90 LE PLUSENJEUXSI LʼÉCONOMIE ÉTAITUN SPORT...Ces deux dernièresannées nʼont pas été sansheurts. Pourtant, la criseinternationale ne confinepas le pays au pessimisme.Inflation maîtrisée, grandschantiers dans lʼénergieet les transports, projetde modernisation delʼagriculture... Resteà transformer lʼessai.GEORGES DOUGUELI, envoyé spécialLe 14 novembre, les Lionsindomptables défiaientle Maroc à Fès. Tout unpays à l’arrêt espérait unequalification – la sixièmedepuis 1982 – pour laCoupe du monde de football 2010 en<strong>Afrique</strong> du Sud. Un après-midi foot àla camerounaise se préparait, avecbrochettes de bœuf au piment arroséesde bière. Mais à l’heure du match,offense aux dieux des stades, pas uneimage sur les écrans de télévision. Aufur et à mesure que le blanc perduraità l’antenne, la colère montait. L’équipenationale ne l’aurait pas emporté2 buts à 0, le courroux aurait dégénéréen violence. Par bonheur, la victoire aapaisé les esprits et fait place à la fête.Ils sont comme ça. Rien ne compte plusà leurs yeux que ces triomphes éphémèresqui fl attent la vanité, signe pourcertains qu’« impossible n’est pas camerounais»… Pourtant, ces rêves de grandeursont souvent vite rattrapés par uneréalité qui n’est pas aussi brillante queles performances des sportifs.AU PAYS DES PARADOXESLe pays sort péniblement de vingtannées d’ajustement structurel. Depuisavril 2006, il a atteint le point d’achève-JEUNE AFRIQUE N° 2555-2556 • DU 27 DÉCEMBRE 2009 AU 9 JANVIER 2010
LE PLUS91À la mi-novembre,le Cameroun s’estqualifié pour la Coupedu monde de football.Au même moment, iladoptait sa nouvellestratégie pourla croissance.Résultats en 2010.ment de l’initiative des pays pauvres trèsendettés (PPTE) de la Banque mondiale,qui lui a permis de réduire sa dette extérieure,passée de 3 652,1 milliards deF CFA (5,6 milliards d’euros) en 2005 à882,4 milliards de F CFA (1,35 milliardd’euros) à la fi n de 2008. Cependant, lefaible taux de croissance, de 3,2 % enmoyenne de 2003 à 2008, n’a pas permisde réduire la pauvreté.Autres paradoxes caractéristiques duCameroun? Son élite est réputée bienformée et son produit intérieur brut(PIB) représente le tiers de celui de laCommunauté économique et monétairede l’<strong>Afrique</strong> centrale (Cemac), pourtantcorruption, chômage et sous-emploi ontDIEGO RAVIER POUR J.A.produit 7,1 millions de pauvres dans lepays. Ses banques sont en « surliquidité», mais elles rechignent à fi nancerles PME-PMI, qui représentent 83 %du secteur productif. Ses entreprisesprivées sont dynamiques, mais, aprèshuit ans d’existence de la Bourse desvaleurs mobilières de Douala, seulestrois entreprises y sont cotées.La faute au « pilotage à vue » imposépar les experts du Fonds monétaireinternational (FMI) et de la Banquemondiale, comme l’estime le ministrede l’Économie et de la PlanificationLouis-Paul Motaze (voir p. 93) ? Quoiqu’il en soit, au sommet de l’État, onveut marquer une rupture et passer àquelque chose de plus ambitieux.LES BONNES RÉSOLUTIONSCertes, 2010 est une année préélectorale,et les annonces vont se multiplieravant une présidentielle à laquelle il estprobable que le président sortant, PaulBiya, soit candidat. Alors, à tous lesétages du régime, les experts s’agitent.À la mi-novembre, le ministre de l’Économiea solennellement présenté aupublic un « Document de stratégiepour la croissance et l’emploi ». Pointde départ de l’offensive économique,ce pavé de 171 pages devrait servir decadre de référence à l’action gouvernementalepour la période 2010-2020.Il marque aussi le retour à l’économieplanifiée, à laquelle l’État avait renoncédans les années 1980. Ce plan d’actionsreste bien entendu soumis aux aléas dela conjoncture économique mondiale,ainsi qu’au climat des affaires, plombépar une bureaucratie lourde, qui décourageles investisseurs et que le gouvernements’est engagé à réformer.Pour les dix prochaines années,le gouvernement camerounais pariedonc sur un taux de croissance annuelde 5,5 % en moyenne. Il est égalementquestion de réduire le sous-emploi et depousser le secteur informel pléthorique(voir p. 95) à muter vers le formel.Le retour de l’investissement publicà travers les grands projets constituel’un des piliers principaux de ce plandécennal: construction du port en eauprofonde de Kribi (voir pp. 96-97); miseen eau des barrages de Lom Pangar etMemve’ele; construction des centralesde Nachtigal, Song Mbengue, Warak,Colomines, Ndockayo, qui devrontporter les capacités de production électriquesdu pays à 3000 MW; début del’exploitation du gisement diamantifèrede Mobilong (Est) – attribué au jointventurecamerouno-coréen C & KMining et prévu pour la fin 2010 – etdu gisement de fer de Mbalam (Sud-Est)pour 2012; construction du yard pétrolierde Limbé, etc.Une autre priorité est la modernisationde l’appareil de production pourle rendre plus compétitif. Jean Nkuete,vice-Premier ministre chargé de l’Agriculture,a annoncé avoir achevé en juilletdernier les études portant sur la créationd’une banque agricole. Il y a périlen la demeure, car, d’année en année, leCameroun importe davantage de denréesalimentaires pour nourrir sa population:notamment 120000 tonnes de maïs paran… Et pour faire face à la pénurie desucre qui s’est déclarée en octobre dernier,il a fallu en commander d’urgence10000 tonnes à un producteur congolais.Une dépendance croissante vis-à-vis del’extérieur qui a pour corollaire une forteaugmentation de la facture alimentaire.Dont on sait qu’elle est à l’origine desémeutes de février 2008. ■REPÈRESSuperficie 475442 km 2Population 18,2 millions d’habitantsCroissance démographique 1,95 %Indice de développement humain0,514 (150 e rang sur 179)Langues Français, anglais(officielles), ewondo, bulu, peul,bamiléké, douala, bassa…Monnaie F CFAParité au 15.12.2009 1 euro =655,957 F CFA; 1 dollar = 448 F CFAPIB par habitant 1050 $Infl ation 5,3 %ÉVOLUTION DU PIBEn milliards de dollars, en prix courants252023,71520,421,810 15,8 16,6 18,0502004 2005 2006 2007 20082009*TAUX DE CROISSANCEEn %, variations du PIB en prix constants43,532,521,53,72,33,23,32,91,62004 2005 2006 2007 20082009** EstimationsSOURCES: BANQUE MONDIALE — PNUD — FMI, OCTOBRE 2009 (DONNÉES POUR L’ANNÉE 2008)JEUNE AFRIQUE N° 2555-2556 • DU 27 DÉCEMBRE 2009 AU 9 JANVIER 2010