Avril 2011 - Barreau du Québec

PAGE 6 Avril 2011 LE JOURNAL – BARREAU DU QUÉBEC
M e Gilles Ouimet
Propos du bâtonnier
Remettre les pendules à l’heure !
L’image de la profession est souvent malmenée sur la place publique.
Je ne surprendrai personne avec cet énoncé qui décrit une réalité qui n’est
malheureusement pas nouvelle.
Le bâtonnier J. Michel Doyon, dans son
ouvrage, Les avocats et le Barreau, une
histoire 1 …, cite des écrits du début de la
colonie où l’on dénigre déjà la profession.
On le sait, les mythes ont la vie dure et
prennent naissance parfois d’étranges
façons.
Le récent conflit entre le gouvernement et
ses procureurs aux poursuites criminelles
et pénales, et les juristes de l’État a permis
de mettre un peu de baume sur cette plaie
en confirmant le capital de sympathie
dont bénéficient ces avocats auprès de la
population. Malheureusement, il aura aussi
remis à l’avant-plan l’écart perceptuel entre
certains groupes de membres du Barreau…
Si le public apprécie clairement le travail de
ses procureurs aux poursuites criminelles
et pénales, il comprend moins bien, par
exemple, celui des avocats de la défense.
Déboulonner les mythes
Nous avons la responsabilité de
déboulonner certains mythes véhiculés
sur la place publique et d’expliquer des
concepts qui, lorsque mis en contexte,
prennent un sens différent. Étant
moi-même criminaliste, j’ai souvent dû
expliquer l’importance de la présomption
d’innocence, du droit à l’avocat et de la
défense pleine et entière à des proches.
Des concepts qui ne sont pas si faciles
à faire comprendre et à ramener près
du quotidien de tout un chacun. Pourtant,
si l’on prend le temps d’expliquer
avec des exemples simples sur quels
principes s’appuie notre travail et comment
celui-ci préserve les droits fondamentaux
de tous les citoyens, peu de gens
demeurent insensibles.
Les informations véhiculées hors contexte
peuvent aussi nuire grandement à la
perception qu’a le public de notre travail.
Au cours des dernières semaines, j’ai pu
lire ou entendre des commentaires sur la
rémunération des avocats de la défense
par l’État dans le cadre des mégas-procès.
Cette information, mise hors contexte,
offrait une boiteuse comparaison des
conditions de travail de salariés avec des
membres en pratique privée. Qui dans
la population a pu faire le nécessaire
ajustement de ces chiffres en déduisant
le 55 % que paient tous les praticiens
privés ? Quel citoyen avait en main les
informations nécessaires pour apprécier
le fait que l’engagement à temps plein et
sur une longue durée d’un praticien privé
dans ce genre de dossier met souvent en
péril la survie même de sa pratique une fois
le dossier complété ? Une fois remis sous
son éclairage réel, le portrait est souvent
bien différent…
Le moment est venu de sortir de notre
réserve et d’aborder des sujets difficiles,
voire tabous, et ce, avec prudence et
vigilance. Prudence pour ne pas faire
naître d’autres mythes que nous aurions
du mal à déboulonner,et vigilance pour
corriger le tir à chaque fois où cela serait
nécessaire. Nous exprimerons ainsi notre
fierté d’être un maillon essentiel du système
démocratique et jouerons pleinement notre
rôle de promoteur de la règle de droit.
Pour le Barreau, cela fait aussi partie de sa
mission de protection du public.
Ce grand défi de revaloriser la justice et de
faire en sorte qu’elle devienne une priorité
gouvernementale passe nécessairement
par la sensibilisation de la population à
l’important rôle que nous jouons tous,
quels que soient notre type de pratique ou
notre champ de compétence. Et ce défi,
le Barreau le relèvera avec vous.
Nous avons tous un rôle à jouer pour
remettre les pendules à l’heure !
Le bâtonnier du Québec,
M e Gilles Ouimet
1 DOYON, J. Michel, Les avocats et le Barreau : une
histoire…, 1 ere éd., 2009.