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Alain Marcom : "Le terre-paille est une technique inégalable en ...

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<strong>Alain</strong> <strong>Marcom</strong> : "<strong>Le</strong> <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong> <strong>est</strong> <strong>une</strong> <strong>technique</strong> inégalable <strong>en</strong> int<strong>en</strong>sité sociale !"Avec son <strong>en</strong>treprise, la SCOP - Société coopérative et participative - Inv<strong>en</strong><strong>terre</strong> située dans larégion de Toulouse, <strong>Alain</strong> <strong>Marcom</strong> construit des maisons <strong>en</strong> <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong> depuis plus de vingtans déjà. Très <strong>en</strong>gagé, il a activem<strong>en</strong>t participé au développem<strong>en</strong>t de cette <strong>technique</strong> <strong>en</strong>France et <strong>est</strong> d'ailleurs l'auteur de Construire <strong>en</strong> <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong>, un ouvrage paru aux éditionsTerre Vivante. Nous l'avons r<strong>en</strong>contré…Par Dominique Parizel et Hamadou Kandé"Je ne suis pas un grand p<strong>en</strong>seur, plaisante d'emblée <strong>Alain</strong> <strong>Marcom</strong>, mais juste le représ<strong>en</strong>tantd'<strong>une</strong> coopérative qui témoigne d'un quart de siècle d'activité de cinq personnes dans le <strong>terre</strong><strong>paille</strong>.<strong>Le</strong> <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong>, c'<strong>est</strong> l'histoire de l'humanité : l'Homme a construit <strong>en</strong> <strong>terre</strong> avant mêmede faire de l'agriculture. <strong>Le</strong> mur le plus anci<strong>en</strong> qu'on connaisse se trouve dans le sud de laPal<strong>est</strong>ine, il <strong>est</strong> fait <strong>en</strong> pisé et <strong>est</strong> vieux de douze mille ans ! La <strong>terre</strong> a largem<strong>en</strong>t démontré sescapacités ; partout où l'Homme a construit, ses constructions ont d'abord été faites <strong>en</strong> <strong>terre</strong>.Sauf, évidemm<strong>en</strong>t, sur la banquise et dans la forêt équatoriale où l'humidité <strong>est</strong> beaucoup tropimportante. La construction <strong>en</strong> <strong>terre</strong> fonctionne surtout là où il fait très chaud l'été et où lesnuits sont froides l'hiver…"<strong>Le</strong> <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong> <strong>en</strong> Midi-Pyrénées"Avant 1789, le bâti de nos campagnes, <strong>en</strong> Midi-Pyrénees, était ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t fait detorchis, explique <strong>Alain</strong> <strong>Marcom</strong> : colombages <strong>en</strong> bois et remplissage <strong>en</strong> <strong>terre</strong>. Nos torchis sontmoins écartés que les vôtres, avec des colonnes tous les cinquante ou quatre-vingt c<strong>en</strong>timètreset des contrev<strong>en</strong>tem<strong>en</strong>ts dans les coins pour assurer la verticalité <strong>en</strong> cas de v<strong>en</strong>t. Tout celaétait <strong>en</strong>suite rempli avec des éclisses, des branches de châtaignier coupées <strong>en</strong> travers. Enfin,des coques, de gros boudins de <strong>terre</strong> et de foin de deux mètres de long étai<strong>en</strong>t pressés <strong>en</strong>treces éclisses ; on tassait le tout contre les colonnes, on <strong>en</strong> remettait, on tassait et ainsi de suite.On att<strong>en</strong>dait quelques jours pour presser à nouveau et tout était fini au bout de quelquessemaines… <strong>Le</strong>s charp<strong>en</strong>tiers comm<strong>en</strong>çai<strong>en</strong>t par couper les bois dans les bocages - il n'y avaitpas <strong>en</strong>core eu de remembrem<strong>en</strong>t à l'époque -, les installai<strong>en</strong>t et faisai<strong>en</strong>t aussi la couverture dela maison. On invitait alors les amis et les alliés et, plusieurs jours durant, on mangeait, ondiscutait… et on brassait de la <strong>terre</strong> ! La maison était rapidem<strong>en</strong>t terminée et chacun s'<strong>en</strong>retournait chez lui, à charge pour ceux à qui on avait construit un logis de r<strong>en</strong>dre la pareille unpeu plus tard. C'était bi<strong>en</strong> <strong>une</strong> économie du don, avec obligation de réciprocité, ainsi que ladéfinit Marcel Mauss : après c<strong>en</strong>t générations, nul ne sait plus qui a initié le mouvem<strong>en</strong>t maischacun sait spontaném<strong>en</strong>t qu'il doit donner un coup de main à l'autre…Pourtant, quarante ans plus tard, le Midi-Pyrénées a complètem<strong>en</strong>t changé de <strong>technique</strong>constructive ! Plus <strong>une</strong> seule maison n'<strong>est</strong> faite <strong>en</strong> torchis ; tout <strong>est</strong> désormais <strong>en</strong> adobe, c'<strong>est</strong>à-dire<strong>en</strong> briques de <strong>terre</strong> crue, sur le modèle importé par les Romains au début de notre ére.Deux générations ont suffi à révolutionner <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t les pratiques ! Il n'existe pourtant pas


d'associations professionnelles, pas de marchands qui font la promotion de matériaux, pasmême de journaux, et de toute façon personne ne sait lire. Il n'y a que le bouche à oreilles...Que s'<strong>est</strong>-il passé ? À mon avis, la raison <strong>est</strong> la suivante : le bois manque car il sert à tout, àfaire des charrettes et des outils, on l'utilise comme combustible pour faire à manger, et le peude fer ou de verre qu'on fabrique <strong>est</strong> fait sur un feu de bois… Or cette grosse consommationcoïncide avec <strong>une</strong> forte augm<strong>en</strong>tation de la population. Mais, première qu<strong>est</strong>ion : comm<strong>en</strong>t a-t-on su que des murs <strong>en</strong> briques de <strong>terre</strong> de six ou sept mètres de haut allai<strong>en</strong>t correspondreaux besoins, comm<strong>en</strong>t a-t-on su qu'ils allai<strong>en</strong>t t<strong>en</strong>ir puisqu'à l'époque aucun laboratoire nefaisait d'expéri<strong>en</strong>ces ? Deuxième qu<strong>est</strong>ion : comm<strong>en</strong>t a-t-on su que cet inv<strong>est</strong>issem<strong>en</strong>t seraitproductif alors même qu'on ne dép<strong>en</strong>sait qu'avec parcimonie ? Je n'ai pas la réponse à cesqu<strong>est</strong>ions. Mais elles sont pourtant d'autant plus importantes que nous sommes confrontés,aujourd'hui dans le bâtim<strong>en</strong>t, à <strong>une</strong> révolution culturelle du même type…Notre <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong> actuel <strong>est</strong> très comparable au torchis : structure <strong>en</strong> bois portante etremplissage de brins végétaux filiformes. Il y a cep<strong>en</strong>dant deux ou trois différ<strong>en</strong>cesfondam<strong>en</strong>tales : la première réside dans le fait que notre <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong> <strong>en</strong>robe complètem<strong>en</strong>t lastructure bois ; on ne la voit plus, ce qui permet d'éviter les courants d'airs qui apparaiss<strong>en</strong>tpar la suite. La deuxième différ<strong>en</strong>ce, la principale, c'<strong>est</strong> qu'il y a beaucoup plus de <strong>paille</strong> <strong>en</strong>volume que de <strong>terre</strong> : 90% de <strong>paille</strong>, pour un tiers ou un quart du poids ! Ce matériau <strong>est</strong> donctrès isolant et pèse cinq à six fois moins que le torchis : mille cinq c<strong>en</strong>ts kilos par mètre cubepour le torchis contre trois c<strong>en</strong>ts kilos pour le <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong>. Avec le système de trempage oùl'argile <strong>est</strong> séparé du sable et des graviers qui se trouv<strong>en</strong>t dans la <strong>terre</strong>, la matière obt<strong>en</strong>ue <strong>est</strong> àla fois très cohér<strong>en</strong>te, car elle <strong>est</strong> très collante <strong>en</strong>tre les brins de <strong>paille</strong>, et très fractionnée, vula finesse des grains d'argile. <strong>Le</strong>s calories mett<strong>en</strong>t donc plus de temps pour traverser ce <strong>terre</strong><strong>paille</strong>qu'un matériau d'étanchéité équival<strong>en</strong>te qui serait monomatière avec un grain plusgros…"Des argum<strong>en</strong>ts massue !<strong>Alain</strong> se réjouit du grand intérêt que les autorités port<strong>en</strong>t aujourd'hui à la <strong>technique</strong> du <strong>terre</strong><strong>paille</strong>."Un groupe d'ingénieurs du C<strong>en</strong>tre d'Etudes Techniques de l'Equipem<strong>en</strong>t (CETE),explique-t-il, s'apprête à instrum<strong>en</strong>ter, p<strong>en</strong>dant toute <strong>une</strong> année, <strong>une</strong> maison <strong>en</strong> <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong> qu<strong>en</strong>ous avons construite il y a cinq ans. Ils vont mesurer, de manière systématique, température,hygrométrie et g<strong>est</strong>ion de la vapeur, évolution du CO 2 , etc. Nous pourrons ainsi savoir ce quise passe exactem<strong>en</strong>t dans la maison, tant dans les parois que dans l'atmosphère intérieure..."Mais que peut signifier <strong>une</strong> telle campagne de mesures ? "D'<strong>une</strong> part que l'administration sepose <strong>en</strong>fin des qu<strong>est</strong>ions à propos du <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong>, se réjouit <strong>Alain</strong> <strong>Marcom</strong> - quand on passe del'indiffér<strong>en</strong>ce absolue à juste se poser des qu<strong>est</strong>ions, c'<strong>est</strong> tout de même qu'il se passe deschoses - et d'autre part que les argum<strong>en</strong>ts massue que peut faire valoir cette <strong>technique</strong>, <strong>en</strong> cequi concerne la qualité <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tale du bâtim<strong>en</strong>t, vont <strong>en</strong>fin être <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dus !"Mais quels sont ces argum<strong>en</strong>ts ?"Nous <strong>est</strong>imons tout d'abord, poursuit <strong>Alain</strong>, qu'<strong>en</strong> Midi-Pyrénées le <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong> <strong>est</strong>probablem<strong>en</strong>t la meilleure des <strong>technique</strong>s possibles puisqu'elle combine l'inertie due à la <strong>terre</strong>à l'isolation due à la <strong>paille</strong>. Ce mélange assez léger permet d'avoir du frais l'été et du chaudl'hiver ; il reconstitue un écosystème très confortable à l'intérieur de la maison.


Dans la catégorie des argum<strong>en</strong>ts plus <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>taux, nous insistons sur le fait que cematériau requiert très peu d'énergie puisqu'il fonctionne avec toutes les sortes de <strong>paille</strong>existantes : les conditionnem<strong>en</strong>ts, quels qu'ils soi<strong>en</strong>t, sont simplem<strong>en</strong>t démontés pour placer la<strong>paille</strong> dans un coffrage. Il <strong>est</strong> donc possible d'acheter de la <strong>paille</strong> à n'importe quel paysan desal<strong>en</strong>tours et on trouve, chez nous, un paysan à moins de deux kilomètres de n'importe quelchantier pot<strong>en</strong>tiel. Nous oeuvrons donc <strong>en</strong> pleine économie de proximité : seule <strong>une</strong> faibleconsommation <strong>est</strong> nécessaire pour disposer des matériaux puisqu'il faut, de toute façon,ramasser la <strong>paille</strong> sur le champ et pelleter à la pelle mécanique pour réaliser les fondations…Réaliser un mur <strong>en</strong> <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong> pr<strong>en</strong>d évidemm<strong>en</strong>t plus de temps que de monter un mur <strong>en</strong>parpaings avec de la laine de verre - deux à trois fois plus de temps, sans doute - maisl'économie globale d'énergie réalisée <strong>est</strong> très nettem<strong>en</strong>t supérieure. Cette quantité globale -exprimée <strong>en</strong> kiloWatts, par exemple - <strong>est</strong> très favorable <strong>en</strong> ce qui concerne la <strong>paille</strong> <strong>en</strong>duite de<strong>terre</strong> ou le <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong> ; parmi l'<strong>en</strong>semble des matériaux disponibles sur le marché, ce sontdonc certainem<strong>en</strong>t ceux qui nécessit<strong>en</strong>t le moins de travail total, si on additionne celui desmachines et celui de l'humain… De plus, le confort <strong>est</strong> très différ<strong>en</strong>t, particulièrem<strong>en</strong>t l'été..."L'int<strong>en</strong>sité sociale de la <strong>technique</strong>"Mais l'argum<strong>en</strong>t principal, insiste <strong>Alain</strong> <strong>Marcom</strong>, <strong>est</strong> pour nous celui de l'int<strong>en</strong>sité sociale. Sipeu d'énergie <strong>est</strong> dép<strong>en</strong>sée et très peu de CO 2 émis avec cette <strong>technique</strong>, elle favorise surtoutle travail humain. Et le travail qu'elle demande <strong>est</strong> très <strong>en</strong> relation avec notre échelle humaine; il n'<strong>en</strong>g<strong>en</strong>dre qu'<strong>une</strong> prédation très limitée sur notre <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t. Pour faire du <strong>terre</strong><strong>paille</strong>,un simple bilan du rapport hommes - machines démontre un faible usage de petitesmachines par rapport à un important besoin <strong>en</strong> main-d'œuvre, soit un ratio très supérieur à cequi <strong>est</strong> nécessaire, par exemple, pour monter des parpaings <strong>en</strong> béton. D'autres argum<strong>en</strong>tscontribu<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core à la valorisation du <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong> : un taux de marge brute très important et<strong>une</strong> autonomie accrue pour nos <strong>en</strong>treprises. <strong>Le</strong> raisonnem<strong>en</strong>t <strong>est</strong> très simple concernant letaux de marge brute : nous v<strong>en</strong>dons deux c<strong>en</strong>ts euros un mètre carré qui nécessite… dix eurosde matières premières ! <strong>Le</strong> travail fourni correspond donc à 95 % de la valeur de ce qui <strong>est</strong>produit ! Un tel taux n'<strong>est</strong> vraim<strong>en</strong>t pas courant dans le bâtim<strong>en</strong>t… Concernant l'autonomie,notre société doit aujourd'hui accorder <strong>une</strong> place accrue à des savoir-faire professionnels quiutilis<strong>en</strong>t des matériaux très rustiques que le maçon ou l'<strong>en</strong>treprise peuv<strong>en</strong>t transformer euxmêmessur le chantier. Intégrer de tels savoir-faire et de tels matériaux contribue donc audéveloppem<strong>en</strong>t de l'autonomie. Nous sommes, d'<strong>une</strong> certaine manière, comparables auxpaysans qui, au lieu d'acheter des <strong>en</strong>grais ou des alim<strong>en</strong>ts, cherch<strong>en</strong>t à s'insérer dans un cycl<strong>en</strong>aturel…J'ai longuem<strong>en</strong>t expliqué à l'administration française que, dans un pays qui compte sixmillions de chômeurs, remplacer les bâtim<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> parpaings par des bâtim<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong>créerait immanquablem<strong>en</strong>t de l'emploi... De plus, tout auto-constructeur qui a vu comm<strong>en</strong>tj'utilise la <strong>terre</strong> pour réaliser mon <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong> sera capable de se servir de cette même <strong>terre</strong>pour faire des <strong>en</strong>duits ; il aura aussi <strong>une</strong> meilleure capacité à gérer ses propres parcelles et sespropres productions végétales - il participera ainsi à l'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> de son <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t - etcontribuera ainsi à générer <strong>une</strong> atmosphère meilleure pour tous… J'<strong>en</strong>courage donc tous mescollègues, artisans et <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>eurs, à s'<strong>en</strong>gager dans cette voie car la demande <strong>est</strong> aujourd'huibi<strong>en</strong> supérieure à ce que l'offre professionnelle peut fournir. Et si les g<strong>en</strong>s se mett<strong>en</strong>t au <strong>terre</strong><strong>paille</strong><strong>en</strong> auto-construction, c'<strong>est</strong> parce trop peu d'<strong>en</strong>treprises répond<strong>en</strong>t à la demande."


Paysannerie et patrimoine"À Bourg-Saint-Bernard, continue <strong>Alain</strong> <strong>Marcom</strong>, nous v<strong>en</strong>ons de construire un bâtim<strong>en</strong>t <strong>en</strong><strong>terre</strong>-<strong>paille</strong> pour <strong>une</strong> famille de paysans, avec la <strong>terre</strong> de leur terrain et la <strong>paille</strong> de leur champ.<strong>Le</strong> fait que des paysans soi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> mesure d'auto-construire des bâtim<strong>en</strong>ts, pour eux et pourleurs familles, leur confère évidemm<strong>en</strong>t <strong>une</strong> capacité nouvelle d'autonomie et les préserved'un <strong>en</strong>dettem<strong>en</strong>t trop élevé. La capacité de faire ces choses au rythme des travaux agricolesleur permet aussi de se réinsérer dans <strong>une</strong> logique de cycles naturels, car le cycle desbâtim<strong>en</strong>ts <strong>est</strong> un cycle comme un autre. On peut donc très bi<strong>en</strong> imaginer un paysan qui feraitdes briques de <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong>, <strong>en</strong> hiver p<strong>en</strong>dant la saison creuse, qui les laisserait sécher p<strong>en</strong>danttout le printemps pour construire <strong>en</strong>fin, <strong>une</strong> fois l'été v<strong>en</strong>u. Il sauvegarderait ainsi des savoirfaireet s'impliquerait dans des réseaux sociaux locaux <strong>en</strong> r<strong>en</strong>dant service, le cas échéant, àdes voisins désireux de construire. Tout cela lui fournirait un peu de diversification à unmom<strong>en</strong>t de basse activité et lui permettrait de valoriser ce qui <strong>est</strong> <strong>en</strong>core trop souv<strong>en</strong>t vucomme un déchet agricole… Et si on retourne vers notre histoire, on remarque qu'il y a deuxc<strong>en</strong>ts ans, un maçon à temps plein, cela n'existait pratiquem<strong>en</strong>t pas. Par contre, tous étai<strong>en</strong>tdes paysans ! Et, dès qu'on utilise la <strong>terre</strong> dans le bâtim<strong>en</strong>t, on r<strong>en</strong>oue ce li<strong>en</strong> avec lapaysannerie. Quand j'utilise de la <strong>terre</strong> pour réaliser des adobes, du mortier ou des <strong>en</strong>duits,j'éprouve un plaisir qui va bi<strong>en</strong> au-delà du simple plaisir de construire. J'ai l'impression deretrouver mes aïeux, j'ai le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de r<strong>en</strong>ouer les fils de mon histoire, je tutoie et jequ<strong>est</strong>ionne mes arrière-arrière-grands-par<strong>en</strong>ts qui étai<strong>en</strong>t déjà des maçons. Pour cela, je vaisvoir <strong>une</strong> vieille maison, j'essaie de compr<strong>en</strong>dre comm<strong>en</strong>t ils ont bâti, je m'efforce de dénicherles trucs et astuces intéressants…Il y a donc matière à beaucoup appr<strong>en</strong>dre dans le patrimoine local. Et nous y sommes bi<strong>en</strong>obligés puisque, de toute façon, auc<strong>une</strong> école contemporaine ne va nous appr<strong>en</strong>dre la <strong>terre</strong>.Nous sommes contraints et forcés de démonter des vieux trucs qui font partie de l'héritage, deregarder comm<strong>en</strong>t ils fonctionn<strong>en</strong>t, d'observer, de critiquer, d'analyser, de discuter àplusieurs… <strong>Le</strong> patrimoine, c'<strong>est</strong> l'université des évid<strong>en</strong>ces ! Nous habitons dans l'<strong>est</strong>toulousain et nous disposons d'un énorme patrimoine <strong>en</strong> vieilles fermes. Il n'<strong>est</strong> nimonum<strong>en</strong>tal, ni même spécialem<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>ommé, mais <strong>est</strong> souv<strong>en</strong>t acquis par des urbains quivi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t s'installer à la campagne. Ce sont nos cli<strong>en</strong>ts ! Nous démontons sans arrêt desmorceaux de fermes, nous remontons des morceaux de charp<strong>en</strong>tes, nous agrandissons,rehaussons, etc."Une <strong>technique</strong> de plus <strong>en</strong> plus compétitive"<strong>Le</strong> <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong> convi<strong>en</strong>t parfaitem<strong>en</strong>t dans un cadre urbain égalem<strong>en</strong>t, ajoute <strong>Alain</strong> <strong>Marcom</strong>,mais moins on aura de surfaces exposées aux pluies battantes et moins on pr<strong>en</strong>dra de risques.À Toulouse, par exemple, tous les murs pignons des maisons de la deuxième moitié du XIXesiècle sont faits <strong>en</strong> briques crues, alors que les murs de façades sont <strong>en</strong> briques cuites. <strong>Le</strong>simmeubles écroulés laiss<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> voir ces deux grands murs pignons <strong>en</strong> briques crues. Et la<strong>terre</strong> ne v<strong>en</strong>ait pas <strong>en</strong> camions d'Allemagne ; elle était simplem<strong>en</strong>t prélevée à même lechantier, ou presque.Aujourd'hui, <strong>en</strong> France, la réglem<strong>en</strong>tation thermique a <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dré de tels changem<strong>en</strong>tsprofessionnels qu'il r<strong>est</strong>e à peine 5% de différ<strong>en</strong>ce de coûts <strong>en</strong>tre du conv<strong>en</strong>tionnel et del'écologique. Mais plus on évolue vers le standard passif, avec beaucoup de machineries dansla maison, et si on inclut le coût énergétique, le coût d'<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> et le coût de remplacem<strong>en</strong>t detout cet équipem<strong>en</strong>t, l'écoconstruction sera progressivem<strong>en</strong>t moins chère. C'<strong>est</strong> ma conviction


profonde ! On rejoint là la qu<strong>est</strong>ion de l'int<strong>en</strong>sité sociale car nos contemporains sont de grosconsommateurs de machines. <strong>Le</strong>s paysans français doiv<strong>en</strong>t eux aussi s'interroger sur ce sujetqui grève l'int<strong>en</strong>sité sociale de leurs productions : leurs tracteurs représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t la force dequatre à cinq c<strong>en</strong>ts ouvriers ! Dans le Lauragais, ma région, <strong>une</strong> métairie, avant lamécanisation, faisait <strong>en</strong>tre dix et quinze hectares ; elle nourrissait <strong>une</strong> famille. Trois ou quatrehectares fournissai<strong>en</strong>t donc un emploi. Mon voisin, aujourd'hui, <strong>en</strong> a mille et je ne sais mêmepas s'il fait vivre toute sa famille… La déperdition d'int<strong>en</strong>sité sociale dans le monde agricole<strong>est</strong> colossale. D'où <strong>une</strong> énergie incorporée gigantesque. Et il y a autant de pétrole dans un kilode pain que dans un kilo de béton…SCOP Inv<strong>en</strong><strong>terre</strong>La Frise - F-31 460 FrancarvilleLire :<strong>Alain</strong> <strong>Marcom</strong>, Construire <strong>en</strong> <strong>terre</strong>-<strong>paille</strong>, éditions Terre Vivante

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