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14 Débat MGEN - Seine-Saint-Denis Mai 2010 La Sécu : un déficit qui nuit à la santé Le 25 novembre dernier se tenait à la section de Bondy un débat consacré à l’avenir de notre protection sociale. Face à une centaine de personnes, parmi lesquelles des représentants de mutuelles, de la CPAM, de la mairie de Bondy, de l’Inspection Académique, de l’IUFM, de l’université Paris 13, de la CASDEN, et en partenariat avec le magazine Sciences Humaines, deux intervenants de choix ont fait assaut d’éloquence : Jean-Michel Laxalt, président de la MGEN (1999-2009) et Frédéric Pierru, sociologue, chargé de recherches au CNRS. L es deux intervenants ont été d’emblée d’accord pour dénoncer les lieux communs du débat autour de la protection sociale en France et plus particulièrement de l’assurance maladie. Un débat qui tourne depuis plusieurs années autour du déficit de la Sécurité sociale, le fameux « trou », que l’on promet de résorber… en 2021 ! Il faut parler de la Sécu ! J.-M. Laxalt et F. Pierru ont souligné à tour de rôle que le débat devait être placé sur le terrain du social et du politique. Issue du programme du Conseil National de la Résistance adopté en mars 1944, la Sécurité sociale a été conçue comme un programme social, basé sur la solidarité intergénérationnelle, qui a marqué profondément la société et a transformé le rapport à la vie, à la mort, à la médecine, à la retraite, à la famille… des Français. C’est ce qui a permis à J.-M. Laxalt d’apporter sa contribution au débat controversé sur l’identité nationale : « ce qui est le plus caractéristique de l’identité française, c’est la Sécurité sociale ! » Pourquoi est-elle un programme politique Parce que tout est lié, comme l’a souligné F. Pierru : tant que l’on dégradera les conditions de logement, les conditions de travail… les sommes investies dans le système de soins n’auront qu’un effet limité. Faire
Mai 2010 Débat MGEN - Seine-Saint-Denis 15 de la redistribution, lutter contre les inégalités sociales, c’est aussi participer à l’amélioration de la santé ! Un danger pour la cohésion sociale Si la Sécurité sociale est aujourd’hui en danger, c’est moins à cause du « trou », que parce qu’elle est peu à peu démembrée, c'est-à-dire que de plus en plus de dépenses prises en charge collectivement par l’assurance maladie, sont assumées individuellement par les ménages et les complémentaires santé. Etant entendu que depuis une vingtaine d’années, les acteurs de l’économie lucrative – les compagnies d’assurances, les cliniques au capital desquelles on trouve des fonds de pension – s’intéressent de très près au secteur de la santé, dont le volume et la croissance de 7 % par an attirent les convoitises. Ce transfert fait peser un risque sur la cohésion sociale, comme l’a martelé avec force F. Pierru : « tout désengagement de l’assurance maladie obligatoire vers les complémentaires santé accroît les inégalités d’accès aux soins ! ». Le danger réside aussi dans le fait que des structures non lucratives comme les mutuelles ne pourront pas pratiquer la solidarité longtemps si les plus jeunes et les plus hauts revenus sont aspirés par les structures lucratives. Que fait-on en ce moment F. Pierru explique qu’on traque les fraudeurs pour un résultat médiocre : en 2008, une économie de 115 millions d’euros a été réalisée pour un budget en déficit de 153 milliards. On diminue presque chaque année le niveau de prise en charge (franchises médicales : 1 euro sur chaque consultation, 0,50 € sur chaque boîte de médicament, forfait hospitalier en augmentation…). On crée de la dette, ce qui pose la question de l’équité entre les générations… La Sécu, une dépense utile ! « La Sécurité sociale est un très bon système, avec un objet social, un retour économique et qui crée du lien social précieux dans un contexte d’éclatement des catégories, des familles… » (J.-M. Laxalt) Nos intervenants ne se sont pas contentés de dénoncer les politiques actuelles. Ils ont souligné qu’il n’était pas souhaitable de réduire les dépenses de santé dans l’absolu. En premier lieu pour des questions économiques : la protection sociale représente 30% du PIB, qui en étant redistribué vient soutenir la consommation, notamment celle des plus démunis. Mais aussi parce que dépenser pour la santé, c’est investir pour l’avenir : avoir une population en bonne santé, pour les actifs comme pour les retraités, c’est excellent pour l’avenir d’un pays. Et enfin, parce que le progrès médical a un coût… qui bénéficie aux patients. Comment priver ceux-ci des dernières avancées qui permettent de prolonger la durée de vie, d’améliorer le confort de vie Tous deux sont d’accord pour affirmer qu’il est efficace du point de vue de la santé publique d’être solidaire : les pays qui ont les meilleurs indicateurs de santé sont ceux où la cohésion sociale est la plus forte. Pas question donc, de céder aux sirènes de l’individualisme érigé comme modèle et comme porte de sortie du déficit. Comment la financer Pour F. Pierru, « Il faut réhabiliter l’impôt, la cotisation sociale, parce que c’est la seule voie possible pour financer à l’avenir de manière solidaire nos dépenses de santé ». On pourrait alors maîtriser les dépenses de santé en augmentant les prélèvements obligatoires comme la CSG, assise sur tous les revenus, proportionnelle aux revenus. C’est-àdire un financement solidaire et équitable, tout le contraire d’un financement par la dette ou par une hausse des primes des complémentaires santé, non proportionnelles aux revenus, tarifées aux risques, à l’âge et donc de manière injuste. L’avenir est-il à la prévention Après plus d’1h30 de débat qui mettait d’accord sur l’essentiel les deux intervenants, le thème de la prévention suscita des points de vue divergents. Pour J.-M. Laxalt, le XX e siècle a vu le développement des soins, tant de l’offre que des coûts. Selon lui, le XXI e siècle doit – ou devrait être – celui de la bonne santé et des moyens mis en œuvre pour le demeurer davantage. Cela dépend bien entendu de l’offre de soins, des conditions objectives (logement, travail, organisation générale de la société), mais aussi des comportements individuels et de la responsabilité de chacun, des professionnels de santé comme des patients. Cela afin de tendre vers un « individualisme altruiste ». F. Pierru, pour sa part, a souligné que le discours sur la prévention devait être manié avec précaution et ne devait pas prendre des tournures culpabilisantes voire discriminantes pour les catégories populaires. Il a expliqué par exemple que, si la prévention du tabagisme avait eu un effet sur la santé des classes moyennes et aisées de la population, c’était moins le cas pour les plus défavorisés pour qui la cigarette était un moyen de gérer le stress généré par leurs conditions d’existence. Ces derniers risqueraient d’être doublement touchés : par la fiscalité sur le tabac et par les déremboursements… Une discussion vive et riche qui montre que la protection sociale ne doit pas être réduite à une question technique et comptable. Parce qu’elle engage l’avenir de tous, elle doit faire l’objet d’un débat ouvert et citoyen. ■ « La Sécurité sociale est un très bon système, avec un objet social, un retour économique et qui crée du lien social précieux dans un contexte d’éclatement des catégories, des familles… » J.-M. Laxalt
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