HISTOIRES DE FAMILLES, HISTOIRES FAMILIALESSuccédant à une première union rompue, cette seconde union a parfoisété brève ou relativem<strong>en</strong>t brève : 15 % des couples auront vécu moins de cinqans avant d’être rompus par le décès, 25 % moins de dix ans, 38 % moins dequinze ans. En revanche, 48 % de ces secondes unions ont duré plus de vingtans, la première désunion étant interv<strong>en</strong>ue très rapidem<strong>en</strong>t.Dans ces cas, 89 % des veufs <strong>précoce</strong>s ont eu des <strong>en</strong>fants avec leurconjoint décédé : 47 % sont par<strong>en</strong>ts d’au moins trois <strong>en</strong>fants, 29,5 % de deux<strong>en</strong>fants et 23,5 % d’un <strong>en</strong>fant unique. En outre, 11,5 % de ces veufs ont élevéun ou plusieurs <strong>en</strong>fants de leur ex-conjoint ou de leur premier conjoint décédédans le cas de double <strong>veuvage</strong>. Parmi eux, 59 % avai<strong>en</strong>t eux-mêmes trois <strong>en</strong>fantsissus de leur union rompue par le décès, 11 % <strong>en</strong> avai<strong>en</strong>t deux et 19 %avai<strong>en</strong>t un <strong>en</strong>fant unique.Parmi les conjoints survivants sans <strong>en</strong>fant, 10 % ne sont pas dans une situationd’isolem<strong>en</strong>t puisqu’ils élèv<strong>en</strong>t un ou plusieurs <strong>en</strong>fants de leur conjointdécédé.d) Être <strong>en</strong> couple après le <strong>veuvage</strong>Dans 22,1 % des cas, le veuf <strong>précoce</strong> a reformé un couple après son <strong>veuvage</strong>,situation qui dure <strong>en</strong>core à la date de l’<strong>en</strong>quête <strong>Le</strong>s remises <strong>en</strong> couplesont beaucoup plus fréqu<strong>en</strong>tes chez les hommes. Sur le total des veufs <strong>précoce</strong>s,49,5 % sont <strong>en</strong> couple, une proportion nettem<strong>en</strong>t supérieure à celle desfemmes : seulem<strong>en</strong>t 16,8 % viv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> couple <strong>en</strong> 1999.Par ailleurs, les chances de remise <strong>en</strong> couple sont d’autant plus élevéesque le conjoint était jeune au mom<strong>en</strong>t du décès. Près d’une personne sur deuxayant été veuve avant l’âge de 25 ans est <strong>en</strong>core <strong>en</strong> couple <strong>en</strong> 1999. En revanche,parmi les personnes veuves à 50 ans et plus, seule une sur dix est à nouveau<strong>en</strong> couple <strong>en</strong> 1999.11 % de ces conjoints n’ont d’<strong>en</strong>fants ni de la première ni de la secondeunion. Parmi eux, huit sur dix élèv<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>fants de leur conjoint décédé oude leur ex-conjoint.e) Être par<strong>en</strong>t et beau-par<strong>en</strong>tNous avons déjà abordé cette dim<strong>en</strong>sion du <strong>veuvage</strong> <strong>précoce</strong> à travers lesdiffér<strong>en</strong>tes unions. Apercevons-la à prés<strong>en</strong>t dans sa généralité, sans oublierque les veufs sont très majoritairem<strong>en</strong>t des veuves.91,8 % des veufs <strong>précoce</strong>s ont eu des <strong>en</strong>fants avec leur conjoint décédé,les femmes étant plus fréquemm<strong>en</strong>t (92,7 %) que les hommes (88,2 %) danscette situation.49,9 % des veufs <strong>précoce</strong>s avec <strong>en</strong>fants (cf. tableau 5) ont eu trois <strong>en</strong>fantset plus.Ne pas avoir eu d’<strong>en</strong>fant, ne signifie pas ne pas <strong>en</strong> avoir élevé : parmi lesveufs <strong>précoce</strong>s restés sans <strong>en</strong>fants de leur conjoint décédé, 6,6 % ont assuméle rôle de beau-père ou de belle-mère dans le cadre d’une recomposition familiale.Ils déclar<strong>en</strong>t avoir élevé un (49 % des cas) ou des <strong>en</strong>fants (35,9 % deux<strong>en</strong>fants, 15 % trois <strong>en</strong>fants ou plus) sans <strong>en</strong> avoir eu eux-mêmes. Parmi eux,6 % élèv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core ces beaux-<strong>en</strong>fants à la date de l’<strong>en</strong>quête.— 404 —
VI. 19. – LE VEUVAGE PRÉCOCE EN FRANCETABLEAU 5.– PROPORTIONS (EN %) DE VEUFS PRÉCOCES PARENTS SELONLE NOMBRE D’ENFANTS EUS AVEC LE CONJOINT DÉCÉDÉNombre d’<strong>en</strong>fantsVeufs <strong>précoce</strong>spar<strong>en</strong>ts1 <strong>en</strong>fant 22,182 <strong>en</strong>fants 28,923 <strong>en</strong>fants et plus 49,90Total 100,0Champ : veufs <strong>précoce</strong>s par<strong>en</strong>ts.Source : Insee, Étude de l’histoire familiale (EHF), 1999.ConclusionComplexe, et longtemps soumis à une sorte de « prêt à p<strong>en</strong>ser »(Bourdelais) (20) , le <strong>veuvage</strong> demeure aujourd’hui un sujet difficile, toujoursm<strong>en</strong>acé par l’irruption de stéréotypes culturels et idéologiques fortem<strong>en</strong>tmarqués, fondés sur la prégnance du modèle matrimonial et du partage traditionneldes rôles. Tout se passe comme si, dans un contexte de mutation profondedes comportem<strong>en</strong>ts et des valeurs <strong>en</strong> matière conjugale, par<strong>en</strong>tale etfamiliale, la perte du conjoint restait associée, dans les représ<strong>en</strong>tations communes,aux seuls modèles traditionnels. Or, notre étude suggère au contraireque l’expéri<strong>en</strong>ce du <strong>veuvage</strong>, et sa place dans les itinéraires biographiquesdes individus, sont <strong>en</strong> train d’évoluer parallèlem<strong>en</strong>t aux changem<strong>en</strong>ts ducouple, de la famille.En c<strong>en</strong>trant notre étude sur le <strong>veuvage</strong> <strong>précoce</strong>, nous avons voulu attirerl’att<strong>en</strong>tion sur un type spécifique de <strong>veuvage</strong>, aujourd’hui largem<strong>en</strong>t oublié,voire dénié, bi<strong>en</strong> qu’il demeure important <strong>en</strong> chiffres absolus, et surtout <strong>en</strong><strong>France</strong>. <strong>Le</strong> fait que ce <strong>veuvage</strong> soit aujourd’hui un peu oublié, ou assimilédans l’opinion de façon rapide à l’<strong>en</strong>semble des situations de monopar<strong>en</strong>talité,montre la difficulté à intégrer au sein des valeurs modernes une rupturedu couple forcém<strong>en</strong>t spécifique, irrémédiable et subie, un coup du sort infligédans une société où chacun se doit d’être l’auteur et l’architecte de sa proprevie. Alors que la monopar<strong>en</strong>talité issue du <strong>veuvage</strong> apparaît souv<strong>en</strong>t commeun simple legs du passé, une espèce <strong>en</strong> voie de disparition, notre réflexionvoudrait inscrire le <strong>veuvage</strong> <strong>précoce</strong> avec <strong>en</strong>fants comme une monopar<strong>en</strong>talitéspécifique, non pas pour rev<strong>en</strong>ir à des oppositions désuètes <strong>en</strong>tre les« par<strong>en</strong>ts seuls », mais tout à l’inverse pour contribuer à p<strong>en</strong>ser le <strong>veuvage</strong>comme réalité pleinem<strong>en</strong>t contemporaine.Au-delà, le <strong>veuvage</strong> <strong>précoce</strong>, avec ou sans <strong>en</strong>fants, est un révélateur durapport <strong>en</strong>tre différ<strong>en</strong>ce des sexes et inégalités sociales. L’évolution contemporainevers une symétrie des rôles et une égalité des droits des hommes et(20) P. Bourdelais, 1997, L’âge de la vieillesse, histoire du vieillissem<strong>en</strong>t de la population,Odile Jacob.— 405 —