Santé© kebox – Fotolia.comTRAVAIL ET TROUBLES PSYCHIQUESParlons-en, c’est sérieuxEmergence des troublespsychiques dans le mondede la construction: sujet tabou,prise de conscience ou faut-ilpromouvoir la responsabilitéindividuelle?Selon le Secrétariat d’Etat àl’économie (SECO), la grandemajorité de la population, soitprès de 93%, estime être enbonne santé et maîtriser son stress.Or, depuis quelques années, une nouvellesituation apparaît dans le secteurparticulier de la construction, à savoirl’émergence des troubles psychologiquesaffectant aussi bien les patronsque les ouvriers. Si des remèdesexistent, ils s’inscrivent dans une nouvelleforme d’organisation du travail etdans un meilleur équilibre personnelqu’il s’agira de pérenniser.Compte tenu de la pression du tempset des délais toujours plus forts, prèsd’un quart des ouvriers exprimeraientdes difficultés psychologiques (stress,fatigue, troubles du sommeil, nervosité,irritabilité, surmenage). Elémentsignificatif du climat actuel de laconstruction, plus de 50% des ouvriersestiment ne pas avoir suffisamment detemps pour effectuer leur travail.Les patrons aussiSi le sujet reste encore tabou, les patronsne sont pas épargnés. Tous secteursd’activité confondus, on estime qu’untiers des chefs d’entreprise est affectépar des soucis de santé. Perspectivesde développement à court terme, pressionimportante des clients, manquede trésorerie, réduction importante deleur volume d’activité, charge de travailtrop élevée, les raisons ne manquentpas pour illustrer cette anxiété qui apoussé près de 20% de ces patrons àl’arrêt maladie. La conclusion nous estofferte par l’étude Travail et santé duSECO: «Les risques psychosociaux, lestress et le surmenage pour la branchede la construction sont élevés (66%)et méritent une approche systémiquecompte tenu des exigences toujoursplus fortes de la clientèle.»Pathologies psychiquesRéalité humaine ou coïncidence, letravail serait-il en train de reprendreson sens étymologique premier? Eneffet, le mot travail, tripalium, signifieun instrument de torture. Il désignaitautrefois l’état d’une personnequi souffre. Progressivement, il a étéétendu aux occupations nécessitantdes efforts pénibles, aux durs labeursdes travaux des secteurs primaire etsecondaire, puis à toutes les activitésde production. Aujourd’hui, étantdonné que le secteur des servicesoccupe une grande partie de l’économie,nous assistons à un glissementdes souffrances physiques vers despathologies psychiques.Le travail comme facteurd’émancipationCependant, le travail reste et doit resterun facteur de santé. Il permet non seulementl’apport de ressources financièresnécessaires pour vivre, mais ilcontribue grandement à l’épanouissementpersonnel, à la construction deson identité, à l’émancipation collective,à la création de liens sociaux. Sur58 bâtir avril 2013
âtir pratiquele plan économique, les chercheurssont nombreux à prôner et à démontrerque les bonnes conditions de travailsont nécessaires à la réalisationd’un travail productif et innovant. Ellessont en même temps un facteur importantdans la concurrence pour l’obtentionde la meilleure main-d’œuvre. Lasanté des travailleurs, un managementinstinctif et participatif favorisent laproductivité.Promotion de la santéDans un contexte de promotion de lasanté ou de prévention des risquespsychosociaux, certains estimentque ces maux doivent être considéréscomme un risque professionnel.Cela implique la prise en compte dela notion de risque inhérent à exercerune activité professionnelle danstelle ou telle entreprise. A l’inverse,nous pouvons aussi démontrer quela gestion d’un risque psychologiquese fait différemment d’un individu àl’autre, certains sachant se fixer deslimites, se poser les bonnes questions,équilibrer leur vie privée etprofessionnelle.Responsabilité individuelleMalgré ces nouveaux risques sociaux,la responsabilité, fondement de notreéconomie, doit également être priseen compte et prévaloir. La responsabilitésociale de l’employeur doit êtreabordée mais l’engagement professionnel,outre les droits qui lui sont liés,est accompagné également de devoirs.Nous nous devons de maintenir ce justeéquilibre entre dynamisme de l’économieet condition favorable de l’emploien Suisse. Nous devons veiller à ne pasmédicaliser l’entreprise mais à offrir lecadre adéquat visant l’épanouissementdes collaborateurs. Ces derniers sontd’ailleurs conscients que, malgré lespériodes plus difficiles, le tissu économiquesuisse reste sain et que sa vitalitédépend fortement de notre capacitéà s’adapter. Prendre conscience dela chance d’avoir un emploi dans uneEurope soumise aux incertitudes estparfois le meilleur remède pour acquérirde la motivation dans l’accomplissementde son travail quotidien et la relativiténécessaire dans certaines situations. •FRÉDÉRIC ABBET, RESPONSABLE CORPORATECAREASSURANCES ENTREPRISE, GROUPE MUTUELJournée de ré˜ exionTroubles psychiques comme risqueprofessionnel?La Haute école de travail social (HETS),le Deuxième Observatoire, centre decompétence en matière de harcèlementau travail et l’association Pro Mente Sanaproposent une journée de réflexion afinde faire le tour du sujet en présence despécialistes reconnus.Après une introduction à la thématique,divers exposés aborderont l’histoiredu développement de l’assurancecontre les accidents du travail, les réalitésde la prise en charge des souffrancespsychiques au travail et les pistes pourune meilleure prise en charge. Unetable ronde mettra également enprésence assureurs, juristes, psychiatreset syndicats.LieuHaute école de travail social (HETS),Aula, rue du Pré-Jérôme 16, 1205 GenèveDate et horairesMardi 28 mai 2013 de 8h30 à 15h30Inscriptions et informationscomplémentairesE-mail: sophie.rodari@hesge.chwww.hesge.chQuelques référencesbibliographiques– Bardelli, P. (Dir.). (2012). La sou˜ rance au travail:quelle responsabilité de l’entreprise? Paris:Colin.– Deveaud-Plédran, M. (2011). Le harcèlementdans les relations de travail: étude pluridisciplinairede la question du harcèlement suivie d’uneétude comparée entre le droit suisse et quelqueslégislations étrangères. Genève: Schultess.– Künzi, G. (Dir.). (2006). Harcèlement sur le lieude travail: l’entreprise en question. Lausanne:Presses polytechniques et universitairesromandes.© Marco2811 – Fotolia.combâtir > avril 2013 59