une argile locale suggère que des Orientaux sont venus s’installer dans l’île au VIII ème siècle avant J.-C. Ilspourraient être à l’origine de l’essor, à Rhodes, des vases à parfum et des faïences.L’art et l’artisanat rhodiensL’orfèvrerie rhodienneL’orfèvrerie compte parmi les créations les plus spectaculaires de l’artisanat rhodien. À l’époque archaïque, onassiste à l’apparition de bijoux d’un nouveau genre, constitués, pour l’essentiel, de plaquettes produites dans unalliage d’or et d’argent et décorées d’une imagerie orientalisante : les maîtresses des animaux et les centauresdominent, mais on rencontre aussi des sphinx, des griffons et des femmes-abeilles, ces dernières inspirées deCrète. Ces créations éclectiques, sans équivalent dans le monde grec, doivent beaucoup à Chypre, notammentla forme quadrangulaire des plaquettes et la technique d’exécution à l’aide d’un poinçon en relief frappé aurevers. Les plus complexes de ces bijoux présentent des éléments en ronde bosse, et certaines surfaces sontembellies par le procédé de la granulation. La carte des diffusions et les restes d’une inscription sur la plaqueau centaure semblent indiquer que l’atelier qui créait et réparait ces bijoux se situait à Camiros.La faïence et le verreLa faïence n’est pas une technique grecque. Largement partagée entre l’Orient et l’Égypte depuis ses origines,elle n’est pas attestée dans le monde grec, en dehors de Rhodes, autrement que sous la forme d’importations.S’il est certain que des Grecs à Rhodes ont contribué à la production de faïences, comme le prouve l’adoptionde formes typiquement grecques – l’œnochoé et l’aryballe rond –, certains objets sont difficiles à classer, tantl’iconographie est égyptisante ou proche des modèles orientaux, phéniciens, voire chypriotes. Quant au travaillocal du verre, il remonte au moins au XIII ème siècle avant J.-C., comme l’indique la découverte de rebuts dansl’habitat mycénien de Trianta (Ialysos). Un agglomérat de perles de verre découvert dans le dépôt votif dusanctuaire d’Athéna confirme la présence d’un atelier actif à la fin du VII ème siècle avant J.-C. La productionchatoyante de verres moulés sur noyaux débute à la fin de l’archaïsme.La céramiqueL’activité des potiers rhodiens est attestée tout au long de la période, de l’époque mycénienne à l’époquearchaïque. Des analyses archéométriques ont mis en évidence une forte teneur en magnésium. Cette signaturerhodienne a permis de confirmer l’attribution des vases du style de Vroulia – vases présentant un décor floralcaractéristique, incisé sur fond noir – à la production locale archaïque. En revanche, elle exclut d’autres séries,qui avaient été un temps tenues pour rhodiennes, comme celle des plats de Doride de l’Est, dont le plus belexemplaire, le plat d’Euphorbe, est présenté dans la première salle.Les analyses conduites sur les vases géométriques du musée du Louvre permettent de distinguer des sousgroupes: l’un d’eux semble provenir d’un atelier de Camiros.Les terres cuitesL’artisanat rhodien de la terre cuite est mal connu. La présence, extraordinairement rare, d’un moule et d’unpositif, trouvés à peu d’années d’intervalle lors des premières campagnes de fouilles franco-britanniques auXIX e siècle, prouve l’existence d’un artisanat local de qualité. Des analyses d’argile ont aussi permisd’attribuer à Rhodes un type de figurine daté du V e siècle av. J.-C. Les productions du VI e siècle av. J.-C sont,elles, largement inconnues.Les vases à reliefsProduits de la fin du VIII e au VI e siècle av. J.-C, les vases à reliefs rhodiens se distinguent par un goût pourl’effet décoratif qui laisse peu de place aux motifs figurés et par l’utilisation d’un très faible relief. Ce dernierpouvait être modelé (c’est le cas des cordées incisées, qui structurent la composition en zones et en métopes)ou estampé à la roulette. Trois roulettes différentes ont servi à l’exécution du décor sur le col et sur la moitiésupérieure de la panse : spirales enchaînées en haut de l’épaule ; spirales en « v » présentées en frises verticalessur le col et en frises horizontales sur l’épaule et la panse ; losanges flanqués de cercles concentriques. Cescréations monumentales de l’artisanat rhodien, qui pouvaient dépasser deux mètres de haut, ont souvent étéretrouvées à Rhodes, réutilisées pour l’inhumation des enfants et des adolescents. L’amphore du Louvre, d’unetaille plus modeste, prouve qu’elles pouvaient être exportées dans le voisinage.12
Regard sur quelques œuvresPlat d’Euphorbe - Combat d’Hector et Ménélas surle corps d’EuphorbeArgile / d. 38,5 cmDécouverte : Camiros/production : Cos610-590 av. J.-C.Fouilles Salzmann et Biliotti, 1860Londres, British Museum© The Trustees of the British MuseumPendentif avec pendeloquesAlliage d’or et d’argent / h. 8 cmDécouverte : Camiros/production : Rhodes2 nde moitié du VII ème siècle av. J.-C.Acquisition Salzmann, 1863Paris, musée du Louvre, département des AGER© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / HervéLewandowskiPlat d’EuphorbeCe plat est un des plus remarquables parmi les plats doriens figuréssouvent rencontrés à Rhodes, en raison notamment de sareprésentation mythologique élaborée : après avoir tué Euphorbe,qui gît sur le sol, Ménélas (à gauche) est attaqué par Hector (àdroite). Des inscriptions peintes donnent les noms des personnages,en utilisant la forme dorienne et l’alphabet argivo-kélymnien. Lapolychromie, qui inclut le ton de chair, est exceptionnelle. Uneanalyse récente par activation neutronique rapproche l’objet desamphores estampées de Cos. La surface endommagée indique quece plat – muni de trous de suspension – fut utilisé pour couper de lanourriture, peut-être de la viande lors d’une fête (rituelle). Unelettre d’Auguste Salzmann, adressée à son ami l’académicien Félixde Saulcy, mentionne la découverte de ce plat prestigieux, conservéau British Museum : « (…) Ma dernière trouvaille en poteriearchaïque est un plateau sur lequel combattent trois guerriers. Deuxsont debout, ils se nomment l’un MENELAS, l’autre EKTOP. Auxpieds du premier est couché EUPHORBOS qui vient de mordre lapoussière, comme dit Homère. Qu’en pensez-vous, sommes-nousen plein siège de Troie ? » .Pendentif avec pendeloques, femme nue surmontée d’une têtede panthère et de deux têtes de femmesLe musée du Louvre possède, lui aussi, un contexte funéraireexceptionnel : deux bijoux complexes, dont un est présenté ici, ontété trouvés ensemble, dans une même tombe. Longtemps tenuspour des bijoux de tempe, fixés à l’aide de crochets à des sortes dediadèmes, ils pourraient aussi être des pendentifs, d’autant que desremaniements antiques, repérés en partie haute par DominiqueRobcis, chef de travaux d’art, chargé des métaux archéologiques auC2RMF (Centre de Recherche et de Restauration des Musées deFrance), ne permettent plus de connaître leur aspect initial. Cesinterventions, qui avaient lieu dans les ateliers des orfèvres locaux,montrent que ces bijoux ont été portés avant d’être déposés dans latombe. Bien qu’il entre dans la catégorie des chefs-d'œuvre del’orfèvrerie rhodienne, ce bijou se rattache à la série plus communedes plaquettes estampées. Deux petites, disposées horizontalement,sont ornées de têtes ; la plus grande, située au-dessous, représente,également de face, une figure nue. Sur ce premier ensemble,doublé d’une feuille épaisse au revers, ont été soudées une granderosette et une protomé de lion, d’inspiration nord-syrienne d’unefacture remarquable. Deux pendants latéraux, constitués d’unepetite rosette, de chaînettes, de perles biconiques, de fleurs dechardon et de grenades, sont fixés, de part et d’autre, par des filssoudés au revers des plaquettes. Parmi les finitions de surface, ilfaut mentionner différents procédés de granulation, donnant lieu àdes agencements linéaires, géométriques ou densifiés au pointd’occuper tout l’espace (Streugranulation), comme sur la chevelurede la figure nue.13