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La Lettre du Contentieux - Gide Loyrette Nouel

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4.<br />

clause de rencontre « n’oblige en aucune façon le cocontractant à accepter les modifications de contrat proposée par l’autre partie »<br />

et que l’échec de la procé<strong>du</strong>re de rencontre et d’adaptation ne peut être sanctionné, sauf « comportement abusif » d’une des<br />

parties 13 . Seul celui‐ci peut être sanctionné par lʹallocation de dommages‐intérêts. Lorsque la clause organise précisément<br />

la négociation (modalités, négociation sous l’égide d’un tiers), la preuve de la faute est aisée. Il suffit en effet que les<br />

diligences stipulées n’aient pas été effectuées. Lorsque la clause est plus générale, et ne prévoit aucune modalité<br />

particulière, la partie qui sʹestime lésée devra rapporter la preuve d’un manque de sérieux dans la négociation.<br />

En tout état de cause, le montant de ces dommages et intérêts ne peut pas correspondre au bénéfice qu’aurait tiré le<br />

cocontractant victime si le contrat avait été rééquilibré, une telle évaluation reviendrait en effet à une révision indirecte<br />

<strong>du</strong> contrat par le juge 14 .<br />

6. Certaines décisions isolées ont même admis l’exécution forcée en nature de clauses de renégociation, en nommant un<br />

tiers négociateur dont la mission est de rapprocher les parties.<br />

En 1976, la Cour d’appel de Paris, dans une espèce ou la renégociation conventionnelle prévue par une clause de<br />

sauvegarde avait échoué, a imposé une nouvelle renégociation en nommant un tiers « observateur » chargé de vérifier<br />

l’existence et la pertinence des discussions menées par les parties. Les circonstances ayant con<strong>du</strong>it à cette décision étaient<br />

cependant exceptionnelles puisque la clause de prix <strong>du</strong> fuel prévue au contrat étant devenue purement et simplement<br />

inapplicable, le prix plancher prévu ayant dépassé le prix plafond en raison de lʹenvolée <strong>du</strong> coût des matières premières.<br />

Très récemment, la Cour d’appel de Paris a accédé à la demande en référé d’une partie de nommer un tiers négociateur<br />

pour faire exécuter une clause de renégociation, sur le fondement de la force obligatoire de cette clause 15 . En l’espèce, au<br />

cours de l’exécution d’un contrat d’exploitation d’une centrale électrique, l’application d’un statut particulier aux salariés<br />

de l’exploitant avait engendré des surcoûts. Une clause prévoyait qu’en cas de modifications ultérieures substantielles<br />

liées à l’application de ce statut particulier, les parties convenaient de trouver les solutions acceptables à mettre en œuvre<br />

aux fins de préserver leurs intérêts respectifs. Le propriétaire de la centrale avait alors accepté de prendre en charge une<br />

partie de ces surcoûts. Des surcoûts supplémentaires avaient donné lieu à de nouvelles négociations qui n’avaient pas<br />

abouti. L’exploitant avait alors assigné le propriétaire devant le juge des référés et demandait la nomination d’un tiers<br />

pour mener de nouvelles négociations.<br />

<strong>La</strong> Cour d’appel a accueilli cette demande en donnant pour mission au ʺnégociateurʺ de rencontrer les parties, se faire<br />

remettre les documents contractuels utiles, recueillir les avis respectifs des parties, et dresser un rapport sur les échanges<br />

poursuivis qui sera remis aux seules parties, et non au greffe.<br />

7. A première vue, ces solutions ont le mérite de conférer une meilleure efficacité aux clauses de renégociation, et donc<br />

d’éviter la disparition de contrats que les circonstances économiques auraient ren<strong>du</strong> trop déséquilibrés.<br />

Pour autant, ces solutions innovantes demeurent largement isolées et souvent discutables.<br />

Sur le plan des principes, imposer la présence dʹun tiers qui suppose normalement l’accord des parties constitue une<br />

intrusion <strong>du</strong> juge dans lʹexécution <strong>du</strong> contrat lorsque la clause liant les parties prévoyait simplement une obligation de se<br />

rencontrer sans intervention extérieure. En outre, contrairement à une procé<strong>du</strong>re de médiation classique précisément<br />

balisée par le Code de procé<strong>du</strong>re civile, le rôle <strong>du</strong> tiers‐négociateur imposé par le juge ainsi que la portée et la publicité<br />

de son rapport demeurent totalement incertains.<br />

Sur le plan pratique, il semble illusoire de penser que l’invitation judiciaire à renégocier permette de trouver une issue,<br />

alors quʹau moins une des parties nʹy est pas disposée, à charge pour elle de prendre garde tout au plus à ne pas bloquer<br />

indéfiniment la discussion pour ne pas se faire taxer de mauvaise foi.<br />

Michel Pitron et Jean‐Sébastien Bazille<br />

12 D. Mazeaud, « Renégocier ne rime pas avec réviser », D. 2007, p.765<br />

13 Cass. Com. 3 octobre 2006, n°04-13.214<br />

14 <strong>La</strong>my Droit <strong>du</strong> contrat n°348-43<br />

15 CA Paris, pôle 1- chambre 2, 30 mai 2012

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