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Le Voleur - Lecteurs.com

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pis pour les autres si c’est un revenant dont le suaire ligotaitles poings crispés, et qui a pleuré dans la tombe !Et souvent, il n’y a plus rien derrière la pierre du sépulcre.La bière est vide, la bière qu’on ouvre avec angoisse. Et quelquefois,c’est plus lugubre encore.<strong>Le</strong>s rivières claires qui traversent les villes naissantes… Onjette un pont dessus, d’abord ; puis deux, puis trois ; puis, onles couvre entièrement. On n’en voit plus les flots limpides ; onn’en entend plus le murmure ; on en oublie même l’existence,Dans la nuit que lui font les voûtes, entre les murs de pierrequi l’étreignent, le ruisseau coule toujours, pourtant. Son eaupure, c’est de la fange ; ses flots qui chantaient au soleilgrondent dans l’ombre ; il n’emporte plus les fleurs desplantes, il charrie les ordures des hommes. Ce n’est plus unerivière ; c’est un égout.Je ne suis pas le seul, sans doute, à avoir deviné la tendancemalfaisante d’un système qui poursuit, avec le knout du respect,l’unité dans la platitude. L’enfant a l’orgueil de sa personnalitéet le fier entêtement de ce qu’on appelle ses mauvais instincts.L’ironie n’est pas rare chez lui ; et il se venge par sa moquerie,toujours juste, du personnage ou de la doctrine quicherche à peser sur lui. Mais la raillerie n’est pas assez fortepour la lutte. De là ce mélange de douceur et d’amertume, depatience et de méchanceté, de confiance large et de doute pénibleque je remarque chez plusieurs de mes camarades – toujoursenfants très heureux ou très malheureux dans leurs familles– et qui se résout dans une tristesse noire et une inquiétudenostalgique. Non, le sarcasme ne suffit point. Ce n’est pasen secouant ses branches que le jeune arbre peut se débarrasserde la liane qui l’étouffe ; il faut une hache pour couper laplante meurtrière, et cette hache, c’est la Nécessité qui latient. C’est elle qui m’a délivré. Il y a une chose que je sais etqu’aucun de mes camarades ne sait encore : je sais qu’il fautvivre.Je sais qu’il faut avoir une volonté, pour vivre, une volontéqui soit à soi – qui ne demande ni conseil avant, ni pardonaprès. – Je sais que les années que je dois encore passer au collègeseront des années perdues pour moi. Je sais que les avisqu’on me donnera seront mauvais, parce qu’on ne me connaîtpoint et que je ne suis pas un être abstrait. Je sais que ce qu’on23

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