Rapport 2015-3
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16 | RAPPORT DU GRIP <strong>2015</strong>/3<br />
Dans leur rapport final portant sur l’année 2013 84 , les experts considéraient que<br />
Kyungu Mutanga Gédéon était le principal commandant militaire des Kata Katanga,<br />
tout en ayant plusieurs lieutenants disposant d’une certaine autonomie, et que<br />
Ferdinand Tanda Imena « exerce aussi une certaine influence, mais a beaucoup moins de pouvoir<br />
que Gédéon ». Toujours selon ce rapport, la CORAK, « basée à Lubumbashi, fait partie du<br />
Kata Katanga », dispose d’une branche militaire, nommée CORAK Kata Katanga et<br />
dirigée alors par Tshinyama Ngonga Ya Cingo Gédéon, ainsi que d’une branche<br />
politique, sous la houlette de Matuka Munana Tshitshi Simon. Le premier cité apparaît<br />
sur une page Facebook du « Coordinateur national de Corak Kata Katanga », où il<br />
signe des communiqués en tant que « Commandant suprême des forces armées de la<br />
République unie multiraciale du Katanga » 85 .<br />
Notons également que, en 2013, certaines sources évoquaient une filiation entre les<br />
Kata Katanga et le CPK, dirigé en 2010 par Tanda Imena, bien que ces initiales<br />
signifient cette fois « Congrès progressiste du Katanga » 86 . L’année suivante, Tanda<br />
Imena, présenté comme le « chef de la milice Bakata-Katanga », déclarait que « Gédéon<br />
Kyungu n'est pas le responsable du mouvement Bakata-Katanga, il est le chef de notre<br />
force non armée » 87 . Notons aussi que certaines sources évoquent des liens familiaux<br />
entre Gédéon et Tanda Imena 88 .<br />
On ne connaîtra sans doute jamais la genèse exacte des Kata Katanga, ni le rôle précis<br />
de chacun des « chefs » qui s’y sont ralliés ou ont contribué à sa fondation. Cependant,<br />
tout indique que ce qui était au départ un slogan sécessionniste est devenu petit à petit<br />
une bannière à laquelle ont adhéré, d’une part, les résidus de groupes armés<br />
indépendantistes composés d’anciens Tigres et, d’autre part, les Maï-Maï du nord et du<br />
centre de la province, remobilisés par Gédéon après son évasion. Il s’agit très<br />
probablement d’une mouvance plutôt que d’un mouvement centralisé, soudée autour<br />
de sa revendication sécessionniste et d’où seraient jusqu’à présent absentes les<br />
dissensions territoriales et ethniques, à la différence du Kivu où les groupes Maï-Maï<br />
et assimilés s’affrontent régulièrement entre eux 89 .<br />
Des commanditaires haut placés ?<br />
Après l’incursion de mars 2013 à Lubumbashi, l’intérêt des médias, de la société civile<br />
et du monde politique pour les mouvements armés katangais a crû brusquement,<br />
d’autant plus que, selon plusieurs témoignages, certains membres de la colonne ont<br />
séjourné, au cours des jours précédant le 23 mars, dans la ferme du général John Numbi<br />
Banza Tambo, située à quelques dizaines de kilomètres au nord de Lubumbashi 90 .<br />
Plusieurs membres de cette colonne ont déclaré à des responsables de la société civile<br />
locale que leur chef, Tanda Imena, était en contact régulier avec Numbi, qui lui<br />
fournissait des armes, des munitions et des « stratégies d’attaque » 91 .<br />
Or, John Numbi a longtemps été un homme-clé du régime de Joseph Kabila. Ancien<br />
commandant de la 6 e Région militaire, couvrant le Katanga, ancien chef de la force<br />
aérienne, puis Inspecteur général de la police nationale, il a été suspendu de ces<br />
dernières fonctions après avoir été soupçonné d’avoir commandité le meurtre du<br />
défenseur des droits de l’homme, Floribert Chebeya. Il avait émergé sur la scène<br />
publique au début des années 1990 lorsqu’il devint le chef de la milice de l'Union des<br />
fédéralistes et républicains indépendants (JUFERI), groupe de jeunes Katangais aux<br />
méthodes violentes, dont le gouverneur de la province de l’époque, Gabriel Kyungu<br />
wa Kumwanza, s’était servi pour terroriser ses adversaires politiques de l’Union pour<br />
la démocratie et le progrès social (UDPS). Le nom de Numbi est associé aux pogroms