sur de nouvel<strong>les</strong> espèces jusque-làinconnues au répertoire de la faunesuisse, comme Neoleria ruficauda(Heleomyzidae) et Nemopoda speiseri(Sepsidae). Ces mouches ont été identifiéespar Bernhard Merz, entomologisteà l’Université de Genève.Pas le droit à l’erreurUne fois l’insecte identifié, resteencore à calculer son cycle de ponte.Heureusement, il existe <strong>les</strong> tab<strong>les</strong> deMarchenko, un scientifique russe, <strong>qui</strong><strong>les</strong> a mathématisés suivant un calcul detempérature moyenne par jour. Unesystématique <strong>qui</strong> permet de remonterle temps et de «faire une datation extrêmementprécise, <strong>pour</strong> autant que l’onsoit sûr d’être dans le premier cycle»,confie <strong>Claude</strong> <strong>Wyss</strong>. Qui, prudent, nese risquerait pas à faire une datationau-delà de quelques semaines. «Unefausse estimation peut être très grave.J’ai d’autant moins le droit à l’erreurque quand j’arrive avec mon filet àpapillons sur le lieu d’une mort suspecte,je passe <strong>pour</strong> un original, toutle monde se marre…»Le Colombo <strong>des</strong> diptèresRôder autour <strong>des</strong> corps en putréfactionne semble pas altérer le moralde l’inspecteur. Il a <strong>des</strong> enthousiasmesinattendus, <strong>des</strong> emportements soudainsdevant certains spécimens, totalementinsignifiants aux yeux du béotien.«Regardez <strong>les</strong> bel<strong>les</strong> choses que j’aitrouvées dans le parc du Manoir deBan!», s’emballe le Colombo <strong>des</strong>diptères. Et d’exhiber ses Calliphoridae,ses Necrobia, ses Dermestes, tous étiquetésen rangs immobi<strong>les</strong> sous leurvitrine. Ce <strong>sont</strong> eux <strong>qui</strong> ont permis defaire avancer l’enquête lancée à la suitede la découverte d’un couple mystérieusementdécédé dans le parc Chaplin,l’été dernier.La mouche africaineSûr qu’il aime <strong>les</strong> <strong>insectes</strong>. Evoquezle seul nom de Chrysomya albiceps (Wiedemann,1819) et le voilà <strong>qui</strong> se lance→A LLEZ SAVOIR! / N°18 OCTOBRE 2000 15
<strong>Claude</strong> <strong>Wyss</strong> L’inspecteur <strong>pour</strong> <strong>qui</strong> <strong>les</strong> <strong>insectes</strong> <strong>sont</strong> <strong>des</strong> <strong>indices</strong>PORTRAITpuent, ne <strong>sont</strong> pas beaux, passent par<strong>des</strong> sta<strong>des</strong> immon<strong>des</strong>. Mais l’horreur,vous la mettez de côté. Il faut faire abstractionde l’être humain, de son vécu,sinon vous n’y arrivez pas. Je travail<strong>les</strong>ur un substrat, je dois résoudre uneaffaire. C’est mon job», assène <strong>Claude</strong><strong>Wyss</strong>, <strong>qui</strong> assure 200 constats parannée et 85 expertises entomologiquesà ce jour.→aussitôt dans une digression. Cettemouche africaine, très rare sous noslatitu<strong>des</strong>, est une saisonnière clan<strong>des</strong>tine,<strong>qui</strong> a permis à <strong>Claude</strong> <strong>Wyss</strong>d’orienter une histoire de meurtre dansle canton de Fribourg : «J’étais appelé<strong>pour</strong> un constat, au mois d’octobre. Etlà je trouve une pupe de Chrysomya albiceps.Quel indice! Quand on sait quecette mouche ne vient en Suisse qu’aumois d’août, la mort ne pouvait doncdater que de ce moment-là. Une autreespèce a permis de dater le cadavre aujour près. Vous vous rendez compte?»s’interrompt le spécialiste, avant <strong>des</strong>’exclamer en ponctuant : «Mais c’estgé-ni-al! On a <strong>des</strong> migrations d’<strong>insectes</strong>comme chez <strong>les</strong> oiseaux.»Ainsi, tout peut être indice. Pourautant qu’on s’applique à <strong>les</strong> lire. Lespetites habitu<strong>des</strong> <strong>des</strong> mouches nécrophages,leurs déplacements, leurmanière de voler continuent de parlerbien après que la mort a fermé <strong>les</strong>lèvres. Leurs mœurs définiront un lieu– Calliphora vomitoria affectionne laforêt –, leur seule présence dira une saison– Protophormia terranovae (Robineau-Desvoidy,1830) n’apparaît pasici avant le mois de juin.Puzzle zoologiqueReste que la tâche est souventingrate, l’environnement sordide. Maisla curiosité scientifique est plus forteque le dégoût. «Bien sûr, <strong>les</strong> cadavresParce qu’il aime décortiquer, traquer<strong>les</strong> preuves vivantes. Parce que ce finlimier <strong>des</strong> invertébrés à six pattes seplaît à résoudre, assembler <strong>les</strong> piècesde ce grand puzzle zoologique <strong>qui</strong> endit tant sur la nature humaine. Observer<strong>pour</strong> comprendre. Que, comme lelaisse supposer son expérience ducochon en pyjama (voir encadré p.18),la mort suit un processus de décompositionchaotique, dépendant de latempérature, de l’environnement etprobablement d’autres facteursinternes, d’ordre biologique : <strong>les</strong> corpsde deux personnes décédées dans <strong>les</strong>mêmes circonstances, en appartement,ne seront pas au même stade de putréfactionaprès sept jours. Ce <strong>qui</strong> amènel’inspecteur à chercher <strong>les</strong> constantesplutôt que <strong>les</strong> évidences trompeuses. Età ne pas confondre un trou creusé par<strong>les</strong> larves avec la trace d’une munition22 long rifle.16A LLEZ SAVOIR! / N°18 OCTOBRE 2000