les nouvelles d'Archimède #44 - Espace culture de l'université de ...

humeurs / LNA#44
autres n’existaient pas, de même que chacune de ses voluptés successives est pour l’amant versatile
un présent éternel et absolument incomparable à tous les autres » 3 . Non seulement il n’y a pas harmonie
(cosmos), mais cette confusion est le fait de l’homme qui ne peut qu’en rajouter. Voilà qui
donne raison au « polythéisme des valeurs » de Max Weber. Au niveau des dieux de l’Olympe (que
nous appellerons méta empirique), il y a une lutte intestine des valeurs. Mais, au niveau empirique,
celui du « cœur humain », le mal n’est pas dans le pluriel, mais dans « l’intention machiavélique
d’affaiblir les valeurs et de jeter sur leur sérieux le doute et la déconsidération » 4 . Le plus souvent,
nous vivons dans « l’imbroglio », dans cette « macédoine » qui rend l’existence viable et vivable.
3
V. Jankélévitch,
Le mal in Philosophie
morale, Paris, Flammarion
1998, p. 305.
4
V. Jankélévitch, ibid.
Que nous disent maintenant les hommes politiques en quête de nos suffrages ? Ils situent leur rivalité
sur le plan des valeurs. Mais tout se passe comme si ces valeurs étaient hypostasiées, comme
s’il y avait, dans quelque arrière monde, des Idées platoniciennes incarnées dans des valeurs (le
polythéisme n’étant pas satisfaisant). Dès lors, les discours dressent valeurs contre valeurs. Et si,
précisément, ce n’était pas cela que nous attendions ? Et si notre engagement personnel à chacun ne
se reconnaissait dans aucun de ces discours ? Levinas, dans un renversement radical, énonçait : « le
fait éthique ne doit rien aux valeurs ; ce sont les valeurs qui lui doivent tout ». Il n’y a de valeurs que
de ce qui fait valoir celui que j’éduque, à qui j’enseigne, avec qui je me mobilise, ou tout simplement
à qui j’adresse la parole. Dès lors, tout en découle : la liberté (de mon élève, etc.), l’émancipation,
l’instruction, l’éducation. Ce n’est pas sur les valeurs que nous attendons les hommes politiques.
D’eux, nous attendons autre chose : un discours clair sur les fins, les fins du politique, du vivre
ensemble, du bien commun. Et qu’ils ne sacrifient pas ces fins à la vue basse des moyens. Mais peutêtre
est-ce une autre question ?
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