les liaisons

Les Liaifons dangereufes. 179
ce qui m'a frappé le plus dans la derniere
leciure que je viens d'en faire.
Mais, fur-tout, peut-on fe défendre de
la plus vive indignation contre Madame de
Merteuil, quand on fe rappelle avec quel
affreux plaifir elle a mis tous fes foins a
abufer de tant d'innocence & de candeur?
Non, je n'ai plus d'amour. Je ne conferve
rien d'un fentiment fi indignement
trahi; & ce n'eft pas lui qui me fait chercher
a juftifier Mlle. de Volanges. Mais
cependant, ce coeur fi fimple , ce caractere
fi doux & fi facile , ne fe feroiencils
pas portés au bien, plus aifément encore
qu'ils ne fe font lailfés entrainer vers
le mal ? Quelle jeune perfonne, fortant
de même du Couvent, fans expérience &
prefque fans idéés, & ne portant dans le
monde, comme il arrivé prefque toujours
alors, qu'une égale ignorance du bien &
du mal; quelle jeune perfonne, dis-je, auroit
pu rélifter davantage a de fi coupables
artifices? Ah! pour être indulgent, il fuffic
de réfléchir h combien de circonftances in.
dépendantes de nous, tient Talternative effrayante
de la délicatefle, ou de la dépravation
de nos fentiments. Vous me rendiez
donc juftice, Madame, en penfant que les
torts de Mlle. de Volanges, que j'ai fentis
bien vivement, ne m'infpirent pourtant aucune
idéé de vengeance. C'elt bien aflez