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Lire le reportage - WK Transport Logistique

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18 REPORTAGE19AYRAULT FRÈRES (79)TRANSPORTERLES VACHES ETAlain Ayrault et sonneveu, GéraldBruneau (bonnet surla tête), commenceà diriger <strong>le</strong>s vachesvers <strong>le</strong>s véhicu<strong>le</strong>s.RIEN D’AUTREEntre contraintes rég<strong>le</strong>mentaires à foison, contrô<strong>le</strong>sroutiers à répétition et baisses de chiffre d’affaires, pasfaci<strong>le</strong> d’exercer <strong>le</strong> métier de transporteur d’animauxvivants. Chez Ayrault Frères, on a toutefois conservéla passion chevillée au corps. Du marché aux bestiauxde Cho<strong>le</strong>t jusqu’à l’abattoir de La Roche-sur-Yon, nousavons accompagné Alain Ayrault et son neveu GéraldBruneau tout au long de la journée. Une journée« vachement » instructive…➜ REPÈRESAYRAULT FRÈRES (79)■ Siège : Cerizay■ CA : 3 M€■ Effectif : 26 salariés(dont 26 conducteurs)■ Flotte : 18 moteurs(presque tous Euro 5)■ Activité : transport d’animaux vivants(bovins, veaux, porcins, ovins)TEXTES ET PHOTOS : SLIMANE BOUKEZZOULAJanvier 2013. Un lundi matin,Relais des Prairies, à la périphériede Cho<strong>le</strong>t. Il est 12 h. Lemarché aux bestiaux. Un ventglacial balaie <strong>le</strong>s allées. Mais iln’altère pas la bonne humeurdes hommes en blousesgrises, la casquette vissée sur la tête, <strong>le</strong>sbottes de chasse au pied et la trique à lamain. C’est l’heure de trier <strong>le</strong>s vaches, de<strong>le</strong>s faire rentrer à coups de triques sur <strong>le</strong>cul ou la tête dans <strong>le</strong>s « parcs ». D’un côté,« <strong>le</strong> maigre », <strong>le</strong>s jeunes animaux qui vontprendre <strong>le</strong> chemin des fermes de la région.De l’autre, <strong>le</strong>s bovins qui vont finir ensteaks hachés, direction l’un des abattoirsde la région. C’est comme cela tous <strong>le</strong>slundis matin. Quelques heures auparavant,la place était vide. Dans quelquesheures, el<strong>le</strong> <strong>le</strong> sera de nouveau. Entretemps,é<strong>le</strong>veurs, commerçants de bestiauxet représentants de coopérativesagrico<strong>le</strong>s auront échangé à bâtons rompusafin de s’entendre sur <strong>le</strong>s prix de marchéet <strong>le</strong>s volumes. Ces échanges pouracheter et vendre s’effectuent pour l’heureen « off ». Ils devraient norma<strong>le</strong>ment attendre<strong>le</strong> feu vert de Stéphane Brochard.C’est <strong>le</strong> directeur du marché, en blouseblanche, lui. Il est perché sur une mezzaninevitrée qui surplombe l’enceinte. C’estlui qui, tout à l’heure, fera sonner la cloche— offerte par <strong>le</strong> Marquis de Broon en 1689— qui donnera <strong>le</strong> véritab<strong>le</strong> coup d’envoides négociations commercia<strong>le</strong>s entre é<strong>le</strong>veurs,commerçants de bestiaux et coopératives.LA CONCURRENCEDES COMMERÇANTSAlain Ayrault, comme à son habitude, sedé<strong>le</strong>cte de ces morceaux de vie quand,sous <strong>le</strong> prétexte de commercer, <strong>le</strong>shommes communiquent, se tapent lllLa Pezzaiolipeut contenirjusqu’à 36 bovinssur 3 niveaux.Fin du chargement, Gérald Bruneaupeut laisser tomber la trique.L’Officiel des <strong>Transport</strong>eurs – N° 2691 du 17 mai 2013L’Officiel des <strong>Transport</strong>eurs – N° 2691 du 17 mai 2013


20REPORTAGECommerçants de bestiauxet représentants decoopératives ne vont pastarder « à barguiner »sur <strong>le</strong>s prix.Alain Ayrault encompagnie deStéphane Brochard,<strong>le</strong> directeur dumarché aux bestiauxde Cho<strong>le</strong>t.L’instant détente : AlainAyrault en compagnie dedeux de ses conducteurs,Gérald Bruneau et BernardLibaud (à gauche).lll dans la main, s’entraident, partagentun verre de blanc ou se racontent <strong>le</strong>s dernierspotins des cantons avoisinants.« J’aime cette ambiance d’hommes, cescontacts, ce rapport direct avec <strong>le</strong> client,qu’on n’a pas ail<strong>le</strong>urs, dans d’autres spécialitésde transport. Quand on est né dedans,on y reste », raconte <strong>le</strong> transporteurd’animaux vivants installé à Cerizay, àquelques kilomètres de Cho<strong>le</strong>t. Lagrande famil<strong>le</strong> a toutefois mail<strong>le</strong> à partiravec <strong>le</strong>s commerçants de bestiaux. « Onest un peu en concurrence, ils nous endonnent <strong>le</strong> moins possib<strong>le</strong>, déclare AlainAyrault. Et lorsqu’il y a eu <strong>le</strong>s crises sanitaires,il y a quelques années, ils se sontbattus pour obtenir des subventions uniquementpour eux ». Les vaches ? Il <strong>le</strong>sconnaît par cœur, Alain Ayrault. Dès l’âgede deux ans, ses parents agriculteurs <strong>le</strong>retrouvaient souvent juché sur <strong>le</strong>ur dos.Le dirigeant serre beaucoup de mains. I<strong>le</strong>st un peu chez lui ici. Comme StéphaneBrochard, à bientôt 60 ans, il l’a vu évoluer<strong>le</strong> marché au fil du temps. « Il y a 20ans, on accueillait encore plus de 2 000bêtes. Aujourd’hui, on est plutôt sur unemoyenne de 1 150 têtes. On a perdu <strong>le</strong>sjeunes bovins et <strong>le</strong>s races laitières, on netraite plus que des races à viande. Par ail<strong>le</strong>urs,de plus en plus d’abattoirs appâtent<strong>le</strong>s commerçants de bétail pour se faire livrerdirectement. Il y a donc toute unepartie de flux qui échappent au marché etdonc aux transporteurs », souligne <strong>le</strong> directeurde ce marché exploité par la communautéd’agglomérations du Cho<strong>le</strong>tais.CONCENTRATION EXTRÊMEAlain Ayrault est titulaire de trois parcssur <strong>le</strong> marché aux bestiaux de Cho<strong>le</strong>t.Chaque lundi, trois de ses bétaillères sontrangées sur un côté. Pour <strong>le</strong> patron decette société de 26 salariés (3 M€ de CA),la semaine commence en fait dès <strong>le</strong> dimanchesoir. Ses véhicu<strong>le</strong>s n’approvisionnentpas <strong>le</strong> marché. En revanche, dèsla veil<strong>le</strong> au soir, c’est <strong>le</strong> bal<strong>le</strong>t vers <strong>le</strong>sabattoirs, <strong>le</strong>squels ouvrent <strong>le</strong>urs portes à4 heures. Il faut au préalab<strong>le</strong> effectuer laramasse dans <strong>le</strong>s fermes. La nuit aura étécourte pour <strong>le</strong> transporteur. Courte éga<strong>le</strong>mentpour Gérald Bruneau. C’est <strong>le</strong>neveu d’Alain Ayrault. Le fils de FreddyAyrault, frère cadet du premier, coactionnairede cette société créée en 1974.Freddy a en charge <strong>le</strong>s activités de mécaniqueet d’entretien des véhicu<strong>le</strong>s. Depuis<strong>le</strong> début de la matinée, Gérald observe<strong>le</strong> manège des vaches que <strong>le</strong>shommes en blouses grises répartissentdans <strong>le</strong>s barres. Après un repas vite prisavec d’autres collègues chauffeurs au restaurantdu coin, <strong>le</strong> jeune homme s’engageau cœur de la mêlée. C’est lllL’Officiel des <strong>Transport</strong>eurs – N° 2691 du 17 mai 2013


22REPORTAGElll l’heure d’acheminer <strong>le</strong>s bovins desclients Ayrault vers <strong>le</strong>s bétaillères. Deuxautres de ses collègues de l’entreprise s’ymettent éga<strong>le</strong>ment. Cris, coups de trique,vaches qui débou<strong>le</strong>nt par groupes dehuit, dix, quinze. L’air de rien, la concentrationde Gérald est à son comb<strong>le</strong> : uncoup de corne, une vache qui s’affo<strong>le</strong> ettente de se faire la bel<strong>le</strong> et c’est l’accident…« Ne jamais montrer aux animauxque l’on a peur. Je me suis déjà fait sortird’une semi par un taureau en une seconde: je n’ai rien vu venir et je ne me rappel<strong>le</strong>de rien », dit Gérald. Alain Ayraultacquiesce d’un mouvement de tête.Ayrault Frères mobilise3 véhicu<strong>le</strong>s chaquelundi pour <strong>le</strong> marché.L’IMPORTANCEDES « TEMPS AUTRES »Il est 15h30. Commerçantset représentants de coopérativesont fait affaire. C’estau tour de Gérald et des autreschauffeurs de jouer àprésent. Conducteur dans<strong>le</strong> transport d’animaux vivants? Un métier « comp<strong>le</strong>t» et comp<strong>le</strong>xe. Géraldne l’exerce qu’à mi-temps :il épau<strong>le</strong> éga<strong>le</strong>ment AlainAyrault à l’exploitation.« Nous passons plus detemps au chargement et au déchargement». Pas une mince affaireson job. Sur <strong>le</strong> marché, des barrièress’ouvrent, d’autres se ferment pourorienter <strong>le</strong>s bovins sur la bonne fi<strong>le</strong>, <strong>le</strong>bon couloir puis <strong>le</strong> bon camion. Heureusement,règne une grande d’entraideentre <strong>le</strong>s conducteurs, une fortesolidarité. Une à une, <strong>le</strong>s bêtes grimpentdans <strong>le</strong> Volvo 440 ch de Gérald.Les remorques sont de qualité, selonAlain Ayrault. L’italienne Pezzaioli(avec toit ouvrant) permet un trans-lllDirection l’abattoir deLa Châtaigneraie (85) :Gérald peut commencerà se détendre.L’Officiel des <strong>Transport</strong>eurs – N° 2691 du 17 mai 2013


24REPORTAGElll port sur trois planchers (4,60 m dehauteur, capacité de 36 bovins). La Française,Babeau (fabriquée non loin de Cho<strong>le</strong>t,à Bressuire), est dotée de deux étages.Prix d’un ensemb<strong>le</strong> comp<strong>le</strong>t : 220 à 230 k€.Les 18 vaches sont à présent chargées. Géraldpeut souff<strong>le</strong>r, <strong>le</strong> plus dur est passé. Directionl’abattoir de La Châtaigneraie, à80 km de Cho<strong>le</strong>t. L’entreprise d’Alain etFreddy Ayrault livre éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s abattoirsde La Roche-sur-Yon (60 km) et deBressuire (50 km).Ayrault Frères rayonne éga<strong>le</strong>ment sur <strong>le</strong>Sud-Ouest, <strong>le</strong> centre de la France et entretientune ligne vers Charol<strong>le</strong>s (71). La sociététombera, si une suite est donnée à larésolution votée par <strong>le</strong>s eurodéputés fin2012, sous <strong>le</strong> coup d’une législation qui limitera<strong>le</strong> temps de transport des animauxà 8 h. Un texte adopté au nom du bien-êtreanimal. « Une idiotie d’eurocrates, selonAlain Ayrault. Quand on sait que <strong>le</strong> tempsde chargement équivaut en moyenne à1h30 et celui de déchargement à 3/4 d’heure,on voit mal comment nous allons pouvoircontinuer de faire de la zone longue ». Unecontrainte supplémentaire pour une professionrégulièrement exposée au feu descontrô<strong>le</strong>s de toutes sortes (gendarmerie,Dreal, services vétérinaires). Des contrô<strong>le</strong>sauxquels sont beaucoup moins soumis,selon Alain Ayrault, <strong>le</strong>s commerçants debestiaux qui s’appuient — outre sur <strong>le</strong>s entreprisespour compte d’autrui — sur <strong>le</strong>urspropres moyens (petites flottes en propre)et livrent <strong>le</strong>s abattoirs et <strong>le</strong>s marchés en direct,donc à des tarifs plus concurrentiels.Alain Ayrault a tenté, il y a quelques années,de se diversifier vers la marchandisegénéra<strong>le</strong>. Il a rapidement abandonné. « Cen’était pas notre tasse de thé. Ce sont <strong>le</strong>s animauxqu’on aime ». Même s’il faut composeravec l’extrême difficulté, en milieu rural,de recruter des conducteurs, qualifiésde surcroît. Heureusement, dans ce milieu,<strong>le</strong>s donneurs d’ordre ne sont pas tombés,comme ail<strong>le</strong>urs, dans la surenchèreaux appels d’offres. « Quand on fait <strong>le</strong> métiercorrectement, on en obtient <strong>le</strong> justeprix », souligne <strong>le</strong> transporteur des Deux-Sèvres. Dans la prestation globa<strong>le</strong>, <strong>le</strong>conducteur jouera un rô<strong>le</strong> clé : pas ou peude personnel intermédiaire, il est encontact direct avec <strong>le</strong> client. Gérard Sauloups’est joint à Alain Ayrault. Ce personnagehaut en cou<strong>le</strong>urs exploite une petitesociété de 5 salariés à Champigné (49). Luine livre que <strong>le</strong>s abattoirs. Comme beaucoupde ses collègues, il appréhende —autre contrainte — la mise en place prochainede la taxe PL. « Nous espérons vraimentque nos clients vont se montrer compréhensifscar dans notre métier, il y abeaucoup de trajets à vide. Il nous faudradonc avoir beaucoup d’arguments pourfaire comprendre au chargeur que la taxeintègre l’al<strong>le</strong>r à vide et <strong>le</strong> retour chargé », déclareGérard Sauloup.PLACE AU CHAUFFEURIl est 16h30. Gérald Bruneau vient de bouc<strong>le</strong>rà doub<strong>le</strong> tour son Volvo. Nous empruntonsla départementa<strong>le</strong> pour quitter Cho<strong>le</strong>ten direction de l’abattoir Charal de LaChâtaigneraie. Un premier rond-point :Gérald manœuvre avec une extrême délicatesse.Son credo: emprunter <strong>le</strong> plus rapidementpossib<strong>le</strong> l’autoroute. « Ce qui nousAlain Ayrault, avec sonfrère Freddy, dans l’atelierde La Cerisay (79).importe <strong>le</strong> plus, c’est <strong>le</strong> bien-être animal. Si<strong>le</strong>s ronds-points sont pris trop rapidement,<strong>le</strong>s vaches se tournent 2-3 fois ». Le risqueexiste par conséquent que la viande deviennefiévreuse et qu’el<strong>le</strong> se noircisse. Labétaillère a rejoint l’autoroute. Gérald peutcommencer à se détendre. « Rou<strong>le</strong>r, c’estune autre partie de notre métier. Une foisque l’on est installé au volant, on se repose,si l’on ose dire. On n’a plus à embrayer et débrayergrâce à la boîte automatique. C’est unvrai confort y compris pour <strong>le</strong>s animaux qui« CE QUI NOUS IMPORTE LEPLUS, C’EST LE BIEN-ÊTREANIMAL. SI LES RONDS-POINTSSONT PRIS TROP RAPIDEMENT,LES VACHES SE TOURNENTDEUX OU TROIS FOIS »ne subissent plus <strong>le</strong>s passages de vitesses. Onn’a plus <strong>le</strong> souci de la bête qui va s’égarer ouse montrer dangereuse ». Les bêtes, il <strong>le</strong>saime Gérald. « Sinon, je n’exercerais pas cemétier ». Avec un père agriculteur et deuxonc<strong>le</strong>s (Alain et Freddy Ayrault) transporteursd’animaux vivants, il était diffici<strong>le</strong>pour lui de ne pas « tomber dedans ». Dèsl’âge de 14 ans, parce qu’il « tournait » avecson onc<strong>le</strong> Freddy, il connaissait déjà tous<strong>le</strong>s marchés à bestiaux et <strong>le</strong>s abattoirs deFrance. C’est à cet âge qu’est née la vocation,l’envie de conduire un camion « chezAyrault, pas ail<strong>le</strong>urs ». Peu importe la salissure,<strong>le</strong>s odeurs… Dès 1995, il rejoint l’entreprisefamilia<strong>le</strong>. Un passage de 4 ans aulavage des PL — Ayrault possède sa proprestation — puis <strong>le</strong> permis en 1997, l’attestationde capacité deux ans plus tard.FIN DU VOYAGEGérald commence à ra<strong>le</strong>ntir. L’abattoir serapproche. Il est 19 h. Le véhicu<strong>le</strong> pénètredans La Châtaigneraie. Marche arrière, arrêtdu moteur. Gérald descend promptementde la bétaillère. Quelques documentsà signer à l’accueil. Puis, vient <strong>le</strong>dernier vo<strong>le</strong>t des « temps autres » : <strong>le</strong> déchargement.Toujours cette même exigencede concentration. Vision périphériquemaximum. Les vaches descendentà la queue <strong>le</strong>u <strong>le</strong>u, un étage de la Pezzaioliaprès l’autre. Gérald donne à nouveau activementde la trique. Il <strong>le</strong>s dirige une àune vers une logette individuel<strong>le</strong>, puis <strong>le</strong>urpose une chaîne au pied en guise d’attache.Fin du voyage. Dans quelques jours,<strong>le</strong>s vaches de cet abattoir appartenant àune marque de renom viendront garnir<strong>le</strong>s rayons réfrigérés de la grande distribution.Sur <strong>le</strong>ur packaging, <strong>le</strong> portrait d’uncélèbre joueur de rugby*. Bon appétit…◆*Sébastien ChabalL’Officiel des <strong>Transport</strong>eurs – N° 2691 du 17 mai 2013

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