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Le dessin à Florence au temps de Michel-Ange

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chefs-d’œuvre italiens (les esclaves <strong>de</strong> <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong>, la porte du Paradis <strong>au</strong> baptistère Saint-Jean <strong>de</strong><strong>Florence</strong> par Lorenzo Ghiberti…). Ces copies <strong>de</strong> chefs-d’œuvre y sont toujours présentées.• La cour du mûrierDans l’ancien cloître du couvent, un mûrier <strong>de</strong> Chine, planté par Alexandre <strong>Le</strong>noir, donna lenom à cette cour <strong>au</strong>jourd’hui décorée d’une fontaine. Des motifs pompéiens, <strong>de</strong>s moulages <strong>de</strong>s frisesdu Parthénon ainsi que <strong>de</strong>s envois <strong>de</strong> Rome, disposés <strong>au</strong>tour <strong>de</strong> l’atrium, complètent cet ensemble.• <strong>Le</strong> palais <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>sAchevé en 1839 par Félix Duban (1798-1870), le palais <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s est agencé <strong>au</strong>tour d’unecour recouverte d’une charpente métallique vitrée. Son décor s’inscrit dans le goût du XIX e siècle : eneffet, les fouilles archéologiques entreprises à cette époque, en Grèce et en Italie, révélaient unepolychromie, alors insoupçonnée, sur les monuments antiques. Suite à cette découverte, certainsarchitectes tels Félix Duban réintègrent la couleur et s’inspirent <strong>de</strong>s motifs antiques et <strong>de</strong>s peinturespompéiennes pour leurs propres bâtiments.Parmi les salles remarquables <strong>de</strong> cet édifice, l’on peut citer l’amphithéâtre d’honneur.Consacré <strong>au</strong>x cours et <strong>au</strong>x distributions <strong>de</strong> prix, il doit principalement sa notoriété à la peinture à lacire <strong>de</strong> P<strong>au</strong>l Delaroche (1797-1856): la Renommée distribuant les couronnes, datée <strong>de</strong> 1841.La composition comprend 75 figures toutes gran<strong>de</strong>ur nature représentant les portraitsimaginaires <strong>de</strong>s peintres et sculpteurs les plus célèbres (Titien, Rembrandt, <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong>, Dürer…).Enfin, le palais <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s abrite les collections patrimoniales <strong>de</strong> l’Ecole. <strong>Le</strong> fonds, constituéd’œuvres <strong>de</strong>s Académies royales, n’a cessé <strong>de</strong> s’enrichir tout <strong>au</strong> long <strong>de</strong> son histoire grâce <strong>au</strong>x dons<strong>de</strong> collectionneurs avisés. <strong>Le</strong>s trav<strong>au</strong>x d’élèves et <strong>de</strong> professeurs ont <strong>au</strong>ssi accru les collections <strong>de</strong>manière significative. Ainsi, près <strong>de</strong> 500 000 œuvres – 600 objets d’art, 700 manuscrits, 2 000peintures, 3700 sculptures, 15 000 médailles, plus <strong>de</strong> 100 000 estampes, 70 000 photographies et30000 <strong><strong>de</strong>ssin</strong>s d’architecture et 20000 <strong><strong>de</strong>ssin</strong>s <strong>de</strong> maîtres – sont conservées actuellement <strong>au</strong> sein <strong>de</strong>ce « musée ». L’accès <strong>au</strong> public <strong>de</strong> ces collections est assuré par l’organisation régulière d’expositions,<strong>de</strong> publications et, <strong>de</strong>puis peu, par la mise en ligne du catalogue informatisé <strong>de</strong> l’Ecole.4


Introduction à l’expositionCette exposition consacrée <strong>au</strong> <strong><strong>de</strong>ssin</strong> florentin <strong>de</strong> la Renaissance est une occasion rare <strong>de</strong>redécouvrir les chefs-d’œuvre <strong>de</strong>s collections italiennes <strong>de</strong> l’Ecole <strong>de</strong>s Be<strong>au</strong>x-Arts. Unetrentaine <strong>de</strong> feuilles dues <strong>au</strong>x plus grands artistes tels que <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong>, Andrea <strong>de</strong>l Sarto,Baccio Bandinelli, Jacopo Pontormo, Francesco Salviati, Giorgio Vasari, Perino <strong>de</strong>l Vaga,etc. y sont réunies. Foyer intellectuel et artistique <strong>de</strong> premier plan, <strong>Florence</strong> est en proie dansla première moitié du XVIe siècle à une instabilité politique – entre le déclin <strong>de</strong>s Médicis et laproclamation <strong>de</strong> la République –, qui génère un climat d’inquiétu<strong>de</strong> et précipite la remise enc<strong>au</strong>se <strong>de</strong> l’idéal classique. S’ouvre une fructueuse pério<strong>de</strong> d’expérimentation emmenée par<strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong> et sa très gran<strong>de</strong> liberté d’invention. C’est à cette passionnante époque <strong>de</strong>transition entre le style classique et la naissance du maniérisme que nous avons choisi <strong>de</strong> nousintéresser. Cette confrontation d’œuvres <strong><strong>de</strong>ssin</strong>ées <strong>de</strong>s contemporains <strong>de</strong> <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong> permetégalement <strong>de</strong> mesurer l’impact libérateur <strong>de</strong> l’art du maître sur les générations suivantes <strong>de</strong>sculpteurs et peintres florentins.<strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong>, Etu<strong>de</strong> d’homme nu, sanguine,H. 0,327 ; L. 0,200 m. ; Inv. E.B.A. n° 197.7


Contexte historique et naissance <strong>de</strong> la Maniera<strong>Le</strong> corpus sélectionné illustre la naissance d’un style nouve<strong>au</strong>, appelé Maniera, quidomine la scène florentine vers 1530 et est incarné par plusieurs générations d’artistes. <strong>Le</strong>développement <strong>de</strong> cet art <strong>de</strong> cour coïnci<strong>de</strong> avec le règne <strong>de</strong>s Médicis, et plus particulièrementcelui <strong>de</strong> Cosimo Ier, et est alimenté par les comman<strong>de</strong>s princières ou papales, pour les décorspalais ou d’apparati notamment. <strong>Le</strong> sac <strong>de</strong> Rome <strong>de</strong> 1527 et l’exil <strong>de</strong>s Médicis en 1529favorisent la diffusion <strong>de</strong> cet art nouve<strong>au</strong>. Fuyant la capitale, les artistes exportent en effetleurs inventions dans toute l’Italie, si bien que différents foyers apparaissent à Venise, Parme,Bologne, etc.Communément désigné par le terme anachronique – inventé par les historiens <strong>de</strong> l’artallemands du XIXe siècle, <strong>de</strong> « maniérisme » – ce mouvement artistique est caractérisé par unvif intérêt pour l’antique et les maîtres <strong>de</strong> la Renaissance, une très gran<strong>de</strong> diversification <strong>de</strong>sarts, un goût certain pour l’hermétisme illustré par le recours massif <strong>au</strong>x symboles, emblèmes,allégories et <strong>au</strong>tres références codifiées. D’abord emprunt d’une connotation péjorative, ildésigne un style affecté, rejetant toute forme <strong>de</strong> réalisme et qui tend à la sophistication, ou dumoins privilégie l’esthétisation du sujet, réduisant la représentation du corps humain et <strong>de</strong>l’anatomie à une suite d’arabesques et <strong>de</strong> lignes serpentines.Parmi les artistes <strong>de</strong> la première génération, nés dans les <strong>de</strong>rnières années du XVesiècle, se côtoient Sarto, Pontormo, Rosso et Bandinelli. Directement confrontées <strong>au</strong>xmodèles <strong>de</strong> <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong> et Raphaël, leurs œuvres reflètent les incertitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cette époquepolitique trouble. La <strong>de</strong>uxième génération est, quant à elle, représentée par Vasari, Vaga ouSalviati. C’est à cette pério<strong>de</strong> qu’est publiée la première édition <strong>de</strong>s Vite : premier dictionnairebiographique consacré <strong>au</strong>x artistes italiens, conçu par un peintre et collectionneur : GiorgioVasari (1 ère édition en 1555 et 2 n<strong>de</strong> en 1568) et qu’est fondée l’Acca<strong>de</strong>mia <strong>de</strong>l disegno (quicompte parmi ses membres les plus grands artistes florentins et place l’exercice <strong>de</strong> copied’après les maîtres et l’antique <strong>au</strong> centre <strong>de</strong> la formation dispensée) : <strong>au</strong>tant d’entreprises quitraduisent la volonté d’institutionnalisation et <strong>de</strong> hiérarchisation. Enfin, Naldini ou Allori sontles interprètes florentins du maniérisme tardif, fragilisé et déjà remis en c<strong>au</strong>se en cette fin <strong>de</strong>siècle.8


Atelier et métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> travailLa formation classique à la Renaissance passe par l’apprentissage dans l’atelier d’unou plusieurs maîtres, dans lequel l’artiste entre très jeune, encore enfant et à peine âgé <strong>de</strong> dixans. Il s’exerce d’abord <strong>au</strong> <strong><strong>de</strong>ssin</strong> grâce à l’exercice <strong>de</strong> la copie et du modèle vivant, puisassiste le maître sur ses chantiers les plus ambitieux. Dans la Vie que Vasari consacre à Perino<strong>de</strong>l Vaga, il se montre cependant très réservé sur la participation <strong>de</strong>s assistants lors <strong>de</strong>l’exécution <strong>de</strong> décors peints : « j’avais fait avec le plus grand soin les cartons <strong>de</strong> la salle <strong>de</strong> laChancellerie, <strong>au</strong> palais Saint-Georges à Rome. Comme il fallait réaliser le décor trèsrapi<strong>de</strong>ment, en cent jours, l’exécution fut partagée entre <strong>de</strong> nombreux peintres qui s’écartèrenttant <strong>de</strong>s contours excellents <strong>de</strong> mon <strong><strong>de</strong>ssin</strong> que je décidai <strong>de</strong> ne plus laisser personne mettre lamain à mes ouvrages, et je l’ai fait. » (éditions Chastel, p. 260). Ech<strong>au</strong>dé par sa mésaventure,Vasari remet donc en c<strong>au</strong>se cette métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> travail d’atelier, que lui-même reçut <strong>de</strong>s plusgrands : <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong> et Sarto notamment et qu’il utilise à son tour pour le décor du Salon duDuecento.Par un phénomène naturel d’émulation qu’il fait naître, l’atelier est le lieu parexcellence <strong>de</strong> circulation <strong>de</strong>s modèles, comme l’illustre parfaitement la gravure d’Enea Vico(ill.), représentant l’académie fondée par Baccio Bandinelli vers 1530 à Rome. Elle met enscène un groupe d’élèves copiant <strong>de</strong>s statuettes, sous l’œil attentif du maître et indique laplace centrale qu’occupe la représentation du corps humain dans ce contexte. Mannequins,moulages d’antiques et gravures constituent les supports privilégiés <strong>de</strong> cette formation danslaquelle l’exercice <strong>de</strong> la copie <strong>de</strong>meure <strong>au</strong> cœur <strong>de</strong> l’apprentissage.Enea Vico, Atelier <strong>de</strong> Baccio Bandinelli <strong>au</strong> Belvédère, burin, vers 1531.9


La SanguineDéfinition et mo<strong>de</strong>s d’utilisationTechnique sèche, également appelée hématite (minerai <strong>de</strong> fer), la sanguine est uneargile colorée à base d’oxy<strong>de</strong> ferreux, dont la tonalité peut varier du rouge-orangé <strong>au</strong> brunviolacéselon son lieu d’extraction. Mélangée <strong>au</strong> cinabre et à la terre d’ombre, elle est dite« brûlée ». L’exposition fournit un bon exemple <strong>de</strong> la riche palette tonale qu’elle peut offrir,notamment à travers la feuille <strong>de</strong> Jacopo Pontormo dans laquelle l’artiste utilise <strong>au</strong> versodifférents bâtonnets <strong>de</strong> sanguine et exploite sur une même feuille une gamme étendue <strong>de</strong>couleurs : <strong>de</strong> l’orangé <strong>de</strong> la figure centrale <strong>au</strong> brun du groupe <strong>de</strong> g<strong>au</strong>che.Par son effet mimétique et sa tonalité ch<strong>au</strong><strong>de</strong>, la sanguine rend particulièrement biencompte du corps humain et s’impose comme l’instrument privilégié <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> nus et <strong>de</strong>sportraits. Utilisée sur du papier teinté, elle permet <strong>de</strong> mettre en valeur le mo<strong>de</strong>lé et <strong>de</strong> traduire<strong>au</strong> mieux les volumes ainsi que la qualité atmosphérique <strong>de</strong> la feuille, en particulierlorsqu’elle est reh<strong>au</strong>ssée <strong>de</strong> blanc, <strong>de</strong> craie, <strong>de</strong> gouache ou <strong>de</strong> céruse (pigment à base <strong>de</strong>plomb). Elle se prête bien <strong>au</strong> travail d’estompage, magistralement mis en œuvre par Léonard<strong>de</strong> Vinci dans son fameux effet vaporeux du sfumato. L’excé<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> poudre mélangé à l’e<strong>au</strong>produit un lavis qui créé <strong>de</strong>s accents lumineux, <strong>au</strong>gmente l’effet <strong>de</strong> relief et donne à cettetechnique une dimension plus picturale.Utilisée sur un papier à grain à caractère abrasif, elle possè<strong>de</strong> une importante faculté<strong>de</strong> décharge qui permet l’obtention <strong>de</strong> contre-épreuves : le verso du <strong><strong>de</strong>ssin</strong> est d’abordhumidifié, puis une feuille est appliquée sur le recto contre l’original, enfin l’ensemble estpassé sous presse et, par transfert, on obtient un duplicata, sensiblement plus pâle etprésentant le motif en sens inverse.Historique <strong>de</strong> la techniqueConnue <strong>de</strong>puis l’Antiquité égyptienne, elleest d’abord utilisée comme pigment pour lafresque. <strong>Le</strong> premier, Jean Fouquet l’introduit dansses portraits <strong>au</strong> milieu du XV e siècle, suivi ensuitepar François Clouet. Mais c’est vraiment dans le<strong>de</strong>rnier quart du XV e siècle à <strong>Florence</strong> que lasanguine est utilisée isolément, à l’initiative <strong>de</strong>Vinci, très vite imité par Andrea <strong>de</strong>l Sarto, <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong> et Raphaël, jusqu’à progressivementremplacer les pointes sèches, <strong>de</strong> plomb oud’argent, sur papier préparé.Andrea <strong>de</strong>l SARTO (1486-1530), Portrait <strong>de</strong> jeune femme,sanguine sur traces <strong>de</strong> pierre noire sur un papier légèrementlavé <strong>de</strong> sanguine, H. 0,275 ; L. 0,208 m. ; inv. E.B.A. n°289.11


Au XVI e siècle, les recherches sur la représentation du corps humain et l’anatomiemarquent l’âge d’or <strong>de</strong> cette technique, matéri<strong>au</strong> <strong>de</strong> prédilection <strong>de</strong>s artistes maniéristes telsque Rosso, Pontormo et Primatice. Andrea <strong>de</strong>l Sarto l’exporte en France lors <strong>de</strong> son séjour <strong>de</strong>1518 à la cour <strong>de</strong> François I er . Encore limité en France à cette pério<strong>de</strong>, où elle est surtoutemployée par les Italiens sur le chantier <strong>de</strong> Fontaineble<strong>au</strong>, son usage se généralise <strong>au</strong> XVII esiècle, avec Simon Vouet et Charles <strong>Le</strong> Brun – ainsi qu’en Flandre <strong>au</strong>tour <strong>de</strong>s Rubénistes –, etplus encore <strong>au</strong> XVIII e dans les paysages <strong>de</strong> Jean-Honoré Fragonard et Hubert Robert, les fêtesgalantes d’Antoine Watte<strong>au</strong>, les scènes <strong>de</strong> genre <strong>de</strong> Jean-Baptiste Greuze et les nus <strong>de</strong>François Boucher.Dans notre présentation consacrée <strong>au</strong> <strong><strong>de</strong>ssin</strong> florentin du XVI e siècle, la sanguineoccupe donc une place <strong>de</strong> choix. Douce et sensuelle dans les portraits d’Andrea <strong>de</strong>l Sarto, elle<strong>de</strong>vient plus ferme et énergique dans les silhouettes <strong>de</strong> Pontormo, traduisant le mouvement etle dynamisme <strong>de</strong>s poses et <strong>de</strong>s attitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> ses personnages. Employée seule comme dansl’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> nu <strong>de</strong> <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong>, elle joue <strong>de</strong> la réserve du papier, ou contraste avec <strong>de</strong> légersreh<strong>au</strong>ts <strong>de</strong> blanc dans l’étu<strong>de</strong> d’homme <strong>de</strong> Naldini. Servant parfaitement la représentation <strong>de</strong>l’anatomie humaine, elle est naturellement retenue par Salviati dans ce puissant corps à corpsentre Hercule et Antée.Jacopo Carucci, dit PONTORMO (1494-1556), Jeune homme agenouillé, <strong>de</strong>ux enfants nus, esquissed’un troisième, sanguine, pierre noire et craie brune, H. 0,264 ; L. 0,402 m. ; inv. n° E.B.A. n° 293 verso.12


De la conception à la réalisation :L’histoire d’une expositionParmi les <strong><strong>de</strong>ssin</strong>s rassemblés ici, certains n’ont jamais été montrés <strong>au</strong> public, ni mêmeétudiés ou publiés. Très fortement marquées par la personnalité <strong>de</strong> <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong> et <strong>de</strong> Sarto,les œuvres <strong>de</strong> cette époque ont souvent été attribuées à l’un ou l’<strong>au</strong>tre, avant d’être rendues àleur véritable <strong>au</strong>teur. <strong>Le</strong>s anciens classements et attributions <strong>de</strong> ces <strong><strong>de</strong>ssin</strong>s sont, à cet égard,révélateurs <strong>de</strong> la notoriété dont quelques artistes florentins jouissent <strong>de</strong> leur vivant : <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong>, Andrea <strong>de</strong>l Sarto et Fra Bartolomeo sont les trois noms qui apparaissent <strong>de</strong> manièrerécurrente sur <strong>de</strong>s feuilles qui <strong>au</strong>jourd’hui reviennent à <strong>de</strong> jeunes élèves qui ont séjourné dansleur atelier ou ont été très influencés par leur style. C’est notamment le cas <strong>de</strong> plusieurs étu<strong>de</strong>sreconnues, grâce <strong>au</strong>x recherches récentes, comme <strong>de</strong>s feuilles incontestables <strong>de</strong> Giovanni-Antonio Sogliani (cat. n° s 6 à 8), Giovanni Capassini (cat. n° 25), Andrea Brescianino (cat.n° 5, ill. ) et Francesco Salviati (cat. n°18, ill.).L’exposition n’a pas pour but d’offrir unpanorama exh<strong>au</strong>stif <strong>de</strong> la collection <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>ssin</strong>sflorentins à l’École <strong>de</strong>s Be<strong>au</strong>x-Arts, mais plutôt <strong>de</strong>mieux cerner à travers quelques exemples <strong>de</strong>saspects <strong>de</strong> la production graphique <strong>de</strong> la premièremoitié du XVI e siècle : l’atelier d’Andrea <strong>de</strong>l Sartoest, avant la création <strong>de</strong> l’Aca<strong>de</strong>mia <strong>de</strong>l Disegno en1563, le lieu incontournable pour tout jeune artistequi souhaite acquérir les rudiments du <strong><strong>de</strong>ssin</strong> : on yapprend en effet à copier les maîtres, à étudierd’après le modèle vivant et à appréhen<strong>de</strong>r d’unenouvelle façon le travail d’après nature ; la plupart<strong>de</strong>s peintres florentins y séjournèrent quelques moisou quelques années pour y parfaire leur formationet ce fut pour eux l’occasion <strong>de</strong> rencontres etd’échanges fructueux avant <strong>de</strong> s’installer à <strong>Florence</strong>ou <strong>de</strong> partir pour Rome.Andrea Piccinelli da Brescia, dit Brescianino,Portrait <strong>de</strong> jeune femme, Pierre noire, estompe etsanguine, quelques reh<strong>au</strong>ts <strong>de</strong> craie blanche, H.0,294 ; L. 0,240 m. ; Inv. E.B.A. n° 364L’œuvre <strong>de</strong> <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong>, ses sculptures mais <strong>au</strong>ssi ses <strong><strong>de</strong>ssin</strong>s et surtout son célèbrecarton <strong>de</strong> la Bataille <strong>de</strong> Cascina <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s œuvres <strong>de</strong> référence que les artistesconsidèrent comme les modèles indispensables à l’enseignement <strong>de</strong> la représentation du corpshumain ; l’Aca<strong>de</strong>mia <strong>de</strong>l Disegno rend quelques années plus tard l’exercice <strong>de</strong> la copied’après <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong> obligatoire.13


Francesco di Rossi, dit Francesco Salviati, Hercule étouffantAntée, sanguine, H. 0,395 ; L. 0,274 m. ; inv. E.B.A. n° 200.Ainsi l’un <strong>de</strong>s enjeux princip<strong>au</strong>x <strong>de</strong> cette exposition rési<strong>de</strong>-t-il dans ce travaild’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s différentes mains, qui nous permet <strong>de</strong> mettre <strong>de</strong> préciser la personnalité <strong>de</strong>chacun et <strong>de</strong> définir plus précisément leurs caractéristiques propres. Des six feuillesprésentées <strong>au</strong>jourd’hui sous le nom <strong>de</strong> Francesco Salviati, <strong>de</strong>ux lui ont été rendus à l’occasion<strong>de</strong> notre exposition, dont l’Hercule et Antée, jusque là situé dans l’entourage <strong>de</strong> <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong>.De la même manière, <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s cinq <strong><strong>de</strong>ssin</strong>s <strong>de</strong> Baccio Bandinelli sont inédits. Dans ces <strong>de</strong>uxensembles très riche d’œuvres, la production <strong><strong>de</strong>ssin</strong>ée <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux artistes est présentée danstoute sa diversité, à travers <strong>de</strong> multiples genres, techniques, situées à différents moments <strong>de</strong>leur carrière et illustrant <strong>de</strong>s <strong>de</strong>stinations également variées – qu’il s’agisse <strong>de</strong> projetsdécoratifs éphémères, d’objets d’orfèvrerie, <strong>de</strong> tapisserie, <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>ssin</strong>s préparatoires à lapeinture ou à la sculpture ou réalisés pour eux-mêmes.14


Biographie <strong>de</strong>s artistes présentés<strong>Michel</strong>angelo BUONARROTI, dit <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong> (Caprese 1475 – Rome 1564)Peintre, sculpteur, architecte et ingénieur.Il entre en 1488 dans l’atelier <strong>de</strong> Domenico Ghirlandaio. En 1489, il est admis à l’école <strong>de</strong>sculpture ouverte par L<strong>au</strong>rent <strong>de</strong> Médicis quelques années <strong>au</strong>paravant. Il poursuit saformation à <strong>Florence</strong> sous la protection <strong>de</strong> L<strong>au</strong>rent le Magnifique à l’exception d’un séjour <strong>de</strong>cinq ans à Rome à partir <strong>de</strong> 1496. En 1505, le pape Jules II l’appelle à Rome pour laréalisation <strong>de</strong> son tombe<strong>au</strong>. Il se voit ensuite confier en 1508 la décoration <strong>de</strong> la chapelleSixtine. Des nombreuses comman<strong>de</strong>s <strong>au</strong>xquelles il doit faire face, <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong> entreprendnotamment la bibliothèque L<strong>au</strong>rentienne (1524-1530) les tombe<strong>au</strong>x <strong>de</strong>s Médicis à la chapelleSan Lorenzo en 1527, la basilique Saint-Pierre <strong>de</strong> Rome commencée par Bramante puisRaphaël.Andrea DEL SARTO (<strong>Florence</strong> 1486 – <strong>Florence</strong> 1530)Ayant <strong>de</strong> précoces dispositions pour le <strong><strong>de</strong>ssin</strong>, Andrea <strong>de</strong>l Sarto est mis en apprentissage chezun orfèvre afin d’y apprendre la gravure. Mais ses véritables maîtres restent Pietro di Cosimoet Giorgio Vasari. Dès l’âge <strong>de</strong> 23 ans, en 1511, sa notoriété est suffisante pour obtenir ladécoration du cloître <strong>de</strong> la confrérie du Scalzo. François Ier, qui avait vu <strong>de</strong>ux table<strong>au</strong>x <strong>de</strong>l’artiste, l’appelle à sa cour où il reste <strong>de</strong> 1512 à 1518. La révolution <strong>de</strong> <strong>Florence</strong> le prive <strong>de</strong>ses protecteurs. Il meurt abandonné <strong>de</strong> tous.Giovanni Antonio SOGLIANI (<strong>Florence</strong> 1492 – <strong>Florence</strong> 1544)Peintre <strong>de</strong> compositions religieuses, il est l’élève <strong>de</strong> Lorenzo di Credi. Parmi ses œuvresremarquables, l’on peut citer le Martyre <strong>de</strong> Saint Arcadius à San Lorenzo (1521). Il collabore<strong>au</strong>ssi avec Andrea <strong>de</strong>l Sarto et Sodoma à la décoration du grand <strong>au</strong>tel <strong>de</strong> la cathédrale <strong>de</strong> Pise.Andrea PICCINELLI dit BRESCIANINO (Sienne, peu après 1486 – <strong>Florence</strong>, vers 1527)Il se manifeste <strong>de</strong> 1505 à 1524 à Sienne et en 1525 à <strong>Florence</strong>. Il est le frère et le collaborateur<strong>de</strong> Raffaello Piccinelli.Baccio BANDINELLI (<strong>Florence</strong> 1493 – <strong>Florence</strong> 1560)C’est sous la direction <strong>de</strong> son père <strong>Michel</strong>angelo di Viviano, l’un <strong>de</strong>s plus habiles orfèvres <strong>de</strong><strong>Florence</strong>, que Bandinelli apprend à <strong><strong>de</strong>ssin</strong>er. Il entre ensuite dans l’atelier du sculpteurFrancesco Rustici et copie abondamment Donatello. Bénéficiant <strong>de</strong> la protection <strong>de</strong>s Médicis,il obtient la comman<strong>de</strong> d’un Saint Pierre pour la cathédrale <strong>de</strong> <strong>Florence</strong> en 1515. Cosme Ierlui confie par la suite les nombreux trav<strong>au</strong>x dans le palais Vieux et à Sainte-Marie <strong>de</strong>s Fleurs.Son œuvre sans doute la plus réussie <strong>de</strong>meure Nicomè<strong>de</strong> soutenant le Christ mort, <strong>de</strong>stinée àsa propre chapelle funéraire à Sant’Annunziata.Jacopo da CARUCCI, dit PONTORMO (Pontormo 1494 – <strong>Florence</strong> 1556)Elève <strong>de</strong> Piero di Cosimo, il dépasse rapi<strong>de</strong>ment le maître qui en prend ombrage. Ils ontpourtant l’occasion <strong>de</strong> rivaliser ou <strong>de</strong> travailler ensemble sur <strong>de</strong> nombreux chantiers, tels lavilla <strong>de</strong> Poggio a Caïano. Vers les années 1520, son style évolue, utilisant <strong>de</strong>s tons aci<strong>de</strong>s oudélavés, <strong><strong>de</strong>ssin</strong>ant <strong>de</strong>s êtres <strong>au</strong>x proportions inhabituelles et <strong>au</strong>x expressions pathétiques. LaPassion, réalisée pour le cloître <strong>de</strong> la chartreuse <strong>de</strong> Galezzo entre 1522 et 1525, marque uneétape nouvellement orientée vers cette voie. Dans le domaine du portrait, ses personnages15


faits <strong>de</strong> chair lisse sont mis en valeur grâce à l’utilisation <strong>de</strong> contours saccadés. Il détache lesvisages nettement du fond.Pietro BUONACCORSI, dit PERINO DEL VAGA (<strong>Florence</strong> 1501 – Rome 1547)D’abord placé chez <strong>de</strong>s petits maîtres, il est finalement accepté dans l’atelier <strong>de</strong> Raphaël, quilui confie la décoration du Vatican. En 1523, la peste le fait quitter Rome pour <strong>Florence</strong>. En1525, il revient à Rome, mais le sac <strong>de</strong> 1527 le ruine. Il se fixe alors à Gênes sous laprotection du prince Doria et y fon<strong>de</strong> une école <strong>de</strong> peinture en 1528. Sa réputation <strong>de</strong>vienttelle qu’il surveille l’ensemble <strong>de</strong>s marbres et <strong>de</strong>s stucs et fournit les <strong><strong>de</strong>ssin</strong>s pour tous.Francesco ROSSI, dit SALVIATI (<strong>Florence</strong> 1510 – Rome 1563)Son surnom lui vient <strong>de</strong> la protection qu’il reçoit du cardinal Salviati. Fils d’un tisserand envelours, il est mis en apprentissage chez un orfèvre avant d’entrer chez Andrea <strong>de</strong>l Sarto en1529. Avec Vasari, il poursuit ses étu<strong>de</strong>s à Rome où il regar<strong>de</strong> Perino <strong>de</strong>l Vaga et l’art issu <strong>de</strong><strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong> qui ne va cesser <strong>de</strong> l’influencer jusqu’à la fin. De Rome, il séjourne ensuite àVenise, Vérone et <strong>Florence</strong> où il laisse <strong>de</strong>s décors et <strong>de</strong>s table<strong>au</strong>x. De retour à Rome, le papePie IV le charge <strong>de</strong> continuer les décorations <strong>de</strong> la salle dite <strong>de</strong>s Rois. Surpris par la mort, ilne peut l’achever.Giorgio VASARI (Arezzo 1511 – <strong>Florence</strong> 1574)Giorgio Vasari est surtout connu comme architecte et écrivain d’art, notamment avec sonprécieux ouvrage : Vie <strong>de</strong>s plus éminents peintres, sculpteurs et architectes.Sa formation <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>ssin</strong> s’établit avec le concours <strong>de</strong> Gugliemo da Marietta et <strong>de</strong> sérieusesétu<strong>de</strong>s classiques. En 1523, le cardinal Pesseriné le prit sous sa protection et l’envoya à<strong>Florence</strong>. Suite à l’exil <strong>de</strong>s Médicis, Vasari part à Rome où il poursuit ses étu<strong>de</strong>s encompagnie <strong>de</strong> son ami Francesco Salviati. A son retour à <strong>Florence</strong>, il s’adonne spécialement àl’art <strong>de</strong> l’architecture. A la fin <strong>de</strong> sa vie, on lui confie la décoration <strong>de</strong> la coupole <strong>de</strong> SantaMaria <strong>de</strong>l Fiore mais Vasari meurt avant son achèvement.Giovanni CAPASSINI (Actif à <strong>Florence</strong> vers 1525 – Tournon vers 1579)De <strong>Florence</strong>, il travaille pourtant à Lyon <strong>de</strong> 1555 à 1568. Il est le maître d’Etienne <strong>de</strong>Martellange.Alessandro ALLORI (<strong>Florence</strong> 1535 – <strong>Florence</strong> 1607)Orphelin dès l’âge <strong>de</strong> cinq ans, il est recueilli et adopté par son oncle <strong>Ange</strong>lo Allori, dit leBronzino. A dix-sept ans, il exécute sur ses propres <strong><strong>de</strong>ssin</strong>s le table<strong>au</strong> d’<strong>au</strong>tel pour la chapelled’une villa d’Alexandre <strong>de</strong> Médicis. En 1554, il part pour Rome et y étudie surtout <strong>Michel</strong>-<strong>Ange</strong>. De retour à <strong>Florence</strong>, d’importants trav<strong>au</strong>x lui sont confiés dans les églises et <strong>au</strong>tresmonuments publics. Il excelle également dans le portrait.Giovanni Battista di Matteo NALDINI (<strong>Florence</strong> 1537 – <strong>Florence</strong> 1591)Elève <strong>de</strong> Pontormo et du Bronzino, il vient à Rome sous le pontificat <strong>de</strong> Grégoire XIII ettravaille pour diverses églises <strong>de</strong> cette ville. A son retour <strong>de</strong> <strong>Florence</strong>, Vasari l’engage pour ladécoration du Palazzo Vecchio. Il y travaille quatorze ans.Giovanni da Bene<strong>de</strong>tto BANDINI (Castello da Bene<strong>de</strong>tto Bandini 1540 – <strong>Florence</strong> 1599)Elève <strong>de</strong> Baccio Bandinelli, il exécute pour les barrières du chœur, dans la cathédrale <strong>de</strong><strong>Florence</strong>, <strong>de</strong>s figures en bas-relief, et plus tard, pour la même cathédrale, les statues <strong>de</strong> SaintPhilippe et <strong>de</strong> Saint Jacques le Majeur.16

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