10.07.2015 Views

La fréquence des accouchements gémellaires en France - Ined

La fréquence des accouchements gémellaires en France - Ined

La fréquence des accouchements gémellaires en France - Ined

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>La</strong> <strong>fréqu<strong>en</strong>ce</strong> <strong>des</strong> <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong><strong>gémellaires</strong> <strong>en</strong> <strong>France</strong><strong>La</strong> triple influ<strong>en</strong>ce de la biologie, de la médecineet <strong>des</strong> comportem<strong>en</strong>ts familiauxGilles PISON* et Nadège COUVERT*<strong>La</strong> dim<strong>en</strong>sion biologique <strong>des</strong> phénomènes observés par lesdémographes peut parfois paraître déterminante voire exclusive.Dans certains cas pourtant, l’influ<strong>en</strong>ce <strong>des</strong> comportem<strong>en</strong>ts individuelset sociaux est décisive. Gilles PISON et Nadège COUVERT <strong>en</strong>font ici une belle démonstration, <strong>en</strong> s’appuyant sur <strong>des</strong> sérieslongues de données. <strong>La</strong> proportion <strong>des</strong> naissances <strong>gémellaires</strong> n’acessé de varier <strong>en</strong> <strong>France</strong> depuis au moins le XVIII e siècle, sousl’influ<strong>en</strong>ce de l’évolution de l’âge à la maternité, <strong>des</strong> guerres, dela limitation volontaire de la fécondité ou, plus récemm<strong>en</strong>t, de lalutte contre la stérilité. Pour ne citer que l’un <strong>des</strong> résultats remarquableslivrés ici par les auteurs, les traitem<strong>en</strong>ts médicaux <strong>des</strong>tinésà favoriser la grossesse serai<strong>en</strong>t responsables <strong>des</strong> deux tiersde la hausse de la gémellité <strong>en</strong>registrée depuis une tr<strong>en</strong>taine d’années,dont la proportion est passée de 0,9 % à 1,5 % <strong>des</strong> <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>.<strong>La</strong> proportion d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> <strong>gémellaires</strong>, autour d’un <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>ur 100 <strong>en</strong> <strong>France</strong> jusquà une période réc<strong>en</strong>te, a pu longtemps apparaîtrecomme une constante de l’espèce humaine ne dép<strong>en</strong>dant que de labiologie, un peu comme la proportion de naissances masculines etféminines, figée autour de 105 garçons pour 100 filles. Le taux de gémellitéa pourtant varié <strong>en</strong> <strong>France</strong> depuis le XVIII e siècle, tantôt à la hausse, tantôt àla baisse. Et depuis le début <strong>des</strong> années 1970, il a connu une hausse spectaculairede près de 70 %. Quels sont les facteurs responsables de cesvariations? Dans cet article, nous montrons qu’ils sont relativem<strong>en</strong>t nombreuxet relèv<strong>en</strong>t à la fois de la biologie et <strong>des</strong> comportem<strong>en</strong>ts. S<strong>en</strong>sible àdiffér<strong>en</strong>ts effets où interagiss<strong>en</strong>t biologie, médecine et société, le taux degémellité est un indicateur précieux <strong>des</strong> changem<strong>en</strong>ts biologiques etsociaux.* Institut national d’étu<strong>des</strong> démographiques, Paris.Population-F, 59(6), 2004, 877-908


878 G. PISON, N. COUVERTDans la première partie de cet article, nous examinerons les variationsdu taux de gémellité <strong>en</strong> <strong>France</strong> notamm<strong>en</strong>t au cours du XX e siècle etpasserons <strong>en</strong> revue les principaux facteurs qui <strong>en</strong> sont à l’origine. Dans lesdeuxième et troisième parties, deux facteurs peu étudiés jusqu’ici serontexaminés <strong>en</strong> détail : la limitation volontaire <strong>des</strong> naissances et la sélectionpar la fertilité. Concernant le premier facteur, la question posée sera <strong>des</strong>avoir dans quelle mesure un accouchem<strong>en</strong>t gémellaire, événem<strong>en</strong>timprévu dans la vie <strong>des</strong> familles, modifie les int<strong>en</strong>tions de fécondité. Nouschercherons à déterminer <strong>en</strong> particulier si les femmes qui accouch<strong>en</strong>t dejumeaux s’<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t moins souv<strong>en</strong>t ou non dans d’autres grossesses quecelles qui accouch<strong>en</strong>t d’un seul <strong>en</strong>fant, tout <strong>en</strong> considérant les conséqu<strong>en</strong>cesde ces comportem<strong>en</strong>ts sur l’évolution du taux de gémellité. Dansla troisième partie, consacrée à la sélection par la fertilité, nous nous intéresseronsà la période de la première guerre mondiale p<strong>en</strong>dant laquelle letaux de gémellité a atteint <strong>des</strong> niveaux étonnamm<strong>en</strong>t élevés. Nous <strong>en</strong>expliquerons la cause : un effet de sélection <strong>des</strong> couples les plus fertiles.En effet, comme le montrera une analyse <strong>des</strong> cohortes de nouveauxmariés, les couples hyperfertiles ont un taux de gémellité plus élevé queles autres.I. L’évolution du taux de gémellité <strong>en</strong> <strong>France</strong> depuisle XVIII e siècle : le rôle <strong>des</strong> facteurs « traditionnels »En <strong>France</strong>, <strong>en</strong> 2000, 15 <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> sur 1000, soit près d’unaccouchem<strong>en</strong>t sur 70, ont donné naissance à 2 <strong>en</strong>fants (Beaumel et al.,2004). Il pourrait bi<strong>en</strong> s’agir d’un niveau record, <strong>en</strong> tout cas pour les deuxderniers siècles, comme le montr<strong>en</strong>t la figure 1, qui retrace les variationsdu taux de gémellité aussi loin que l’on peut remonter avec les donnéesnationales existantes, et la figure 2, qui repr<strong>en</strong>d <strong>en</strong> les précisant les variationsannuelles au cours <strong>des</strong> seules c<strong>en</strong>t dernières années. Pour leXVIII e siècle et le début du XIX e , les estimations du taux de gémellité sontissues de « l’<strong>en</strong>quête Louis H<strong>en</strong>ry » sur la <strong>France</strong> anci<strong>en</strong>ne (1) (Gutierrez etHoudaille, 1983). Elles ne port<strong>en</strong>t que sur la <strong>France</strong> rurale, mais celle-cireprés<strong>en</strong>tait alors 85 % de la population totale. Le taux de gémellité étaitélevé et approchait 15 p. 1 000 dans la première moitié du XVIII e siècle(figure 1). Il a diminué dans la deuxième moitié du XVIII e siècle et s’estretrouvé <strong>en</strong> <strong>des</strong>sous de 10 p. 1 000 au cours de la période 1790-1829. Àpartir de 1858, on dispose d’estimations annuelles grâce aux statistiquesde l’état civil (Statistique générale de la <strong>France</strong> et Insee ; Daguet, 2002).Elles montr<strong>en</strong>t que le taux de gémellité a oscillé autour de 10 p. 1000 dans(1) Les données de cette <strong>en</strong>quête sont <strong>des</strong> fiches de famille élaborées <strong>en</strong> exploitant l’étatcivil anci<strong>en</strong> dans un échantillon de 100 paroisses françaises sur la période 1670-1829 (Séguy,2001). Les fiches rassembl<strong>en</strong>t les informations sur toutes les naissances issues de couples mariés.Les données sont de bonne qualité.


LA FRÉQUENCE DES ACCOUCHEMENTS GÉMELLAIRES EN FRANCE 879Figure 1.– Évolution du taux de gémellité <strong>en</strong> <strong>France</strong> de 1700 à 2002Lecture : avant 1858, les mesures correspond<strong>en</strong>t à <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> (1700-1749, 1750-1789, 1790-1829),les points étant placés au milieu de chaque période; à partir de 1858, la proportion d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong><strong>gémellaires</strong> est calculée <strong>en</strong> rapportant le nombre d'<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> <strong>gémellaires</strong> (que les <strong>en</strong>fants soi<strong>en</strong>tnés vivants ou mort-nés) au nombre total d'<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> (de nés vivants ou de mort-nés).Sources : avant 1858, Gutierrez et Houdaille (1983); <strong>en</strong>tre 1858 et 1900,Statistique générale de la <strong>France</strong>; à partir de 1901, Daguet (2002) et Beaumel et al. (2004).la deuxième moitié du XIX e siècle. Il a augm<strong>en</strong>té dans les années 1890, lat<strong>en</strong>dance à la hausse se poursuivant dans la première déc<strong>en</strong>nie duXX e siècle. <strong>La</strong> première guerre mondiale voit le taux de gémellité augm<strong>en</strong>tersoudainem<strong>en</strong>t pour une courte période (figure 2) (2) . Après la guerre, ilretrouve un niveau légèrem<strong>en</strong>t inférieur à 11 p. 1 000, avec <strong>des</strong> fluctuations<strong>en</strong>tre 10 et 11 p. 1 000 selon les années, et le garde jusqu’au début<strong>des</strong> années 1960. Notons une légère t<strong>en</strong>dance à la baisse de la fin de la premièreguerre mondiale à la fin de la seconde et, au contraire, une légèret<strong>en</strong>dance à la hausse dans les vingt années suivantes. Au début <strong>des</strong> années1960, la proportion d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> doubles se met à baisser jusqu’àatteindre un plancher de 8,9 p. 1000 <strong>en</strong> 1972. Elle se remet <strong>en</strong>suite à augm<strong>en</strong>terrapidem<strong>en</strong>t et de façon quasi ininterrompue jusqu’à la fin <strong>des</strong> années1990 et semble se stabiliser autour de 15 p. 1 000 au cours <strong>des</strong>dernières années. Loin d’être une constante, le taux de gémellité a doncvarié de façon s<strong>en</strong>sible d’une période à l’autre au cours <strong>des</strong> trois dernierssiècles, dans une fourchette allant presque du simple au double. Comm<strong>en</strong>texpliquer ces variations?(2) Il n’y a pas de hausse p<strong>en</strong>dant les années de conflit dans les autres pays <strong>en</strong> guerre,notamm<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Allemagne. En revanche, le pic de gémellité juste après la guerre est commun àbeaucoup de pays (voir plus loin). <strong>La</strong> hausse <strong>en</strong> <strong>France</strong> p<strong>en</strong>dant les années de guerre est concomitanted’une hausse de l’âge moy<strong>en</strong> à la maternité (figure 3) sur laquelle nous revi<strong>en</strong>drons égalem<strong>en</strong>tplus loin.


880 G. PISON, N. COUVERTFigure 2.– Évolution du taux de gémellité <strong>en</strong> <strong>France</strong> de 1900 à 2002Lecture : la proportion d'<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> <strong>gémellaires</strong> est calculée <strong>en</strong> rapportant le nombred'<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> <strong>gémellaires</strong> (que les <strong>en</strong>fants soi<strong>en</strong>t nés vivants ou mort-nés)au nombre total d'<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> (de nés vivants ou de mort-nés).Sources : Daguet (2002) et Beaumel et al. (2004).Figure 3.– Évolution de l’âge moy<strong>en</strong> à la maternité <strong>en</strong> <strong>France</strong> de 1900 à 2002Sources : Daguet (2002) et Beaumel et al. (2004).


LA FRÉQUENCE DES ACCOUCHEMENTS GÉMELLAIRES EN FRANCE 8811. Les facteurs de la <strong>fréqu<strong>en</strong>ce</strong><strong>des</strong> <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> <strong>gémellaires</strong>Pour compr<strong>en</strong>dre les variations de la <strong>fréqu<strong>en</strong>ce</strong> <strong>des</strong> <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong><strong>gémellaires</strong>, il faut t<strong>en</strong>ir compte de l’exist<strong>en</strong>ce de deux types de jumeaux,les vrais jumeaux et les faux jumeaux. Les biologistes les appell<strong>en</strong>tjumeaux monozygotes et jumeaux dizygotes, <strong>en</strong> référ<strong>en</strong>ce à leur originediffér<strong>en</strong>te :— à l’origine <strong>des</strong> vrais jumeaux (les jumeaux monozygotes) ontrouve un seul œuf ou zygote, issu de la fécondation d’un ovule par unspermatozoïde. L’œuf unique s’est <strong>en</strong>suite divisé au cours de son développem<strong>en</strong>t,avant la fin de la deuxième semaine suivant la fécondation. Lesdeux embryons issus de cette division sont id<strong>en</strong>tiques du point de vuegénétique, ce qui explique la très grande ressemblance <strong>des</strong> vrais jumeaux.En particulier, ils sont toujours de même sexe;—les faux jumeaux (les jumeaux dizygotes) sont issus de l’ovulationet de la fécondation au cours du même cycle de deux ovules différ<strong>en</strong>ts.Chacun de ces ovules a été fécondé par un spermatozoïde et les jumeauxissus de ces deux œufs ou zygotes ne se ressembl<strong>en</strong>t donc pas plus, dupoint de vue génétique, que <strong>des</strong> frères et sœurs non jumeaux. En particulier,ils peuv<strong>en</strong>t être de même sexe ou de sexe différ<strong>en</strong>t, les deux situationsétant à peu près aussi fréqu<strong>en</strong>tes.Les vrais et les faux jumeaux correspond<strong>en</strong>t donc à deux phénomènesbiologiques très différ<strong>en</strong>ts : dans le cas <strong>des</strong> vrais jumeaux, il s’agitd’une anomalie du développem<strong>en</strong>t embryonnaire qui s’appar<strong>en</strong>te auclonage ; dans le cas <strong>des</strong> faux jumeaux, il s’agit d’une ovulation et d’unefécondation doubles, dues à l’émission par les ovaires de deux ovules aucours du même cycle. Même s’ils aboutiss<strong>en</strong>t au même résultat appar<strong>en</strong>t,les deux phénomènes sont indép<strong>en</strong>dants et obéiss<strong>en</strong>t à <strong>des</strong> lois particulières.L’exam<strong>en</strong> <strong>des</strong> variations <strong>des</strong> <strong>fréqu<strong>en</strong>ce</strong>s <strong>des</strong> deux types de jumeauxle montre bi<strong>en</strong>.<strong>La</strong> proportion d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> de vrais jumeaux est toujours de 3,5 à4,5 p. 1000 quels que soi<strong>en</strong>t l’âge de la mère, le rang de naissance ou l’originegéographique. On retrouve d’ailleurs à peu près la même proportionchez tous les mammifères, à l’exception de certains tatous dont les femellesmett<strong>en</strong>t systématiquem<strong>en</strong>t bas <strong>des</strong> quadruplés ou <strong>des</strong> octuplés monozygotes(Bulmer, 1970). Les portées <strong>des</strong> chattes, <strong>des</strong> chi<strong>en</strong>nes, <strong>des</strong> truies sont parexemple constituées habituellem<strong>en</strong>t de « faux jumeaux ». Depuis une tr<strong>en</strong>tained’années, la <strong>fréqu<strong>en</strong>ce</strong> <strong>des</strong> <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> de vrais jumeaux a cep<strong>en</strong>dantaugm<strong>en</strong>té s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t dans les pays développés, la hausse étant parexemple de plus d’un tiers <strong>en</strong> <strong>France</strong> (Daguet, 2002). Par ailleurs, toutesles femmes sembl<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t exposées au risque d’avoir <strong>des</strong> vraisjumeaux, et ceci qu’elles ai<strong>en</strong>t ou non auparavant accouché de jumeaux.


882 G. PISON, N. COUVERTÀ l’opposé, la proportion d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> de faux jumeaux est trèsvariable. Les principaux facteurs de variation sont :L’âge de la mère. Partant d’un niveau proche de zéro à la puberté, laproportion augm<strong>en</strong>te régulièrem<strong>en</strong>t jusqu’à 36 ou 37 ans où elle atteint unmaximum, puis décroît rapidem<strong>en</strong>t pour retrouver un niveau nul à la ménopause(Bulmer, 1970; voir aussi la figure 5). Cette évolution est le refletde celle de l’hormone de croissance folliculaire (FSH), dont le pic décl<strong>en</strong>chel’ovulation. Le taux de cette hormone dans le sang augm<strong>en</strong>terégulièrem<strong>en</strong>t avec l’âge. Il <strong>en</strong> résulte une <strong>fréqu<strong>en</strong>ce</strong> croissante d’ovulationsmultiples. Mais les défaillances <strong>des</strong> fonctions ovari<strong>en</strong>nes et la mortalité<strong>des</strong> œufs fécondés et <strong>des</strong> embryons augm<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t égalem<strong>en</strong>t avec l’âgeet devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t très fréqu<strong>en</strong>tes à l’approche de la ménopause. Elles contrebalanc<strong>en</strong>taprès 36 ou 37 ans l’augm<strong>en</strong>tation <strong>des</strong> ovulations multiples, cequi explique la chute du taux de faux jumeaux au-delà de cet âge.Le rang de naissance. À âge égal, le taux de faux jumeaux augm<strong>en</strong>teavec le rang de naissance, comme le montre la figure 4 établie à partir <strong>des</strong>statistiques <strong>des</strong> États-Unis pour l’année 1964 (Heuser, 1967). Ces variations,qui sont cep<strong>en</strong>dant moins importantes que celles liées à l’âge, ontété interprétées comme résultant d’un phénomène physiologique (H<strong>en</strong>ry,1975) dont le mécanisme reste inconnu.Figure 4.– Variations de la <strong>fréqu<strong>en</strong>ce</strong> <strong>des</strong> <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>de faux jumeaux selon l’âge de la mère et le rangde l’accouchem<strong>en</strong>t (États-Unis, 1964)Lecture : pour ne pas alourdir la figure, seules les courbesde rang impair sont représ<strong>en</strong>tées.Source : R.L. Heuser (1967) cité par Bomsel-Helmreich et Mufti (1991).


LA FRÉQUENCE DES ACCOUCHEMENTS GÉMELLAIRES EN FRANCE 883<strong>La</strong> région du monde. Dans toutes les populations, on retrouve lesmêmes variations selon l’âge de la mère et le rang de naissance, mais à <strong>des</strong>niveaux d’<strong>en</strong>semble différ<strong>en</strong>ts. À l’échelle de la planète par exemple, àâge de la mère et rang de naissance égaux, le taux de gémellité dizygoteétait <strong>en</strong>viron deux fois plus élevé <strong>en</strong> Afrique au sud du Sahara qu’<strong>en</strong>Europe jusque dans les années 1970, et quatre à cinq fois plus qu’<strong>en</strong> Chineou au Japon. Ces variations sont <strong>en</strong> grande partie liées à <strong>des</strong> différ<strong>en</strong>ceshormonales d’origine génétique (3) .Les individus et les familles. Les <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> de faux jumeauxont t<strong>en</strong>dance à se répéter chez les mêmes femmes et cette prédispositionaux grossesses <strong>gémellaires</strong>, qui est <strong>en</strong> partie d’origine génétique, se retrouvechez les sœurs et les filles <strong>des</strong> femmes ayant eu <strong>des</strong> jumeaux.2. Le rôle <strong>des</strong> changem<strong>en</strong>tsde l’âge à la maternité <strong>en</strong> <strong>France</strong>Les variations du taux de gémellité selon l’âge de la mère <strong>en</strong> <strong>France</strong>sont représ<strong>en</strong>tées dans la figure 5 pour trois pério<strong>des</strong> : 1700-1829 (pargroupes d’âges quinqu<strong>en</strong>naux), 1965-1967 et 1995-1997 (par âge <strong>en</strong>années détaillées). Les mesures <strong>en</strong>glob<strong>en</strong>t ici l’<strong>en</strong>semble <strong>des</strong> <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>multiples (mais elles serai<strong>en</strong>t pratiquem<strong>en</strong>t les mêmes avec les seuls<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> de jumeaux, ceux-ci représ<strong>en</strong>tant 98 % à 99 % <strong>des</strong> <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>multiples). Par ailleurs, elles ne distingu<strong>en</strong>t pas les vraisjumeaux <strong>des</strong> faux. Comme nous v<strong>en</strong>ons de le rappeler, seule la <strong>fréqu<strong>en</strong>ce</strong>de ces derniers varie selon l’âge de la mère, les vrais jumeaux ayant à peuprès la même <strong>fréqu<strong>en</strong>ce</strong> à tout âge. Par conséqu<strong>en</strong>t, la <strong>fréqu<strong>en</strong>ce</strong> <strong>des</strong>jumeaux toutes catégories confondues varie de façon importante selonl’âge de la mère. Proche de 5 p. 1 000 avant 20 ans, elle augm<strong>en</strong>terégulièrem<strong>en</strong>t jusqu’à 36 ou 37 ans où elle atteint près de 15 p. 1 000 <strong>en</strong>1965-1967 et 20 p. 1000 <strong>en</strong> 1995-1997 (figure 5). <strong>La</strong> principale différ<strong>en</strong>ced’un siècle à l’autre est un niveau de gémellité un peu plus faible à chaqueâge avant 35 ans au XVIII e siècle par rapport au XX e , et <strong>en</strong> revanche unniveau plus élevé à 40-44 ans.Il est probable que les taux sont sous-estimés pour le XVIII e siècle.<strong>La</strong> mortalité <strong>des</strong> jumeaux <strong>en</strong> bas âge est très supérieure à celle <strong>des</strong> <strong>en</strong>fantsnés d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> simples partout et à toutes les époques (Pison,1989). Leur petit poids à la naissance, leur prématurité et les complicationsde l’accouchem<strong>en</strong>t, fréqu<strong>en</strong>tes lors <strong>des</strong> naissances multiples, les(3) Le taux d’hormone FSH est <strong>en</strong> moy<strong>en</strong>ne plus élevé chez les femmes appart<strong>en</strong>ant auxpopulations à forte gémellité que chez les femmes <strong>des</strong> populations à faible gémellité. Ces différ<strong>en</strong>ceshormonales sont <strong>en</strong> grande partie génétiques; cela explique par exemple que le taux degémellité de la population « noire » <strong>des</strong> États-Unis ait été jusqu’à il y a peu nettem<strong>en</strong>t plus élevéque celui de la population « blanche », se situant à un niveau intermédiaire <strong>en</strong>tre les taux europé<strong>en</strong>set les taux africains; or, la population noire américaine résulte d’un métissage <strong>en</strong>tre populationsd’origines europé<strong>en</strong>ne et africaine.


884 G. PISON, N. COUVERTFigure 5.– Variations de la proportion <strong>des</strong> <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> <strong>gémellaires</strong><strong>en</strong> <strong>France</strong> selon l’âge de la mèreLecture : les mesures pour la période 1700-1829 sont par groupes d'âges quinqu<strong>en</strong>naux.Sources : période 1700-1829, Gutierrez et Houdaille (1983);pério<strong>des</strong> 1965-1967 et 1998-1997, Daguet (2002).condamnai<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t autrefois à une mort précoce. Il est possible queleurs naissances n’étai<strong>en</strong>t pas toutes déclarées lorsque l’un ou les deuxmourai<strong>en</strong>t avant la naissance (mort-né) ou dans les premiers jours qui suivai<strong>en</strong>t.Ce sous-<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t qui frappait particulièrem<strong>en</strong>t les jumeaux adû diminuer avec la baisse de la mortalité générale et ne doit plus existeraujourd’hui. Il est difficile de le corriger car on ignore quelle était son ampleurautrefois.Pour le XX e siècle, si l’on fait abstraction <strong>des</strong> maternités tardives, audelàde 40 ans, qui sont de toute façon peu nombreuses, le taux de gémellitétous âges confondus est d’autant plus élevé que l’âge moy<strong>en</strong> à la maternitéest lui-même élevé. Or, ce dernier a varié s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> <strong>France</strong>au cours <strong>des</strong> c<strong>en</strong>t dernières années (figure 3). Un peu supérieur à 29 ans audébut du XX e siècle, il a diminué jusqu’à 26,5 ans <strong>en</strong> 1977, puis s’est mis àaugm<strong>en</strong>ter rapidem<strong>en</strong>t pour retrouver un niveau dépassant 29 ans à la fin<strong>des</strong> années 1990. L’évolution du taux de gémellité est <strong>en</strong> partie liée à cesvariations du cal<strong>en</strong>drier <strong>des</strong> maternités. Le pic de gémellité de la premièreguerre mondiale résulte ainsi <strong>en</strong> partie de la hausse de l’âge moy<strong>en</strong> à lamaternité p<strong>en</strong>dant les années de guerre. Cette hausse ti<strong>en</strong>t à ce qu’une partie<strong>des</strong> mariages ont été reportés ou empêchés par la guerre. Les femmesqui ont eu <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants p<strong>en</strong>dant les années de guerre étai<strong>en</strong>t donc souv<strong>en</strong>tdéjà mariées au début de la guerre, et rarem<strong>en</strong>t de jeunes mariées. Lesjeunes femmes qui ont quand même pu se marier p<strong>en</strong>dant la guerre ont par


LA FRÉQUENCE DES ACCOUCHEMENTS GÉMELLAIRES EN FRANCE 885ailleurs eu peu d’<strong>en</strong>fants, leur mari étant souv<strong>en</strong>t mobilisé et au front.Alors que l’âge moy<strong>en</strong> <strong>des</strong> mères était proche de 29 ans <strong>en</strong>tre 1910 et1914, il a augm<strong>en</strong>té brutalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> 1915 et s’est maint<strong>en</strong>u à un niveauproche de 30 ans p<strong>en</strong>dant les années 1915-1919, pour re<strong>des</strong>c<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>suiteau niveau d’avant-guerre (figure 3). P<strong>en</strong>dant la seconde guerre mondiale,les maternités sont égalem<strong>en</strong>t dev<strong>en</strong>ues plus tardives temporairem<strong>en</strong>t,quoique la hausse de l’âge moy<strong>en</strong> à la maternité ait été moins marquée.Curieusem<strong>en</strong>t, elle ne s’est pas traduite par une hausse du taux de gémellité.Il faut imaginer que d’autres facteurs ont joué à la baisse au mêmemom<strong>en</strong>t, neutralisant l’effet <strong>des</strong> maternités plus tardives. Nous revi<strong>en</strong>dronsplus loin sur ce point.En s<strong>en</strong>s inverse, lorsque l’âge moy<strong>en</strong> à la maternité baisse, commedans les années 1960 et 1970, le taux de gémellité diminue. Et le retournem<strong>en</strong>tde t<strong>en</strong>dance à la fin <strong>des</strong> années 1970 avec la hausse de l’âge à la maternitéest concomitant à quelques années près du retournem<strong>en</strong>t det<strong>en</strong>dance du taux de gémellité. Mais le retard ou l’avancem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> maternitésn’expliqu<strong>en</strong>t qu’une partie <strong>des</strong> évolutions de la gémellité.3. Les jumeaux du baby-boomNeutralisons l’influ<strong>en</strong>ce <strong>des</strong> variations du cal<strong>en</strong>drier <strong>des</strong> naissancessur le taux de gémellité <strong>en</strong> calculant celui-ci par groupe d’âges (figure 6)et <strong>en</strong> estimant un taux de gémellité standardisé, <strong>en</strong> utilisant une répartitionpar âge <strong>des</strong> mères constante et égale par conv<strong>en</strong>tion à celle de l’année1985 (figure 7). Les nouvelles courbes d’évolution montr<strong>en</strong>t toujours unpic de gémellité p<strong>en</strong>dant la première guerre mondiale, signe que la haussetemporaire de l’âge à la maternité n’était pas le seul facteur <strong>en</strong> jeu. Demême, la baisse du taux dans les années 1960 et sa remontée à partir de1972 s’observ<strong>en</strong>t pratiquem<strong>en</strong>t à tous les âges, ces mouvem<strong>en</strong>ts affectantaussi par voie de conséqu<strong>en</strong>ce le taux de gémellité standardisé.Après le pic de gémellité de la première guerre mondiale sur lequelnous revi<strong>en</strong>drons plus loin, le taux de gémellité retrouve un niveau plusfaible <strong>en</strong> 1920 et <strong>en</strong>tame <strong>en</strong>suite une diminution régulière chez les femmesayant <strong>en</strong>tre 25 ans et 44 ans, d’autant plus marquée que leur âge est élevé(figure 6). <strong>La</strong> baisse se poursuit <strong>en</strong> s’accélérant même p<strong>en</strong>dant la secondeguerre mondiale. Le taux de gémellité standardisé atteint p<strong>en</strong>dant cettepériode un niveau bas (figure 7). Si le taux de gémellité réel se mainti<strong>en</strong>t àpeu près au même niveau, c’est grâce à la hausse de l’âge moy<strong>en</strong> à lamaternité p<strong>en</strong>dant cette période qui comp<strong>en</strong>se la baisse <strong>des</strong> taux à chaqueâge. <strong>La</strong> t<strong>en</strong>dance séculaire à la baisse s’interrompt vers 1945. Le taux serelève alors légèrem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant quelques années, à peu près à tous lesâges. Puis, après avoir atteint un maximum temporaire, il se remet àdiminuer, la baisse dev<strong>en</strong>ant plus nette à partir du milieu <strong>des</strong> années 1960.Sur la courbe du taux de gémellité standardisé, cette période de gémellitéun peu plus élevée dans un contexte de baisse séculaire apparaît nettem<strong>en</strong>t


886 G. PISON, N. COUVERTFigure 6.– Évolution <strong>des</strong> taux de gémellité par âge <strong>en</strong> <strong>France</strong> depuis 1901Lecture : jusqu’à 44 ans, moy<strong>en</strong>nes mobiles sur 3 ans,à 45 ans et au-<strong>des</strong>sus, moy<strong>en</strong>nes mobiles sur 5 ans.Source : Daguet (2002).(figure 7). Elle correspond à peu près aux vingt années de plus fortefécondité, de 1946 à 1966 ; la baisse rapide du taux de gémellité qui suitfait écho à celle de la fécondité, qui a diminué à la fin <strong>des</strong> années 1960 etau début <strong>des</strong> années 1970 (figure 8). <strong>La</strong> gémellité légèrem<strong>en</strong>t plus élevée àchaque âge <strong>des</strong> années 1946 à 1966 est très probablem<strong>en</strong>t liée à la par<strong>en</strong>thèsedu baby-boom, comme nous le montrerons plus loin. Si le babyboomn’avait pas eu lieu, on peut p<strong>en</strong>ser que le taux de gémellité auraitpoursuivi la l<strong>en</strong>te baisse qu’il avait <strong>en</strong>tamée à chaque âge dans l’<strong>en</strong>tredeux-guerres,et qu’à l’échelle de l’<strong>en</strong>semble <strong>des</strong> <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>, au lieud’apparaître stable p<strong>en</strong>dant toute la période allant <strong>des</strong> années 1920 audébut <strong>des</strong> années 1960, il aurait décliné régulièrem<strong>en</strong>t jusqu’au creux de1972.Rev<strong>en</strong>ons maint<strong>en</strong>ant à la <strong>France</strong> anci<strong>en</strong>ne et à son taux de gémellitéde 12,5 <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> <strong>gémellaires</strong> pour mille <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> au totalpour l’<strong>en</strong>semble de la période 1700-1829 (Gutierrez et Houdaille, 1983).À même répartition par âge <strong>des</strong> mères qu’<strong>en</strong> 1985, le taux n’aurait été quede 9,4 p. 1000, soit 10 % de moins qu’au XX e siècle avec toujours la mêmerépartition (<strong>en</strong> excluant cep<strong>en</strong>dant les tr<strong>en</strong>te dernières années de fortehausse, après 1970, qui relèv<strong>en</strong>t d’un autre mécanisme comme nous le verronsà la section suivante). Si le taux de gémellité était relativem<strong>en</strong>t haut


LA FRÉQUENCE DES ACCOUCHEMENTS GÉMELLAIRES EN FRANCE 887Figure 7.– Évolution du taux de gémellité standardisé pour l’âge<strong>en</strong> <strong>France</strong> depuis 1901Lecture : <strong>en</strong> trait gras, taux de gémellité observé (repris de la figure 2);<strong>en</strong> trait fin, taux de gémellité standardisé.Sources : Daguet (2002); Beaumel et al. (2004).Figure 8.– Évolution annuelle de la fécondité <strong>en</strong> <strong>France</strong> depuis 1901(indicateur conjoncturel de fécondité)Sources : Daguet (2002); Beaumel et al. (2004).


888 G. PISON, N. COUVERTau XVIII e siècle, c’était donc <strong>en</strong> raison d’un âge moy<strong>en</strong> à la maternité élevéavec notamm<strong>en</strong>t une proportion importante de mères appart<strong>en</strong>ant auxgroupes d’âges ayant les taux de gémellité les plus forts. Mais à âge égalet <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ant compte du sous-<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>t, il était sans doute du mêmeordre qu’au XX e siècle.4. Le rôle <strong>des</strong> traitem<strong>en</strong>ts contre la stérilitéÀ la fin <strong>des</strong> années 1970, le recul de l’âge à la maternité <strong>en</strong> <strong>France</strong> acontribué à la remontée de la proportion d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> doubles. Il n’<strong>en</strong>est pas la seule cause, comme le montr<strong>en</strong>t la hausse du taux de gémellitéaprès standardisation de l’âge <strong>des</strong> mères ainsi que celle <strong>des</strong> taux par âge.En fait, la remontée résulte aussi <strong>des</strong> traitem<strong>en</strong>ts contre la stérilité(Toulemon, 1995 ; Blondel et al., 2002). C’est <strong>en</strong> <strong>France</strong> <strong>en</strong> 1967 que lesmédecins ont comm<strong>en</strong>cé à prescrire <strong>des</strong> traitem<strong>en</strong>ts hormonaux pourstimuler l’ovulation. S’ils permett<strong>en</strong>t à <strong>des</strong> femmes hypofertiles deconcevoir, ces traitem<strong>en</strong>ts augm<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t aussi s<strong>en</strong>siblem<strong>en</strong>t le risque degrossesse multiple. Ces traitem<strong>en</strong>ts se sont largem<strong>en</strong>t diffusés, à tel pointqu’aujourd’hui, <strong>en</strong> <strong>France</strong>, près d’un demi-million de cycles font l’objetd’une stimulation chaque année, sans compter les stimulations effectuéesdans le cadre de t<strong>en</strong>tatives de fécondation in vitro (FIV). Ces dernièressont proposées lorsque les stimulations ovari<strong>en</strong>nes ne donn<strong>en</strong>t pas derésultat (4) . Leur premier succès <strong>en</strong> <strong>France</strong> date de 1982. Depuis, le nombrede t<strong>en</strong>tatives a fortem<strong>en</strong>t augm<strong>en</strong>té : il a atteint près de 20 000 par an <strong>en</strong><strong>France</strong> au début <strong>des</strong> années 1990 et le double, 40 000, <strong>en</strong> 2001 (Fivnat,1995; Fivnat, 1998; Fivnat, 2002). Pour augm<strong>en</strong>ter les chances de succès,les médecins qui pratiqu<strong>en</strong>t la fécondation in vitro implant<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t plusieursovules (5) ou plusieurs embryons à la fois – 2,3 <strong>en</strong> moy<strong>en</strong>ne <strong>en</strong> 2001,toutes techniques de FIV confondues. Mais ils accroiss<strong>en</strong>t ainsi beaucouples risques de grossesses multiples. Près d’un accouchem<strong>en</strong>t sur quatrefaisant suite à une FIV donne naissance à <strong>des</strong> jumeaux, contre près d’unsur c<strong>en</strong>t lorsque la grossesse a été obt<strong>en</strong>ue de façon naturelle (Fivnat,1995 ; Fivnat, 1998). Les professionnels de la FIV ont progressivem<strong>en</strong>tpris consci<strong>en</strong>ce <strong>des</strong> risques liés aux grossesses multiples et diminuérécemm<strong>en</strong>t le nombre d’embryons qu’ils transfèr<strong>en</strong>t à chaque t<strong>en</strong>tative : ilest ainsi passé, pour les FIV classiques (6) , de 2,7 embryons transférés <strong>en</strong>moy<strong>en</strong>ne <strong>en</strong> 1992 à 1,8 <strong>en</strong> 2001 (Fivnat, bilans annuels, différ<strong>en</strong>tesannées; de <strong>La</strong> Rochebrochard, 2003) (7) .(4) Pour les couples stériles dont on sait que <strong>des</strong> stimulations ovari<strong>en</strong>nes seules n’aurai<strong>en</strong>tpas d’effet, la femme étant par exemple dépourvue de trompes de Fallope, ou ayant ses deuxtrompes bouchées, une FIV est proposée directem<strong>en</strong>t.(5) Une <strong>des</strong> techniques utilisée un temps, le GIFT (Gamete Intra Fallopian Transfer),consistait à prélever ovules et sperme, les mélanger <strong>en</strong> éprouvette et transférer le mélange sansatt<strong>en</strong>dre qu’un ou plusieurs ovules ai<strong>en</strong>t été fécondés. <strong>La</strong> fécondation s’effectuait alors dans lesvoies génitales de la femme. Cette technique n’est pratiquem<strong>en</strong>t plus utilisée maint<strong>en</strong>ant.


LA FRÉQUENCE DES ACCOUCHEMENTS GÉMELLAIRES EN FRANCE 889<strong>La</strong> multiplication <strong>des</strong> traitem<strong>en</strong>ts de la stérilité au cours <strong>des</strong> tr<strong>en</strong>tedernières années a <strong>en</strong>traîné une hausse du taux de gémellité qui est v<strong>en</strong>ues’ajouter à celle due au retard <strong>des</strong> maternités. Le taux de gémellité estpassé de 8,9 p. 1 000 <strong>en</strong> 1972 à 15,0 p. 1 000 <strong>en</strong> 2000, soit une hausse de69 %. Si le cal<strong>en</strong>drier de la fécondité n’avait pas changé (<strong>en</strong> étant sur toutela période égal à celui de l’année 1985), il serait passé de 9,4 p. 1 000 <strong>en</strong>1972 à 13,4 p. 1000 <strong>en</strong> 2000, soit une hausse de seulem<strong>en</strong>t 43 %. Le retard<strong>des</strong> maternités explique donc un peu plus d’un tiers de la hausse, et ledéveloppem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> traitem<strong>en</strong>ts de la stérilité, un peu moins <strong>des</strong> deux tiers.II. Le rôle de la limitation volontaire <strong>des</strong> naissancesRev<strong>en</strong>ons maint<strong>en</strong>ant à la période allant de la fin de la premièreguerre mondiale au début <strong>des</strong> années 1970, qui précède la remontée réc<strong>en</strong>tedu taux de gémellité. Si l’on met de côté la période du baby-boom, le tauxde gémellité a alors régulièrem<strong>en</strong>t baissé à chaque âge au-<strong>des</strong>sus de 25 anscomme nous l’avons vu. Or, parallèlem<strong>en</strong>t, la fécondité a baissé et lesfamilles nombreuses se sont raréfiées. On peut avancer l’explicationsuivante : les femmes ayant eu <strong>des</strong> jumeaux lors de leur première grossesseet qui ne désirai<strong>en</strong>t que deux <strong>en</strong>fants, ont atteint <strong>en</strong> une grossesse la <strong>des</strong>c<strong>en</strong>dancequ’elles souhaitai<strong>en</strong>t. Et celles qui ne désirai<strong>en</strong>t qu’un <strong>en</strong>fant <strong>en</strong>ont eu plus qu’elles n’<strong>en</strong> souhaitai<strong>en</strong>t. Ces deux types de femmes se sont<strong>en</strong>suite moins souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>gagées dans une grossesse supplém<strong>en</strong>taire que lesfemmes ayant eu une grossesse simple. Le même raisonnem<strong>en</strong>t s’appliqueaux femmes ayant eu trois <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> deux grossesses, dont une gémellaire,si on les compare aux femmes ayant eu deux grossesses simples. Or lerisque de grossesse gémellaire varie d’une femme à l’autre, certainesfemmes étant plus prédisposées que d’autres comme nous l’avons vu plushaut. Ainsi, une femme ayant accouché de jumeaux risque davantage d’<strong>en</strong>avoir à nouveau lors d’une grossesse ultérieure qu’une femme n’<strong>en</strong> ayantpas eu. Si les femmes du premier type, qui ont <strong>des</strong> prédispositions à avoir<strong>des</strong> jumeaux, s’<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t moins souv<strong>en</strong>t dans <strong>des</strong> grossesses supplém<strong>en</strong>tairesque les secon<strong>des</strong>, elles sont de moins <strong>en</strong> moins représ<strong>en</strong>tées auxrangs de naissance supérieurs à un, au fur et à mesure du contrôle de lafécondité. C’est ce phénomène qui aurait <strong>en</strong>traîné une baisse du taux degémellité p<strong>en</strong>dant le XX e siècle avant les traitem<strong>en</strong>ts contre la stérilité.(6) C’est-à-dire <strong>en</strong> excluant les ICSI (IntraCytoplasmic Sperm Injection, <strong>en</strong> français, injectionintra-cytoplasmique de spermatozoïde). L’ICSI est une technique de fécondation in vitromise au point <strong>en</strong> 1992, qui consiste à injecter un spermatozoïde directem<strong>en</strong>t à l’intérieur del’ovule <strong>en</strong> utilisant une micro-pipette. L’ICSI est utilisée de façon croissante depuis une dizained’années jusqu’à représ<strong>en</strong>ter une FIV sur deux <strong>en</strong> <strong>France</strong> <strong>en</strong> 2000 et 2001 (Fivnat, bilans annuels2000 et 2001) et plus d’une sur deux (54 %) <strong>en</strong> 2002 (bilan annuel provisoire 2002).(7) <strong>La</strong> diminution du nombre d’embryons transférés ainsi que l’évolution <strong>des</strong> pratiques <strong>en</strong>matière de stimulation ovari<strong>en</strong>ne expliqu<strong>en</strong>t que le taux de gémellité ait quasim<strong>en</strong>t cessé d’augm<strong>en</strong>ter<strong>en</strong> <strong>France</strong> depuis 1999.


890 G. PISON, N. COUVERTPour vérifier cette hypothèse et étudier de façon plus générale l’effetde la surv<strong>en</strong>ue d’une grossesse gémellaire sur la constitution <strong>des</strong> familles,nous avons analysé les données <strong>des</strong> quatre dernières <strong>en</strong>quêtes Famillem<strong>en</strong>ées <strong>en</strong> <strong>France</strong> (<strong>en</strong> 1975, 1982, 1990 et 1999). Chacune de ces <strong>en</strong>quêtesportait sur un échantillon de plusieurs c<strong>en</strong>taines de milliers defemmes (1/50 de la population féminine adulte), l’échantillon totalcompr<strong>en</strong>ant plus d’un million de femmes (8) . On a notamm<strong>en</strong>t recueillipour chacune d’elles un historique <strong>des</strong> naissances. On dispose, <strong>en</strong> particulier,de r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts sur le sexe, la date de naissance et le rang de naissancede chacun de leurs <strong>en</strong>fants (ainsi que de la date de décès pour les<strong>en</strong>fants morts par la suite). Notre analyse s’est limitée aux seules femmesnées après 1920, pour <strong>des</strong> raisons d’effectif et afin de réduire le risqued’erreur de mémoire. Elle porte donc sur un total de 850 987 femmes et2088796 <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>, dont 19959 <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> doubles.1. Probabilité d’une grossesseultérieure après une grossesse gémellaireNous avons calculé la probabilité pour qu’une femme v<strong>en</strong>ant d’accoucherde jumeaux accouche à nouveau ultérieurem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> la comparant àcelle d’une femme dont la situation familiale est similaire (même nombrede grossesses ou même nombre d’<strong>en</strong>fants), mais qui n’a pas eu d’accouchem<strong>en</strong>tdouble. <strong>La</strong> probabilité d’un nouvel accouchem<strong>en</strong>t est estimée <strong>en</strong>fonction de la durée écoulée depuis le dernier. Les résultats se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>tsous la forme d’une courbe de « survie » dans l’état « n’a pas accouché ànouveau », qui indique selon la durée écoulée depuis le dernier accouchem<strong>en</strong>tla probabilité de ne pas <strong>en</strong>core avoir eu d’autres <strong>en</strong>fants. Les données<strong>des</strong> <strong>en</strong>quêtes Famille relatives à l’espacem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre deux<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> sont affectées par <strong>des</strong> phénomènes de c<strong>en</strong>sure. Pour <strong>en</strong>t<strong>en</strong>ir compte, les fonctions de survie ont été estimées <strong>en</strong> utilisant laméthode de Kaplan et Meier. <strong>La</strong> figure 9 montre la courbe correspondantepour les femmes interrogées à l’<strong>en</strong>quête Famille de 1999 et ayant déjàaccouché une première fois à un âge compris <strong>en</strong>tre 25 et 30 ans. Trois ansaprès l’accouchem<strong>en</strong>t, 32 % d’<strong>en</strong>tre elles n’ont toujours pas accouché ànouveau. Au bout de 20 ans, la proportion est de 22 %. Lorsque, après unlong délai, la femme n’a toujours pas accouché, le risque qu’elle le fasseest très faible et la courbe de survie est pratiquem<strong>en</strong>t horizontale. L<strong>en</strong>iveau atteint reflète la probabilité de n’avoir à terme aucun autre <strong>en</strong>fant,et le complém<strong>en</strong>t à un (78 %), la probabilité d’agrandissem<strong>en</strong>t. Dans lasuite de l’article, pour les comparaisons, nous utiliserons la probabilité d<strong>en</strong>e pas avoir eu de nouvel <strong>en</strong>fant au bout d’une durée suffisamm<strong>en</strong>t longue,jusqu’à 10 ans après la ménopause, soit 60 ans, la limite choisie étant(8) <strong>La</strong> dernière de ces <strong>en</strong>quêtes, intitulée Enquête sur l’histoire familiale (EHF) 1999 a interrogéun échantillon de 380000 personnes (hommes et femmes) représ<strong>en</strong>tatif de la populationfrançaise âgée de 18 ans ou plus (Cassan et al., 2000).


LA FRÉQUENCE DES ACCOUCHEMENTS GÉMELLAIRES EN FRANCE 891Figure 9.– Méthode de mesure de la probabilité d'accoucher à nouveau.Le cas <strong>des</strong> femmes ayant accouché une première fois à 25-29 ans.<strong>France</strong>, <strong>en</strong>quête sur l’histoire familiale de 1999délibérém<strong>en</strong>t très large. Les probabilités d’agrandissem<strong>en</strong>t calculées ainsisont indiquées dans le tableau 1. On les a distinguées selon le nombred’<strong>en</strong>fants à l’issue du dernier accouchem<strong>en</strong>t, la nature <strong>des</strong> <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>(simple ou gémellaire) et l’âge de la femme au dernier accouchem<strong>en</strong>t.Comparons d’abord les trois types de femmes suivantes : celles quiont eu un seul <strong>en</strong>fant suite à un accouchem<strong>en</strong>t simple, celles qui <strong>en</strong> ont eudeux suite à deux <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> simples et celles qui <strong>en</strong> ont eu deux <strong>en</strong>un seul accouchem<strong>en</strong>t double (figure 10). Pour ce qui est de s’<strong>en</strong>gagerdans une autre grossesse ultérieurem<strong>en</strong>t, ces dernières se comport<strong>en</strong>t à peuprès comme celles qui ont eu deux <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> deux <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>simples. Par exemple, chez les femmes âgées de 25-29 ans lors de leuraccouchem<strong>en</strong>t le plus réc<strong>en</strong>t, 50 % de celles ayant eu <strong>des</strong> jumeaux lors deleur première grossesse auront ultérieurem<strong>en</strong>t une autre grossesse, contre54 % de celles ayant eu deux <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> deux grossesses. Chez les femmesde 20-24 ans, la différ<strong>en</strong>ce est cep<strong>en</strong>dant plus marquée, respectivem<strong>en</strong>t67 % et 73 %, signe d’un moindre désir de s’<strong>en</strong>gager dans une deuxièmegrossesse chez les femmes qui ont accouché de jumeaux alors qu’ellesétai<strong>en</strong>t jeunes. Si l’on ne s’intéresse maint<strong>en</strong>ant qu’aux femmes qui ont euune seule grossesse, et que l’on compare celles qui ont eu <strong>des</strong> jumeaux àcelles qui n’<strong>en</strong> ont pas eu, la différ<strong>en</strong>ce est pat<strong>en</strong>te. Les mères de jumeaux


892 G. PISON, N. COUVERTFigure 10.– Probabilité d’un accouchem<strong>en</strong>t ultérieurchez les femmes ayant déjà eu un ou deux <strong>en</strong>fantsselon le type du dernier accouchem<strong>en</strong>t (%)Sources : Insee, <strong>en</strong>quêtes Famille <strong>en</strong> <strong>France</strong> (1975, 1982, 1990, 1999).Figure 11.– Probabilité d’un accouchem<strong>en</strong>t ultérieurchez les femmes ayant déjà eu trois <strong>en</strong>fantsselon qu’elles ont eu ou non <strong>des</strong> jumeaux (%)Sources : Insee, <strong>en</strong>quêtes Famille <strong>en</strong> <strong>France</strong> (1975, 1982, 1990, 1999).


LA FRÉQUENCE DES ACCOUCHEMENTS GÉMELLAIRES EN FRANCE 893s’<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t nettem<strong>en</strong>t moins fréquemm<strong>en</strong>t dans une 2 e grossesse que lesfemmes ayant accouché d’un seul <strong>en</strong>fant. Et les écarts <strong>en</strong>tre les deux typesde femmes s’accroiss<strong>en</strong>t avec les générations plus jeunes parallèlem<strong>en</strong>t àla diminution de la probabilité pour une femme ayant déjà deux <strong>en</strong>fantsd’<strong>en</strong> avoir un troisième. Finalem<strong>en</strong>t, c’est le nombre d’<strong>en</strong>fants qui importeet la façon dont ils ont été obt<strong>en</strong>us (<strong>en</strong> une ou <strong>en</strong> deux grossesses) n’a pasune grande influ<strong>en</strong>ce à ce stade.Vérifions maint<strong>en</strong>ant ce qu’il <strong>en</strong> est pour les femmes ayant déjà eutrois <strong>en</strong>fants, <strong>en</strong> comparant celles qui les ont eus <strong>en</strong> trois grossesses aveccelles qui ont eu une grossesse gémellaire et une grossesse simple, et <strong>en</strong>distinguant parmi ces dernières selon que la grossesse gémellaire a été lapremière ou la seconde (figure 11).Parmi les femmes ayant 25-29 ans lors de leur accouchem<strong>en</strong>t le plusréc<strong>en</strong>t et mères de trois <strong>en</strong>fants, celles n’ayant eu que <strong>des</strong> naissancessimples sont 58 % à <strong>en</strong>tamer une grossesse supplém<strong>en</strong>taire ultérieurem<strong>en</strong>t,contre 51 % pour celles ayant accouché deux fois seulem<strong>en</strong>t mais avec <strong>des</strong>jumeaux la première fois et une naissance simple la seconde, et 40 % seulem<strong>en</strong>tpour celles n’ayant eu égalem<strong>en</strong>t que deux grossesses, mais dansl’ordre inverse, d’abord une grossesse simple, puis une grossesse gémellaire.Les différ<strong>en</strong>ces vont dans le même s<strong>en</strong>s à tous les âges. Les mères detrois <strong>en</strong>fants qui ont d’abord accouché de jumeaux puis d’un seul <strong>en</strong>fantont finalem<strong>en</strong>t un comportem<strong>en</strong>t assez proche de celles ayant eu trois <strong>en</strong>fants<strong>en</strong> trois grossesses. Une partie de ces deux catégories de femmesavait <strong>en</strong> projet une famille d’au moins trois <strong>en</strong>fants. En revanche, une fractionimportante de celles ayant eu <strong>des</strong> jumeaux lors de la 2 e grossesse nes’att<strong>en</strong>dait sans doute pas à avoir au final trois <strong>en</strong>fants, mais plutôt deux.Elles ont donc davantage de chances d’avoir dépassé le nombre d’<strong>en</strong>fantsqu’elles désirai<strong>en</strong>t. <strong>La</strong> différ<strong>en</strong>ce de probabilité d’une nouvelle grossessea eu t<strong>en</strong>dance à s’accroître <strong>en</strong>tre ces deux catégories de femmes si l’oncompare les générations anci<strong>en</strong>nes et les générations réc<strong>en</strong>tes : parmi lesfemmes nées <strong>en</strong>tre 1920 et 1934 et mères de trois <strong>en</strong>fants, celles ayantaccouché d’abord de jumeaux, puis d’un seul <strong>en</strong>fant à 25-34 ans, ont été54 % à <strong>en</strong>tamer <strong>en</strong>suite une nouvelle grossesse contre 48 % pour cellesayant eu d’abord une naissance simple puis <strong>des</strong> jumeaux; chez les femmesnées <strong>en</strong>tre 1950 et 1964, les proportions sont respectivem<strong>en</strong>t de 35 % et14 % (tableau 1).Enfin, intéressons-nous aux femmes ayant eu deux grossesses, <strong>en</strong>comparant celles ayant eu une grossesse double puis une grossesse simpleà celles ayant eu deux grossesses simples (figure 12). Les premières s’<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>tun peu moins souv<strong>en</strong>t dans une nouvelle grossesse que lessecon<strong>des</strong> lorsque la dernière grossesse a eu lieu avant 30 ans, mais l’écartest très faible. Par exemple, parmi les femmes dont la grossesse la plusréc<strong>en</strong>te a eu lieu <strong>en</strong>tre 25 et 30 ans, 51 % <strong>des</strong> premières ont eu une autregrossesse contre 54 % <strong>des</strong> secon<strong>des</strong>. Si la dernière grossesse a eu lieu<strong>en</strong>tre 30 et 35 ans, il n’y a pratiquem<strong>en</strong>t pas de différ<strong>en</strong>ce (37 % et 35 %).


GénérationEnsemble<strong>des</strong> générationsFemmes nées<strong>en</strong>tre 1920 et 1934Femmes nées<strong>en</strong>tre 1935 et 1949Femmes nées<strong>en</strong>tre 1950 et 1964Femmes nées<strong>en</strong>tre 1965 et 1979TABLEAU 1.– PROBABILITÉ D’UN ACCOUCHEMENT ULTÉRIEUR SELON LE NOMBRE D’ENFANTS DÉJÀ NÉSET LE TYPE DES ACCOUCHEMENTS PRÉCÉDENTS, SIMPLE OU GÉMELLAIRE (%)Âgede la femmeau dernieraccouchem<strong>en</strong>t1 <strong>en</strong>fant1 <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>impleNombre d’<strong>en</strong>fants à l’issue du dernier accouchem<strong>en</strong>t2 <strong>en</strong>fants 3 <strong>en</strong>fantsType d’accouchem<strong>en</strong>tType d’accouchem<strong>en</strong>t2 <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>simples1 accouchem<strong>en</strong>tdouble3 <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>simples1 <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>imple suivi d’unaccouchem<strong>en</strong>tdouble1 accouchem<strong>en</strong>tdouble suivid’un <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>imple15-19 ans 89 86 81 88 76 8520-24 ans 84 73 67 75 64 7025-29 ans 74 54 50 58 40 5130-34 ans 56 35 36 37 26 3735-39 ans 36 21 26 19 19 2040 ans ou plus 17 10 16 8 6 1515-24 ans 86 82 75 85 77 8025-34 ans 72 58 56 59 48 5435 ans ou plus 33 21 30 19 20 1915-24 ans 86 72 69 73 62 6825-34 ans 70 43 45 40 31 3935 ans ou plus 31 14 19 12 10 1015-24 ans 85 67 63 64 53 6125-34 ans 72 38 37 32 14 3535 ans ou plus 34 14 18 9 5 2015-24 ans 85 68 53 62 39 6425-34 ans 70 36 26 30 22 2535 ans ou plus – – – – – –Sources : Insee, <strong>en</strong>quêtes Famille <strong>en</strong> <strong>France</strong> (1975, 1982, 1990, 1999).894 G. PISON, N. COUVERT


LA FRÉQUENCE DES ACCOUCHEMENTS GÉMELLAIRES EN FRANCE 895Pour ces femmes qui ont eu une autre grossesse après avoir eu <strong>des</strong>jumeaux, le projet familial était d’avoir un nombre substantiel d’<strong>en</strong>fants,et elles s’<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t dans une 3 e grossesse, <strong>en</strong> vue d’un 4 e <strong>en</strong>fant, dans lesmêmes proportions que celles ayant eu comme elles deux grossesses, maisavec seulem<strong>en</strong>t deux <strong>en</strong>fants.Figure 12.– Probabilité d’un accouchem<strong>en</strong>t ultérieurchez les femmes ayant eu une grossesse doublepuis une grossesse simple (trois <strong>en</strong>fants) et chez cellesayant eu deux grossesses simples (deux <strong>en</strong>fants) (%)Sources : Insee, <strong>en</strong>quêtes Famille <strong>en</strong> <strong>France</strong> (1975, 1982, 1990, 1999).2. L’influ<strong>en</strong>ce du décès de l’un ou <strong>des</strong> deux jumeauxLes jumeaux sont fragiles et meur<strong>en</strong>t quatre à cinq fois plus au débutde leur vie que les <strong>en</strong>fants issus d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> simples (Pison, 2000). Iln’est donc pas rare que l’un ou les deux jumeaux meur<strong>en</strong>t, le plus souv<strong>en</strong>tau mom<strong>en</strong>t de l’accouchem<strong>en</strong>t ou dans les heures ou les jours qui suiv<strong>en</strong>t.Est-ce qu’un décès à la naissance, ou peu après, a les mêmes conséqu<strong>en</strong>cessur <strong>des</strong> grossesses ultérieures selon qu’il survi<strong>en</strong>t à l’occasion d’un <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>imple ou d’un accouchem<strong>en</strong>t double ? <strong>La</strong> figure 13 permet decomparer la <strong>fréqu<strong>en</strong>ce</strong> d’une nouvelle grossesse selon que le dernieraccouchem<strong>en</strong>t est gémellaire ou non et que le ou les <strong>en</strong>fants qui <strong>en</strong> sontissus sont morts ou non. On a considéré l’<strong>en</strong>semble <strong>des</strong> <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>,tous rangs de naissance et âges de la femme confondus. Les décès pris <strong>en</strong>compte ici sont ceux surv<strong>en</strong>us au mom<strong>en</strong>t de l’accouchem<strong>en</strong>t ou peu après


896 G. PISON, N. COUVERTmais, <strong>en</strong> pratique, la rareté <strong>des</strong> décès à la naissance nous a conduits àconsidérer l’<strong>en</strong>semble <strong>des</strong> décès jusqu’à un an (sachant que la plupart onteu lieu au mom<strong>en</strong>t de l’accouchem<strong>en</strong>t ou peu de temps après). Nousn’avons pas distingué selon l’âge <strong>des</strong> femmes <strong>en</strong> raison de la faiblesse <strong>des</strong>effectifs.Pour ce qui est de s’<strong>en</strong>gager dans une grossesse supplém<strong>en</strong>taire, lesfemmes ayant accouché de jumeaux et dont l’un est décédé avant un an secomport<strong>en</strong>t comme les femmes ayant accouché d’un seul <strong>en</strong>fant ayant survécu.De même, les femmes accouchant de jumeaux décédant tous deuxdans leur première année sont très proches <strong>des</strong> femmes ayant eu une naissancesimple elle-même suivie du décès de l’<strong>en</strong>fant. Au total, les comportem<strong>en</strong>tsapparaiss<strong>en</strong>t dictés par le nombre d’<strong>en</strong>fants survivants.Figure 13.– Probabilité d’un nouvel accouchem<strong>en</strong>t selon la durée écouléedepuis le dernier, le type de ce dernier accouchem<strong>en</strong>tet le décès du, ou <strong>des</strong> <strong>en</strong>fantsSources : Insee, <strong>en</strong>quêtes Famille <strong>en</strong> <strong>France</strong> (1975, 1982, 1990, 1999).


LA FRÉQUENCE DES ACCOUCHEMENTS GÉMELLAIRES EN FRANCE 897III. Le rôle de la sélection selon la fertilité :la forte gémellité de la première guerre mondiale1. L’hypothèsede la sélection <strong>des</strong> couples les plus fertilesRev<strong>en</strong>ons à la hausse de la gémellité p<strong>en</strong>dant la première guerremondiale. On peut imaginer l’explication suivante : beaucoup d’hommesétai<strong>en</strong>t au front p<strong>en</strong>dant les années de guerre, et une proportion importante<strong>des</strong> conceptions ont eu lieu p<strong>en</strong>dant <strong>des</strong> permissions; celles-ci ne durai<strong>en</strong>tpas longtemps (9) et les couples qui arrivai<strong>en</strong>t à concevoir <strong>en</strong> si peu detemps étai<strong>en</strong>t les plus fertiles. Les couples ou les femmes hyperfertiles ontdonc contribué aux naissances plus qu’ils ne le faisai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> temps de paix.Si ces couples ou ces femmes ont plus de prédisposition à avoir <strong>des</strong>jumeaux que les autres, cette sélection par la fertilité aurait été la cause del’augm<strong>en</strong>tation du taux de gémellité.L’année 1919 a connu un taux de gémellité record de 13,6 p. 1 000(figures 1 et 2) (10) . Les mariages ont été peu nombreux p<strong>en</strong>dant la guerreet beaucoup de célibataires ont dû att<strong>en</strong>dre l’armistice ou 1919 pourconvoler. Une récupération a eu lieu à ce mom<strong>en</strong>t qui s’est traduite par unpic de mariages. Par ailleurs, les couples déjà mariés et séparés durant laguerre se sont trouvés réunis par le retour <strong>des</strong> hommes du front. On peutp<strong>en</strong>ser que s’est alors produit un effet de sélection par la fertilité similaireà celui que nous v<strong>en</strong>ons d’évoquer. Parmi les nouveaux mariés et lesanci<strong>en</strong>s mariés à nouveau réunis, ceux qui ont obt<strong>en</strong>u une grossesse rapidem<strong>en</strong>tétai<strong>en</strong>t les plus fertiles, donc les plus soumis au risque d’avoir <strong>des</strong>jumeaux. Le pic de remise (ou mise) <strong>en</strong> couple aurait du coup été suivi9 mois plus tard d’un pic de gémellité.Entre les deux phénomènes, la formation de nouveaux couples demariés, et la remise <strong>en</strong> couple de personnes déjà mariées mais séparées parla guerre, lequel aurait joué le plus dans le pic de gémellité de 1919 ? <strong>La</strong>figure 14 montre l’évolution m<strong>en</strong>suelle <strong>des</strong> mariages et <strong>des</strong> naissances <strong>en</strong><strong>France</strong> de 1911 à 1924. Nous avons décalé la courbe <strong>des</strong> naissances de9 mois de façon à avoir une image de l’évolution <strong>des</strong> conceptions. <strong>La</strong>figure 14 montre que les mariages ont été très peu nombreux p<strong>en</strong>dant laguerre. <strong>La</strong> chute a été très forte au début de la guerre, les mariages remontant<strong>en</strong>suite progressivem<strong>en</strong>t sans atteindre les chiffres d’avant-guerre.(9) Un permissionaire séjournait <strong>en</strong> moy<strong>en</strong>ne sept jours dans son foyer p<strong>en</strong>dant les premièresannées de la guerre (du milieu de 1915 à la fin de 1917) et dix jours la dernière année (defin 1917 jusqu’à l’armistice du 11 novembre 1918) (Cronier, 2004).(10) Dans la plupart <strong>des</strong> pays europé<strong>en</strong>s pour lesquels on dispose de statistiques, on observeégalem<strong>en</strong>t un pic de gémellité après la guerre, <strong>en</strong> 1919-1920 (Italie, Allemagne, Suisse,Autriche, Hongrie, Écosse – les statistiques ne sont pas disponibles pour l’Angleterre-Galles), ouun peu plus tard, <strong>en</strong> 1920-1921 (Belgique, Pays-Bas, Danemark). En revanche, il n’y a pas de picces années-là <strong>en</strong> Suède, <strong>en</strong> Norvège et <strong>en</strong> Finlande.


898 G. PISON, N. COUVERTFigure 14.– Évolution m<strong>en</strong>suelle <strong>des</strong> mariages et <strong>des</strong> « conceptions » (a)<strong>en</strong> <strong>France</strong> de 1911 à 1924(a) Le nombre de « conceptions » est estimé ici par le nombre de naissancessurv<strong>en</strong>ues 9 mois plus tard.Source : Insee.Après l’armistice du 11 novembre 1918, la remontée <strong>des</strong> mariages a étéassez rapide, mais elle n’a culminé qu’un à deux ans après l’armistice : l<strong>en</strong>ombre de mariages a comm<strong>en</strong>cé à augm<strong>en</strong>ter <strong>en</strong> janvier 1919, la hauss<strong>en</strong>’étant vraim<strong>en</strong>t s<strong>en</strong>sible qu’<strong>en</strong> avril, mai et juin 1919. Même pour lespersonnes déjà fiancées de longue date, il a fallu <strong>en</strong> effet préparer lemariage et att<strong>en</strong>dre pour certaines la saison adéquate pour se marier(comme le montre la figure 14, avril était le mois où traditionnellem<strong>en</strong>t onse mariait le plus <strong>en</strong> <strong>France</strong> à l’époque). Par ailleurs, les personnes quin’étai<strong>en</strong>t pas fiancées ou qui avai<strong>en</strong>t perdu leur fiancé p<strong>en</strong>dant la guerreont dû <strong>en</strong> trouver ou <strong>en</strong> retrouver un. Le nombre de mariages ne s’est finalem<strong>en</strong>t<strong>en</strong>volé qu’à partir de septembre 1919 et il est resté <strong>en</strong>suite à un niveautrès élevé p<strong>en</strong>dant les 12 mois suivants, avec un record <strong>en</strong> avril 1920.<strong>La</strong> figure 14 montre que la remontée <strong>des</strong> conceptions après l’armisticea eu lieu dès le mois qui a suivi, décembre 1918, et qu’elle a atteint unsommet dès avril 1919. Le nombre de mariages conclus ce mois-là était<strong>en</strong>core faible, inférieur à un mois d’avril normal d’avant-guerre. <strong>La</strong> premièrevague de conceptions, juste à la fin de la guerre, a donc été surtoutle fait de couples déjà mariés, séparés p<strong>en</strong>dant la guerre, et réunis à nou-


LA FRÉQUENCE DES ACCOUCHEMENTS GÉMELLAIRES EN FRANCE 899veau après la démobilisation. C’est la remise <strong>en</strong> couple <strong>des</strong> personnes déjàmariées plutôt que la vague de mariages qui aurait été la principale responsabledu pic de gémellité de l’année 1919.2. Les couples les plus fertiles ontune plus forte prop<strong>en</strong>sion à avoir <strong>des</strong> jumeauxPour que la sélection <strong>des</strong> couples les plus fertiles explique la haussede la gémellité p<strong>en</strong>dant les années de guerre et le pic de gémellité de 1919,il faut faire l’hypothèse d’un li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre fertilité et prop<strong>en</strong>sion à avoir <strong>des</strong>jumeaux. Cette hypothèse vi<strong>en</strong>t du constat que les grossesses de fauxjumeaux nécessit<strong>en</strong>t une double ovulation chez la femme, phénomène rare,révélateur d’une fertilité élevée (les vrais jumeaux ne serai<strong>en</strong>t a priori pasconcernés). Pour la vérifier, nous avons examiné si parmi les nouveauxmariés, ceux qui obt<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t rapidem<strong>en</strong>t une grossesse avai<strong>en</strong>t plus souv<strong>en</strong>t<strong>des</strong> jumeaux que ceux qui mettai<strong>en</strong>t plus longtemps à l’obt<strong>en</strong>ir. Nous avonsanalysé à nouveau les données <strong>des</strong> <strong>en</strong>quêtes Famille m<strong>en</strong>ées <strong>en</strong> <strong>France</strong> <strong>en</strong>1975, 1982, 1990 et 1999. Comme rappelé plus haut, ces <strong>en</strong>quêtes réuniesont interrogé plus d’un million de femmes représ<strong>en</strong>tatives de la populationféminine adulte <strong>en</strong> recueillant notamm<strong>en</strong>t pour chacune d’elles un historiquede leurs unions et de leurs naissances. Notre analyse s’est limitée auxseules femmes ayant déclaré avoir été mariées au moins une fois et avoir euau moins un <strong>en</strong>fant. Nous avons éliminé celles nées avant 1920 afin deréduire le risque d’erreur de mémoire; les premières naissances analyséesici ont donc eu lieu pour la plupart <strong>en</strong>tre 1940 et 1999.Nous avons classé les femmes selon le délai <strong>en</strong>tre leur mariage etleur premier accouchem<strong>en</strong>t et le type de ce dernier – simple ou gémellaire.Pour le délai, la durée de grossesse est <strong>en</strong> moy<strong>en</strong>ne de 38 semaines, soitprès de 8 mois et 3 semaines, <strong>en</strong> comptant de la fécondation à l’accouchem<strong>en</strong>t(si l’on compte du premier jour <strong>des</strong> dernières règles à l’accouchem<strong>en</strong>t,la durée est allongée de deux semaines, ce qui fait au total40 semaines) ; lorsque la grossesse est gémellaire, l’accouchem<strong>en</strong>t survi<strong>en</strong>ttrois semaines plus tôt <strong>en</strong> moy<strong>en</strong>ne, soit 8 mois après la conception(Papiernik, 1991). Nous avons considéré un premier groupe de femmesdont le premier accouchem<strong>en</strong>t est surv<strong>en</strong>u <strong>en</strong>tre 8 et 9 mois après leur premiermariage : la conception a eu lieu dans ce cas de façon très rapprochéedu mariage – au mom<strong>en</strong>t de celui-ci ou peu après. Nous avons regroupé lesautres femmes <strong>en</strong> 5 classes : celles dont l’accouchem<strong>en</strong>t est surv<strong>en</strong>u <strong>en</strong>tre10 et 11 mois, 12-17 mois, 18-23 mois, 24-35 mois et 36 mois ou plusaprès le mariage.Les relations <strong>en</strong>tre mariage et procréation ont beaucoup évolué dansle dernier quart du XX e siècle <strong>en</strong> <strong>France</strong>. Les naissances avant ou hors mariage,qui représ<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t moins d’une naissance sur dix jusqu’à la fin <strong>des</strong>années 1970, <strong>en</strong> représ<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t, vingt ans plus tard, deux sur cinq (Munoz-Pérez et Prioux, 1999). Les tr<strong>en</strong>te dernières années du XX e siècle ont vu


900 G. PISON, N. COUVERTpar ailleurs se développer les traitem<strong>en</strong>ts hormonaux de la stérilité comm<strong>en</strong>ous l’avons vu plus haut. Les couples cherchant à concevoir et n’obt<strong>en</strong>antpas de grossesse au bout de quelques mois de t<strong>en</strong>tatives y ont recours defaçon croissante. Comme on l’a déjà indiqué, ces traitem<strong>en</strong>ts ont poureffet d’augm<strong>en</strong>ter considérablem<strong>en</strong>t le risque de grossesse gémellaire; deplus <strong>en</strong> plus utilisés par les couples hypofertiles, qui mett<strong>en</strong>t longtemps àconcevoir, ils ont eu pour effet de modifier les relations <strong>en</strong>tre délai deconception et risque de grossesse gémellaire pour les délais longs. Pourt<strong>en</strong>ir compte de ces deux nouveautés, nous avons distingué les <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>surv<strong>en</strong>us avant 1970 – ils ont eu lieu à peu près <strong>en</strong>tre 1940 et 1969 –et ceux surv<strong>en</strong>us après – <strong>en</strong>tre 1970 et 1999.<strong>La</strong> figure 15 montre les variations du taux de gémellité <strong>des</strong> premièresnaissances selon le délai <strong>en</strong>tre le premier mariage et le premier accouchem<strong>en</strong>t,et la période, avant 1970 ou après. Nous avons ajouté sur la mêmefigure les variations observées il y a deux à trois siècles <strong>en</strong> <strong>France</strong>. Ellesont été estimées à partir <strong>des</strong> données de « l’Enquête Louis H<strong>en</strong>ry » sur la<strong>France</strong> anci<strong>en</strong>ne et correspond<strong>en</strong>t aux premiers mariages conclus<strong>en</strong>tre 1670 et 1829 (H<strong>en</strong>ri Leridon, communication personnelle). Lestableaux annexes 1 et 2 donn<strong>en</strong>t les résultats détaillés respectivem<strong>en</strong>t pourles XX e et XVIII e siècles. Les variations du taux de gémellité auXVIII e siècle (<strong>en</strong>tre 1670 et 1829) et au XX e siècle (<strong>en</strong>tre 1940 et 1969)sont similaires (figure 15) : lorsque l’accouchem<strong>en</strong>t a eu lieu <strong>en</strong>tre 8 et9 mois après le mariage, le taux de gémellité se situe <strong>en</strong>tre 9 et 10 p. 1000,alors que s’il a eu lieu plus tard, le taux est inférieur, autour de 6 p. 1000au XVIII e siècle et de 6 à 7 p. 1000 au XX e siècle. Au-delà d’un an et demide délai, le taux remonte légèrem<strong>en</strong>t au XX e siècle alors qu’il reste autourde 6 p. 1 000 au XVIII e . Après 1970, on retrouve les mêmes t<strong>en</strong>dancesqu’avant 1970, mais la baisse du taux <strong>en</strong>tre 8-9 mois et 12-17 mois dedélai est moins marquée, alors que la hausse au-delà d’un an et demi estplus prononcée. En particulier, les femmes qui ont accouché plus detrois ans après leur premier mariage ont eu beaucoup plus souv<strong>en</strong>t <strong>des</strong>jumeaux, un phénomène lié aux traitem<strong>en</strong>ts hormonaux de la stérilité.<strong>La</strong> figure 16 montre les variations du taux de gémellité <strong>des</strong> premièresnaissances au XX e siècle <strong>en</strong> distinguant la période, avant 1970 ou après, etl’âge de la femme au mom<strong>en</strong>t du premier accouchem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>tre 20 et 30 ansou <strong>en</strong>tre 30 et 40 ans (les résultats détaillés sont donnés au tableauannexe 1). On retrouve l’influ<strong>en</strong>ce de l’âge sur le taux de gémellité : lesfemmes mariées qui accouch<strong>en</strong>t pour la première fois à 30-39 ans ont plussouv<strong>en</strong>t <strong>des</strong> jumeaux lors de cet accouchem<strong>en</strong>t que celles qui le font à 20-29 ans. Les variations du taux de gémellité selon le délai <strong>en</strong>tre le mariageet l’accouchem<strong>en</strong>t sont beaucoup plus marquées pour les premières quepour les secon<strong>des</strong>. Parmi les premières, avant 1970, 24 femmes sur milleaccouchant 8 ou 9 mois après leur mariage ont <strong>des</strong> jumeaux, contre 10 et11 sur mille respectivem<strong>en</strong>t parmi celles accouchant 10 à 11 mois ou 12 à17 mois après leur mariage. Après 1970, les différ<strong>en</strong>ces sont du même


LA FRÉQUENCE DES ACCOUCHEMENTS GÉMELLAIRES EN FRANCE 901Figure 15.– Taux de gémellité <strong>des</strong> premières naissancesselon le délai <strong>en</strong>tre le mariage et l’accouchem<strong>en</strong>tComparaison <strong>en</strong>tre le XVIII e et le XX e siècles <strong>en</strong> <strong>France</strong>Sources : <strong>en</strong>quêtes Familles <strong>en</strong> <strong>France</strong> (1975, 1982, 1990, 1999)et Enquête H<strong>en</strong>ry sur la <strong>France</strong> anci<strong>en</strong>ne (Leridon, communication persersonnelle).Figure 16.– Taux de gémellité <strong>des</strong> premières naissances selon l’âge, la périodeet le délai <strong>en</strong>tre le mariage et l’accouchem<strong>en</strong>t au XX e siècle <strong>en</strong> <strong>France</strong>Sources : <strong>en</strong>quêtes Familles <strong>en</strong> <strong>France</strong> (1975, 1982, 1990, 1999).


902 G. PISON, N. COUVERTtype ; la nouveauté est la hausse du taux de gémellité pour les femmesayant att<strong>en</strong>du longtemps pour concevoir; elle est particulièrem<strong>en</strong>t prononcéepour celles ayant 30-39 ans, qui ont sans doute recouru plus souv<strong>en</strong>taux traitem<strong>en</strong>ts contre la stérilité.<strong>La</strong> plus forte <strong>fréqu<strong>en</strong>ce</strong> de grossesses <strong>gémellaires</strong> chez les couplesobt<strong>en</strong>ant rapidem<strong>en</strong>t une grossesse après s’être mariés, relativem<strong>en</strong>t àceux qui mett<strong>en</strong>t plus longtemps à concevoir, s’observe donc quels quesoi<strong>en</strong>t l’âge de la femme et la période – le XVIII e siècle (<strong>en</strong>tre 1670et 1829), le milieu du XX e siècle (<strong>en</strong>tre 1940 et 1969) ou la fin duXX e siècle (<strong>en</strong>tre 1970 et 1999). Les couples hyperfertiles ont donc bi<strong>en</strong>une plus forte prédisposition à avoir <strong>des</strong> jumeaux que les autres. Et l’hypothèsed’une sélection <strong>des</strong> couples les plus fertiles pour expliquer le picde gémellité de la première guerre mondiale est bi<strong>en</strong> confirmée.Il n’y a pas eu de pic p<strong>en</strong>dant la seconde guerre mondiale. Aucontraire, le taux de gémellité standardisé a poursuivi la baisse amorcéedans les années 1920, pour atteindre pratiquem<strong>en</strong>t les plus bas niveaux dela première moitié du XX e siècle. On l’a expliqué par la sous-alim<strong>en</strong>tationdont souffrait une partie de la population, sous-alim<strong>en</strong>tation qui diminue la<strong>fréqu<strong>en</strong>ce</strong> <strong>des</strong> grossesses <strong>gémellaires</strong> lorsqu’elle est grave (Bulmer, 1970).À supposer qu’il y ait eu une baisse liée à la nutrition, elle n’a pas été comp<strong>en</strong>séepar un mouvem<strong>en</strong>t opposé à la hausse, comme p<strong>en</strong>dant la premièreguerre. Des couples ont bi<strong>en</strong> été séparés par la mobilisation <strong>des</strong> hommes audébut de la guerre, mais la mobilisation n’a pas duré et beaucoup d’hommessont r<strong>en</strong>trés, les autres étant faits prisonniers. Ces derniers n’avai<strong>en</strong>tpas de permission et leurs femmes, même les plus fertiles, ne pouvai<strong>en</strong>tconcevoir. À la fin de la guerre, les prisonniers sont r<strong>en</strong>trés, mais ils étai<strong>en</strong>tbeaucoup moins nombreux que ceux mobilisés p<strong>en</strong>dant la première guerremondiale ; l’év<strong>en</strong>tuel pic de gémellité provoqué par leur retour a parailleurs été noyé dans la hausse plus générale liée au début du baby-boom.ConclusionNous avons montré que la proportion d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> <strong>gémellaires</strong>avait varié dans une fourchette de près de 1 à 2 au cours <strong>des</strong> trois dernierssiècles <strong>en</strong> <strong>France</strong>. Proche de 15 p. 1 000 au début du XVIII e siècle, elle aretrouvé ce niveau élevé à la fin du XX e siècle après avoir baissé et être restéeà un niveau nettem<strong>en</strong>t plus bas <strong>en</strong>tre-temps. Le haut niveau actuel estlié à <strong>des</strong> causes semblables <strong>en</strong> partie seulem<strong>en</strong>t à celles qui opérai<strong>en</strong>t aucours du XVIII e siècle. <strong>La</strong> forte gémellité du début du XVIII e t<strong>en</strong>ait principalem<strong>en</strong>tà ce que les femmes avai<strong>en</strong>t leur premier <strong>en</strong>fant tardivem<strong>en</strong>t, car ellesse mariai<strong>en</strong>t tard ; elles continuai<strong>en</strong>t par ailleurs à avoir <strong>des</strong> <strong>en</strong>fantsjusqu’à <strong>des</strong> âges élevés, la limitation <strong>des</strong> naissances étant peu pratiquée.L’âge moy<strong>en</strong> à la maternité était donc élevé, avec une proportion notable dematernités aux âges où le taux de gémellité est maximum (<strong>en</strong>tre 35 et40 ans). Au début du XXI e siècle, les maternités sont redev<strong>en</strong>ues tardives,


LA FRÉQUENCE DES ACCOUCHEMENTS GÉMELLAIRES EN FRANCE 903ce qui explique <strong>en</strong> partie la hausse réc<strong>en</strong>te du taux de gémellité. Maisd’autres facteurs qui n’existai<strong>en</strong>t pas il y a trois siècles intervi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t, certainspoussant le taux de gémellité à la baisse, d’autres à la hausse.<strong>La</strong> limitation volontaire <strong>des</strong> naissances fait partie <strong>des</strong> premiers.Notre analyse <strong>des</strong> données <strong>des</strong> <strong>en</strong>quêtes Famille m<strong>en</strong>ées <strong>en</strong> <strong>France</strong> dans ledernier quart du XX e siècle montre que dorénavant les comportem<strong>en</strong>ts sontplus influ<strong>en</strong>cés par la taille de la famille (le nombre d’<strong>en</strong>fants déjà nés etsurvivants) que par le nombre d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> ayant déjà eu lieu : lesfemmes qui accouch<strong>en</strong>t de jumeaux s’<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t moins souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> moy<strong>en</strong>nedans d’autres grossesses que celles qui accouch<strong>en</strong>t d’un seul <strong>en</strong>fant. Lesfemmes prédisposées à avoir <strong>des</strong> jumeaux ont donc t<strong>en</strong>dance à être demoins <strong>en</strong> moins représ<strong>en</strong>tées dans la population féconde, au fur et àmesure que le rang d’accouchem<strong>en</strong>t augm<strong>en</strong>te, et le phénomène estd’autant plus marqué que les naissances sont contrôlées et les métho<strong>des</strong> delimitation efficaces. C’est la première raison de la baisse du taux degémellité observée à tous les âges au-<strong>des</strong>sus de 25 ans jusque dans lesannées 1970. Et si le taux de gémellité a augm<strong>en</strong>té temporairem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dantla période du baby-boom, c’est <strong>en</strong> raison du même mécanisme, maisjouant dans l’autre s<strong>en</strong>s : la limitation <strong>des</strong> naissances s’est relâchée, ycompris chez les femmes prédisposées à avoir <strong>des</strong> jumeaux et <strong>en</strong> ayantdéjà eu, et leur proportion dans la population féconde a augm<strong>en</strong>té par rapportà la période précéd<strong>en</strong>te, conduisant à une hausse du taux de gémellité.Nous avons montré qu’à toutes les période les couples ou les femmestrès fertiles ont <strong>des</strong> jumeaux plus fréquemm<strong>en</strong>t que les autres. Il <strong>en</strong> résulteune sélection par la fertilité qui pousse le taux de gémellité à la hausse. Cephénomène de sélection devi<strong>en</strong>t appar<strong>en</strong>t dans certaines circonstances,comme p<strong>en</strong>dant la première guerre mondiale où beaucoup de couplesn’étai<strong>en</strong>t réunis que p<strong>en</strong>dant de très courtes pério<strong>des</strong> de permission et queseuls les plus fertiles pouvai<strong>en</strong>t concevoir. Le taux de gémellité a alorsaugm<strong>en</strong>té. Avec la fin de la guerre et le retour <strong>des</strong> soldats, la sélection ajoué à nouveau, <strong>en</strong>traînant dans les premiers mois qui ont suivi la démobilisationune hausse temporaire du taux de gémellité. Ce mécanisme <strong>des</strong>élection est à l’œuvre <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce, sans produire de fluctuationsvisibles de la gémellité car <strong>en</strong> temps normal, le nombre de remises <strong>en</strong>couple ou de mariages est peu sujet à de soudaines variations.<strong>La</strong> diffusion réc<strong>en</strong>te <strong>des</strong> traitem<strong>en</strong>ts contre la stérilité fait aussi partie<strong>des</strong> facteurs qui pouss<strong>en</strong>t le taux de gémellité à la hausse. Elle expliqueles deux tiers de la hausse surv<strong>en</strong>ue au cours <strong>des</strong> tr<strong>en</strong>te dernières années,l’autre tiers étant lié au retard <strong>des</strong> maternités. <strong>La</strong> médecine vi<strong>en</strong>t désormaisinterférer avec la biologie et les comportem<strong>en</strong>ts familiaux, seuls facteursdéterminant les évolutions du taux de gémellité jusqu’à une périoderéc<strong>en</strong>te. Les innovations et les pratiques <strong>en</strong> matière de procréation médicalem<strong>en</strong>tassistée conditionneront <strong>en</strong> grande partie son évolution dans lesannées futures.


TABLEAU ANNEXE 1. – TAUX DE GÉMELLITÉ DES PREMIÈRES NAISSANCES SELON LE DÉLAI ENTRE LE MARIAGE ET L’ACCOUCHEMENT.FRANCE, XX e SIÈCLEPériodeAccouchem<strong>en</strong>tssurv<strong>en</strong>us avant1970Accouchem<strong>en</strong>tssurv<strong>en</strong>us <strong>en</strong> 1970ou aprèsDélai <strong>en</strong>tre le1 er mariage etle 1 er accouchem<strong>en</strong>tEnsemble <strong>des</strong> femmesFemmes ayant <strong>en</strong>tre 20 et 29 ans lors del’accouchem<strong>en</strong>tFemmes ayant <strong>en</strong>tre 30 et 39 ans lors del’accouchem<strong>en</strong>tNombre d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>Nombre d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>Nombre d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>Taux deTaux degémellitégémellitéSimples Gémellaires Ensemble (p. 1000) Simples Gémellaires Ensemble (p. 1000) Simples Gémellaires EnsembleTaux degémellité(p. 1000)0-5 mois 44328 377 44706 8,4 28656 259 28916 9,0 985 20 1005 19,96-7 mois 32594 192 32787 5,9 23997 154 24151 6,4 881 8 889 9,08-9 mois 34147 345 34493 10,0 28446 290 28737 10,1 1474 36 1510 23,810-11 mois 49974 338 50318 6,7 42629 290 42925 6,8 2532 25 2557 9,812-17 mois 72845 494 73340 6,7 62647 427 63075 6,8 3949 43 3992 10,818-23 mois 37122 251 37374 6,7 32593 218 32811 6,6 2538 19 2557 7,424-35 mois 38266 280 38546 7,3 34130 248 34378 7,2 3021 29 3050 9,536 mois ou plus 57071 431 57508 7,5 41531 293 41827 7,0 14621 133 14756 9,00-5 mois 26045 217 26264 8,3 16743 149 16892 8,8 1211 22 1234 17,86-7 mois 17605 93 17698 5,3 12983 66 13049 5,1 842 10 852 11,78-9 mois 11175 100 11279 8,9 9011 78 9092 8,6 860 16 877 18,210-11 mois 14935 115 15051 7,6 12183 79 12262 6,4 1292 23 1316 17,512-17 mois 31132 271 31406 8,6 26046 218 26266 8,3 2842 33 2875 11,518-23 mois 22554 180 22737 7,9 19589 156 19747 7,9 2157 17 2175 7,824-35 mois 29869 239 30112 7,9 26525 182 26710 6,8 2777 52 2830 18,436 mois ou plus 46146 581 46758 12,4 33698 341 34053 10,0 11797 237 12051 19,70-5 mois 70373 594 70970 8,4 45399 408 45808 8,9 2196 42 2239 18,86-7 mois 50199 285 50485 5,6 36980 220 37200 5,9 1723 18 1741 10,38-9 mois 45322 445 45772 9,7 37457 368 37829 9,7 2334 52 2387 21,8Ensemble10-11 mois 64909 453 65369 6,9 54812 369 55187 6,7 3824 48 3873 12,412-17 mois 103977 765 104746 7,3 88693 645 89341 7,2 6791 76 6867 11,118-23 mois 59676 431 60111 7,2 52182 374 52558 7,1 4695 36 4732 7,624-35 mois 68135 519 68658 7,6 60655 430 61088 7,0 5798 81 5880 13,836 mois ou plus 103217 1012 104266 9,7 75229 634 75880 8,4 26418 370 26807 13,8Champ : femmes nées <strong>en</strong> 1920 ou après, mariées au moins une fois et ayant eu au moins un <strong>en</strong>fant. Seuls le premier mariage et le premier accouchem<strong>en</strong>t de la femmesont pris <strong>en</strong> compte ici. Les femmes ayant accouché de leur premier <strong>en</strong>fant avant leur premier mariage ne sont pas incluses.Sources : Insee, <strong>en</strong>quêtes Famille <strong>en</strong> <strong>France</strong> (1975, 1982, 1990, 1999).904 G. PISON, N. COUVERT


LA FRÉQUENCE DES ACCOUCHEMENTS GÉMELLAIRES EN FRANCE 905TABLEAU ANNEXE 2. – TAUX DE GÉMELLITÉ DES PREMIERS ACCOUCHEMENTSSELON LE DÉLAI ENTRE LE MARIAGE ET L’ACCOUCHEMENT.FRANCE, XVIII e SIÈCLEDélai <strong>en</strong>tre le1 er mariage et le1 er accouchem<strong>en</strong>tNombre de naissancesEnfant unique Jumeaux EnsembleTaux degémellité(p. 1000) (a)0-6 mois 1476 32 1508 10,77 mois 308 12 320 19,18-9 mois 3074 60 3134 9,710-11 mois 4700 57 4757 6,012-17 mois 5891 72 5963 6,118-23 mois 2420 26 2446 5,324-35 mois 2117 27 2144 6,336 mois ou plus 2640 29 2669 5,5(a) Proportion d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> <strong>gémellaires</strong>. Pour passer du nombre d’<strong>en</strong>fants au nombre d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>,il faut t<strong>en</strong>ir compte de ce que, <strong>en</strong> cas d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> <strong>gémellaires</strong>, il y a un seul accouchem<strong>en</strong>t mais deux<strong>en</strong>fants.Champ : mariages conclus <strong>en</strong>tre 1670 et 1830. Seuls le premier mariage et le premier accouchem<strong>en</strong>t de lafemme sont pris <strong>en</strong> compte ici. Les femmes ayant accouché de leur premier <strong>en</strong>fant avant leur premiermariage ne sont pas incluses.Source : « <strong>en</strong>quête H<strong>en</strong>ry » sur la <strong>France</strong> anci<strong>en</strong>ne (Leridon, communication personnelle).Remerciem<strong>en</strong>ts. Nous remercions Fabi<strong>en</strong>ne Daguet pour avoir mis à notre disposition<strong>des</strong> données non publiées sur les naissances multiples <strong>en</strong> <strong>France</strong> depuis 1900et relu cet article, Cécile Lefèvre et <strong>La</strong>ur<strong>en</strong>t Toulemon pour leurs conseils dansl’analyse <strong>des</strong> données de l’<strong>en</strong>quête sur l’histoire familiale de 1999, Maïté Ely etArnaud Bringé pour leur aide <strong>en</strong> matière docum<strong>en</strong>taire et statistique, ainsi queBéatrice Blondel, Élise de <strong>La</strong> Rochebrochard et H<strong>en</strong>ri Leridon et les relecteurs anonymesde la revue Population, pour leurs remarques et suggestions sur le manuscrit.RÉFÉRENCESBEAUMEL Catherine, Aline DÉSESQUELLES, Lucile RICHET-MASTAIN, Mauricette VATAN, 2004, <strong>La</strong>situation démographique <strong>en</strong> 2002, Paris, Insee (coll. Insee Résultats, Société, n° 34, 44 p.+ cédérom).BLONDEL Béatrice, Monique KAMINSKI, 2002, « L’augm<strong>en</strong>tation <strong>des</strong> naissances multiples et sesconséqu<strong>en</strong>ces <strong>en</strong> santé périnatale », Journal de gynécologie-obstétrique et de biologie dela reproduction, 31, p. 725-740.BOMSEL-HELMREICH Ondine, Widad Al MUFTI, 1991, « Zygosité et déterminisme <strong>des</strong> grossesses<strong>gémellaires</strong> et multiples », in É. Papiernik, J.-C. Pons (dir.), Les grossesses multiples,Doin, p. 9-26.BULMER M.G., 1970, The Biology of Twinning in Man, Oxford, Clar<strong>en</strong>don Press, 205 p.CASSAN Francine, François HÉRAN, <strong>La</strong>ur<strong>en</strong>t TOULEMON, 2000, « Étude de l’histoire familiale :l’édition 1999 de l’<strong>en</strong>quête Famille », Courrier <strong>des</strong> Statistiques, n° 93.COUVERT Nadège, 2002, Étude de l’espacem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> naissances après un accouchem<strong>en</strong>t dejumeaux, mémoire de DEA de démographie (Muséum national d’histoire naturelle et universitéParis I), 81 p.CRONIER Emmanuelle, 2004, « Permissions et permissionnaires », in J.-J. Becker, S. Audoin-Rouzeau (dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre 1914-1918, Bayard, p. 591-599.


906 G. PISON, N. COUVERTDAGUET Fabi<strong>en</strong>ne, 2002, Un siècle de fécondité française, Paris, Insee (coll. Insee Résultats,Société, n° 8), 306 p.DARNAUD Françoise, 1975, « Données réc<strong>en</strong>tes sur les <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> multiples », Population,30(3), p. 551-568.FIVNAT, 1995, « Grossesses multiples », Contraception, Fertilité, Sexualité, 23(7-8), p. 494-497.FIVNAT, 1998, « Bilan général Fivnat 1997 », Contraception, Fertilité, Sexualité, 26(7-8), p. 463-465 (voir aussi les bilans annuels de l’association Fivnat sur son site internet : http://perso.wanadoo.fr/fivnat.fr/).GUTIERREZ Hector, Jacques HOUDAILLE, 1983, « Les <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> multiples dans la <strong>France</strong>anci<strong>en</strong>ne », Population, 38(3), p. 479-490.HENRY Louis, 1975, « Comm<strong>en</strong>taire » (in F. Darnaud, « Données réc<strong>en</strong>tes sur les <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong>multiples », Population, 30(3)), p. 567.HEUSER R.L., 1967, « Multiple births: United States 1964 », Health Statistics, series 21, n° 14,National C<strong>en</strong>ter for Health Statistics, Washington DC, US Departm<strong>en</strong>t of Health, Educationand Welfare.STATISTIQUE GÉNÉRALE de la FRANCE et INSEE, <strong>La</strong> situation démographique, Mouvem<strong>en</strong>t de la population,diverses années.LA ROCHEBROCHARD Élise de, 2003, « Des hommes médicalem<strong>en</strong>t assistés pour procréer : IAD,FIV, ICSI, bilan d’une révolution dans la prise <strong>en</strong> charge médicale de l’infertilitémasculine », Population, 58(4-5), p. 549-586.MUNOZ-PÉREZ Francisco, <strong>France</strong> PRIOUX, 1999, « Naître hors mariage », Population et sociétés,n° 342.PAPIERNIK Émile, 1991, « Prév<strong>en</strong>tion de la prématurité dans les grossesses <strong>gémellaires</strong> », inÉ. Papiernik et al., Les grossesses multiples, Doin, p. 133-147.PISON Gilles, 1989, « Les jumeaux <strong>en</strong> Afrique au sud du Sahara : <strong>fréqu<strong>en</strong>ce</strong>, statut social etmortalité », in G. Pison, E. van de Walle, D. Sala-Diakanda (dir.), Mortalité et société <strong>en</strong>Afrique au sud du Sahara, <strong>Ined</strong> (coll. Travaux et docum<strong>en</strong>ts, Cahier n° 124), p. 245-269.PISON Gilles, 2000, « Près de la moitié <strong>des</strong> jumeaux naiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Afrique », Population et sociétés,n° 360.SÉGUY Isabelle, 2001, <strong>La</strong> population de la <strong>France</strong> de 1670 à 1829 : l’<strong>en</strong>quête Louis H<strong>en</strong>ry et sesdonnées, Paris, <strong>Ined</strong> (coll. Classiques de l’économie et de la population. Étu<strong>des</strong> & <strong>en</strong>quêteshistoriques), 208 p. + 1 cédérom.TOULEMON <strong>La</strong>ur<strong>en</strong>t, 1995, « Les solutions apportées aux problèmes de stérilité et leur impact surle risque de rester sans <strong>en</strong>fant », Population, 50(4-5), p. 1212-1218.


LA FRÉQUENCE DES ACCOUCHEMENTS GÉMELLAIRES EN FRANCE 907PISON Gilles, COUVERT Nadège.– <strong>La</strong> <strong>fréqu<strong>en</strong>ce</strong> <strong>des</strong> <strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> <strong>gémellaires</strong> <strong>en</strong> <strong>France</strong>.<strong>La</strong> triple influ<strong>en</strong>ce de la biologie, de la médecine et <strong>des</strong> comportem<strong>en</strong>ts familiaux<strong>La</strong> proportion d’<strong>accouchem<strong>en</strong>ts</strong> <strong>gémellaires</strong>, qui était de 15 p. 1000 <strong>en</strong> <strong>France</strong> au débutdu XVIII e siècle, a retrouvé ce niveau <strong>en</strong> 2000 après être restée nettem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> <strong>des</strong>sous <strong>en</strong>tretemps.Elle a notamm<strong>en</strong>t augm<strong>en</strong>té de 70 % depuis le début <strong>des</strong> années 1970, sous les effetscombinés <strong>des</strong> traitem<strong>en</strong>ts contre la stérilité, qui expliqu<strong>en</strong>t les deux tiers de la hausse, et duretard <strong>des</strong> maternités, qui <strong>en</strong> explique un tiers. Après avoir retracé l’évolution du taux de gémellité<strong>en</strong> <strong>France</strong>, l’article passe <strong>en</strong> revue ses différ<strong>en</strong>ts facteurs avec un intérêt particulierpour deux d’<strong>en</strong>tre eux : la limitation volontaire <strong>des</strong> naissances et la sélection par la fertilité.Les femmes qui accouch<strong>en</strong>t de jumeaux s’<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t moins souv<strong>en</strong>t dans d’autres grossessesque celles qui accouch<strong>en</strong>t d’un seul <strong>en</strong>fant. Les conséqu<strong>en</strong>ces de la surv<strong>en</strong>ue d’une grossessegémellaire sur la probabilité d’agrandissem<strong>en</strong>t de la famille sont mesurées <strong>en</strong> analysant prèsd’un million de biographies féminines françaises recueillies par les <strong>en</strong>quêtes Famille. <strong>La</strong><strong>France</strong> a <strong>en</strong>fin connu un pic de gémellité p<strong>en</strong>dant la première guerre mondiale et juste après,<strong>en</strong> 1919; il vi<strong>en</strong>t d’un effet de sélection <strong>des</strong> couples les plus fertiles, qui sont aussi les plusprédisposés à avoir <strong>des</strong> jumeaux.PISON Gilles, COUVERT Nadège.– The Frequ<strong>en</strong>cy of Twin Births in <strong>France</strong>. The Triple Influ<strong>en</strong>ceof Biology, Medicine and Family BehaviourThe proportion of twin births stood at 15 per 1,000 in <strong>France</strong> in the early eighte<strong>en</strong>thc<strong>en</strong>tury and returned to this level in 2000 after falling substantially in the interv<strong>en</strong>ing period.It has ris<strong>en</strong> by 70% since the early 1970s under the dual influ<strong>en</strong>ce of infertility treatm<strong>en</strong>ts,which explain two-thirds of the rise, and increased age at childbearing, which accounts for theother third. After analysing the variations in twinning rate in <strong>France</strong> over time, the article examinesthe various contributing factors and focuses on two in particular: voluntary birth controland selection by fecundity. Wom<strong>en</strong> who have produced twins less frequ<strong>en</strong>tly undertake additionalpregnancies than wom<strong>en</strong> who have had a single birth. The consequ<strong>en</strong>ces of a twin pregnancyon the probability of additional childbearing are measured by analysing the historiesof almost one million Fr<strong>en</strong>ch wom<strong>en</strong> recorded in successive family surveys. <strong>La</strong>stly, the articleexamines the twinning peak recorded in <strong>France</strong> during the First World War and just afterwards,in 1919. This peak can be attributed to an effect of selection of the most fecund couples,who also have a higher prop<strong>en</strong>sity to produce twins.PISON Gilles, COUVERT Nadège.– <strong>La</strong> frecu<strong>en</strong>cia de nacimi<strong>en</strong>tos de gemelos <strong>en</strong> Francia. <strong>La</strong>triple influ<strong>en</strong>cia de la biología, la medicina y las pautas familiares<strong>La</strong> proporción de nacimi<strong>en</strong>tos de gemelos, que era del 15 por 1000 <strong>en</strong> Francia a principiosdel siglo XVIII, volvió a alcanzar este nivel <strong>en</strong> el 2000, <strong>des</strong>pués de haber estado muypor debajo <strong>en</strong>tre estos dos periodos. Desde principios de los set<strong>en</strong>ta, <strong>en</strong> concreto, tal proporciónha aum<strong>en</strong>tado <strong>en</strong> un 70% debido al efecto combinado del tratami<strong>en</strong>to contra la esterilidad,que explica dos tercios del aum<strong>en</strong>to, y del retraso de la maternidad, que explica el terciorestante. Este artículo traza la evolución de la tasa de nacimi<strong>en</strong>tos de gemelos <strong>en</strong> Francia yanaliza sus causas, con especial énfasis <strong>en</strong> dos de ellas: la limitación voluntaria del númerode nacimi<strong>en</strong>tos y la selección a través de la fertilidad. <strong>La</strong> frecu<strong>en</strong>cia de nuevos embarazos esm<strong>en</strong>or <strong>en</strong>tre las mujeres que dan a luz a gemelos que <strong>en</strong>tre aquellas que dan a luz a un solohijo. El artículo mide las consecu<strong>en</strong>cias de la llegada de gemelos sobre la probabilidad deaum<strong>en</strong>to de la talla familiar <strong>en</strong> base al análisis de un millón de biografías fem<strong>en</strong>inas francesasobt<strong>en</strong>idas a través de la <strong>en</strong>cuesta Familias. Los nacimi<strong>en</strong>tos de gemelos alcanzaron su máximo<strong>en</strong> Francia durante la primera guerra mundial y justo <strong>des</strong>pués de ésta, <strong>en</strong> 1919; tal aum<strong>en</strong>to esdebido al efecto de selección de las parejas más fértiles, que son también las más predispuestasa dar luz a gemelos.Gilles PISON, Institut national d’étu<strong>des</strong> démographiques, 133 boulevard Davout, 75980 Paris cedex20, <strong>France</strong>, tél : 33 (0)1 56 06 21 26, fax : 33 (0)1 56 06 21 99, courriel : pison@ined.fr

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!