés régiona<strong>le</strong>s à savoir l’East African Community (EAC),l’Initiative <strong>du</strong> Bassin <strong>du</strong> Nil (IBN), la Communauté Economique <strong>des</strong> Pays <strong>des</strong> Grands Lacs (CEPGL), <strong>le</strong> MarchéCommun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique Austra<strong>le</strong> (COMESA), la Communauté Economique <strong>des</strong> Etats del’Afrique Centra<strong>le</strong>(CEEAC) ainsi que la Conférence Internationa<strong>le</strong> sur la Région <strong>des</strong> Grands Lacs (CIRGL).


africains à la fois plus aguerris de par <strong>le</strong>ur longue expérience en la matière et jouissantd’avantages comparatifs énormes (par exemp<strong>le</strong> la proximité avec la mer dont bénéficient <strong>le</strong>sentreprises kényanes et tanzaniennes alors que <strong>le</strong>s coûts de transport grèvent sévèrement <strong>le</strong>séconomies <strong>des</strong> entreprises <strong>des</strong> Etats enclavés comme <strong>le</strong> Burundi, <strong>le</strong> Rwanda et l’Ouganda).Il est vrai que <strong>le</strong> Gouvernement burundais est en train d’opérer une série de réformes denature à améliorer <strong>le</strong> climat <strong>des</strong> affaires et à attirer autant que possib<strong>le</strong> <strong>le</strong>s investisseursétrangers. Il s’est doté notamment d’instruments juridiques comme <strong>le</strong> nouveau Code <strong>des</strong>impôts et douanes, nouveau Code de commerce, nouveau Code <strong>des</strong> investissements, loi sur laconcurrence, nouveau code <strong>des</strong> sociétés, loi sur <strong>le</strong>s faillites et <strong>le</strong> Concordat judiciaire,Rég<strong>le</strong>mentation sur <strong>le</strong>s zones franches, etc. 25 Dans <strong>le</strong> même ordre d’idées, il vient de mettre enplace une Agence de Promotion <strong>des</strong> Investissement (API) fort uti<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> <strong>secteur</strong> privé engénéral et pour <strong>le</strong>s entreprises débutantes en particulier. El<strong>le</strong> a en fait pour mission d’informer<strong>le</strong>s investisseurs sur la promotion de l’investissement et de l’exportation, d’assisterinvestisseurs et exportateurs notamment dans l’obtention de documents et/oul’accomplissement <strong>des</strong> formalités requises par la loi, de concevoir <strong>le</strong>s réformes nécessaires àl’amélioration <strong>du</strong> climat <strong>des</strong> affaires, interpel<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s administration sur <strong>le</strong> cas de nonapplicationou de mauvaise application de toute loi/rég<strong>le</strong>mentation en rapport avec lapromotion <strong>des</strong> investissements et <strong>des</strong> exportations 26 . Précisons en outre que l’API joue un rô<strong>le</strong>considérab<strong>le</strong> dans la mise en œuvre <strong>des</strong> avantages accordés aux entreprises franches. Aussitoute entreprise franche bénéficie-t-el<strong>le</strong>, pendant <strong>le</strong>s dix premières années de sonexploitation, de l’exonération tota<strong>le</strong> <strong>des</strong> impôts sur <strong>le</strong>s bénéfices.En dépit de ces efforts, <strong>le</strong> climat <strong>des</strong> affaires ne demeure pas moins entaché de contraintesmultiformes. Trois exemp<strong>le</strong>s montrent à suffisance ces contraintes :i) La difficulté à mobiliser <strong>des</strong> financements pour mieux investir : <strong>le</strong>s taux d’intérêts bancairessont tel<strong>le</strong>ment é<strong>le</strong>vés (19-21%) au Burundi que <strong>le</strong>s entreprises hésitent longuement avant derecourir au crédit bancaire dans la mesure où <strong>le</strong>s probabilités de rentabilités se ré<strong>du</strong>isent enpeau de chagrin. Et puis <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong>s banques privilégient davantage <strong>le</strong>s crédits à court25 Pour plus de détails, voir <strong>le</strong> rapport sur l’économie burundaise pro<strong>du</strong>it par l’IDEC : IDEC, L’Economieburundaise. Performance de 2009 et perspectives, Bujumbura, décembre 2010, pp.57-65.26 Pour plus de détails, voir <strong>le</strong> Décret présidentiel n°100/177 <strong>du</strong> 19 octobre 2009.


terme - au moment où <strong>le</strong>s investissements <strong>des</strong> entreprises requièrent <strong>des</strong> crédits à long terme –est loin d’arranger <strong>le</strong>s affaires <strong>des</strong> entrepreneurs.ii) La multiplicité de barrières non tarifaires à la fois internes et externes qui entravent lacompétitivité <strong>des</strong> entreprises burundaises. Pour <strong>le</strong>s barrières internes, on peut invoquer <strong>le</strong>scomplications inhérentes à la multiplicité <strong>des</strong> institutions administratives intervenant dans <strong>le</strong>contrô<strong>le</strong>, la vérification <strong>des</strong> marchandises et <strong>le</strong>s formalités administratives et douanières, <strong>le</strong>stracasseries administratives diverses et variées, <strong>le</strong> coût trop é<strong>le</strong>vé de communication étrangèresur téléphone portab<strong>le</strong>, absence de ponts bascu<strong>le</strong>s au Burundi, etc.Quant à cel<strong>le</strong>s externes, on peut donner pour exemp<strong>le</strong>s un grand trafic au port de Dar-Es-Salaam occasionnant de longues formalités, <strong>le</strong>s formalités non harmonisées au niveau de laCommunauté, mauvais état <strong>des</strong> voies routières et ferrées sans par<strong>le</strong>r de l’insuffisance <strong>des</strong>wagons, etc. 27iii) L’insuffisance <strong>des</strong> fournitures d’eau et d’é<strong>le</strong>ctricité : <strong>des</strong> coupures de courantsintempestives sont inhérentes à la faib<strong>le</strong>sse en énergie é<strong>le</strong>ctrique qu’accuse <strong>le</strong> Burundi. Or,pallier cette contrainte par <strong>le</strong> recours aux groupes é<strong>le</strong>ctrogènes renchérit corrélativement <strong>le</strong>sprix de la pro<strong>du</strong>ction nationa<strong>le</strong> et érode par conséquent la compétitivité <strong>des</strong> entreprises. Celadoit avoir contribué à la disparition de nombre de PME.iv) La corruption gangrenant la société dans son ensemb<strong>le</strong> : La corruption est devenue unphénomène endémique au Burundi, à tel<strong>le</strong> enseigne que tous <strong>le</strong>s <strong>secteur</strong>s se trouventaujourd’hui infestés. C’est ainsi par exemp<strong>le</strong> qu’aussi longtemps que s’observent beaucoupd’instances de contrô<strong>le</strong> <strong>des</strong> marchandises comme on vient de <strong>le</strong> montrer plus haut, lacorruption devient une réalité quotidienne. Comme on peut <strong>le</strong> lire dans une étudecommanditée par <strong>le</strong> Ministère ayant la bonne gouvernance dans ses attributions, « Lestraitements <strong>des</strong> marchandises sont rarement faits sans paiements de pots-de vin. Quarantepourcent <strong>des</strong> entrepreneurs important une partie de <strong>le</strong>urs pro<strong>du</strong>its ont dit avoir versé au cours<strong>des</strong> douze derniers mois, en moyenne 2.596.364 francs Bu (2596$US) de pots-de-vin par an àla douane (…). Les entrepreneurs (…) confirment que <strong>le</strong> versement de pots-de –vin au service27 Pour plus de détails sur <strong>le</strong>s barrières non tarifaires, cf. <strong>le</strong> rapport de l’IDEC : IDEC, op.cit. pp.65-68.


douanier peut accélérer <strong>le</strong>s procé<strong>du</strong>res (77%), diminuer <strong>le</strong>s droits de douane à payer (31%),éviter l’application <strong>des</strong> règ<strong>le</strong>mentations (28%) et <strong>le</strong> blocage <strong>des</strong> dossiers (62%) » 28 .En somme, si depuis la fin de la guerre civi<strong>le</strong> et la mise en place <strong>des</strong> institutionsdémocratiques <strong>le</strong> <strong>secteur</strong> privé s’est remis sur <strong>le</strong>s rails tant bien que mal, et que <strong>le</strong>Gouvernement a consenti <strong>des</strong> efforts pour améliorer <strong>le</strong> climat <strong>des</strong> affaires, il n’en reste pasmoins que <strong>le</strong>s entreprises burundaises ne sont pas au bout de <strong>le</strong>urs peines. Non seu<strong>le</strong>mentel<strong>le</strong>s se doivent de fournir <strong>des</strong> efforts titanesques pour affronter la concurrence à la fois sur <strong>le</strong>marché local et sur celui est-africain, mais aussi el<strong>le</strong>s doivent faire feu de tout bois pourconvaincre <strong>le</strong> Gouvernement pour qu’il élimine <strong>le</strong>s barrières non tarifaires internes d’un côté,et qu’il convainque ses partenaires est-africains pour qu’ils suppriment <strong>le</strong>s barrières nontarifaires externes de l’autre côté.II.2. Les actions de <strong>renforcement</strong> de capacité fort louab<strong>le</strong>s : cas <strong>du</strong> Projet ARCANEBien qu’au niveau national existe un certain nombre d’actions de <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacitésnotamment au sein <strong>du</strong> Ministères de la Fonction publique d’une part (au niveau de l’Eco<strong>le</strong>Nationa<strong>le</strong> d’Administration) et de <strong>du</strong> Ministère ayant Planification <strong>du</strong> Développement dansses attributions (Projet de <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités institutionnel<strong>le</strong>s), <strong>le</strong> <strong>secteur</strong> privésemb<strong>le</strong> avoir été un parent pauvre. Ceci est d’autant plus explicab<strong>le</strong> que longtemps <strong>le</strong>sopérateurs économiques étaient perçus comme <strong>des</strong> acteurs malhonnêtes qu’il fallait avoirconstamment à l’œil pour <strong>le</strong> parti unique. On comprend que même lorsque fut mis sur pied <strong>le</strong>Centre de Perfectionnement en cours d’Emploi (CPF) 29 sous la deuxième République, seuls<strong>le</strong>s cadres de l’Etat étaient éligib<strong>le</strong>s. Notons par ail<strong>le</strong>urs qu’à cette époque <strong>le</strong> <strong>secteur</strong> privécomprenait essentiel<strong>le</strong>ment <strong>des</strong> « autodidactes », c’est-à-dire <strong>des</strong> acteurs n’ayant pas pousséplus loin <strong>le</strong>ur cursus scolaire et encore moins académique. Les rares opérateurs instruitsn’étaient essentiel<strong>le</strong>ment que d’anciens hauts cadres refoulés malgré eux de la hauteadministration publique ou militaire à l’issue <strong>des</strong> coups d’Etat par exemp<strong>le</strong>. Ce ne sera qu’aucours de la période « post-ajustement structurel » que beaucoup d’anciens fonctionnaires,28REPUBLIQUE DU BURUNDI/MINISTERE A PRESIDENCE CHARGE DE LA BONNEGOUVERNANCE, DE LA PRIVATISATION, DE L’INSPECTION GENERALE DE L’ETAT ET DEL’ADMINISTRATION LOCALE, Etude diagnostique sur la gouvernance et la corruption au Burundi. Rapportd’enquête, Bujumbura, mai 2008, p.5729 Ancêtre de l’Eco<strong>le</strong> Nationa<strong>le</strong> d’Administration (ENA) actuel<strong>le</strong>.


confrontés à l’appauvrissement consécutif aux dévaluations répétitives de la monnaieburundaise, se lanceront dans <strong>le</strong> <strong>secteur</strong> privé. Bref <strong>le</strong> Gouvernement n’a pas, à proprementpar<strong>le</strong>r, pensé à renforcer <strong>le</strong>s capacités <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé.Le <strong>renforcement</strong> <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé ne s’observera que tout récemment, avec l’intervention <strong>des</strong><strong>org</strong>anisations non gouvernementa<strong>le</strong>s. Même là, cel<strong>le</strong>s qui ont orienté <strong>le</strong>urs actions au <strong>secteur</strong>privé se comptent plutôt sur <strong>le</strong>s doigts de la main, si l’on <strong>le</strong>s compare à une multiplicitéd’ONG à la fois loca<strong>le</strong>s et étrangères qui interviennent dans d’autres <strong>secteur</strong>s d’activité. Pouranalyser <strong>le</strong> <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités dont <strong>le</strong> <strong>secteur</strong> privé a bénéficié, nous prendrons unexemp<strong>le</strong> : <strong>le</strong> Projet d’Appui et de Renforcement <strong>des</strong> Capacités <strong>des</strong> Acteurs Non Etatiques(ARCANE) 30 .Le Projet ARCANE s’est donné pour mission d’appuyer <strong>le</strong>s acteurs non étatiques, c’est-à-direla société civi<strong>le</strong> et <strong>le</strong> <strong>secteur</strong> privé. Mais comme ce travail porte sur <strong>le</strong> <strong>secteur</strong> privé, nousretiendrons que <strong>le</strong>s actions en direction de ce dernier. Il a appuyé la restructuration <strong>des</strong><strong>org</strong>anisations professionnel<strong>le</strong>s pour qu’el<strong>le</strong>s jouent <strong>le</strong>ur rô<strong>le</strong> d’interlocuteurs avec <strong>le</strong>Gouvernement. Il faut rappe<strong>le</strong>r que jusqu’en 2008 la Chambre de Commerce et d’In<strong>du</strong>strie <strong>du</strong>Burundi (CCIB) était <strong>org</strong>anisée en sections professionnel<strong>le</strong>s et en représentationsprovincia<strong>le</strong>s. Ces sections désignaient cinq délégués à l’Assemblée Généra<strong>le</strong>, laquel<strong>le</strong> élisaitun Conseil d’Administration et un bureau. A ces structures se sont ajoutées <strong>le</strong>s <strong>org</strong>anisationssuivantes : l’Association <strong>des</strong> In<strong>du</strong>striels <strong>du</strong> Burundi (AIB), l’Association <strong>des</strong> Commerçants <strong>du</strong>Burundi (ACOBU), <strong>le</strong> Bureau Enterprise Network (BEN), l’Association <strong>des</strong> Employeurs <strong>du</strong>Burundi (AEB), l’Association <strong>des</strong> Femmes d’Affaires <strong>du</strong> Burundi (AFAB). Avec la crisecependant, ces <strong>org</strong>anisations ont vu <strong>le</strong>urs liens se distendre, à tel<strong>le</strong> enseigne que cesdifférentes associations n’étaient guère opérationnel<strong>le</strong>s sur terrain. Non seu<strong>le</strong>ment el<strong>le</strong>s nepouvaient, en qualité de groupes d’intérêt, exercer une réel<strong>le</strong> pression sur un Gouvernementaspiré par la guerre civi<strong>le</strong> et l’embargo, mais aussi el<strong>le</strong>s étaient pratiquement tombées dansune certaine léthargie au point de n’avoir d’existence que de nom pour certaines d’entre el<strong>le</strong>s.30 Nous aurions pu ajouter <strong>le</strong> cas <strong>du</strong> Burundi Business Incubator (BBIN en sig<strong>le</strong>). Seu<strong>le</strong>ment, il est encore troptôt pour en évaluer ses actions, bien qu’il soit a priori une bonne ASBL pour <strong>le</strong> <strong>renforcement</strong> <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé, sinous nous inspirons de sa philosophie d’incubation. Il s’agit en fait d’aider et d’accompagner <strong>le</strong>s jeunesentrepreneurs d’un côté et, de l’autre côté, de renforcer <strong>le</strong>s capacités <strong>des</strong> entrepreneurs déjà en action,notamment en <strong>le</strong>ur offrant <strong>des</strong> formations, un espace de travail (bureau, connexion Internet à haut débit, etc.)moyennant un paiement modique.


Bien plus, <strong>le</strong>s <strong>org</strong>anisations provincia<strong>le</strong>s s’étaient complètement effondrées et ce qui tenaitencore lieu de CCIB ne se trouvait que dans la capita<strong>le</strong> Bujumbura. Or, faut-il <strong>le</strong> rappe<strong>le</strong>r, <strong>le</strong>Burundi est un pays où plus de 90% de ses habitants vivent dans <strong>le</strong> monde rural.C’est pour pallier ce fossé qu’est intervenu <strong>le</strong> Projet ARCANE. Pendant quatre ans en effet, ila permis la restructuration <strong>des</strong> <strong>org</strong>anisations professionnel<strong>le</strong>s de la capita<strong>le</strong> aux provinces.Ainsi au sommet, l’ancienne CCIB s’est muée en une Chambre Fédéra<strong>le</strong> de Commerce etd’In<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> Burundi (CFCIB) conçue sous forme de « pyramide inversée » 31 .Source: Projet ARCANE, Rapport final, Bujumbura, janvier 2011, p.40Comme on peut <strong>le</strong> voir dans cette nouvel<strong>le</strong> structure, « <strong>le</strong>s opérateurs économiques sontregroupés en chambres sectoriel<strong>le</strong>s, par grands <strong>secteur</strong>s d’activité. Ces chambres sectoriel<strong>le</strong>s31 Pour reprendre <strong>le</strong> terme <strong>du</strong> rapport précité.


disposent d’une tota<strong>le</strong> autonomie de gestion et de désignation de <strong>le</strong>urs <strong>org</strong>anes. A ceschambres sectoriel<strong>le</strong>s sont rajoutées deux chambres transversa<strong>le</strong>s, el<strong>le</strong>s aussi indépendantes entermes de gestion et de désignation <strong>des</strong> <strong>org</strong>anes, l’une pour prendre en compte <strong>le</strong> facteurgenre, c’est-dire représenter <strong>le</strong>s femmes chefs d’entreprises et l’autre pour représenter <strong>le</strong>sentreprises ayant <strong>le</strong>ur siège dans différentes provinces <strong>du</strong> pays, Bujumbura Vil<strong>le</strong> exclue » 32 .Selon <strong>le</strong>s statuts de la CFCIB, l’assemblée généra<strong>le</strong> où toutes <strong>le</strong>s chambres sont représentéesa la latitude d’inclure autant de chambres que de besoin. A l’aide <strong>des</strong> consultants recrutéspar <strong>le</strong> Projet, de nouveaux statuts à la fois pour chaque chambre professionnel<strong>le</strong> et pour laCFCIB ont été élaborés et validés. Et pour assurer une visibilité permanente à ces<strong>org</strong>anisations professionnel<strong>le</strong>s d’un côté et <strong>le</strong>s permettre d’accéder à l’information dans <strong>le</strong>ursdomaines respectifs et par-là <strong>le</strong>s « désenclaver » de l’autre côté, un site Internet a été mis enplace.S’agissant <strong>des</strong> appuis à l’endroit <strong>des</strong> <strong>org</strong>anisations professionnel<strong>le</strong>s de province, <strong>le</strong> Projet amis en place ce qu’il a appelé « Maison <strong>des</strong> Acteurs Non Etatiques » (MANE) dans 5 pô<strong>le</strong>sprovinciaux : Cibitoke (<strong>des</strong>servant <strong>le</strong>s provinces de Cibitoke, Bubanza, et Bujumbura rural),Kayanza (<strong>des</strong>servant Kayanza et Ngozi), Muyinga (<strong>des</strong>servant Muyinga, Kirundo etCankuzo), Muramvya (<strong>des</strong>servant Muramvya, Gitega, et Mwaro) ainsi Makamba (<strong>des</strong>servantMakamba, Rutana et Bururi) 33 . La MANE consistait en un outil commun à tous <strong>le</strong>s ActeursNon Etatiques (ANE) œuvrant à l’intérieur d’un pô<strong>le</strong> provincial, <strong>le</strong>squels étaient regroupésdans une ASBL « Col<strong>le</strong>ctifs Provinciaux <strong>des</strong> Acteurs Non Etatiques »(CANE). Ce qui estintéressant pour <strong>des</strong> raisons logistiques est que <strong>le</strong>s MANE sont équipées en moyens de travailimpensab<strong>le</strong>s jusque-là : bureaux à la disposition <strong>des</strong> ANE 34 , moyens centralisés de secrétariat,une sal<strong>le</strong> de réunion et de formation pour faciliter <strong>le</strong>s rencontres, <strong>des</strong> moyens decommunication (téléphone, fax, internet, boîte posta<strong>le</strong>, etc.). Il convient de noter au passageque pour la mise en place <strong>des</strong> MANE <strong>le</strong> Projet a obtenu, auprès de l’administration, <strong>des</strong>bâtiments plus ou moins vétustes dont il faisait une réhabilitation/extension en fonction <strong>des</strong>besoins à pourvoir. Ail<strong>le</strong>urs, un bail emphytéotique (10 ans) était signé avec l’administration.32 Projet ARCANE, Rapport final, Bujumbura, janvier 2011, p.4033 Faisons remarquer qu’un certain nombre de provinces n’ont pas été couvertes tel<strong>le</strong>s Ruyigi et Karuzi. Laraison est qu’aussi longtemps que <strong>le</strong>s <strong>org</strong>anisations à la fois <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé et de la société civi<strong>le</strong> étaientconcernées au même titre et que la société civi<strong>le</strong> est perçue à tort par <strong>le</strong> pouvoir en place comme trop critique,<strong>le</strong>s responsab<strong>le</strong>s politico-administratifs de ces provinces n’ont pas adhéré à la philosophie <strong>du</strong> Projet ARCANE.34 Sig<strong>le</strong> signifiant « Acteurs Non Etatique ».


Un autre rô<strong>le</strong> consiste à apporterdocumentation (une petite bibliothèque) 35 .autant d’informations que possib<strong>le</strong> sous forme dePour rendre opérationnel<strong>le</strong>s ces structures (MANE et CANE) et de permettre aux acteurs<strong>des</strong>tinataires de s’en approprier, <strong>le</strong> Projet ARCANE a formé <strong>le</strong>s responsab<strong>le</strong>s <strong>des</strong> MANE etCANE d’un côté et mené une série d’ateliers d’explication <strong>des</strong> actions <strong>du</strong> Projet. S’agissantde la formation <strong>des</strong> responsab<strong>le</strong>s <strong>des</strong> MANE et CANE, el<strong>le</strong> portait sur <strong>le</strong>s principes soustendant,sous <strong>le</strong> plan technique, <strong>le</strong>s activités quotidiennes <strong>des</strong> opérateurs modernes. Aussi <strong>le</strong>smo<strong>du</strong><strong>le</strong>s suivants ont-ils fait l’objet de la formation, chacun cinq jours <strong>du</strong>rant : « Le Pland’affaire de la MANE et gestion comptab<strong>le</strong> et financière basée sur <strong>le</strong> cas pratique <strong>des</strong> appuisaccordés par <strong>le</strong> projet au fonctionnement <strong>des</strong> MANE », « Elaboration d’un plan stratégiquede la MANE », « Les règ<strong>le</strong>s de la vie associative et <strong>le</strong> réseautage », « Comment répondre à unDossier d’Appel à Proposition de l’UE (Union Européenne).Quant à la campagne de publicité <strong>des</strong> MANE et CANE, <strong>des</strong> ateliers d’explication et <strong>des</strong>ensibilisation ont été menés dans <strong>le</strong>s cinq pô<strong>le</strong>s régionaux abritant <strong>le</strong>s MANE où étaientinvités non seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s opérateurs économiques, <strong>le</strong>s associations diverses et variées, <strong>le</strong>sautorités politico-administratives aux échelons communaux et provinciaux, <strong>des</strong> ONG œuvrantdans <strong>le</strong>sdits pô<strong>le</strong>s d’intervention <strong>du</strong> Projet. A travers <strong>des</strong> débats nourris <strong>des</strong> différentes partiesprenantes, <strong>le</strong>s <strong>org</strong>anisateurs faisaient tout pour mettre <strong>le</strong> doigt sur <strong>le</strong> nerf sensib<strong>le</strong>, c’est-à-direla pérennité de la « philosophie MANE » et la synergie appelée à sous-tendre l’actioncommune entre ces <strong>org</strong>anisations professionnel<strong>le</strong>s de province et cel<strong>le</strong>s œuvrant dans lacapita<strong>le</strong> Bujumbura afin de « hui<strong>le</strong>r » la structure CFCIB vue plus haut.III. Quel regard évaluatif <strong>du</strong> <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé burundais ?Comme toute action publique, <strong>le</strong> « <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités » que s’est assigné <strong>le</strong> ProjetARCANE ne peut qu’avoir <strong>des</strong> hauts et <strong>des</strong> bas. Aussi convient-il d’explorer sa portée entermes d’actions réussies d’une part, et de déce<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s limites auxquel<strong>le</strong>s il s’est confrontémalgré lui d’autre part.III.1. Portée <strong>des</strong> actions de <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé35 Projet ARCANE, op. cit. 23


S’il est vrai que <strong>le</strong> <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités de toute structure ne peut s’évaluer que dans <strong>le</strong>long terme dans la mesure où, même porteurs, <strong>le</strong>s appuis prennent <strong>le</strong> temps d’incuber lapro<strong>du</strong>ction <strong>des</strong> résultats projetés, il convient de jeter un regard sur <strong>le</strong> processus enc<strong>le</strong>nché par<strong>le</strong> Projet ARCANE à l’égard <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé. Ce processus de <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacitéspeut s’analyser en deux temps : au niveau <strong>des</strong> pô<strong>le</strong>s provinciaux d’une part et au niveau de laCFCIB d’autre part.S’agissant <strong>des</strong> acteurs <strong>des</strong> MANE et <strong>des</strong> CANE, il convient de dire que <strong>le</strong> seul fait de sereconnecter avec la structure faîtière basée/œuvrant dans la capita<strong>le</strong> Bujumbura fait que <strong>le</strong>urspréoccupations communes aient l’opportunité de porter plus loin. A titre d’exemp<strong>le</strong>, on sesouvient de nombreuses barrières policières érigées sur <strong>le</strong>s axes routières et ce à traverspratiquement toutes <strong>le</strong>s provinces <strong>du</strong> pays. Face à la petite corruption à laquel<strong>le</strong> étaientconfrontés <strong>le</strong>s opérateurs économiques dont <strong>le</strong>s véhicu<strong>le</strong>s devaient sans cesse traverser, cesacteurs ont pu dénoncer, à travers <strong>des</strong> structures léga<strong>le</strong>ment reconnues, pareil<strong>le</strong>s entraves 36 . Etsi ce phénomène de corruption est loin d’avoir disparu, <strong>le</strong>s pouvoirs publics en ont quandmême ré<strong>du</strong>it l’amp<strong>le</strong>ur. Dans cette perspective, <strong>le</strong>s autorités politico-administratives <strong>des</strong>provinces et <strong>des</strong> communes savent que pour tout problème non résolu au niveau local <strong>le</strong>s<strong>org</strong>anisations professionnel<strong>le</strong>s œuvrant en province peuvent toujours passer par <strong>le</strong> canal de laCFCIB pour faire entendre <strong>le</strong>ur voix auprès <strong>du</strong> Gouvernement, el<strong>le</strong>s sont enclines sinon àfaciliter <strong>le</strong>ur travail <strong>du</strong> moins à ne pas <strong>le</strong>s importuner outre mesure.Bien plus, <strong>le</strong>s formations dispensées à travers <strong>le</strong>s MANE ont quand même servi un certainnombre d’opérateurs économiques. Selon un acteur œuvrant dans la construction <strong>des</strong>infrastructures socio-économiques tel<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s pistes routières, <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s, etc., la confection <strong>des</strong>dossiers d’appel d’offre ne pose plus de problème. De même, <strong>le</strong>s intimidations dont <strong>le</strong>s petitsacteurs <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé faisaient inuti<strong>le</strong>ment l’objet de la part <strong>des</strong> autorités politicoadministrativesse sont décantées petit à petit dès lors que <strong>le</strong>s échanges entre opérateurs ontpermis une ouverture sur <strong>le</strong>s droits <strong>des</strong> uns et <strong>des</strong> autres. La connaissance <strong>des</strong> droits et <strong>des</strong>obligations ne constitue pas moins une arme. Et pour cause, lors <strong>des</strong> ateliers de disséminationoù participaient différentes parties prenantes y compris l’administration dans ses différentesbranches, <strong>le</strong>s échanges sur la ligne de démarcation entre <strong>le</strong>s droits et <strong>le</strong>s obligations de divers<strong>secteur</strong>s de la société n’avaient pas moins attiré l’attention.36 De l’avis d’un opérateur économique de Makamba.


Quant à la CFCIB, il convient de mentionner qu’avec la restructuration <strong>des</strong> entreprises, el<strong>le</strong> apu avoir <strong>des</strong> échanges réguliers avec <strong>le</strong> Gouvernement, ce qui correspondait par ail<strong>le</strong>urs à lavolonté de ce dernier en faveur de l’amélioration <strong>du</strong> climat <strong>des</strong> affaires. C’est ainsi qu’àtravers l’Agence pour la Promotion de l’Investissement(API) par exemp<strong>le</strong> <strong>le</strong> Gouvernement afini par accorder un certain nombre de facilités aux entreprises. Appliquant <strong>le</strong>s outils tels <strong>le</strong>nouveau Code <strong>des</strong> investissements, l’API commence à se montrer uti<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s entreprises engénéral et pour <strong>le</strong>s entreprises important <strong>le</strong>s biens d’investissement (équipement et matièrespremières) en particulier. Ainsi après analyse de la demande d’avantages par <strong>des</strong> entreprises,el<strong>le</strong> octroie un certificat d’éligibilité sur <strong>le</strong>s va<strong>le</strong>urs estimées. Selon une étude menée par <strong>le</strong>Programme PRIME-BURUNDI en effet, «Actuel<strong>le</strong>ment, plus de 70 projets ont été acceptésdont 50 d’entre eux qui étaient en attente au démarrage de l’API [en octobre 2009]. Le tempsde réponse a été fortement ré<strong>du</strong>it quand on sait que l’approbation <strong>des</strong> projets aux avantages <strong>du</strong>Code <strong>des</strong> investissements <strong>du</strong>rait en moyenne 18 mois. Il importe de noter que pour bénéficier<strong>des</strong> avantages de l’API, il faut que <strong>le</strong>s investissements soient d’un montant minimal de 100millions à Bujumbura et de 50 millions à l’intérieur <strong>du</strong> pays et que la future entreprise puisseêtre créatrice d’au moins 10 emplois à Bujumbura et 5 emplois à l’intérieur <strong>du</strong> pays. Tousceux qui ont un certificat d’éligibilité payent 0,5% <strong>du</strong> montant <strong>des</strong> biens amortissab<strong>le</strong>s pour<strong>le</strong>squels ils ont été exonérés. Pour <strong>le</strong>s investissements de plus de 5 milliards de FBu, ils paient0,25% » 37 .En définitive, il convient de dire que bien qu’il soit encore relativement tôt pour esquisser unecertaine évaluation <strong>des</strong> actions menées par la CFCIB en qualité de groupe d’intérêt au regardde quelque deux ans de fonctionnement de l’API, il est clair que <strong>le</strong> pas déjà franchi est certesmo<strong>des</strong>te, mais qu’il se mène dans la bonne direction. Aussi faut-il que <strong>le</strong>s différenteschambres soient suffisamment aguerries pour revendiquer <strong>le</strong>urs droits d’une part, et que <strong>le</strong>Gouvernement soit conscient que sans interlocuteurs valab<strong>le</strong>s au sein <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé, <strong>le</strong>développement économique <strong>du</strong> pays demeurera impensab<strong>le</strong>.III. 2. Limites <strong>du</strong> processus de <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé37 MINISTERE DU PLAN ET DU DEVELOPPEMENT COMMUNAL/PRIME-BURUNDI, Etude sur l’état<strong>des</strong> lieux <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé au Burundi, Bujumbura, avril 2011, p.30.


Comme toute action politique de grande envergure et ce en dépit de la bonne volonté <strong>des</strong>acteurs <strong>du</strong> Projet ARCANE, <strong>le</strong> <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé ne pouvait sedérou<strong>le</strong>r comme projeté ex ante, tel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s impondérab<strong>le</strong>s ont jalonné son processus. Aussis’expliquent-el<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s limites qu’a connues l’action fort engagée de l’ARCANE. Pour démê<strong>le</strong>rl’écheveau, nous allons montrer, à titre d’illustration, ces limites en deux directions.i) Des actions conçues en amont <strong>du</strong> terrain de mise en œuvre : Comme l’a bien montré Jean-Davide NAUDET 38 sur <strong>le</strong> Sahel, il est diffici<strong>le</strong> de réussir une action conçue en amont <strong>du</strong>terrain de mise en œuvre. La raison est qu’au lieu de répondre à <strong>des</strong> problèmes au fur et àmesure qu’ils se posent, auquel cas ce sont <strong>le</strong>s acteurs <strong>du</strong> terrain en question qui perçoiventces contraintes et esquissent par conséquent <strong>des</strong> solutions à <strong>le</strong>urs yeux pertinentes d’un côtéet à la portée de <strong>le</strong>urs moyens de l’autre côté (quitte à <strong>le</strong>s ajuster, chemin faisant, à la réalité<strong>des</strong> faits), ce sont <strong>le</strong>s solutions en poche auxquel<strong>le</strong>s on trouve <strong>des</strong> problèmes correspondantssur <strong>le</strong> terrain de mise en œuvre. Du coup <strong>le</strong> processus est inversé puisque l’on impute <strong>des</strong>problèmes et <strong>des</strong> solutions à <strong>des</strong> acteurs qui n’en sentent pas jusque-là l’acuité. Notons avecDeborah STONE 39 qu’il ne suffit pas qu’une situation soit mauvaise pour que <strong>le</strong>s acteurs quila vivent la considèrent comme un « problème à résoudre » puisqu’ils peuvent par exemp<strong>le</strong> serésigner en l’acceptant comme el<strong>le</strong> est. Ce n’est en réalité que lorsque <strong>le</strong>s acteurs <strong>du</strong> terrainperçoivent un écart entre ce qui est et ce qui devrait/pourrait être que commence unprocessus de problématisation de l’enjeu 40 . Autrement dit, aussi longtemps que ce processusde besoins/problèmes-solutions n’est pas mené au sein de la société el<strong>le</strong>-même, il y a de forteschances sinon de pro<strong>du</strong>ire <strong>des</strong> effets pervers <strong>du</strong> moins de connaître certaines limites.Il en va de même avec <strong>le</strong> projet ARCANE mutatis mutandis. Quelques exemp<strong>le</strong>s tirés à la foisà la base (province) et au sommet (capita<strong>le</strong> Bujumbura) suffisent pour étayer cette analyse.On se souvient que la couverture <strong>du</strong> projet ARCANE présentait <strong>des</strong> « trous noirs » sur <strong>le</strong>territoire national, notamment en provinces Ruyigi et Karuzi. Il convient de faire remarquerqu’au départ, <strong>le</strong>s provinces qui avaient été sé<strong>le</strong>ctionnées pour abriter <strong>le</strong>s MANE étaientCibitoke (pour la simp<strong>le</strong> raison qu’el<strong>le</strong> est éloignée de Bujumbura et donc ne pouvait38 NAUDET (Jean-Davide-D), Trouver <strong>des</strong> problèmes aux solutions. Vingt ans d’aide au Sahel. Paris, Editionsde l’OCDE, 1999.39 STONE (D.), « Causal Stories and the formation of Policy Agendas », in Political Science Quarterly, Vol.104,No 2 (Summer, 1989), pp.281-30040 PADIOLEAU (J-G.), L’Etat au concret, Paris, PUF, 1982, p.25


concurrencer <strong>le</strong>s <strong>org</strong>anisations professionnel<strong>le</strong>s déjà implantées dans la capita<strong>le</strong>), Ruyigi(parce que zone défavorisée <strong>du</strong> Burundi), Gitega (deuxième vil<strong>le</strong> <strong>du</strong> pays, avec une sociétécivi<strong>le</strong> et un <strong>secteur</strong> privé assez dynamiques), Kirundo (avec possibilité de collaborer avec unprojet de la Coopération Technique Belge opérant sur place) ainsi que Makamba (avec sonnœud routier dans <strong>le</strong> sud d’une part, et avec <strong>le</strong> dynamisme de son <strong>secteur</strong> privé d’autre part) 41 .Mais <strong>le</strong>s autorités politico-administratives de certaines provinces se sont opposées àl’implantation <strong>des</strong> MANE arguant que l’administration ne saurait appuyer <strong>le</strong>s acteurs nonétatiques qu’el<strong>le</strong> considère comme <strong>des</strong> opposants au pouvoir en place ou prétextant qu’el<strong>le</strong>n’a pas de locaux à mettre à la disposition <strong>du</strong> Projet 42 . Cela a été <strong>le</strong> cas pour <strong>le</strong>s autorités <strong>des</strong>provinces de Ruyigi, de Gitega et de Kirundo. C’est ainsi que <strong>le</strong> Projet a dû chercher d’autresprovinces d’implantation à savoir Kayanza, Muyinga, Muramvya (en plus de Makamba etCibitoke déjà ciblées).Le moins que l’on puisse dire est qu’il s’agissait d’un indicateur de tail<strong>le</strong>. Les actionsproposées par <strong>le</strong> Projet ARCANE ne constituaient pas <strong>des</strong> solutions aux problèmes <strong>des</strong>autorités à la base. Non plus el<strong>le</strong>s ne pouvaient correspondre aux « besoins » perçus etexprimés par <strong>des</strong> opérateurs économiques/entreprises <strong>des</strong> provinces pour la simp<strong>le</strong> raisonqu’ « il n’y a de besoins que lorsque <strong>le</strong> système en a besoin », pour faire nôtre l’analyse deJean BAUDRILLARD 43 . Et s’il est vrai qu’une fois proposées, ces actions-là ont fait l’objetd’adhésion plus ou moins massive, il n’en demeure pas moins que la perception que certainsacteurs vont s’en faire sera différente de cel<strong>le</strong> qu’avait <strong>le</strong> Projet. A titre d’exemp<strong>le</strong>, <strong>le</strong>smembres <strong>des</strong> CANE étaient trop attentistes croyant que <strong>le</strong>s assistants techniques allaientdevenir une sorte de directeurs provinciaux <strong>des</strong> MANE à l’instar <strong>des</strong> directeurs provinciauxdans divers <strong>secteur</strong>s d’activité tels la santé, l’agriculture, l’é<strong>du</strong>cation, etc. De même, <strong>le</strong>sparticipants aux différents ateliers croyaient qu’ils allaient rentrer avec <strong>des</strong> perdiemsubstantiels, selon l’habitude fort critiquab<strong>le</strong> qui s’est installée au cours de la crise, selonlaquel<strong>le</strong> la participation équivaut une « rémunération ». Dans cette perspective, il n’est pas sifaci<strong>le</strong> d’attendre une réappropriation aisée <strong>du</strong> processus de <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités.41 Projet ARCANE, Rapport final, op.cit. p.2442 Ibidem, p.2543 Baudrillard (Jean), La société de consommation, Paris, Ed. Gallimard, 1970


Dans <strong>le</strong> même ordre d’idées et cette fois-ci au sommet de la structure faîtière qu’est la CFCIB,il convient de mentionner que <strong>le</strong>s actions <strong>du</strong> Projet ARCANE n’ont pas toujours rencontré unaccueil favorab<strong>le</strong>. Ainsi lors de l’élaboration de nouveaux statuts de la Chambre Fédéra<strong>le</strong> deCommerce et d’In<strong>du</strong>strie <strong>du</strong> Burundi, une certaine résistance de la part de la présidence del’ancienne CCIB s’est fait sentir. Comme on peut <strong>le</strong> lire dans <strong>le</strong> rapport précité en effet,« Cette deuxième phase [d’élaboration de nouveaux statuts de la CFCIB] a été menée ens’appuyant sur la même équipe de consultants et un comité formé de représentants de chacune<strong>des</strong> <strong>org</strong>anisations précédemment citées [CCIB, AFAB, AIB, ACOBU et BEN]. Le Ministère<strong>du</strong> Commerce s’est alors fortement impliqué dans <strong>le</strong> processus de réforme, un <strong>des</strong> conseil<strong>le</strong>rsdirects de la Ministre assurant la présidence <strong>du</strong>dit comité. Le projet de statut a été finaliséseu<strong>le</strong>ment en juil<strong>le</strong>t 2008 mais dès cette période, il est apparu que la présidence de la CCIBprésentait une grande résistance à al<strong>le</strong>r de l’avant. Seu<strong>le</strong> une forte pression exercée par laMinistre <strong>du</strong> Commerce et appuyée par <strong>le</strong>s partenaires Techniques et Financiers impliquésdans <strong>le</strong> <strong>secteur</strong>(UE, BM, USAID), a alors permis de débloquer la situation » 44 .Bien plus, on se souvient que certaines propositions de lois confectionnées avec l’appui <strong>du</strong>Projet ARCANE se révélaient soit une sorte de <strong>du</strong>plication de cel<strong>le</strong>s déjà engagées dans <strong>le</strong>processus d’agrément et ce avec <strong>le</strong> financement d’autres bail<strong>le</strong>urs de fonds, soit enconcurrence avec d’autres projets de loi pour la simp<strong>le</strong> raison qu’une certaine divergence auniveau définitionnel existait. L’avant-projet de loi sur <strong>le</strong>s coopératives peut nous servird’exemp<strong>le</strong> : ayant été élaboré à travers toute une série de consultations avec <strong>le</strong>s acteurs nonétatiques, un projet de texte de loi a été bloqué par <strong>le</strong> Service National de Législation dans lamesure où une autre proposition de loi financée par un projet de la Banque mondia<strong>le</strong> ( <strong>le</strong>Programme d’Appui à la Gestion Economique, PAGE ) était déjà dans <strong>le</strong> circuit, et ce à unstade avancé : « Nous[ARCANE] avons informé <strong>le</strong> Ministère de la Décentralisation et <strong>du</strong>Développement Communal, ministère en charge <strong>des</strong> coopératives, que <strong>le</strong>s coopérativescorrespondent à <strong>des</strong> structures particulières et à un public différent de celui <strong>des</strong> sociétéspubliques et privées. Ce Ministère partage p<strong>le</strong>inement <strong>le</strong>s arguments qui ont été donnés maispour l’instant toute validation <strong>du</strong> projet de loi reste bloquée » 45 .44 Projet ARCANE, Rapport final, op.cit. p.3945 Ibidem, p.35


Bref, faute de « cadre de référence » ou « stratégie nationa<strong>le</strong> » de <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités<strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé, <strong>le</strong>quel ou laquel<strong>le</strong> s’inspire de réels besoins perçus et exprimés par <strong>le</strong>s<strong>des</strong>tinataires in fine, <strong>le</strong>s actions de <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités ne peuvent que rencontrer <strong>des</strong>résistances et/ou faire l’objet de concurrence avec <strong>des</strong> actions entreprises par d’autrespartenaires. Le seul fait pour <strong>le</strong>s autorités politico-administratives d’une province donnée derefuser l’installation d’une MANE ou d’une autorité de la CCIB de s’avérer peu coopératricemontre à suffisance que <strong>le</strong>s besoins en <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités ne s’inscrivaient guère dans<strong>le</strong>urs priorités. Qui plus est, la simp<strong>le</strong> représentation <strong>des</strong> acteurs non étatiques comme <strong>le</strong>cheval de Troie de l’opposition est un autre indicateur de l’absence de « besoin » (dans <strong>le</strong> sensde Jean Baudrillard) en <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités sur <strong>le</strong> plan sociétal, c’est-à-dire au niveaude la société dans son ensemb<strong>le</strong>.


ii) Un écueil de tail<strong>le</strong> au <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités : la corruption. Sans ré<strong>du</strong>ire (fauted’éradiquer) la corruption gangrenant la société, point de salut en <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités<strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé. Dans la mission qui était la sienne, <strong>le</strong> Projet ARCANE a essayé d’armer <strong>le</strong>s<strong>org</strong>anisations professionnel<strong>le</strong>s en savoirs multiformes pour en faire de véritab<strong>le</strong>s groupesd’intérêt en mesure de jouer <strong>le</strong>ur rô<strong>le</strong> de groupe de pression vis-à-vis <strong>du</strong> Gouvernement d’unepart, et de pouvoir soumettre <strong>le</strong>urs projets aux différents partenaires techniques et financierset de participer à <strong>des</strong> marchés de l’autre part. Mais <strong>le</strong> Projet ARCANE ne pouvait rien fairecontre la corruption endémique qui biaise pareils processus. Pour ne prendre l’exemp<strong>le</strong> <strong>des</strong>marchés publics, il suffit de lire <strong>le</strong>s résultats de l’enquête commanditée par <strong>le</strong> Ministère encharge de la bonne gouvernance : « <strong>le</strong>s principaux usagers de ce service public [la passation<strong>des</strong> marchés] sont <strong>le</strong>s entreprises et dans une certaine mesure <strong>le</strong>s <strong>org</strong>anisations nongouvernementa<strong>le</strong>s qui cherchent <strong>des</strong> contrats de marchés publics. (…) 16% <strong>des</strong> entreprisescontre 12% <strong>des</strong> <strong>org</strong>anisations non gouvernementa<strong>le</strong>s ont assuré <strong>des</strong> prestations ou <strong>des</strong> ventespour <strong>le</strong> compte de l’Etat au cours <strong>des</strong> trois dernières années. Le montant total <strong>des</strong> marchéspublics représente en moyenne respectivement 25% et 21% <strong>du</strong> chiffre d’affaires de chacun deces prestataires. (…) Dans <strong>le</strong>ur grande majorité, ils indiquent que <strong>le</strong> processus dépend <strong>des</strong>paiements de pots-de-vin (respectivement 60% <strong>des</strong> entreprises et 65% <strong>des</strong> ONG) et <strong>des</strong>contacts personnels avec <strong>des</strong> membres <strong>du</strong> gouvernement (54%, 53%)» 46 . Dans un climat aussicorrompu, on ne peut que craindre que même <strong>le</strong> processus de privatisation <strong>des</strong> entreprisespubliques 47 soit biaisé, surtout que la transparence 48 est loin d’être <strong>le</strong> point fort del’administration burundaise.Au total, <strong>le</strong> processus de <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé se heurte à <strong>des</strong>contraintes sur <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s <strong>le</strong> Projet ARCANE n’a pas de mise. Aussi <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong> processusproblèmes-solutions soit inversé ou que <strong>le</strong>s actions fort bien intentionnées en direction <strong>du</strong>46REPUBLIQUE DU BURUNDI/MINISTERE A PRESIDENCE CHARGE DE LA BONNEGOUVERNANCE, DE LA PRIVATISATION, DE L’INSPECTION GENERALE DE L’ETAT ET DEL’ADMINISTRATION LOCALE, Etude diagnostique sur la gouvernance…, op. cit. p.5447 Sur <strong>le</strong> chronogramme établi par <strong>le</strong> Service Chargé <strong>des</strong> Entreprises Publiques (SCEP) de 2007 à 2010, devaientêtre privatisées <strong>le</strong>s entreprises suivantes : OCIBU, OTB, Air Burundi, SOSUMO, EPB, SOCABU, UPB, UCAR,NOVOTEL, COGERCO, ONATEL, REGIDESO et COTEBU.48 Pour de plus de détails, je me permets de renvoyer à mon artic<strong>le</strong> : SENTAMBA (<strong>Elias</strong>), « L’Etat burundaisdans l’EAC : assez modernisé pour tirer profit de la Communauté ? », in Revue de l’Institut de DéveloppementEconomique (RIDEC), Vol.3 N° 6, pp.1-37


<strong>secteur</strong> privé soient entravées par une corruption endémique constitue-il un écueil qui dépassela marge de manœuvre de tout partenaire technique et financier, quel<strong>le</strong> que soit sa bonnevolonté. Or, c’est précisément cela qui empêche la réussite <strong>du</strong> <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités,notamment dans ses dimensions <strong>org</strong>anisationnel<strong>le</strong>, interactive (entre plusieurs <strong>org</strong>anisations)et sociéta<strong>le</strong> (société dans son ensemb<strong>le</strong>). Et puis sans une véritab<strong>le</strong> démocratie, même lapression d’une entreprise, d’une chambre, de la CFCIB, etc. demeure hypothétique.


ConclusionCe travail nous aura appris que <strong>le</strong> « <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités» est un paradigme fortdiffici<strong>le</strong> à mettre en œuvre dans la mesure où il doit toucher autant de dimensions quepossib<strong>le</strong>s et ce en fonction <strong>du</strong> contexte et <strong>des</strong> besoins perçus et exprimés par <strong>le</strong>s <strong>des</strong>tinatairesvariés de l’institution bénéficiaire. Contrairement à ce que <strong>le</strong> sens commun en est venu à faireaccroire en effet, il ne suffit pas, pour <strong>renforcement</strong> <strong>le</strong>s capacités d’une institutionquelconque, de former ses ressources humaines avec <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>urs experts <strong>du</strong> monde à basede mo<strong>du</strong><strong>le</strong>s inspirés par <strong>le</strong>s meil<strong>le</strong>ures théories, de lui donner <strong>des</strong> infrastructures copiées surcel<strong>le</strong>s <strong>des</strong> pays in<strong>du</strong>striel<strong>le</strong>ment développés, <strong>des</strong> moyens financiers à profusion, <strong>des</strong> moyenslogistiques tels <strong>des</strong> véhicu<strong>le</strong>s tout terrain dernier cri, <strong>des</strong> ordinateurs potentiel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s plusperformants, etc. Le <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités va au-delà <strong>des</strong> moyens pédagogiques etmatériels, <strong>le</strong>squels ne constituent en réalité que quelques éléments de tout un puzz<strong>le</strong>.Comme on l’a vu en effet dans la partie définitionnel<strong>le</strong> de cet artic<strong>le</strong>, <strong>le</strong> noyau <strong>du</strong>r <strong>du</strong><strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités se trouve non seu<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong>s actions posées/à poser mais aussiet surtout dans l’articulation de ces dernières :*en direction <strong>des</strong> indivi<strong>du</strong>s (formation initia<strong>le</strong> et en cours d’emploi certes, mais formation enfonction <strong>des</strong> besoins variés et <strong>du</strong> contexte socio-économique et non une formation pourformation). Encore faut-il que ces indivi<strong>du</strong>s-là soient intéressés/motivés par davantage cequ’ils en tirent d’uti<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>ur vie active que <strong>le</strong> seul diplôme /certificat à brandir pour luimême.*en direction de l’<strong>org</strong>anisation : en plus de la formation de ses ressources humaines enfonction <strong>des</strong> degrés de complémentarité, <strong>des</strong> moyens potentiel<strong>le</strong>ment à la portée del’<strong>org</strong>anisation en question d’une part et indispensab<strong>le</strong>s à sa meil<strong>le</strong>ure performance d’autre partsont nécessaires. Encore faut-il que <strong>le</strong>s différentes <strong>org</strong>anisations fonctionnent en synergie demanière à constituer <strong>des</strong> rouages d’une même « machine sociéta<strong>le</strong> », mais <strong>des</strong> « rouages »contingents qui fonctionnent de façon dynamique pour répondre aux problèmes au fur et àmesure qu’ils se posent.*en direction de la société dans son ensemb<strong>le</strong> : l’interaction <strong>des</strong> différents indivi<strong>du</strong>s-citoyensselon <strong>des</strong> règ<strong>le</strong>s connues d’avance/convenues pour tout <strong>le</strong> monde (ce qui a pour autre noml’ « Etat de droit ») d’une part, et l’interaction <strong>des</strong> différentes <strong>org</strong>anisations sur base


consensuel<strong>le</strong> (cel<strong>le</strong>s <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> public, cel<strong>le</strong>s <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé, cel<strong>le</strong>s de la société civi<strong>le</strong>,interaction qui a pour autre nom « bonne gouvernance ») d’autre part, finit par pro<strong>du</strong>ire,chemin faisant, <strong>des</strong> capacités permettant à la société d’affronter <strong>le</strong>s défis qui jalonnentnécessairement son parcours socio-historique.Ce fil rouge posé et pour revenir à la louab<strong>le</strong> action con<strong>du</strong>ite par <strong>le</strong> Projet ARCANE et cel<strong>le</strong>smenées ou susceptib<strong>le</strong>s d’être apportées par d’autres bail<strong>le</strong>urs de fonds, on comprend que <strong>le</strong>« <strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités » constitue un projet de longue ha<strong>le</strong>ine. Il requiert un profonddiagnostic de l’institution/société pour déce<strong>le</strong>r et prioriser <strong>le</strong>s besoins et ce par <strong>le</strong>sbénéficiaires eux-mêmes, faute de quoi on va vite en besogne et par conséquent on fait faussepiste. Delà on construit une sorte de canevas où seront agencées <strong>le</strong>s actions qu’apporteront<strong>le</strong>s différents partenaires techniques et financiers, non pas en substitution aux actions <strong>des</strong>bénéficiaires mais comme un « coup de main » pour appuyer un processus déjà en cours etdonc soutenu par une ferme volonté et une vision claire servant de « feuil<strong>le</strong> de route ». Nouscroyons que c’est ce chaînon qui a manqué et qui manifestement fait encore défaut dans <strong>le</strong><strong>secteur</strong> privé burundais. Sinon quels que soient <strong>le</strong>s appuis, ils viendraient comb<strong>le</strong>r un besoinen termes de complémentarité plutôt que se disperser ou faire preuve de <strong>du</strong>plication. Cela dit,<strong>le</strong>s actions <strong>du</strong> Projet ARCANE auront opéré un bon pas dans la bonne direction, la bal<strong>le</strong> étantd’abord et avant tout dans <strong>le</strong> camp <strong>des</strong> opérateurs économiques, <strong>des</strong> PME et <strong>des</strong> « gran<strong>des</strong>entreprises », <strong>des</strong> différentes <strong>org</strong>anisations professionnel<strong>le</strong>s, de la CFCIB, <strong>du</strong> Gouvernementburundais.


Bibliographie1. OuvragesBAUDRILLARD (J.), La société de consommation, Paris,Ed. Gallimard, 1970BAYART (J-F.) dir. La réinvention <strong>du</strong> capitalisme, Paris, Ed. Karthala, 1993CORM (G.), Le Nouveau Désordre économique mondial, Paris, La découverte, 1993CORNIA (G-A), JOLLY(R.) et STEWART (F.), L’ajustement à visage humain. Protéger <strong>le</strong>sgroupes vulnérab<strong>le</strong>s et favoriser la croissance, Paris, Ed. Economica/UNICEF, 1987DURKHEIM(E.) Les règ<strong>le</strong>s de la méthode sociologique. Paris, Quadrige/PUF 9 ème Edition,1997.EADE (D.), Capacity-Building. An Approach to Peop<strong>le</strong> Centred Development, Oxfam (UKand Ireland), 1997GUICHAOUA (A.), dir. Exilés, réfugiés, déplacés en Afrique centra<strong>le</strong> et orienta<strong>le</strong>, Paris, Ed.Karthala, 2004LASCOUMES(P.), L’éco-pouvoir. Environnement et politique, Paris, Ed. La découverte,1994, pp.193-265LATOUCHE (S.), La Mégamachine : Raison technoscientifique, raison économique et mythe<strong>du</strong> progrès, Paris, Ed. La Découverte, 1995NAUDET (J-D), Trouver <strong>des</strong> problèmes aux solutions. Vingt ans d’aide au Sahel, Paris,Editions de l’OCDE, 1999.PADIOLEAU (J-G), L’Etat au concret, Paris, PUF, 1982RIST (G.), Le développement. Histoire d’une croyance occidenta<strong>le</strong>, Paris, Presses de SciencePo, 20072. Artic<strong>le</strong>s et thèseLATOUCHE(S.) « Développement <strong>du</strong>rab<strong>le</strong>: un concept alibi. Main invisib<strong>le</strong> et mainmise surla nature » in Revue Tiers-Monde, n°137, Vol. XXXV, janvier-mars 1994SACHS (I.) « Le développement reconsidéré : quelques réf<strong>le</strong>xions inspirées par <strong>le</strong> Sommetde la terre » in Revue <strong>du</strong> Tiers-Monde, n° 137, Vol. XXXV, janvier-mars 1994SENTAMBA (E.), « L’Etat burundais dans l’EAC : assez modernisé pour tirer profit de laCommunauté ? », in Revue de l’Institut de Développement Economique (RIDEC), Vol.3 N° 6SENTAMBA (E.), Représentations, Pouvoirs et Développement local. Analyse critique d’une


politique publique : <strong>le</strong> projet agro-sylvo-pastoral de la province de Rutana (BURUNDI) »,Thèse de Doctorat en Science politique, UPPA, 2001.STONE (D.), « Causal Stories and the formation of Policy Agendas », in Political ScienceQuarterly, Vol.104, No 2 (summer, 1989)3. Documents diversCAPES, Politique Nationa<strong>le</strong> de Renforcement <strong>des</strong> Capacités au Burkina Faso (PNRC, 2009-2019), Ouagadougou, 2009DEWAELE (A.), Note de synthèse <strong>du</strong> mo<strong>du</strong><strong>le</strong> de formation : « Accompagner un processus de<strong>renforcement</strong> <strong>des</strong> capacités avec un partenaire », Sessions de formation <strong>des</strong> 7-8-9 février2007, <strong>des</strong> 14-15-16 mars 2007 et <strong>des</strong> 17-18-19 mars 2009INSTITUT DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE (IDEC), L’Economie burundaise.Performance de 2009 et perspectives, Bujumbura, 2010.MINISTERE DU PLAN ET DU DEVELOPPEMENT COMMUNAL/PRIME-BURUNDI,Etude sur l’état <strong>des</strong> lieux <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé au Burundi. Rapport pré-final, Bujumbura, avril2011MINISTERE DU PLAN ET DU DEVELOPPEMENT COMMUNAL/PRIME-BURUNDI,Etude sur l’état <strong>des</strong> lieux <strong>du</strong> <strong>secteur</strong> privé au Burundi, Bujumbura, avril 2011PROJET ARCANE, Rapport final, Bujumbura, janvier 2011REPUBLIQUE DU BURUNDI/MINISTERE A PRESIDENCE CHARGE DE LA BONNEGOUVERNANCE, DE LA PRIVATISATION, DE L’INSPECTION GENERALE DEL’ETAT ET DE L’ADMINISTRATION LOCALE, Etude diagnostique sur la gouvernance etla corruption au Burundi. Rapport d’enquête, Bujumbura, mai 2008.SENTAMBA (E.), Etude sur la gouvernance au Burundi, Bujumbura, FORSC, mai 2005

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