94 LE PLUS <strong>CAMEROUN</strong>INDUSTRIEAlucam voit grandAprès un retard au démarrage, Aluminium du Camerounconfirme lʼextension de son usine dʼÉdéa. Tandis que samaison mère, Rio Tinto Alcan, dévoile de nouveaux projets.Après un ralentissement dûà la crise fi nancière et économiquemondiale, le projetd’extension de l’usined’aluminium Alucam, fi liale à 46,7 %de l’anglo-australien Rio Tinto Alcan,est de nouveau en marche. Il est toujoursquestion de porter la productionannuelle de l’usine d’Édéa de87 000 tonnes à 360 000 tonnes dansles trois prochaines années, grâce àla construction de deux nouvellesunités d’électrolyse.Trois conventions ont été signéesen novembre dernier entre l’État,propriétaire à 46,7 % d’Alucam, AES-Sonel, fournisseur d’électricité, et lesresponsables de l’usine, qui a réaliséun chiffre d’affaires de 149 milliardsde F CFA (227 millions d’euros) en2008, contribuant à 3 % du PIB dupays.L’ÉLECTRICITÉ AU PRIX FORTSelon les termes de ses conventions,dès janvier 2010, l’unité d’électrolyse,qui consomme 30 % de l’électricitéproduite par AES-Sonel, devra payer12,94 F CFA (2 centimes d’euro) lekilowattheure (kWh) d’électricité,soit une augmentation de plus dela moitié du prix actuel. Ces nouveauxtarifs paraissent incongrusau regard des pénuries d’électricitéqui ont contraint Alucam à baissersa production de près de 40 % cetteannée. D’autant que l’extension porterales besoins actuels de l’usine de150 MWh à 500 MWh… Cependant,AES-Sonel a pu s’engager à satisfairela demande d’énergie grâce à la miseen service prochaine de plusieurscentrales (voir pp. 96-97).Par ailleurs, Rio Tinto Alcan prévoitde produire 400 000 tonnesd’aluminium par an dans une nouvelleusine d’électrolyse prévue àKribi à l’horizon 2016. Cette idéeest adossée au projet de port en eauprofonde (voir pp. 96-97) et à laconstruction d’un barrage hydroélectriqued’une capacité de 930 MWà Song Mbengue.Plusieurs facteurs expliquent cettemultiplication de projets : la maîtrisepar les Camerounais des techniquesd’électrolyse, l’existence d’un grospotentiel hydroélectrique et la disponibilitéde plus de 900 millions detonnes de bauxite dans les gisementsde Minim-Martap, dans l’Adamaoua(860 millions de tonnes), et de FongoTongo, dans l’Ouest (65 millions detonnes). ■GEORGES DOUGUELIPour vos séjoursà Douala, choisissezLa Villa des Féeswww.lavilladesfees.comStandard : +237 33 41 10 30Direction : +237 9 647 24 50Directrice : Henriette VinaponChambres d’hôtes dans une résidence privée de grand standingCadre féerique et de rêve situé sur les bergesdu Wouri dans la ville de Douala au Cameroun
LE PLUS95ÉCONOMIETactiquedouce pourdompterlʼinformelCameroun, terre d’élection del’informel? En tout cas, dansles rues de ses grandes villes,l’économie « sauvage » prospèreet prolifère. À Douala, les motostaxispétaradantes transportent plusieurscentaines de milliers d’usagerspar jour, arpentant les avenues les plusprestigieuses comme les quartiers lesplus reculés, inaccessibles aux bus. Aucœur des embouteillages de Yaoundé, lesmarchands ambulants se faufilent entreles voitures pour proposer des babioles,souvent importées de Chine. Les gérantsde « cabines cellulaires », qui vendentdes recharges pour mobiles et des téléphonesbon marché sont omniprésents.Un paysage urbain somme toute communà nombre de cités africaines. Mais,au Cameroun, ce que les spécialistes ontappelé « l’informalisation » de l’économiea pris des proportions assez spectaculairesdurant les « années terribles »,dont le point culminant a été 1993, avecune baisse drastique des salaires desagents de l’État (jusqu’à 70 %), suivie,au début de 1994, par la dévaluation duF CFA et le « dégraissage » de la fonctionpublique, premier employeur dupays. L’explosion des unités de productioninformelles (UPI) a donc été uneFabricant dechaussures dansle quartier de laBriqueterie,à Yaoundé.Mieux vaut des activités non déclarées dynamiques quʼundéfi cit dʼactivités. Mais quand elles deviennent majoritaires,il faut songer à les intégrer dans les circuits classiques.réaction de survie face à la paupérisationdes uns et au chômage des autres.Plus d’une décennie plus tard, ces UPIse sont incrustées durablement dans lastructure de l’économie du pays.L’Enquête sur l’emploi et le secteurinformel (EESI), pilotée, en 2005,par l’Institut national de la statistique(INS), a révélé qu’il existait 1,9 milliond’établissements de ce type, générant2,8 millions d’emplois et représentant30 % du produit intérieur brut (PIB). Làoù le secteur formel produit moins de10 % des nouveaux emplois, l’informelen crée 55 % dans l’activité agricole et35 % dans les autres secteurs.Dans une telle configuration, il estimpossible de régler la question de l’économie« spontanée » par la répression.Et les autorités camerounaises misentsur son intégration progressive dans lescircuits économiques classiques. Car,contrairement à ce que l’on peut croire,les unités de production informelles– qui ne sont inscrites ni au tribunal ducommerce ni à la Caisse nationale deprévoyance sociale – paient des impôts.Mais la base de cette imposition, quipasse souvent par la patente, n’est pastoujours très logique.CONTRIBUABLES TOUT DE MÊMELes petits entrepreneurs exerçantdans l’informel sont plus imposés queles salariés, tandis que des structuresde plus grande taille profitent des zones« grises » de l’économie pour échapperau fi sc. « Une partie des frais supportéspar les entrepreneurs individuels sousforme d’impôt ne sont pas réglementaireset n’alimentent pas les fi nancespubliques », explique ainsi l’économisteProsper Backiny-Yetna dans la revuespécialisée Statéco.À quelles conditions ces structuresnées de la créativité populaire peuventellesopérer leur nécessaire mutation?« Il faut baisser le coût global de créationdes SARL, qui pour l’instant est exorbitant.Et puis, à quoi sert-il de créer uneentreprise dans les règles de l’art si lesbanques ne sont pas prêtes à la fi nancer?En plus, on a l’impression que l’informel,en facilitant la corruption, arrange l’administration», lance un dirigeant dePME, entre espoir et dépit. ■THÉOPHILE KOUAMOUOLÀ AUSSI, LES ÉTUDES COMPTENTDIEGO RAVIER POUR J.A.MÊME DANS LE SECTEUR INFORMEL, qui ne demande en général nicompétences particulières ni capital élevé, avoir fait des études est unavantage certain. C’est ce qu’a démontré Pierre Joubert Nguetse Tegoum,jeune ingénieur statisticien économiste, chargé d’études assistant auministère de l’Économie, de la Planifi cation et de l’Aménagement du territoire(Minepat). Son article intitulé « Estimating the Returns to Educationin Cameroon Informal Sector » lui a permis de gagner, en août 2009, le prixinternational Jan-Tinbergen, qui récompense les meilleures productionsde statisticiens âgés de moins de 32 ans et originaires des pays en voie dedéveloppement. Pierre Tegoum a notamment prouvé que les bénéfi cesinduits par la possession d’un certificat d’études primaires sont de l’ordrede 20 % dans le secteur informel agricole et de 28 % pour le secteur informelnon agricole. Avoir le brevet d’études augmente de 33 % le revenu del’entrepreneur individuel dans les secteurs peu réglementés. ■ T.K.JEUNE AFRIQUE N° 2555-2556 • DU 27 DÉCEMBRE 2009 AU 9 JANVIER 2010