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Kiosque international dclgéa aAnalyses &Décryptagese15TunisieLe livre, arme suprême contrel’obscurantismeZohra Abid, Kapitalis.com / TunisieComme annoncé il y a quelquesjours, l’av<strong>en</strong>ue Habib Bourguibaà Tunis s’est métamorphoséemercredi après-midi <strong>en</strong> unebibliothèque à ciel ouvert. ‘‘L’av<strong>en</strong>ue ta9ra’’(L’av<strong>en</strong>ue lit), dans l’ivresse de la libertéretrouvée. Un peu avant le coucher dusoleil, une belle parcelle de «L’av<strong>en</strong>ue»(comme aim<strong>en</strong>t l’appeler les Tunisi<strong>en</strong>s)s’est remplie d’hommes et de femmes, depetits et de grands. Une marée humaine ainvesti les trottoirs à droite et à gaucheainsi que le terre-plein c<strong>en</strong>tral. Les terrassesde cafés ont affiché complets. Et tout lemonde est absorbé par ce qu’il lit ou faitsemblant de lire.Sil<strong>en</strong>ce, on lit…A l’appel lancé sur les réseaux sociauxpar un groupe de Tunisi<strong>en</strong>s, des c<strong>en</strong>taines,voire des milliers de personnes ontrépondu prés<strong>en</strong>ts à l’heure indiquée (18heures). Ni cris, ni ta<strong>page</strong>s, ni slogans, maisune manifestation sil<strong>en</strong>cieuse sans mêmel’autorisation du ministère de l’Intérieur.L’emblème du jour: un livre à la main. Surles marches du Théâtre municipal, des lecteurset des lectrices de tous âges. A côté, àmême le sol, sur la partie piétonne de«L’av<strong>en</strong>ue», des c<strong>en</strong>taines de personnes.Difficile de les compter.Ici, sous un parasol, un groupe de filleset de garçons, autour d’une table, sirote unsoda, un café ou un thé à la m<strong>en</strong>the. Tousplongés dans leur petit univers livresque.Ici, un père de famille avec femme et<strong>en</strong>fants, noyés aussi dans leur lecture. Là,au pied d’un tronc d’arbre, une foule deg<strong>en</strong>s, tous <strong>en</strong> train de lire.Au milieu de ce beau monde, un gamind’une dizaine d’années v<strong>en</strong>d ses roses, à 2dinars la tige. Plus loin, devant la librairieAl Kitab, des filles, des garçons, desTunisi<strong>en</strong>s et des touristes (français et itali<strong>en</strong>s),sembl<strong>en</strong>t absorbés par le livre qu’ilfeuillèt<strong>en</strong>t. A quelques pas de là, on a misune «mida» (une table traditionnelle) ettout autour, des filles et des garçons lis<strong>en</strong>t.Ils sembl<strong>en</strong>t plongés dans leur lecture.Enfin, ils font mine… Doux théâtre oùl’appar<strong>en</strong>ce est recherchée comme unsigne, une parole, une prise de position…Et c’est le cas. Ces g<strong>en</strong>s ne rev<strong>en</strong>diqu<strong>en</strong>tri<strong>en</strong>, ne déf<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t personne, ne roul<strong>en</strong>tpour aucun parti. On est loin de la politique,on <strong>en</strong> est bi<strong>en</strong> loin. C’est le cas de cemonsieur qui offre gratuitem<strong>en</strong>t des livres.Des titres anci<strong>en</strong>s. Des inv<strong>en</strong>dus de lalibrairie, certes, mais des livres tout demême.«Oui, nous avons distribué gratuitem<strong>en</strong>tces livres. Nous avons aussi fait despromotions. Des livres qui coût<strong>en</strong>t 15dinars ont été liquidés à 1 dinar seulem<strong>en</strong>t.En revanche, nous avons fait un bon chiffred’affaires.C’est vraim<strong>en</strong>t notre journée. Nousavons v<strong>en</strong>du les nouveautés. Les g<strong>en</strong>s sontintéressés par tout ce qui a été écrit sur larévolution, sur les droits de la femme, surles livres de droits», a dit à Kapitalis la caissièrede la bibliothèque de «L’av<strong>en</strong>ue»,pleine comme un œuf.Sur les ailes du désir18 heures, on le sait, c’est l’heure de lasortie des bureaux, qui plus est, le temps estprintanier, et il y a du monde. On passe eton repasse, on se balade <strong>en</strong>tre les grappesd’hommes et de femmes et aucun n’oseperturber les imperturbables lecteurs etlectrices. «Je suis v<strong>en</strong>u avec ma prof defrançais. C’est elle qui a suggéré à toute laclasse de se r<strong>en</strong>dre à ‘‘L’av<strong>en</strong>ue’’», raconteWissem, un lycé<strong>en</strong> de l’Ariana. Sa copines’est cont<strong>en</strong>tée de lancer un regard dansnotre direction et a vite repris sa lecture.Marouan ne lit pas, mais il est sur des ailesde désir. Il pr<strong>en</strong>d la commande par-ci etsert par là, des cafés, de l’eau, des glaces…«En même pas une heure, j’ai déjà eu mabonne part de pourboire», raconte, toutsourire, le garçon de café. Vous n’êtes pasdérangé par cette manifestation? «Non, elleest bi<strong>en</strong> organisée. Comme celle du 20mars. Pourvu qu’il n’y ait pas d’intrus. Bon,on va voir», a-t-il ajouté au passage. Et depréciser que «les commerçants, qui ontprotesté contre les manifestations dans‘‘L’av<strong>en</strong>ue’’, sont ceux du marché parallèle,qui eux mêmes, sont dans l’illégalité». Unpeu plus loin, vers la rue de Marseille, il n’ya plus ri<strong>en</strong>.Sous les parasols, des g<strong>en</strong>s attablés sepay<strong>en</strong>t un petit plaisir, esseulé ou <strong>en</strong> compagnie.On scrute <strong>en</strong> sil<strong>en</strong>ce la manifestationmuette. Incrédule. Gogu<strong>en</strong>ard…Sacré livre à consommersans modération«les commerçants, qui ontprotesté contre lesmanifestations dans‘‘L’av<strong>en</strong>ue’’, sont ceux dumarché parallèle, qui euxmêmes, sont dansl’illégalité».Quelques barbus <strong>en</strong> qamis afghan pass<strong>en</strong>t.Ils ne sont pas cont<strong>en</strong>ts. Et ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t àl’afficher, <strong>en</strong> discut<strong>en</strong>t avec d’autres de leurâge. «Vous avez seulem<strong>en</strong>t voulu briser ladécision du ministre de l’Intérieur. Vousme dites la lecture, le livre est sacré. Noussommes musulmans et il n’y a de sacré quele saint Coran», lance l’un d’eux. Son aînéde vingt ans lui rétorque.«Dans le Coran, on incite les croyants àappr<strong>en</strong>dre les sci<strong>en</strong>ces. A-t-on oublié que lepremier verset est ‘‘Iqra’’ (Lis!). Si vouscompr<strong>en</strong>ez la valeur de la lecture, personn<strong>en</strong>e vous fera un lavage de cerveau. Vousavez l’âge de mon fils et je vous plains. Unlivre, puis deux, puis trois et vous allezgoûter au plaisir de la lecture, à l’autonomieet personne ne sera ton tuteur». La discussion,qui s’est échauffée, a fini par secalmer.Les jeunes barbus sembl<strong>en</strong>t compr<strong>en</strong>dreou faire semblant de compr<strong>en</strong>dre le discoursde cet <strong>en</strong>seignant de théologie. Aumilieu de la foule, des hommes costaudstourn<strong>en</strong>t <strong>en</strong> rond. Ils tourn<strong>en</strong>t, suiv<strong>en</strong>t discrètem<strong>en</strong>tquelques jeunes, écout<strong>en</strong>t lesdiscussions des uns et des autres. Et c’esttout.De l’autre côté de l’av<strong>en</strong>ue, leurs collègues<strong>en</strong> uniforme, ne badin<strong>en</strong>t pas. Ilsvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t de m<strong>en</strong>otter un quinquagénairesaoul. Il semble qu’il a dérangé les amoureuxde la lecture. A quelques mètres de laplace 14 Janvier, des t<strong>en</strong>tes implantées. Lesag<strong>en</strong>ts de la Protection civile affich<strong>en</strong>t leursslogans. Et rappell<strong>en</strong>t aux passants leurnoble mission.ALGERIE NEWS Samedi 21 avril 2012

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