Planet R n° 62 - NEOMA Business School
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Portrait<br />
Portrait<br />
Au bonheur d’une dame<br />
Aux Galeries Lafayette Haussmann, la mode est légère, drôle, vivante. Mais depuis son bureau du 7 e étage,<br />
Annie Bois (78), Directrice, ne joue pas à la marchande. Dans cette nouvelle étape d’un parcours<br />
100 % distribution, la diplômée mène une petite révolution contre les pesanteurs du passé.<br />
<strong>62</strong><br />
été 2010<br />
22<br />
Dans son bureau du 7 e étage<br />
des Galeries Lafayette<br />
Haussmann, Annie Bois (78)<br />
doit se rendre à l’évidence :<br />
ses parents ont eu raison.<br />
Le temps d’une gorgée de café<br />
à l’amande, la Directrice du plus<br />
beau magasin du monde<br />
s’explique. « Je voulais être<br />
interprète et faire mes études<br />
à Paris, raconte-t-elle. Pour mes<br />
parents, c’était inconcevable !<br />
Alors j’ai fait l’ESC Rouen,<br />
comme ma sœur… » En fait,<br />
des regrets, Annie Bois n’en<br />
a plus depuis longtemps.<br />
Chemisier blanc, pantalon marron<br />
rayures tennis, bijoux or<br />
Annie Bois (78)<br />
et turquoise, la business woman<br />
annonce une brillante carrière<br />
dans la distribution. Et un poste<br />
qui ferait rêver plus d’une<br />
(et plus d’un…). Les Galeries<br />
Lafayette Haussmann, ce sont<br />
1 milliard d’euros de chiffre<br />
d’affaires, 4 000 collaborateurs,<br />
70 000 m² et une image fantastique<br />
! Alors, idyllique, le poste<br />
de directeur ? Non car derrière<br />
les ors de l’architecture et les<br />
paillettes de la mode, derrière<br />
l’offre gigantesque et la french<br />
touch mondialement reconnue,<br />
le paquebot GL cache quelques<br />
avaries. Ainsi quand Annie arrive<br />
dans l’enseigne en 2005, et à<br />
la direction générale un an plus<br />
tard, elle ouvre des yeux ronds.<br />
Si le magasin est dans le rouge,<br />
il y a des raisons ! « La culture<br />
était paternaliste, le management<br />
descendant, il n’y avait<br />
pas de comité de direction,<br />
énonce la directrice. Et côté<br />
informatique, c’était la gomme<br />
et le crayon ! » Pour ne citer que<br />
cela. Annie doit donc tout mener<br />
de front et communiquer,<br />
encore et encore. « J’ai tout de<br />
suite créé un Comité Exécutif<br />
(Comex), enchaîne-t-elle.<br />
Comment peut-on diriger tout<br />
seul ? Et j’ai mis en œuvre le<br />
management participatif, la<br />
culture de la responsabilisation.<br />
» Autant de méthodes qu’elle<br />
avait apprises précédemment au<br />
Printemps, avec Per Kauffman,<br />
ex-PDG d’Ikéa France…<br />
Des orchidées sont posées un<br />
peu partout dans le bureau, des<br />
boîtes à chapeaux décorent<br />
l’étagère. C’est décidé : le management<br />
sera féminin ou ne<br />
sera pas ! D’ailleurs le Comex<br />
des GL Haussmann compte,<br />
fait rare, plus de femmes que<br />
d’hommes. Peut-être une<br />
revanche sur un secteur où<br />
« les femmes se sont pas attendues<br />
aux postes de direction » ?<br />
Mais hommes ou femmes peu<br />
importe ! La conviction d’Annie,<br />
c’est qu’en management, il faut<br />
des objectifs. « Maintenant,<br />
martèle-t-elle, c’est la culture<br />
du résultat au quotidien et cet<br />
état d’esprit descend jusqu’aux<br />
vendeuses. » Et remonte vite au<br />
7 e étage.<br />
L’audace du dériveur<br />
Ainsi, toutes les demi-heures<br />
pendant les soldes, un collaborateur<br />
apporte un post-it<br />
avec le chiffre réalisé…<br />
Toutefois, le management participatif<br />
et la culture du chiffre<br />
d’affaires ne font pas tout.<br />
« Le succès, c’est une alchimie !<br />
affirme Annie. Un service différenciant,<br />
des investissements,<br />
un questionnement permanent<br />
sur les marchés à développer.<br />
Il y a quinze ans, ce n’était pas<br />
nécessaire mais la percée de la<br />
grande distribution et de ses<br />
galeries marchandes, l’explosion<br />
des chaînes spécialisées<br />
comme Zara et H&M, a gêné<br />
les grands magasins ! »<br />
Pour cette navigatrice, la<br />
réactivité et l’audace du dériveur<br />
doivent donc remplacer la<br />
lenteur et le confort du paquebot.<br />
Aussi, sous la houlette de<br />
celle qui ne jure que par la<br />
démarche Projet, les idées les<br />
plus iconoclastes apparaissent.<br />
« En 2009, nous avons consacré<br />
le sous-sol du magasin<br />
(3 200 m²) à la chaussure,<br />
raconte Annie. Nous avons<br />
imaginé un concept store avec<br />
un grand salon d’essayage de<br />
vêtements, des services Soins<br />
des pieds et un corner de<br />
macarons Pierre Hermé. » Il faut<br />
le dire, le grand nom des macarons<br />
a d’abord refusé : s’installer<br />
dans un sous-sol plein de<br />
boîtes à chaussures, lui ?<br />
Puis au vu d’un concept qui réunit<br />
luxe, glamour et originalité,<br />
il a signé ! On a compris, qu’il<br />
s’agisse de joaillerie, de décoration<br />
ou de restauration, l’ambition<br />
de la directrice est toujours<br />
la même. « Je veux créer<br />
des lieux où l’on craque ! »<br />
confie Annie. A-t-elle d’ailleurs<br />
un autre choix que celui du<br />
volume ? « Entre charges de<br />
personnel et variété des<br />
marques, souligne la diplômée,<br />
notre structure de coût est très<br />
élevée. Nos marges sont faibles<br />
car nous vendons seulement<br />
3 % de marques propres.<br />
En effet, notre clientèle, à 50 %<br />
internationale, vient chez nous<br />
pour trouver toutes les grandes<br />
marques sous un même toit. »<br />
À titre d’exemple, le seul département<br />
Mode Femme compte<br />
350 marques dont 45 en<br />
exclusivité…<br />
Si les GL sont sorties du rouge,<br />
Annie a encore du pain sur la<br />
planche. « La mutation du<br />
système informatique est en<br />
cours, illustre-t-elle. Aujourd’hui,<br />
nous ne savons pas sortir le<br />
chiffre d’affaires d’un rayon à<br />
J +1, ni connaître les produits<br />
qui se sont le mieux vendus.<br />
Nos 650 caisses-enregistreuses<br />
ne sont pas reliées à la base de<br />
données ! Dans quelques mois,<br />
elles le seront. »<br />
50 000 euros par an<br />
Qu’on se rassure, la CRM<br />
(Gestion de la relation client) a<br />
droit de cité dans le grand magasin,<br />
qui trace ses clients et<br />
sait nouer un vrai relationnel<br />
avec les meilleurs d’entre eux :<br />
certains dépensent jusqu’à<br />
50 000 euros par an aux GL<br />
Haussmann ! « Nous avons un<br />
programme spécial pour les<br />
gros clients, précise-t-elle.<br />
Dans ce cas, je descends<br />
prendre un verre avec eux. »<br />
Emploi du temps plus que chargé<br />
donc… À l’incontournable<br />
question sur la conjugaison des<br />
vies familiale et professionnelle,<br />
cette mère de deux filles (19 et<br />
25 ans aujourd’hui) se cale dans<br />
son fauteuil. Là encore, il lui a<br />
fallu aller à contre-courant des<br />
usages. « Je fais un métier de<br />
rêve mais je ne serais pas à ce<br />
poste sans mon mari ! confie<br />
Annie. Il y a quinze ans, il a<br />
arrêté de travailler pour s’occuper<br />
de nos deux filles.<br />
Mes contrats ont toujours comporté<br />
une clause de mobilité,<br />
nous ne pouvions pas mener<br />
deux carrières en parallèle. »<br />
Cette belle organisation n’a pas<br />
empêché un incident du parcours.<br />
En 2004, alors adjointe<br />
du DG de France Loisirs,<br />
Annie a connu les affres<br />
du licenciement. Heureusement<br />
le bon sens normand n’a pas<br />
quitté la femme d’affaires.<br />
À la négociation s’est ajoutée<br />
une reprise de contact avec<br />
l’Association des diplômés.<br />
« J’ai rejoint un Groupe de<br />
Recherche d’emploi (Ndlr :<br />
aujourd’hui Club CarrieR), se<br />
souvient la diplômée. Et là j’ai<br />
compris la force du Réseau !<br />
Depuis, ma porte est toujours<br />
ouverte et j’ai fait bâtir un<br />
partenariat avec l’école : nous<br />
prenons fréquemment des<br />
stagiaires. » Mieux, Annie fait<br />
passer les oraux d’entrée à<br />
Rouen <strong>Business</strong> <strong>School</strong> et va<br />
s’impliquer dans la création<br />
d’un Mastère de Distribution.<br />
Indiscrétions<br />
Dans les couloirs de<br />
Mont-Saint-Aignan, on s’en<br />
réjouit. Et on pense, que<br />
oui, vraiment les parents d’Annie<br />
ont eu raison.<br />
Marie-Suzel Inzé (80)<br />
Comment elle est entrée dans la distribution ?<br />
Par hasard ! Elle a remplacé au pied levé une amie<br />
pour un entretien de recrutement...<br />
Thé ou café ?<br />
Café à l’amande ou à la noisette le matin, thé l’après-midi.<br />
Signe Astrologique : Balance, ascendant Sagittaire.<br />
Sa façon de se ressourcer : un mois sur son bateau<br />
chaque année.<br />
Son âge : 55 ans.<br />
Une devise : toujours voir le verre à moitié plein !<br />
Sa chance : une constitution extraordinaire,<br />
un mari qui l’est tout autant.<br />
CV<br />
Depuis 2006 :<br />
Directeur des Galeries<br />
Lafayette de Paris<br />
Haussmann.<br />
2005-2006 :<br />
Directeur Adjoint du magasin<br />
Paris Haussmann.<br />
1 milliard € de CA,<br />
4 000 collaborateurs.<br />
2000-2004 :<br />
France Loisirs<br />
(Groupe Bertelsmann).<br />
Directeur commercial France :<br />
310 m€ de CA, 100 personnes,<br />
200 boutiques.<br />
1998-2000 :<br />
Société Bata (Réseau<br />
de détail – chaussures).<br />
Directeur de réseau France :<br />
250 magasins, 137 m€<br />
de CA, 800 personnes.<br />
1993-1998 :<br />
Le Printemps - Directeur<br />
de Grands Magasins<br />
Printemps.<br />
1986-1993 :<br />
La Redoute,<br />
Directeur de magasin<br />
à Marseille.<br />
2 500 m², 6M€ de CA,<br />
40 personnes<br />
1979-1986 :<br />
Chef de département<br />
Grands Magasins<br />
Le Printemps<br />
(Poitiers, Marseille).<br />
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été 2010<br />
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