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Le sommet de La Haye 89
II. Le sommet: une dérive intergouvernementale de la Communauté?
Si les motivations pour la relance sont multiples, la méthode envisagée, une
rencontre au sommet, s’inscrit dans la plus pure tradition gaulliste. Avant 1969, les
sommets des Six étaient restés exceptionnels. L’idée en avait été avancée par le
président de Gaulle, dans sa conférence de presse du 5 septembre 1960 où il
préconisait la mise en route d’une Europe politique sur la base de décisions prises
par le «concert» européen, au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement. Puis,
dans la phase d’élaboration du projet, deux sommets s’étaient effectivement tenus,
l’un à Paris en février, l’autre à Bonn en juillet 1961. Après l’échec de ce plan
Fouchet, la notion de sommet est restée entachée d’une double connotation
gaullienne et anticommunautaire. Par la suite, une seule conférence des chefs
d’Etat et de gouvernement a encore été organisée, en 1967, dans la capitale
italienne, à l’occasion du dixième anniversaire des traités de Rome. Cette
manifestation solennelle, essentiellement commémorative et sans réelle portée
politique, avait cependant retenu, malgré les réticences des Néerlandais, l’idée d’un
autre sommet qui pourrait se réunir à La Haye.
La proposition française
C’est cette pratique du sommet que Georges Pompidou veut remettre à l’honneur
pour promouvoir la relance. Dans sa conférence de presse du 10 juillet, il estime
«qu’il serait utile que dans un terme pas trop lointain et de préférence à intervalles
relativement rapprochés, les principaux responsables, chefs d’Etat ou de
gouvernement, se rencontrent, sans ordre du jour, très librement, pour faire le tour
des questions et pour faire avancer à la fois, dans l’immédiat, l’achèvement de la
Communauté telle qu’elle existe, et ensuite réaliser des progrès dans les autres
domaines». 35
Cette proposition rappelée aussi par le premier ministre, Jacques
Chaban-Delmas, 36 dans son discours d’investiture, le 29 juin, est présentée
formellement aux partenaires de la France, par le ministre des Affaires étrangères,
Maurice Schumann, 37 lors du Conseil tenu à Bruxelles, le 22 juillet. Il suggère
d’organiser une réunion, «à une date aussi proche que possible, selon des modalités
qui conviennent à tous et qui pourront être fixées selon la voie appropriée» afin que
les chefs d’Etat et de gouvernement «échangent leurs vues, sans limitation ni ordre
35. Texte de la conférence de presse dans 5AG2, 632.
36. Europe, 30 juin 1969. La personnalité du premier ministre et ses prises de position semblent
accueillies assez favorablement chez les Cinq.
37. Maurice Schumann a une image de gaulliste favorable à la Communauté européenne. Il a été la
«voix» de la France libre, à Londres, pendant la seconde guerre mondiale. Membre du MRP (Parti
démocrate-chrétien) sous la IV e République, il s’est rallié à de Gaulle en 1958, mais a démissionné
du gouvernement, avec 4 autres ministres, en mai 1962, après l’échec du plan Fouchet et la
conférence de presse où le général de Gaulle s’en prenait à l’Europe supranationale.