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Avril 2011 - Barreau du Québec

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PAGE 8 <strong>Avril</strong> <strong>2011</strong> LE JOURNAL – BARREAU DU QUÉBEC<br />

Quelles sont les suites à donner<br />

à la commission Bastarache ?<br />

Lisa Marie Noël<br />

La commission Bastarache a été pour certains une curiosité, pour d’autres, un exercice qui a permis de<br />

réfléchir sur le processus de nomination des juges, un sujet qui a longtemps été tabou. Mais aussitôt le<br />

rapport déposé, peu de personnes se sont prononcées sur les suites à donner.<br />

La discussion a été lancée dans le cadre d’une table ronde<br />

intitulée Les suites à donner à la commission Bastarache :<br />

Regards sur le processus de nomination des juges lors d’un<br />

colloque organisé par la chaire Jean-Louis Baudouin en<br />

droit civil et la chaire de recherche <strong>du</strong> Canda en identités<br />

juridiques et culturelles nord-américaines et comparées<br />

de l’Université de Montréal. Voici ce qu’en pensent les<br />

personnes présentes autour de la table.<br />

Pierre Noreau, politicologue et professeur de droit à<br />

l’Université de Montréal<br />

Selon lui, le rapport Bastarache n’a pas répon<strong>du</strong> aux<br />

questions soulevées. Alors que le public s’attendait à<br />

une commission d’enquête sur l’ingérence politique dans<br />

la nomination des juges, les travaux ont tourné autour<br />

de l’existence ou non d’une réunion qui aurait eu lieu<br />

le 2 septembre 2003.<br />

Le rapport de la commission a suscité très peu de réactions<br />

contrairement à la commission d’enquête elle-même, qui<br />

a fortement intéressé le public. « Après deux jours, on<br />

n’en entendait pratiquement plus parler. Il y a une raison<br />

à ça. Le rapport ne porte pas sur la raison pour laquelle<br />

la commission a été constituée. Il est normal qu’on s’y<br />

intéresse beaucoup moins qu’à l’enquête. »<br />

Selon Pierre Noreau, il n’y a « pratiquement rien dans<br />

le rapport qui indique clairement ce qu’on doit faire à<br />

l’avenir. Redonne-t-on au ministre de la Justice l’intégrité<br />

de la fonction de nommer les juges ou accepte-t-on que<br />

le premier ministre ait une sorte de droit de veto sur la<br />

nomination des juges ? » Il regrette que la commission ne<br />

se soit pas prononcée sur ce problème qui était soulevé.<br />

Malgré tout, il rapporte les bons résultats d’un sondage<br />

mené par l’Observatoire <strong>du</strong> droit à la justice de l’Université<br />

de Montréal l’automne dernier : 62 % des gens maintiennent<br />

leur confiance dans le système judiciaire.<br />

Pierre Michaud, avocat et ancien juge en chef de la Cour<br />

d’appel <strong>du</strong> <strong>Québec</strong><br />

Pour Pierre Michaud, le processus de nomination des juges<br />

est un très bon système. « J’ai toujours pensé que le comité<br />

de sélection des candidats tel qu’il existe était efficace et nous<br />

servait bien. C’est également le constat de la commission.<br />

Je trouve d’ailleurs étonnant que celle-ci ait cru nécessaire<br />

de modifier de fond en comble la composition <strong>du</strong> comité. »<br />

Augmenter le nombre de membres au comité de sélection<br />

engendrera un processus beaucoup trop lourd et beaucoup<br />

plus long, croit-il.<br />

« La recommandation la plus importante, la seule qui soit<br />

vraiment nécessaire, est celle de ré<strong>du</strong>ire la liste remise au<br />

ministre de la Justice pour pourvoir un poste. Comme le<br />

suggère la commission, cette liste ne devrait pas excéder<br />

plus de trois noms. Le rapport devrait indiquer les qualités<br />

principales de chacun des candidats et des candidates<br />

retenus. Plus la liste est courte et moins il peut y avoir<br />

l’exercice d’une discrétion politique », croit Pierre Michaud.<br />

Pratiquement rien dans le rapport qui indique clairement ce qu’on doit faire à<br />

l’avenir. Redonne-t-on au ministre de la Justice l’intégrité de la fonction de nommer<br />

les juges ou accepte-t-on que le premier ministre ait une sorte de droit de veto sur la<br />

nomination des juges ?<br />

Pierre Noreau, politicologue et professeur de droit à l’Université de Montréal<br />

« Une fois cette liste remise, il ne devrait pas être possible<br />

pour le ministre d’annuler le concours et de recommencer<br />

le processus seulement parce qu’il n’est pas heureux<br />

<strong>du</strong> choix des comités. Le ministre devrait être tenu de<br />

donner suite au rapport qui lui est remis. Je ne souscris<br />

donc pas à la recommandation 27 telle qu’elle a<br />

été formulée », indique M e Michaud, faisant allusion<br />

à des rumeurs étant parvenues à ses oreilles selon<br />

lesquelles certains ministres auraient demandé<br />

d’annuler des concours, parce que la liste ne contenait pas<br />

les noms espérés.<br />

Yves Boisvert, journaliste à La Presse<br />

Yves Boisvert juge le rapport de la commission Bastarache<br />

utile. Il est heureux de voir que sont tombés les tabous<br />

concernant le processus de nomination des juges.<br />

« On me dit toujours qu’il n’y a pas de problème avec<br />

la nomination des juges, qu’on a des bons juges, qu’on<br />

a le meilleur système au monde et que le Canada est<br />

un exemple ! » Il accorde que le système est bon et<br />

supérieur à ce qu’on retrouve dans d’autres pays.<br />

« On peut faire mieux et on doit faire mieux. Je crois que<br />

ce rapport vient dire que c’est évident qu’il y a des choses<br />

qui ne fonctionnent pas », dit-il.<br />

« On n’a pas prouvé qu’il y avait des influences colossales.<br />

On a prouvé qu’il y avait toutes sortes d’interférences<br />

dans le système qui n’était pas étanche. Pour moi, c’est ça<br />

l’essentiel », ajoute-t-il.<br />

Yves Boisvert prône l’augmentation <strong>du</strong> nombre de membres<br />

au comité de sélection afin de diversifier la sélection<br />

comme c’est déjà la façon de faire en Ontario. Il croit<br />

également que le comité ne devrait recommander qu’une<br />

ou deux personnes.<br />

Il espère que la commission permettra l’amélioration<br />

de l’institution judiciaire. Pourquoi ne pas faire preuve<br />

d’audace et essayer d’être les meilleurs ? « On a été parmi<br />

les premiers à avoir un système sérieux de sélection et de<br />

nomination des juges, mais on a pris <strong>du</strong> retard. Le débat<br />

est fini depuis longtemps en Ontario. »<br />

Louis Bernard, président Louis Bernard Consultant inc.<br />

L’ancien fonctionnaire qu’est Louis Bernard est peu optimiste<br />

face à la commission et au rapport. « Malheureusement, la<br />

commission a lamentablement failli à la tâche. Le moins<br />

qu’on puisse dire, c’est que les citoyens ont été loin d’être<br />

rassurés », déclare-t-il.<br />

Il déplore que l’allégeance politique se soit immiscée<br />

dans la nomination des juges et que le rapport ait passé<br />

sous silence « ce qui avait pourtant été clairement prouvé<br />

<strong>du</strong>rant son enquête, c’est-à-dire la politisation avouée<br />

<strong>du</strong> processus par le bureau <strong>du</strong> premier ministre », accuse<br />

Pierre Bernard qui a été chef de cabinet de René Lévesque<br />

en 1976, avant d’être secrétaire général <strong>du</strong> Conseil<br />

exécutif en 1978. Le premier ministre n’a pas à enquêter<br />

sur les allégeances politiques des candidats ou à en<br />

connaître la liste à l’avance.<br />

Dans un processus de sélection et de nomination de<br />

juges, la confidentialité <strong>du</strong> système est primordiale selon<br />

M e Bernard. Des avocats qui posent leur candidature ne<br />

voudront pas que leurs associés, clients et collègues soient<br />

mis au courant qu’ils comptent abandonner la pratique.<br />

« C’est ce qui explique que le comité de sélection ne<br />

compte que trois personnes et que la liste est transmise<br />

au ministre à qui il revient de faire le choix final. Ce choix<br />

étant soumis directement aux membres <strong>du</strong> conseil des<br />

ministres sans que personne d’autre ne soit mis au courant<br />

à l’avance. » C’est la meilleure façon de faire, croit-il.<br />

Les recommandations <strong>du</strong> rapport proposent un processus<br />

« bien lourd » et « inutilement compliqué » qui mettra en<br />

danger la confidentialité des candidatures.<br />

Suite page 9

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