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Décryptage<br />
13<br />
slemnia B<strong>en</strong>daoud<br />
l<strong>en</strong>demain de son<br />
ép<strong>en</strong>dance, l’Algérie<br />
ida alors de pourvoir aux<br />
ctions autrefois occupées<br />
les colons français au<br />
n de l’administration du<br />
s. Enseignant, policier,<br />
anier et autres étai<strong>en</strong>t<br />
métiers de choix pour ces<br />
digènes », peu lettrés<br />
is tout frais et dispos à<br />
idem<strong>en</strong>t les occuper au<br />
d levé.<br />
n y fit alors v<strong>en</strong>ir – nécessité<br />
oblige - des g<strong>en</strong>s sachant tout<br />
juste déchiffrer la phonétique<br />
d’un mot ou l’adresse exacte<br />
d’un colis postal. Ravis par l’aue,<br />
ces g<strong>en</strong>s-là, <strong>en</strong>core adolesc<strong>en</strong>ts dans leur<br />
ante majorité, ayant échoué dans leurs<br />
es ou contraint de les abandonner, sautèalors<br />
sur l’occasion.<br />
eur déficit chronique de formation allait<br />
em<strong>en</strong>t se répercuter très négativem<strong>en</strong>t<br />
le terrain. Ainsi, dans leurs attitudes et<br />
portem<strong>en</strong>ts, à la limite de la chose ins<strong>en</strong>sée<br />
izarre, on y vit ou découvrit de tout g<strong>en</strong>re,<br />
t de l’insolite au comique, <strong>en</strong> passant par<br />
urdité.<br />
ans le flux de cette vague de promotions<br />
asc<strong>en</strong>sions – sans mérite aucun hormis le<br />
d’anci<strong>en</strong> soldat- au sein de la hiérarchie de<br />
e toute jeune administration, un homme,<br />
t jeune, grand de taille et bi<strong>en</strong> solide sur<br />
ieds, l’air d’un intellect, l’œil très vigilant,<br />
gard très fouineur et bi<strong>en</strong> appuyé, fut donc<br />
té comme ag<strong>en</strong>t de l’ordre public dans<br />
vieille commune du haut Chelif, dans cette<br />
riche vallée prise <strong>en</strong> sandwich <strong>en</strong>tre le<br />
t du Zaccar, celui d’El Meddad,<br />
ars<strong>en</strong>is et le Dahra.<br />
ette localité a pour nom « la source de laurose<br />
» et les g<strong>en</strong>s, grands comme petits<br />
mis de l’état- la boudai<strong>en</strong>t juste de par son<br />
! Ils n’aimai<strong>en</strong>t probablem<strong>en</strong>t pas assez la<br />
arrosée à l’eau du Chélif de la plante de<br />
eur « vert-rose », au gout plutôt amer et<br />
propriétés visqueuses du petit arbuste,<br />
damm<strong>en</strong>t fourni dans la région.<br />
s craignai<strong>en</strong>t beaucoup pour leur dev<strong>en</strong>ir,<br />
<strong>en</strong> évoquant le nom du village d’autrevéhiculant<br />
cette appellation de cette<br />
te peu choyée et le côté amer de ses fleurs,<br />
tant très belles à voir, dégageant des efflucertes<br />
peu fortes mais assez agréables,<br />
me toute. Ainsi, la source, t<strong>en</strong>ant bonne<br />
pagnie à la plante et humant toutes les<br />
le parfum du pays, formai<strong>en</strong>t cette bour-<br />
, recevant des g<strong>en</strong>s de différ<strong>en</strong>tes contrées.<br />
om du village, admirablem<strong>en</strong>t arboré,<br />
it pourtant de la source sa transpar<strong>en</strong>ce et<br />
pidité et de la rose de la plante sauvage,<br />
té plutôt beau et gai, à défaut de pouvoir<br />
oser de ce parfum très puissant qui chale<br />
les narines, propre aux fleurs haut de<br />
me. Le laurier-rose étant la fleur de la<br />
rée, et toutes les v<strong>en</strong>elles du village <strong>en</strong><br />
nt pourvues ou pavoisées, se drapant de<br />
bonheur discret et de son odeur du pays,<br />
propre à ces régions très chaudes p<strong>en</strong>dant<br />
riode de l’été.<br />
’arbuste décorait égalem<strong>en</strong>t ses nombreux<br />
ainsi que les bordures de rivières affluant<br />
l’oued du Chélif d’où la grasse plaine<br />
le nom. Miliana, telle une reine, riche de<br />
histoire et très vaniteuse, bi<strong>en</strong> heureuse<br />
ses apprêts et costumes naturels et saison-<br />
, confortablem<strong>en</strong>t assise sur son rocher,<br />
uant son monde d’<strong>en</strong> bas habitant la<br />
e et ses lauriers-roses, surveille bon ?il<br />
pied tout le mouvem<strong>en</strong>t de la vallée.<br />
ais le nom du village d’autrefois constitue<br />
tout seul une vraie lég<strong>en</strong>de, puisque la<br />
ce naturelle qui y coule, charrie égalem<strong>en</strong>t<br />
un flux de richesses agricoles et <strong>en</strong> tout<br />
e, <strong>en</strong>g<strong>en</strong>drant une véritable fortune pour<br />
loucs d’autrefois et jadis ainsi qu’un<br />
El Kanoun* !?<br />
incontestable trésor pour l’Algérie d’aujourd’hui.<br />
Le suffixe propre à la rose n’a lui pas besoin<br />
d’être comm<strong>en</strong>té. C’est plutôt sa beauté et<br />
l’odeur que la plante <strong>en</strong> dégage qui le font<br />
découvrir à toute l’humanité. Sa seule couleur<br />
oscillant <strong>en</strong>tre le côté miel et l’aspect doré de la<br />
vie restitue au mot, à la fleur et à l’univers<br />
–devais-je rectifier- tout le s<strong>en</strong>s habilem<strong>en</strong>t<br />
usité, habitant pour toujours la plante considérée.<br />
Le monde résidant dans la contrée, habitant<br />
pour un temps où pour toujours la région,<br />
trouvant sur place du travail, dormait sur ses<br />
deux oreilles, n’ayant d’yeux ni pour ces beaux<br />
lauriers-roses ni pour les autres fleurs parsemant<br />
les nombreux près.<br />
C’était sa nature, et c’est plutôt ainsi qu’il<br />
vivait, récupérant l’été v<strong>en</strong>ue ses grains de blé<br />
dans les prés et se prélassant à ce soleil de feu<br />
tout près des ses rivières, sources et afflu<strong>en</strong>ts de<br />
ce grand fleuve de la région.<br />
Entre ce monde-là et les autres, il y a cet<br />
intérêt à accorder à la vie <strong>en</strong> société, à la ville<br />
habitée et à tout ce qui touche à l’humanité.<br />
Le goût du produit coloré de l’arbrisseau,<br />
certes amer, ne pourra jamais déteindre sur le<br />
parfum très fin et bi<strong>en</strong> discret que secret la<br />
plante, à mesure que le v<strong>en</strong>t des après-midi de<br />
l’été remue dans cette chaleur torride de la<br />
contrée. Quant au s<strong>en</strong>s péjoratif ou caricatural<br />
dont le nom de la ville insinue chez certains<br />
esprits malint<strong>en</strong>tionnés, le bon s<strong>en</strong>s, vomissant<br />
de tels propos, nous commande d’éviter même<br />
d’<strong>en</strong> parler ou de le comm<strong>en</strong>ter.<br />
La source de laurier-rose d’autrefois s’appelle<br />
désormais Aïn-Defla, chef-lieu de départem<strong>en</strong>t<br />
de ce haut Chélif. Grâce à son nouveau<br />
statut, la petite bourgade d’autrefois se hisse au<br />
même rang que les grandes villes d’Algérie.<br />
L’histoire de la ville ti<strong>en</strong>t beaucoup de sa plante<br />
et du caractère des g<strong>en</strong>s qui l’ont visitée, dès les<br />
premières années de l’indép<strong>en</strong>dance du pays. A<br />
la moindre trituration de ma mémoire,<br />
ALGERIE NEWS Mercredi 3 avril 2013<br />
remont<strong>en</strong>t alors <strong>en</strong> surface ces histoires plutôt<br />
insolites ou inédites que l’impact du temps<br />
aussi fort et aussi pesant n’aura pu, durant ces<br />
longues années, complètem<strong>en</strong>t les effacer.<br />
Il <strong>en</strong> subsistera toujours ces bouts de fil<br />
p<strong>en</strong>dants par le biais desquels l’on sera am<strong>en</strong>é<br />
un jour à bi<strong>en</strong> les déterrer, les ressusciter… les<br />
revaloriser et à juste titre les reconsidérer.<br />
Parmi le lot de ces nouveaux v<strong>en</strong>us dans la<br />
région, autrefois, il y eut ce flic nouvellem<strong>en</strong>t<br />
muté dans les fonctions d’ag<strong>en</strong>t de l’ordre<br />
public. La morale dont il aura été l’auteur à<br />
son admission à la retraite m’impose donc de<br />
lui consacrer ce papier.<br />
De lui faire, <strong>en</strong> quelque sorte, une fleur <strong>en</strong><br />
ce généreux printemps de l’année 2011, au<br />
regard de sa correction, de son abnégation<br />
dans son travail, de son humilité, de sa rectitude,<br />
de son humanisme et surtout pour services<br />
r<strong>en</strong>dus à la nation.<br />
Même partiellem<strong>en</strong>t analphabète, le policier<br />
qu’il n’était pas bête. L’ag<strong>en</strong>t de l’ordre faisait<br />
<strong>en</strong> grand Seigneur de la route bi<strong>en</strong> régner<br />
l’ordre. Il craignait le désordre, s’occupant de<br />
son travail avec un haut degré de consci<strong>en</strong>ce<br />
professionnelle, ne négligeant ni les affaires de<br />
la municipalité ni celles de ses administrés.<br />
Il fut ce commis de l’État très juste, droit et<br />
adroit, agissant <strong>en</strong> homme de loi croyant bi<strong>en</strong><br />
<strong>en</strong> sa foi d’une nation républicaine et <strong>en</strong> la<br />
force du droit. Il était très propre, surtout<br />
probe, ni fourbe ni snob, très correct, imparable,<br />
implacable et souv<strong>en</strong>t impardonnable<br />
<strong>en</strong>vers certain récidiviste.<br />
Il était très à cheval sur le côté réglem<strong>en</strong>tation<br />
de la circulation, bi<strong>en</strong> que ne sachant pratiquem<strong>en</strong>t<br />
ni lire ni écrire. Il éprouvait toutes<br />
les peines du monde à pouvoir déchiffrer un<br />
quelconque docum<strong>en</strong>t, chose qui am<strong>en</strong>a ses<br />
collègues à ne plus jamais le laisser seul lors des<br />
barrages de contrôle de la circulation. Il ne<br />
pouvait donc dresser le moindre procès-verbal<br />
d’infraction au code de la route, bi<strong>en</strong> qu’il ait<br />
ce s<strong>en</strong>s inné de découvrir toutes les fautes, anomalies<br />
ou infractions int<strong>en</strong>tionnellem<strong>en</strong>t commises<br />
par les usagés de la route.<br />
Il symbolisait la loi dans toute l’ét<strong>en</strong>due de<br />
sa rigueur et sa dim<strong>en</strong>sion humaine. A telle<br />
<strong>en</strong>seigne que jeunes écoliers de la déc<strong>en</strong>nie<br />
soixante du siècle dernier, que nous étions,<br />
l’avions surnommé « El Kanoun » (la loi, le<br />
droit….).<br />
Ainsi, El Kanoun a toujours fait son travail<br />
dans les règles de l’art, mais surtout dans le<br />
strict respect des lois de la république à<br />
laquelle il croyait dur comme fer, affranchi de<br />
ce texte de loi auquel il se conformait, invitant<br />
les citoy<strong>en</strong>s à <strong>en</strong> faire de même.<br />
Mais, à la différ<strong>en</strong>ce de certaines lois, El<br />
Kanoun considérait l’acte et non l’int<strong>en</strong>tion de<br />
l’automobiliste, sa propre interprétation des<br />
circonstances de la faute et non le résultat. Il<br />
s’attachait à l’ess<strong>en</strong>tiel, oubliant parfois le côté<br />
partiel et les m<strong>en</strong>us détails qui influ<strong>en</strong>t sur le<br />
résultat final<br />
Il état ce commis de l’état qui jugeait de la<br />
chose <strong>en</strong> l’état. Consci<strong>en</strong>t de son acte et déterminé<br />
à aller jusqu’au bout de son idée, de ses<br />
croyances, de ses convictions…<br />
Il vivait très modestem<strong>en</strong>t mais humblem<strong>en</strong>t.<br />
Très honnêtem<strong>en</strong>t donc. Le képi ne lui a<br />
jamais donné des airs de folie ou d’un général<br />
<strong>en</strong> puissance ou corrompu, ni même le colt<br />
l’ombre d’un Zorro de retour à la vie ou <strong>en</strong><br />
balade dans la région !<br />
Devant les vieux, il s’effaçait complètem<strong>en</strong>t,<br />
oubliant même qu’il porte l’uniforme. Et<br />
devant les tout jeunes garçons, il souriait<br />
abondamm<strong>en</strong>t. A sa façon, il imprimait ce côté<br />
humain de l’uniforme qu’il arborait, qualité<br />
ayant complètem<strong>en</strong>t disparu de nos jours.<br />
Il fut ce fidèle à sa fonction parmi les nombreux<br />
fidèles à la révolution et au pays. En<br />
consci<strong>en</strong>cieux ag<strong>en</strong>t de l’ordre, il aura toujours<br />
vécu dans l’ordre des choses, <strong>en</strong> appliquant à la<br />
lettre la loi. D’où son nom, d’ailleurs !<br />
Aujourd’hui que l’homme <strong>en</strong> question est<br />
définitivem<strong>en</strong>t parti de la contrée, rejoignant<br />
pour ce faire sa région natale Batna, nous n’<strong>en</strong><br />
ret<strong>en</strong>ons de l’homme de la loi que le côté<br />
humain de la règle de droit. Que la droiture de<br />
l’homme de bonne foi et de bon aloi !<br />
Mieux <strong>en</strong>core, à son départ à la retraite, il a<br />
t<strong>en</strong>u à publiquem<strong>en</strong>t faire ou r<strong>en</strong>dre son bilan,<br />
sillonnant les artères de la ville, v<strong>en</strong>elle après<br />
v<strong>en</strong>elle et ruelle après ruelle, interrogeant la<br />
population sur une possible, probable ou<br />
hypothétique exaction de sa part int<strong>en</strong>tionnellem<strong>en</strong>t<br />
exécutée dans le cadre de son travail et<br />
dont il n’aura pas souv<strong>en</strong>ance !<br />
Quel beau geste, celui-là ?....Nous <strong>en</strong> restions<br />
éberlués par ce geste humain, cherchant<br />
après un quitus populaire, fruit de cette honnêteté<br />
et haut niveau de la consci<strong>en</strong>ce professionnelle<br />
au regard de la chose publique et à<br />
l’intérêt de la communauté sur le devoir<br />
citoy<strong>en</strong> !<br />
Ainsi, à la veille de ces faramineux détournem<strong>en</strong>ts<br />
de d<strong>en</strong>iers publics dont allait connaitre<br />
le pays, il t<strong>en</strong>ait, lui, le simple policier qu’il<br />
fut, à r<strong>en</strong>dre publiquem<strong>en</strong>t des comptes à la<br />
communauté sur son travail accompli pour la<br />
nation et l’intérêt du citoy<strong>en</strong> algéri<strong>en</strong>.<br />
Depuis, on n’a plus vu des commis de l’état<br />
faire leurs adieux à la ville et r<strong>en</strong>dre publiquem<strong>en</strong>t<br />
des comptes à la population qu’ils ont<br />
administrée.<br />
Depuis qu’El Kanoun est parti ailleurs se<br />
reposer, c’est plutôt cette situation de nondroit<br />
qui nous est tout le temps imposée ! Et<br />
c’est par un vrai miracle ou instinct bestial<br />
qu’elle lui a tout naturellem<strong>en</strong>t succédé.<br />
Pour que le droit revi<strong>en</strong>ne dans les affaires<br />
de la cité, ne sommes-nous pas aujourd’hui<br />
contraint de battre le rappel des g<strong>en</strong>s semblables<br />
à El Kanoun afin que la communauté<br />
retrouve graduellem<strong>en</strong>t complètem<strong>en</strong>t ses<br />
droits ?<br />
Aïn-Defla, la source de laurier-rose, reste<br />
<strong>en</strong>core cette source très généreuse, tout le<br />
temps convoitée. Elle ti<strong>en</strong>t cette qualité de la<br />
plante à laquelle elle a tout le temps offert son<br />
lit et son hospitalité. Pour preuve : le laurierrose<br />
fleurit presque <strong>en</strong> toute saison.<br />
Il est cette marque de fabrique bi<strong>en</strong> propre<br />
à la région.<br />
(*) Le droit, la loi…