PAGE 28 <strong>Avril</strong> <strong>2011</strong> LE JOURNAL – BARREAU DU QUÉBEC
LE JOURNAL – BARREAU DU QUÉBEC <strong>Avril</strong> <strong>2011</strong> PAGE 29 Loi sur les sociétés par actions Les 10 règles d’or pour partir <strong>du</strong> bon pied Louis Baribeau, avocat Afin de profiter au maximum de la gestion simplifiée et de la culture démocratique ren<strong>du</strong>es possibles par la Loi sur les sociétés par actions, plusieurs ajustements peuvent s’avérer nécessaires à la structure juridique des entreprises privées. Cette législation, entrée en vigueur le 14 février dernier, qui remplace la partie IA de la Loi sur les compagnies 1 « constitue probablement la plus importante réforme juridique depuis la mise en vigueur <strong>du</strong> Code civil <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> en 1994 », affirme M e Michel Filion, auteur de Droit des petites sociétés par actions - Accès aux règles et formulaires. La législation régit 300 000 entreprises, dont environ 250 000 petites sociétés très souvent administrées par leurs actionnaires. La nouvelle loi s’applique automatiquement à presque toutes les sociétés québécoises existantes. Cependant, pour profiter au maximum des innovations qu’elle apporte, M e Filion recommande une révision complète, tenant compte des besoins des actionnaires, de la structure juridique de l’entreprise : des statuts, de la convention unanime des actionnaires, <strong>du</strong> contrat entre tous les actionnaires et <strong>du</strong> règlement intérieur. Dix règles importantes devraient orienter ce travail de révision. Permettre aux actionnaires d’élire un nombre d’administrateurs proportionnel aux actions qu’ils détiennent « C’est la règle la plus importante », dit M e Filion. Elle reflète la culture démocratique véhiculée dans la nouvelle loi au bénéfice des actionnaires minoritaires. Le meilleur moyen d’implanter ce principe démocratique est le suivant : par exemple, s’il y a cinq administrateurs à élire, les règles prévoient que chaque tranche de 20 % des actions comportant droit de vote donne droit au choix d’un administrateur. Des actionnaires ayant un solde inutilisé inférieur à 20 % peuvent s’allier avec des actionnaires détenant moins de 20 % des actions votantes pour constituer une tranche de 20 % et élire un administrateur. De même, un actionnaire détenant moins de 20 % des actions votantes peut s’allier à un ou plusieurs actionnaires pour qu’ils atteignent ensemble le pourcentage de 20 % et ainsi élire un administrateur. S’il n’est pas possible pour les actionnaires de s’entendre sur une formule semblable, on peut prévoir le vote cumulatif dans les statuts, comme le permet la Loi, mentionne M e Fillion. « Cette décision exige le consentement d’au moins les deux tiers des voix exprimées », dit-il. Le vote cumulatif accorde aux actionnaires un nombre de voix égal au total des droits de vote attachés à leurs actions multiplié par le nombre d’administrateurs à élire. Ils peuvent porter leurs voix sur un ou plusieurs candidats. Éliminer les certificats d’action M e Filion mentionne que la législation régissant les transferts d’action est d’une application plus complexe dans le cas des actions avec certificat que sans certificat. Les certificats accroissent donc le risque d’irrégularités ou de litiges. « La preuve de propriété des actions peut être incorporée dans un document regroupant tous les renseignements qu’un nouvel actionnaire devrait avoir et qui sont prescrits par la loi », indique M e Filion. Il est d’avis que tout transfert d’actions devrait être strictement contrôlé par la société. Pour une société constituée le ou après le 14 février <strong>2011</strong>, la règle des actions sans certificat devrait être inscrite dans les statuts. M e Filion recommande que le conseil d’administration d’une société existante avant cette date récupère tous les certificats d’actions émis et les annule. Restreindre les transferts d’actions Il s’agit des mêmes restrictions traditionnelles nécessaires pour que la société soit considérée comme étant privée (émetteur fermé) et pour lui éviter autant que possible l’assujettissement à la réglementation sur les valeurs mobilières. Ces restrictions peuvent être prévues « soit dans les statuts constitutifs, soit dans une convention unanime des actionnaires », selon M e Filion. Exiger un consensus des administrateurs pour les transferts d’actions et l’admission d’un nouvel actionnaire Dans les cas où tous les actionnaires ne sont pas également administrateurs, la convention unanime des actionnaires pourrait exiger que les décisions relatives à l’émission ou au transfert d’actions de la société soient prises avec le consentement d’au moins les trois quarts des voix exprimées par les administrateurs et non par les actionnaires. « Lorsque la première règle d’or est respectée, il paraît opportun de prévoir ce genre de décision de gestion au niveau des administrateurs », dit M e Filion. Il y a lieu également d’accorder lors de toute émission d’actions un droit de préemption aux actionnaires actuels. Lors d’un transfert d’actions, donner une préférence à la société et aux actionnaires actuels « Tous les actionnaires devraient conclure un contrat prévoyant qu’avant de vendre leurs actions à un tiers, ils doivent les offrir d’abord à la société et ensuite à leurs coactionnaires », pense M e Filion. Le but de cette stipulation est de favoriser le maintien de la répartition actuelle <strong>du</strong> capital-actions et donc des droits de vote dans la société. Permettre aux actionnaires de faire inscrire des sujets et propositions à l’ordre <strong>du</strong> jour de l’assemblée annuelle « Cela va de soi puisque l’assemblée des actionnaires appartient aux actionnaires », dit M e Filion. La Loi accorde ce droit aux actionnaires de sociétés dont les actions sont cotées en bourse, mais il est de l’intérêt des sociétés privées de profiter aussi <strong>du</strong> vent de démocratisation qui souffle dans le monde des entreprises. Il y a donc lieu de prévoir dans le règlement intérieur qu’un nombre minimal d’actionnaires puissent exiger l’inscription d’un sujet à l’ordre <strong>du</strong> jour de l’assemblée annuelle. Prévoir un recours aux modes alternatifs de règlement des conflits, comme la médiation et l’arbitrage « La Loi prévoit de nouvelles possibilités de recours en justice en Cour supérieure, notamment pour la protection des actionnaires minoritaires », souligne l’auteur. D’où l’importance de stipuler, dans le règlement intérieur, la convention unanime des actionnaires et le contrat entre tous les actionnaires, l’utilisation des modes de règlement non judiciaires pour les litiges entre actionnaires ou entre un actionnaire et la société. Inclure le moins possible de dispositions dans les statuts de la société Même s’il est possible d’inscrire dans les statuts des dispositions qui se retrouvent normalement dans le règlement intérieur, M e Filion ne le recommande pas. « Car la société devra payer, à chaque modification des statuts, les frais prescrits et un vote à la majorité d’au moins les deux tiers des voix exprimées par les actionnaires est requis », dit-il. Regrouper les normes régissant la société et ses actionnaires Le règlement intérieur devrait intégrer les normes des statuts, de la convention unanime des actionnaires et <strong>du</strong> contrat entre tous les actionnaires. On peut, par exemple, citer ces règles en les mettant en italique et en les regroupant selon un ordre logique et indiquer leur source. « Cela favorise leur compréhension et leur accessibilité », selon M e Filion. Remettre les pouvoirs de gestion entre les mains des actionnaires-administrateurs Les actionnaires qui veulent administrer eux-mêmes la société peuvent « conclure une convention unanime retirant tous les pouvoirs <strong>du</strong> conseil d’administration, afin de les assumer eux-mêmes », affirme M e Filion. « Ils peuvent aussi choisir de ne pas constituer de conseil d’administration. Lors de la prochaine déclaration annuelle au registraire des entreprises, la société devra déclarer l’existence de cette convention et les nom et domicile des actionnaires qui assument ces pouvoirs ». Pour les sociétés créées le ou après le 14 février <strong>2011</strong>, la déclaration peut être faite dans la déclaration initiale. L’actionnaire unique peut de la même façon choisir d’exercer les pouvoirs d’administrateur. L’ouvrage publié chez Gaudet Éditeur est accessible gratuitement dans Internet jusqu’au 5 mai prochain. 1 Publié chez Gaudet Éditeur et disponible gratuitement sur le Web jusqu’au 5 mai <strong>2011</strong> : server.gaudet.ca:8080/frc/index.php