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Kiosque international dclg<br />

é<br />

a a<br />

Analyses &<br />

Décryptages<br />

e<br />

15<br />

Les sondages disparus<br />

de l'Elysée<br />

Gérald Andrieux, Marianne<br />

Au Palais, on ne trouve plus trace<br />

des sondages commandés par<br />

l'ex-présid<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre 2011 et<br />

2012. Serait-ce parce que, payés<br />

par le contribuable, ils v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t<br />

informer... le candidat? Enquête. Disparus,<br />

<strong>en</strong>volés, évanouis dans la nature. Les sondages<br />

payés par l'Elysée lors de la dernière<br />

année du quinqu<strong>en</strong>nat Sarkozy sont...<br />

introuvables ! Raymond Avrillier, militant<br />

écologiste gr<strong>en</strong>oblois, a pourtant essayé de<br />

mettre la main dessus. Requérant méticuleux,<br />

citoy<strong>en</strong> acharné, l'homme avait réussi<br />

jusque-là un joli coup : il était parv<strong>en</strong>u, au<br />

prix d'un long bras de fer avec l'administration,<br />

à se faire communiquer par les services<br />

de la présid<strong>en</strong>ce de la République les <strong>en</strong>quêtes<br />

d'opinion commandées au début du<br />

quinqu<strong>en</strong>nat auprès, notamm<strong>en</strong>t, du cabinet<br />

Publifact de Patrick Buisson, le Docteur<br />

Folamour ès sondages de Nicolas Sarkozy. Il<br />

avait reçu par cartons <strong>en</strong>tiers les docum<strong>en</strong>ts<br />

de la première affaire de cet épique quinqu<strong>en</strong>nat<br />

: l'affaire dite « des sondages de<br />

l'Elysée ». Voilà que les dernières études,<br />

elles, sont portées disparues. A comm<strong>en</strong>cer<br />

par celles, hautem<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>sibles, réalisées lors<br />

de l'année précédant la présid<strong>en</strong>tielle de<br />

2012. « Les études n'ont pas été transmises<br />

au service financier et ne sont pas <strong>en</strong> sa possession<br />

», lui écrit Bernard Trichet, directeur<br />

du service financier et du personnel de<br />

l'Elysée, <strong>en</strong> juillet 2012, après avoir promis à<br />

Raymond Avrillier, le 4 mai 2012, de les lui<br />

<strong>en</strong>voyer. En janvier 2013, c'est au tour de<br />

Sylvie Hubac, directrice de cabinet de<br />

François Hollande, de reconnaître son incapacité<br />

à transmettre les « études manquantes<br />

» : « Après consultation du service des<br />

archives et des anci<strong>en</strong>s secrétariats des<br />

membres du cabinet chargés de ces questions<br />

sous le précéd<strong>en</strong>t mandat, il apparaît<br />

que lesdits docum<strong>en</strong>ts n'ont pas été conservés<br />

à la présid<strong>en</strong>ce de la République. » La<br />

Cour des comptes elle-même, dans son rapport<br />

public de décembre 2012 sur la gestion<br />

de l'Elysée à la fin de l'ère Sarkozy, explique<br />

qu'ils « ne [lui] ont pas été transmis, pas<br />

plus qu'au service financier ou au service<br />

des archives de la présid<strong>en</strong>ce ». Et de préciser<br />

: « Cette situation n'a pas permis à la<br />

cour de s'assurer du rattachem<strong>en</strong>t de ces<br />

dép<strong>en</strong>ses à l'activité présid<strong>en</strong>tielle. » Car<br />

c'est bi<strong>en</strong> là le problème.<br />

Et les comptes<br />

de campagne ?<br />

Sans pouvoir consulter le cont<strong>en</strong>u des<br />

sondages datés de 2011 et 2012, comm<strong>en</strong>t<br />

savoir si ces <strong>en</strong>quêtes payées par le contribuable<br />

v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t éclairer le présid<strong>en</strong>t de tous<br />

les Français ou le candidat de la seule UMP<br />

? Cette question est légitime à plus d'un<br />

titre. En octobre dernier, Marianne révélait<br />

ainsi une incongruité dans les comptes de<br />

campagne de Nicolas Sarkozy parue au<br />

Journal officiel et pourtant ignorée de tous.<br />

En 2012, le candidat de la droite aurait<br />

dép<strong>en</strong>sé 548 000 de moins <strong>en</strong> matière de<br />

sondages et de communication qu'<strong>en</strong> 2007.<br />

Un demi-million d'euros disparus comme<br />

par <strong>en</strong>chantem<strong>en</strong>t ! On veut bi<strong>en</strong> croire à<br />

une restriction budgétaire, mais il y a des<br />

limites : ainsi, pour la présid<strong>en</strong>tielle de 2012,<br />

Sarkozy était-il le seul « gros » candidat à ne<br />

déclarer, comme les « petits », Cheminade,<br />

Poutou ou Arthaud, aucuns frais à la rubrique<br />

« conseil <strong>en</strong> communication »...<br />

Des études et des conseils <strong>en</strong> com à l'att<strong>en</strong>tion<br />

du candidat aurai<strong>en</strong>t-ils été payés<br />

par le Château ? C'est la question à un demimillion<br />

d'euros ! On sait, par exemple, factures<br />

à l'appui, que, début 2011, un sondage<br />

Ifop portait sur « les sympathisants socialistes<br />

et la question de l'islam ». Que, au mois<br />

de juillet suivant, une « étude qualitative »<br />

du même institut s'intéressait à « l'électorat<br />

écologiste » et que, <strong>en</strong> septembre, <strong>en</strong>fin, c'est<br />

l'impact d'un passage à la télévision de<br />

Marine Le P<strong>en</strong> qui était sondé !<br />

OpinionWay, <strong>en</strong> février 2011, passait aussi<br />

au crible l'interview de Dominique Strauss-<br />

Kahn dans le 20 heures de France 2. Des<br />

c<strong>en</strong>tres d'intérêt très... électoraux !<br />

Pas d'archivage<br />

Si l'on <strong>en</strong> connaît certains thèmes, les<br />

études, elles, se serai<strong>en</strong>t donc volatilisées.<br />

Ont-elles seulem<strong>en</strong>t été réalisées ? Si ce n'est<br />

pas le cas, il s'agirait alors de prestations fictives<br />

facturées plusieurs c<strong>en</strong>taines de milliers<br />

d'euros à la présid<strong>en</strong>ce. Aurai<strong>en</strong>t-elles<br />

été égarées ? Difficile à croire : la boulimie<br />

sondagière de Sarkozy <strong>en</strong> début de mandat<br />

se comptait déjà <strong>en</strong> volumineux cartons.<br />

Peut-être alors ces <strong>en</strong>quêtes d'opinion ontelles<br />

été exfiltrées ou passées à la broyeuse à<br />

l'heure du grand déménagem<strong>en</strong>t de l'Elysée<br />

? Cette étrange disparition de docum<strong>en</strong>ts<br />

qui doiv<strong>en</strong>t pourtant être conservés et<br />

archivés a été révélée mi-mars par Raymond<br />

Avrillier au procureur de Paris. Ce militant<br />

qui, par le passé, contribua à la chute du<br />

maire UMP de Gr<strong>en</strong>oble Alain Carignon<br />

estime aujourd'hui que ce « détournem<strong>en</strong>t<br />

de fonds publics » («fonds», au s<strong>en</strong>s<br />

d'«archives») relèverait du pénal. Me Jérôme<br />

Kars<strong>en</strong>ti, avocat de l'association anticorruption<br />

Anticor, a d'ailleurs informé de cette «<br />

disparition » le juge Serge Tournaire, chargé<br />

du dossier des sondages élysé<strong>en</strong>s portant<br />

déjà sur des faits de favoritisme, de recel de<br />

favoritisme et de détournem<strong>en</strong>t de fonds<br />

publics. Voilà qui devrait apporter de l'eau<br />

au moulin du juge Tournaire. Selon une<br />

source proche de l'<strong>en</strong>quête, celui-ci progresserait<br />

<strong>en</strong> effet « à grands pas » dans ses<br />

investigations.<br />

Ces sondages mystérieusem<strong>en</strong>t disparus<br />

devrai<strong>en</strong>t toutefois intéresser une autre<br />

vénérable institution : le Conseil constitutionnel.<br />

Fin décembre 2012, les comptes du<br />

candidat Sarkozy avai<strong>en</strong>t été rejetés par la<br />

Commission nationale des comptes de campagne<br />

et des financem<strong>en</strong>ts politiques<br />

(CNCCFP). Pour quelles raisons ? Nicolas<br />

Sarkozy ayant déposé un recours auprès du<br />

Conseil constitutionnel, les conclusions de<br />

la CNCCFP n'ont pas été r<strong>en</strong>dues publiques.<br />

Selon plusieurs médias, certains<br />

déplacem<strong>en</strong>ts datant d'avant son <strong>en</strong>trée <strong>en</strong><br />

campagne officielle, le 15 février 2012,<br />

aurai<strong>en</strong>t été réintégrés, conduisant ainsi au<br />

dépassem<strong>en</strong>t du plafond de dép<strong>en</strong>ses autorisées.<br />

Selon des informations transmises à<br />

Marianne par un haut dirigeant de l'UMP<br />

chargé des comptes de campagne, la<br />

CNCCFP aurait égalem<strong>en</strong>t réclamé que les<br />

contrats de travail de certains membres de<br />

l'équipe de campagne soi<strong>en</strong>t corrigés. Motif<br />

: ils débutai<strong>en</strong>t « trop tard ». Est-ce parce<br />

que ces contrats pr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t effet, par exemple,<br />

une semaine avant la fin de la campagne<br />

? Ou est-ce parce que la CNCCFP a jugé que<br />

la campagne du candidat présid<strong>en</strong>t avait <strong>en</strong><br />

réalité comm<strong>en</strong>cé bi<strong>en</strong> avant la date « officielle<br />

» du 15 février 2012 ? Ri<strong>en</strong> ne permet<br />

de répondre.<br />

Cep<strong>en</strong>dant, dans la seconde hypothèse<br />

— campagne ouverte avant la date « officielle<br />

» —, la commission pourrait égalem<strong>en</strong>t<br />

demander que soi<strong>en</strong>t ajoutés aux<br />

dép<strong>en</strong>ses de Nicolas Sarkozy les quelque 500<br />

000 portés disparus et révélés par<br />

Marianne. Avrillier, lui, considère qu'il faudrait<br />

« affecter aux comptes de campagne<br />

du candidat Nicolas Sarkozy » toutes les<br />

dép<strong>en</strong>ses de l'Elysée <strong>en</strong> matière de « conseils<br />

<strong>en</strong> communication » et d'« études et sondages<br />

» à partir d'avril 2011. Soit, selon les estimations<br />

du militant isérois, plus de 1,3 million<br />

d'euros. Il l'a d'ailleurs suggéré par<br />

courrier à la CNCCFP. Mais comm<strong>en</strong>t<br />

savoir quelles sont les <strong>en</strong>quêtes qui étai<strong>en</strong>t<br />

destinées au candidat puisque l'on sait désormais<br />

qu'elles ont disparu ?<br />

Difficile d'<strong>en</strong> savoir plus pour l'instant.<br />

Le dossier est « <strong>en</strong> cours d'instruction »,<br />

explique-t-on au Conseil constitutionnel.<br />

Les sages devrai<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>dre leur décision «<br />

avant la fin de l'année », peut-être « d'ici à<br />

l'été ». En tout cas, Nicolas Sarkozy, membre<br />

de droit dudit conseil, « ne siégera pas »,<br />

assure-t-on. Il n'aurait d'ailleurs pas mis les<br />

pieds Rue de Montp<strong>en</strong>sier depuis fin 2012.<br />

Si jamais le Conseil constitutionnel suit<br />

l'avis de la CNCCFP, l'UMP perdrait automatiquem<strong>en</strong>t<br />

plus de 10 millions d'euros de<br />

remboursem<strong>en</strong>t de frais de campagne versés<br />

par l'Etat. Le non-remboursem<strong>en</strong>t ?<br />

Décidém<strong>en</strong>t, voilà un puissant outil de pression,<br />

y compris pour Jean-François Copé.<br />

Par le passé, le patron de l'UMP a fait savoir<br />

autour de lui, un brin bravache, que, « si<br />

Nicolas Sarkozy [l']emmerde, l'UMP ne<br />

remboursera pas sa campagne »...<br />

ALGERIE NEWS Mercredi 3 avril 2013

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