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2 > A L A U N E LE LIEN Massinissa Boudaoud Ça se communique en vase clos Ce ne sont pas les scénarios qui feront défaut dans une affaire qui fera encore parler d’elle à l’avenir. Les murs d’une forteresse de la justice ont été escaladés à la faveur de la nuit. Des documents auraient disparu dans des bureaux de juges, dans un contexte très tendu où des scandales scabreux en cachent d’autres plus fumeux et au moment où c’est la souveraineté de ce qui est censé être le troisième pouvoir qui est remise en cause. Voilà la version du parquet après un silence du département de Mohamed Charfi. L’auteur, nous explique le procureur général, est un multirécidiviste de 35 ans, nommé Yacine et résidant à Hussein Dey. Il aurait commandité l’affaire et monté le coup tout seul sans aucune aide ni interne ni externe. Cette fois-ci, la magistrature debout s’est assise sur une affaire qui n’a pas révélé tous ses secrets puisque Zeghmati précise que les installations et des réseaux informatiques de la cour ne furent nullement atteints et sont opérationnels à 100% ! Dans le même ordre d'idées, Zeghmati a apporté un démenti catégorique quant aux « allégations » faisant état de disparition, de dissipation ou de détérioration de dossiers de procédure. Le ministre nous a, certes, tout expliqué, sauf ce qui est l’essence même d’une affaire criminelle : le mobile. Pourquoi un jeune, fut-il un multirécidiviste, s’introduirait-il dans un temple judiciaire pour se retrouver illico presto en prison ? A moins de prouver que ce jeunot soit atteint d’une agoraphobie, aucune autre explication ne peut conforter le réquisitoire de Zeghmati, facilement pulvérisable. Evoquant là l’absence de communication, talon d’Achille par excellence de notre appareil judiciaire, Zeghmati estime qu’elle est dictée par des impératifs liés à l'enquête préliminaire ordonnée par le ministère public le jour même des faits. Il est vrai que certaines informations diffusées inopportunément pourraient compromettre une enquête, et ceci est un concept universel, cependant, il faut relever que dans l’affaire qui nous concerne, il ne s’agit pas de fournir des indications sur les investigations, mais d’informer l’opinion sur les faits, comme cela se passe sous d’autres cieux. Le département de Charfi aurait pu rendre public un communiqué dans lequel il dénonce l’acte et rassure les citoyens et les justiciables. Mais ce n’est pas le cas. En Algérie, on ne communique pas, on réagit dans la plupart des cas. Un fossé existe entre avoir une politique de communication et politiser la communication. Procès Khalifa-bis Reporté pour vice de procédure C'est dans une ambiance particulière, caractérisée par un aménagement "spécial" du tribunal criminel de la cour de Blida pour l'occasion, que s'est ouvert le procès en cassation du procès Khalifa. Un effort de forme puisque dans le fond, le juge Antar Menouar a annoncé le report à la prochaine session criminelle. La décision du juge a été motivée par l'absence de certains accusés, décédés depuis. Certains avocats de la défense ont mis en exergue l'existence de vice de procédure nécessitant délibération. Après une suspension d'audience, le juge est revenu à la salle pour annoncer le report. En effet, il était question de délibérer sur des cas d’accusés décédés et d’autres ne figurant pas sur la liste des pourvois en cassation acceptés par la Cour suprême. Ce qui a fait dire à l'un des avocats, "C'est tellement prévisible qu'il aurait fallu reporter la date au lieu de déranger autant de monde et de faire un tel tapage médiatique pour rien !" Selon les précisions fournies par le tribunal, il s’agit de l’absence dans le dossier de cette affaire de certificats de décès des accusés, Djamel Zerrouk (directeur financier de Khalifa Airways, compagnie dissoute) et Ahmed Barbara (ancien directeur-adjoint de la Mutuelle générale des travailleurs de la poste et des télécommunications). Le procès après cassation de l’affaire de la caisse principale de Khalifa Bank s’est ouvert quelques heures plutôt. Au total, 75 prévenus devaient être rejugés et quelque 300 témoins appelés à la barre pour témoigner. Aucun ministre ou ex-ministre n'était présent hier à Blida. Ce qui confirme les informations selon lesquelles certains témoins n'auraient pas reçu leur convocation. Les personnes citées, en témoins dans cette affaire, devraient comparaître en même qualité lors du nouveau procès. Le même tribunal avait prononcé en mars 2007, après un procès qui a duré près de trois mois, des peines allant d’une année à 20 ans de prison, et relaxé une cinquantaine de personnes parmi les 94 accusés. Dix autres inculpés avaient été condamnés par contumace, dont le principal accusé dans cette affaire, Abdelmoumene Khalifa qui avait été condamné à perpétuité et qui n’est pas concerné par le nouveau procès. Les chefs d’accusations retenus contre tous ces accusés sont : “constitution d’une association de malfaiteurs, vol qualifié, escroquerie, abus de confiance et falsification de documents officiels”. La justice M e Mokrane Aït Larbi «Le peuple a droit à la vérité, et non aux rumeurs» Dans cet entretien, M e Aït Larbi revient sur le retard dans le procès « Khalifa bis » qui, a-t-il dit, est dû au pourvoi en cassation déposé par les victimes de Khalifa Bank. Il a aussi saisi l’occasion pour revenir sur le problème de communication dont souffre la justice algérienne. Algérie News : Le procès « Khalifa bis » commence aujourd’hui (hier), ne pensez-vous pas que nous sommes en retard étant donné que nous avons attendu six années pour entamer sa deuxième phase ? M e Aït Larbi : Je pense que c’est une chose normale dans la mesure où les victimes dans cette affaire ont procédé à un pourvoi en cassation au niveau de la Cour suprême. Une Cour qui traite des affaires dans 48 wilayas du pays, donc cela prend énormément de temps. L’affaire Khalifa est passée par plusieurs procédures d’où ce retard dans le lancement de cette deuxième phase du procès. Trois ministres devraient être convoqués dans ce procès, mais certains n’ont toujours pas reçu de convocation … avait été saisie de cette affaire après que la Banque d’Algérie eut constaté un découvert de 3,2 milliards de dinars de la caisse principale de Khalifa Bank. Abdelmoumen Rafik Khelifa, principal accusé et P-DG de cette banque, est actuellement emprisonné à Londres. Suite à la demande introduite par l’Algérie, le ministre britannique de l’Intérieur avait autorisé en avril 2010 son extradition vers l’Algérie, décision qui avait été suspendue, son avocat ayant fait appel. B. Mohamed Les ministres et les walis sont jugés par un Commissaire enquêteur désigné par la Cour Suprême. Après enquête, l’instance judiciaire peut décider ou non d’une interdiction de sortie du territoire (IST) et à ce moment là, la Direction générale de la Sureté nationale (DGSN) intervient, donc, ce n’est pas à elle d’interdire aux accusés de quitter le territoire national. Cependant, si on avait un porteparole, le peuple aurait compris toutes ces procédures car il est de son droit de connaitre la vérité, cela calmera les esprits. Aujourd’hui, on ne peut plus cacher la vérité aux gens avec les moyens de communication qui existent à l’image de l’Internet, Facebook, etc… Donc, il y a un déficit en communication en Algérie ? La communication est très faible en Algérie et on ne peut pas continuer ainsi ! C’est insensé d’organiser des conférences de presse après des semaines pour se prononcer sur des sujets d’actualité qui sont parfois largement dépassés. On n’est pas mieux que les Européens et les Américains alors que leurs responsables organisent des conférences de presse chaque semaine. Prenant, comme exemple, la venue ou pas de Chakib Khelil… tout le monde a spéculé sur sa venue en Algérie, mais personne n’a su la vérité, même vous, les journalistes, vous êtes tombés dans le piège de la rumeur !! Mais si on avait un porteparole, il aurait clarifié les choses. Aujourd’hui, on ne peut plus continuer à cacher la vérité au peuple. Entretien réalisé par Hasna Zobiri Amine B./D. News ALGERIE NEWS Mercredi 3 avril 2013
A L A U N E 3 Procès Khalifa-bis Les Algériens n'y croient plus Six ans après le premier procès du «siècle», les citoyens semblent désintéressés. Pour eux, au-delà de l'affaire Khalifa, c'est une crise de confiance qui perdure entre justice et justiciables. Reportage. Amine B./D. News Réalisé par Yahia Maouchi « Certes, ce n'est pas un poisson d'avril mais c'est une affaire qui ne verra jamais son épilogue », nous dira, avec amertume, Âmi Slimane, septuagénaire que nous avons rencontré au Boulevard Amirouche, à Algercentre. Notre interlocuteur ne croit plus en la justice algérienne. « Les scandales financiers se multiplient ces dernières années impliquant directement de hauts responsables politiques. À moi de vous poser la question : Y a-t-il eu un seul responsable politique condamné ? Non, jamais bien sûr. Alors il ne faut pas se leurrer aujourd'hui ». Bien que la quasi-totalité des titres eût réservé leur Une au procès de Blida, ceux que nous avons interrogés étaient unanimes. Ce n'est pas un événement. « Nous avons d'autres chats à fouetter, à quoi ça sert de suivre une affaire qui est déjà ficelée ? Vous estimez qu'il est normal de rejuger des mis en cause, alors que la principale tête pensante de ce crime, (Abdelmoumène Rafik Khelifa, Ndlr) est toujours à l'abri ? Non, ce n'est pas sérieux ! Ce qui est important, ce n'est pas qui est coupable mais plutôt où est l'argent . Le plus important aujourd'hui est de dédommager les victimes, surtout les particuliers » suggère Lahcen, un quadragénaire, qui sirotait un thé sur une terrasse d'une cafétéria jouxtant la Fac centrale. Notre interlocuteur, qui semblait médusé par cette affaire qui a défrayé la chronique ces derniers jours, accuse ouvertement les gens d'en haut d'être derrière. « L'affaire Khalifa est un coup prémédité pour le vol de l'argent de l'Etat et celui du peuple, mais d'une manière professionnelle. C'est un braquage à l'algérienne et les acteurs de ce feuilleton sont ces gens qui nous gouvernent aujourd'hui » renchérit-il. Par ailleurs, il est à rappeler que cette affaire a été reportée à maintes reprises à cause de l'absence de l'accusé principal. La justice ? pas pour demain ! Dans le même sillage, le jeune Amin, militant du Mjic (Mouvement de la jeunesse indépendante pour le changement, Ndlr), que nous avons abordé devant l'entrée principale de la Faculté centrale d'Alger, n'a pas ménagé la justice algérienne. « Il n'y a plus de justice en Algérie. La preuve, les dossiers des familles victimes du terrorisme n'ont jamais été réglés jusqu'à ce jour. Pour ne pas aller loin, ce qui s'est passé récemment à Constantine, suite à l'assassinat de deux gosses, n'a pas fait réagir notre justice, qui demeure toujours anesthésiée. Alors qu'ils jugent avant les kidnappeurs et les tueurs des petits enfants, pour espérer par la suite à la condamnation de ces gens de gros calibres ». Quelques mètres plus loin, Nassima, étudiante, prétendant ne pas s'intéresser à la politique, a toutefois émis un avis sur le nouveau procès de l'ex-milliardaire. « Je ne suis pas bien en politique, c'est mon dernier souci, mais je pense que l'affaire Khalifa, qui a défrayé la chronique depuis plusieurs années, doit connaitre aujourd'hui son épilogue. C'est une affaire qui a trainé depuis déjà 10 ans, il est temps que notre justice fasse son travail pour redorer son blason déjà bien terne. Certes, ce n'est pas facile, étant donné que cette affaire implique des gens importants, mais les Algériens ont le droit de savoir ce qui s'est passé dans cette affaire. Il faut avoir le courage de dévoiler ce qui a été voilé pendant des années », insiste notre interlocutrice, qui ne cache pas sa déception. Un avis partagé par Larbi, un sexagénaire, qui feuilletait tranquillement un journal à la place Audin. « Ce petit renard (Abdelmoumène Rafik Khelifa), un petit pharmacien, a su bâtir en quelques mois un empire, avec la complicité de hauts responsables de l'Etat. Il ne faut pas oublier une chose, son père a été un gars du système et ami de plusieurs grosses légumes. Khalifa Bank a été créée pour subtiliser l'argent des Algériens à qui on a fait croire qu'il ne fallait pas faire confiance aux banques publiques. C'est une stratégie qui a bien marché. » Jeunes ou âgés, actifs ou à la retraite, ceux que nous avons interrogés voient, au delà d'un procès, une justice qui subit les événements et qui ne pourrait éventuellement pas les protéger. Y. M. Parodié sur les réseaux Chakib surclasse Moumène Contrairement au premier procès Khalifa, celui qui s'est ouvert hier à la cour de Blida est l'occasion rêvée pour les internautes de le parodier sur les réseaux sociaux. Ainsi, plusieurs comptes fictifs attribués à l'ex-milliardaire "de carton" ont été ouverts sur Facebook. Dans l'un deux, très apprécié, on peut lire les commentaires de Rafik qui suit son procès à partir de sa résidence londonienne. " Je ne vois pas pourquoi ils ne m'ont pas invité, alors que le personnage principal, c'est bien moi. Trois cents invités et autant de journalistes pour un procès qui porte mon nom? Je pourrais me présenter pour 2014 à la présidentielle, vue ma popularité !" D'autres commentaires, notamment de jeunes, indiquent que le procès Khalifa est une "série dépassée". " Il faut être avec son temps, Khalifa c'est comme Dallas, c'est vieux. Maintenant, pour être In, il faut suivre la série Chakib au pays des Merveilles". Comme quoi, les Algériens semblent inspirés sur la Toile. Y. C. ALGERIE NEWS Mercredi 3 avril 2013
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