29.11.2012 Views

Doctrine - Le Centre de Doctrine d'Emploi des Forces

Doctrine - Le Centre de Doctrine d'Emploi des Forces

Doctrine - Le Centre de Doctrine d'Emploi des Forces

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

La lutte contre les engins explosifs<br />

improvisés (EEI) 1<br />

Une <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> la liberté<br />

d’action <strong>de</strong> la force<br />

Rares sont les jours où il n’est pas fait état, par les médias, d’attaques ou d’attentats réalisés à partir<br />

d’engins explosifs improvisés (EEI). Il est avéré que le recours à ce procédé se généralise. Ainsi, dans<br />

les conflits irakien et afghan, l’EEI est <strong>de</strong>venu “l’arme” préférentielle <strong>de</strong> l’insurgé pour atteindre les<br />

forces multinationales ou gouvernementales.<br />

En quelques années, l’EEI est passé du sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’engin artisanal, constitué <strong>de</strong> munitions récupérées dans<br />

<strong>de</strong>s dépôts, à celui <strong>de</strong> dispositifs radiocommandés multiples, sophistiqués et “intelligents”, capables <strong>de</strong><br />

discriminer les cibles. Désormais, les attaques au moyen <strong>de</strong> véhicules piégés statiques ou mobiles sont<br />

fréquentes et celles menées par <strong>de</strong>s kamikazes, à partir <strong>de</strong> véhicules-suici<strong>de</strong>s ou <strong>de</strong> ceintures d’explosifs,<br />

font partie <strong>de</strong>s plus difficiles à prévenir.<br />

Employée par un adversaire dont l’une <strong>de</strong>s facultés premières est l’adaptation rapi<strong>de</strong> à nos procédures<br />

tactiques et techniques voire même à nos contre-mesures <strong>de</strong> protection, la menace EEI représente plus<br />

que jamais un mo<strong>de</strong> d’action à part entière, en constante évolution, faisant appel à <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s opératoires<br />

<strong>de</strong> plus en plus élaborés.<br />

“Destinée à garantir et préserver la liberté <strong>de</strong> mouvement et <strong>de</strong> manœuvre, la lutte contre les engins<br />

explosifs improvisés regroupe l’ensemble <strong>de</strong>s actions directes et indirectes <strong>de</strong> nature offensive et défensive<br />

menées par les forces, visant à prévenir la menace EEI, à la traiter et à en réduire les effets” 2 .<br />

Ainsi, la lutte contre les EEI s’intègre parfaitement dans la problématique <strong>de</strong> la protection <strong>de</strong> la force, et à<br />

ce titre, elle concourt à la liberté d’action, condition essentielle pour atteindre l’enjeu politique <strong>de</strong> toute<br />

opération militaire notamment en phase <strong>de</strong> stabilisation.<br />

PAR LE LIEUTENANT-COLONEL JEAN-HENRI PINOT, CDEF/DEO<br />

Ne soyons pas candi<strong>de</strong>s, l’engin explosif improvisé, <strong>de</strong><br />

par sa conception même, est fait pour tuer. Il est tout<br />

à la fois une “arme” défensive et une “arme”<br />

offensive dont l’effet létal n’est qu’un moyen parmi d’autres<br />

d’atteindre l’objectif recherché.<br />

Soit le terroriste, l’insurgé, le guérillero, le rebelle, l’adversaire<br />

l’emploie pour envoyer <strong>de</strong>s signaux d’avertissement afin <strong>de</strong><br />

préserver ses sphères d’intérêts, soit il l’utilise comme arme à<br />

tuer pour nuire ou pour se débarrasser <strong>de</strong> tout ce qui<br />

l’empêche d’atteindre ses objectifs.<br />

Dans tous les cas, <strong>de</strong> l’acte terroriste <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> ampleur au<br />

colis piégé en passant par les attaques dites “catastrophiques”,<br />

la notion <strong>de</strong> “zéro mort” n’existe plus.<br />

<strong>Doctrine</strong><br />

Cette capacité à délivrer <strong>de</strong>s coups mortels (action flash -<br />

harcèlement - usure) doit être prise en compte dans le cadre<br />

<strong>de</strong> nos actions <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong> et <strong>de</strong> protection au profit <strong>de</strong> la<br />

force mais aussi <strong>de</strong>s populations (populations <strong>de</strong> la nation<br />

hôte, <strong>de</strong>s pays voisins et du territoire national).<br />

<strong>Le</strong>s réponses à cette menace visent soit “l’avant événement<br />

EEI” par <strong>de</strong>s actions offensives directes ou indirectes sur les<br />

réseaux d’approvisionnement et <strong>de</strong> mise en œuvre, soit<br />

“l’après événement EEI” par <strong>de</strong>s actions défensives<br />

caractérisées par le traitement et la réduction <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong>s<br />

EEI sur les biens et les personnes.<br />

L’ensemble <strong>de</strong>s réponses s’appuie sur le triptyque<br />

“doctrine, formation, technologie” alimenté en continu<br />

par l’exploitation <strong>de</strong>s retours d’expérience (RETEX).<br />

SEPTEMBRE 2008 35<br />

DOCTRINE N° 15


photo fournie par l’auteur<br />

Particulièrement vrais dans le cadre <strong>de</strong> la lutte contre les EEI,<br />

ces trois éléments sont indissociables. <strong>Le</strong>s différents RETEX<br />

soulignent le rôle déterminant <strong>de</strong> la formation et <strong>de</strong><br />

l’entraînement <strong>de</strong>s hommes et <strong>de</strong>s femmes engagés dans ce<br />

combat. Mais cet engagement ne peut se faire sans la<br />

doctrine comme gui<strong>de</strong> et la technologie comme outil. Il s’agit<br />

bien d’acquérir la compréhension <strong>de</strong>s opérations plus que<br />

la connaissance opératoire.<br />

Comprendre le “contre quoi”<br />

pour mieux s’en protéger<br />

L’OTAN définit un EEI comme un dispositif mis en place ou<br />

réalisé <strong>de</strong> manière improvisée et contenant <strong>de</strong>s produits<br />

“chimiques” <strong>de</strong>structeurs, mortels, nuisibles, pyrotechniques<br />

ou incendiaires. Il est utilisé pour détruire, neutraliser, harceler<br />

ou détourner l’attention. Il peut comprendre <strong>de</strong>s éléments<br />

militaires, mais il est généralement constitué <strong>de</strong> composants<br />

non militaires (AAP 6 3).<br />

Autrement dit, l’engin explosif improvisé est un dispositif<br />

fabriqué en fonction du ou <strong>de</strong>s effets recherchés et dont les<br />

motivations d’emploi sont principalement d’ordre politique,<br />

idéologique, religieuse, culturelle, i<strong>de</strong>ntitaires, maffieux<br />

voire <strong>de</strong> profit... L’action s’applique sur une cible humaine<br />

ou non, fixe ou mobile, protégée ou non, choisie ou aléatoire.<br />

<strong>Le</strong> mot “improvisé” précise que la fabrication <strong>de</strong> l’engin<br />

n’est pas réalisée <strong>de</strong> manière industrielle, ce qui n’enlève<br />

rien <strong>de</strong> sa sophistication et <strong>de</strong> son ingéniosité.<br />

<strong>Le</strong> type <strong>de</strong> fabrication <strong>de</strong> l’engin est conditionné par <strong>de</strong><br />

nombreux paramètres dépendant <strong>de</strong> l’effet recherché, <strong>de</strong><br />

la cible, <strong>de</strong> la zone <strong>de</strong> mise en œuvre et <strong>de</strong> la disponibilité<br />

<strong>de</strong>s composants ou <strong>de</strong>s intervenants. L’analyse <strong>de</strong>s<br />

événements EEI (fréquence, localisation, horaire, type...)<br />

et l’exploitation <strong>de</strong>s indices <strong>de</strong> pose <strong>de</strong>s engins (traçabilité<br />

<strong>de</strong>s composants et <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fabrication) permettent<br />

<strong>de</strong> comprendre “la mécanique” mortelle <strong>de</strong> ces actions.<br />

DOCTRINE N° 15 36<br />

SEPTEMBRE 2008<br />

Composition générique d’un EEI<br />

La doctrine française distingue l’EEI par nature, engin conçu<br />

uniquement pour cet emploi, <strong>de</strong> l’EEI par <strong>de</strong>stination, engin<br />

détourné <strong>de</strong> son emploi initial comme cela peut être le cas<br />

pour les mines, les obus, les fûts <strong>de</strong> carburant... ou encore<br />

<strong>de</strong>s attaques suici<strong>de</strong>s à partir d’un aéronef, d’un véhicule <strong>de</strong><br />

transport <strong>de</strong> carburant ou par détournement d’un navire <strong>de</strong><br />

charge.<br />

Dans la plupart <strong>de</strong>s cas, un EEI se compose <strong>de</strong>s quatre<br />

principaux éléments suivants :<br />

• Une charge constituée <strong>de</strong> matière énergétique ou nocive<br />

qui peut être explosive, incendiaire ou chimique. Afin <strong>de</strong><br />

générer un effet terminal précis (fragmentation, capacité<br />

<strong>de</strong> perforation...), la charge peut également comprendre un<br />

revêtement ou <strong>de</strong>s éléments particuliers (billes, verres,<br />

clous, assiette métallique...).<br />

• Un système d’activation <strong>de</strong>stiné à armer le système <strong>de</strong><br />

déclenchement. Il peut être à activation immédiate,<br />

télécommandée (optique, radio, GSM, etc.) ou à<br />

temporisation électronique ou physique, précise ou<br />

aléatoire.<br />

• Un système <strong>de</strong> déclenchement <strong>de</strong> la charge au moment où<br />

la cible entre dans la zone létale (Kill box). Ce système<br />

peut être déclenché par un opérateur à partir d’une<br />

radiocomman<strong>de</strong>, d’un dispositif manuel ou électrique,<br />

d’une action sur une cor<strong>de</strong> ou un fil voire même d’un tir à<br />

distance. Il peut aussi être activé par une action<br />

involontaire <strong>de</strong> la cible elle-même (mécanique, électrique<br />

ou optique) ou par un dispositif à temporisation<br />

électronique ou physique, précise ou aléatoire. Enfin, une<br />

vue directe <strong>de</strong> la cible n’est pas nécessaire, une caméra<br />

voire une Webcam suffit. En outre, la combinaison <strong>de</strong><br />

plusieurs systèmes <strong>de</strong> déclenchement permet <strong>de</strong><br />

s’affranchir <strong>de</strong>s éventuelles contre-mesures déployées.<br />

• Un élément <strong>de</strong> déception : le camouflage. De cet élément,<br />

qui a pour unique but <strong>de</strong> donner le change ou <strong>de</strong> duper la<br />

cible et les moyens <strong>de</strong> protection, <strong>de</strong> détection ou<br />

d’intervention, dépend la réussite <strong>de</strong> l’attaque. L’environnement<br />

immédiat <strong>de</strong> la cible et le contexte opérationnel<br />

dans lequel elle évolue détermine souvent le type <strong>de</strong><br />

camouflage usité. Il peut être préparé à l’avance (rocher<br />

factice) ou être aménagé sur place (enfouissement <strong>de</strong> l’EEI<br />

dans les détritus ou dans le sol...). L’“emballage” <strong>de</strong> l’EEI<br />

peut prendre <strong>de</strong>s formes et <strong>de</strong>s apparences diverses, <strong>de</strong><br />

l’enveloppe anodine au kamikaze ceinturé d’explosifs en<br />

passant par le camion citerne ou à béton chargé <strong>de</strong> produit<br />

incendiaire ou <strong>de</strong> matière explosive.<br />

Mais l’emploi <strong>de</strong> tels engins répond aussi à différents<br />

aspects tactiques ou mo<strong>de</strong>s opératoires<br />

Ainsi, bien que souvent posé sur le sol ou encore enfoui,<br />

l’EEI nécessite un vecteur représenté par un véhicule, une<br />

personne ou même un animal. <strong>Le</strong> choix du vecteur varie en<br />

fonction <strong>de</strong> sa rapidité, <strong>de</strong>s possibilités d’accès à la cible,


du volume <strong>de</strong> la charge mais aussi et surtout <strong>de</strong> ses<br />

capacités à passer les éléments <strong>de</strong> détection et <strong>de</strong><br />

protection.<br />

<strong>Le</strong>s engins peuvent être combinés ou reliés entre eux pour<br />

couvrir une zone d’action plus gran<strong>de</strong> ou en renforcer les<br />

effets. Certains peuvent également être disposés pour<br />

provoquer <strong>de</strong>s “sur-attentats”.<br />

L’EEI est utilisé au plan tactique dans le cadre d’embusca<strong>de</strong>s<br />

complexes (butoir, attaque <strong>de</strong>s éléments d’appui ou <strong>de</strong><br />

soutien, itinéraires d’approche ou d’esquive) ou encore en<br />

appui d’opérations <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> envergure par saturation <strong>de</strong>s<br />

dispositifs <strong>de</strong> protection et d’intervention.<br />

En outre, sur un même site, un EEI peut servir <strong>de</strong> leurre, <strong>de</strong><br />

déception <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> détection et <strong>de</strong> protection en<br />

masquant d’autres systèmes d’EEI plus puissants et plus<br />

mortels.<br />

L’EEI doit être considéré comme une “arme létale” à<br />

disposition d’un adversaire qui cherche à conserver sa<br />

liberté d’action ou à défendre ses intérêts en l’utilisant<br />

selon <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s d’action offensifs ou défensifs.<br />

Une menace en “bruit <strong>de</strong> fond” <strong>de</strong> tout engagement<br />

<strong>Le</strong>s conflits asymétriques et le développement du terrorisme<br />

ont accru notablement la menace liée aux engins explosifs<br />

improvisés. Celle-ci est déjà permanente et le côté quelque<br />

peu imprévisible <strong>de</strong> son activation ne la rend que plus<br />

redoutable. Pour autant, la menace n’est pas nouvelle, mais<br />

elle est <strong>de</strong> plus en plus sophistiquée et adaptée aux mo<strong>de</strong>s<br />

d’engagements <strong>de</strong> forces armées dites “puissantes”, même<br />

si <strong>de</strong>s techniques et <strong>de</strong>s technologies plus anciennes<br />

continuent à être employées.<br />

Outre les caractéristiques essentielles <strong>de</strong> la menace EEI<br />

définies dans le document <strong>de</strong> doctrine interarmées 4, il<br />

convient <strong>de</strong> ne pas oublier certaines caractéristiques<br />

inhérentes à cette menace lors <strong>de</strong> notre démarche <strong>de</strong><br />

protection <strong>de</strong> la force.<br />

<strong>Le</strong> choix du lieu et du moment...<br />

L’adversaire ou l’ennemi, qu’il soit terroriste, insurgé,<br />

guérillero, milicien ou faisant partie <strong>de</strong> ban<strong>de</strong>s armées<br />

connues ou spontanées, possè<strong>de</strong> “le choix du lieu et du<br />

moment”. Cet avantage considérable contre tout ce qui peut<br />

être entrepris dans le cadre d’une opération extérieure et<br />

plus particulièrement lors d’une phase <strong>de</strong> stabilisation,<br />

impose <strong>de</strong> gagner “le temps d’avance”. Cela se traduit par la<br />

faculté d’adapter, en permanence, nos comportements et<br />

nos procédures à la menace et par la maîtrise <strong>de</strong> réactions<br />

connues <strong>de</strong> tous.<br />

L’adversaire pratique également “l’adaptation réactive”. Il<br />

observe, analyse, exploite et s’adapte à nos procédures. Ainsi,<br />

le recours à l’EEI lui permet d’atteindre notamment les<br />

capacités <strong>de</strong> mobilité et <strong>de</strong> réaction <strong>de</strong> la force en provoquant<br />

l’accroissement <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> protection et <strong>de</strong> préservation<br />

<strong>de</strong>s moyens qu’elle se voit contrainte d’appliquer. Il<br />

transforme la communication <strong>de</strong> la force sur les progrès <strong>de</strong> la<br />

situation en communiqués justifiant les actions <strong>de</strong> riposte ou<br />

<strong>de</strong> coercition... Il sait que pour les nations contributrices ces<br />

contraintes se traduisent par <strong>de</strong>s charges budgétaires<br />

supplémentaires dues aux effectifs, à la durée <strong>de</strong><br />

l’engagement ainsi qu’aux impératifs <strong>de</strong> protection en<br />

termes d’équipements5. <strong>Doctrine</strong><br />

Mais le plus important n’est-il pas<br />

l’impact psychologique sur l’opinion publique ?<br />

Dans un milieu connu...<br />

Force est <strong>de</strong> constater que la menace EEI tire profit <strong>de</strong> la<br />

plupart <strong>de</strong>s critères définis par la géographie physique et<br />

humaine, autrement dit le milieu. L’adversaire est “chez lui”,<br />

il connaît les critères favorables et les vulnérabilités <strong>de</strong> son<br />

environnement, il s’en sert comme enjeu ou comme vecteur<br />

<strong>de</strong> la propagan<strong>de</strong> <strong>de</strong> ses actions, <strong>de</strong> ses buts et <strong>de</strong> ses<br />

objectifs tantôt avec l’appui et au sein <strong>de</strong> la population,<br />

tantôt directement contre elle.<br />

L’adversaire est à même d’exploiter les caractéristiques du<br />

terrain, les zones urbaines et les contraintes climatiques pour<br />

conduire <strong>de</strong> véritables opérations <strong>de</strong> guerre (opérations<br />

<strong>de</strong> contre-mobilité, d’usure et <strong>de</strong> harcèlement, embusca<strong>de</strong>s...)<br />

contre les forces dites “d’occupation” et les forces gouvernementales.<br />

Une ressource matérielle inépuisable...<br />

<strong>Le</strong>s ressources en matières et moyens explosifs sont<br />

abondantes et variées, les attaques par EEI lors <strong>de</strong>s conflits<br />

irakiens et afghans le prouvent quotidiennement. Comment<br />

peut-on encore disposer d’autant d’explosifs <strong>de</strong>puis le début<br />

<strong>de</strong> ces conflits ? Certaines attaques (embusca<strong>de</strong>s en série,<br />

<strong>de</strong>struction <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> ampleur) mettent en œuvre <strong>de</strong>s<br />

quantités d’explosifs très importantes, dans <strong>de</strong>s endroits<br />

peu fréquentés, d’accès difficiles rendant compliquées et<br />

vulnérables les conditions d’exécution <strong>de</strong> ces attaques. <strong>Le</strong><br />

tarissement <strong>de</strong>s munitions sur le théâtre d’engagement ou le<br />

contrôle <strong>de</strong>s approvisionnements <strong>de</strong>puis l’étranger n’est<br />

guère envisageable à brève échéance.<br />

En outre, le risque <strong>de</strong> voir se développer une menace<br />

spécifique à partir d’engins improvisés RBC 6, mis en place<br />

ou réalisés <strong>de</strong> manière artisanale avec une charge principale<br />

ou additionnelle comportant un agent radiologique,<br />

biologique ou chimique, est du domaine du possible. <strong>Le</strong><br />

recours à ce type <strong>de</strong> procédé peut permettre à l’adversaire <strong>de</strong><br />

franchir soit un seuil quantitatif en nombre <strong>de</strong> victimes, soit<br />

un seuil en termes d’impacts médiatique, psychologique,<br />

voire politique.<br />

Un accès aux informations en libre partage ou échange...<br />

<strong>Le</strong>s retours d’expérience et l’analyse <strong>de</strong>s attaques révèlent que<br />

les procédés <strong>de</strong> fabrication et les procédures <strong>de</strong> pose migrent<br />

d’un conflit à l’autre à la vitesse <strong>de</strong> la communication Internet<br />

mais aussi par l’infiltration <strong>de</strong> groupuscules chargés <strong>de</strong><br />

transférer les savoir-faire.<br />

SEPTEMBRE 2008 37<br />

DOCTRINE N° 15


La menace n’est donc pas seulement limitée à l’emploi <strong>de</strong><br />

tels EEI, mais elle est démultipliée par la capacité <strong>de</strong><br />

l’adversaire à partager l’information et à échanger le<br />

renseignement par le biais <strong>de</strong> réseaux.<br />

Des effets immédiats...<br />

L’EEI, qu’il soit un EFP (Explosively Formed Penetration) <strong>de</strong><br />

quelques centaines <strong>de</strong> grammes ou une RSB (Road Si<strong>de</strong><br />

Bomb) <strong>de</strong> quelques centaines <strong>de</strong> kilogrammes, délivre une<br />

capacité <strong>de</strong> tuer sans grands risques et à moindre coût,<br />

associée à un impact psychologique élevé et instantané.<br />

Mais l’EEI n’est pas invulnérable<br />

En effet, les résultats <strong>de</strong> la lutte contre les EEI sont à la fois<br />

probants en termes d’anticipation <strong>de</strong>s attaques, <strong>de</strong> détection<br />

et d’intervention sur engins avant fonctionnement, <strong>de</strong><br />

traitements <strong>de</strong>s événements et <strong>de</strong> protection <strong>de</strong> la force. <strong>Le</strong><br />

renseignement (acquisition, exploitation, partage <strong>de</strong><br />

l’information et échange du renseignement) y tient un rôle<br />

primordial. Il est ciblé principalement sur la connaissance <strong>de</strong><br />

l’ensemble <strong>de</strong>s réseaux qui agissent avant le déclenchement<br />

<strong>de</strong> l’événement EEI et la compréhension <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s d’action<br />

<strong>de</strong> l’adversaire.<br />

Toutefois, les progrès <strong>de</strong>s technologies s’opposent <strong>de</strong> plus<br />

en plus aux contraintes et impératifs du combat engagé par<br />

la force. Cela se traduit notamment par <strong>de</strong>s précautions<br />

supplémentaires et complexes, l’évaluation <strong>de</strong>s dommages<br />

collatéraux, <strong>de</strong>s risques accrus pour la force et la population,<br />

<strong>de</strong>s contraintes techniques pour les combattants, un temps<br />

d’appropriation <strong>de</strong>s procédures nouvelles, une adaptation<br />

réactive <strong>de</strong> la conception et <strong>de</strong> la conduite <strong>de</strong>s opérations...<br />

toutes mesures que l’adversaire n’a pas besoin <strong>de</strong><br />

développer, et qui <strong>de</strong> facto peuvent contribuer à l’efficacité<br />

<strong>de</strong> ses buts <strong>de</strong> guerre.<br />

La lutte contre les EEI (C-IED) :<br />

un bouclier multifacettes<br />

Plus que <strong>de</strong> connaître, il s’agit <strong>de</strong> comprendre. <strong>Le</strong> principe <strong>de</strong><br />

la lutte contre les EEI est d’agir simultanément à la fois dans<br />

l’espace, parfois au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s limites mêmes du conflit,<br />

(principes <strong>de</strong> la globalisation <strong>de</strong> l’action et <strong>de</strong> la synergie <strong>de</strong>s<br />

acteurs) et dans le temps sur l’ensemble <strong>de</strong> la chaîne <strong>de</strong><br />

mise en œuvre <strong>de</strong>s EEI (principes <strong>de</strong> l’anticipation, <strong>de</strong> la<br />

permanence et <strong>de</strong> la continuité <strong>de</strong> l’action).<br />

Pour assurer efficacement la protection <strong>de</strong> la force et <strong>de</strong>s<br />

populations, la lutte contre les EEI vise trois objectifs :<br />

• la prévention <strong>de</strong> la menace, en amont <strong>de</strong> la mise en œuvre<br />

<strong>de</strong> l’EEI, afin d’en empêcher l’utilisation.<br />

Cela suppose une action sur la ressource en munitions et<br />

matières explosives et surtout sur le démantèlement <strong>de</strong>s<br />

réseaux aboutissant à l’EEI ;<br />

DOCTRINE N° 15 38<br />

SEPTEMBRE 2008<br />

• le traitement tactique <strong>de</strong> la menace et <strong>de</strong> l’EEI en tant que<br />

tel ;<br />

• la réduction <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong>s EEI sur les populations et sur la<br />

force, sans pour autant réduire la capacité d’intervention et<br />

<strong>de</strong> conduite <strong>de</strong>s missions <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière.<br />

<strong>Doctrine</strong>, technologie, formation et RETEX<br />

La lutte contre les EEI se base sur les fondamentaux connus<br />

que sont la doctrine, la technologie, la formation. Dans la<br />

lutte contre les EEI, ces éléments sont indissociables l’un <strong>de</strong><br />

l’autre, le RETEX jouant le rôle d’une sorte <strong>de</strong> moteur<br />

d’échange entre ces différents fondamentaux.<br />

L’exploitation <strong>de</strong>s différents retours d’expérience souligne le<br />

rôle déterminant <strong>de</strong> la formation et <strong>de</strong> l’entraînement <strong>de</strong>s<br />

personnels engagés dans ce combat, mettant en œuvre <strong>de</strong>s<br />

“outils” adaptés dans un cadre d’emploi souple et réactif<br />

(gagner le “temps d’avance”).<br />

En effet, s’il est essentiel <strong>de</strong> s’appuyer à la fois sur une doctrine<br />

“réactive”, une formation complète et adaptée aux situations<br />

rencontrées et une technologie en phase avec les besoins <strong>de</strong> la<br />

force sur le “terrain”, l’exploitation et la diffusion <strong>de</strong>s RETEX<br />

assurent l’interconnexion <strong>de</strong> l’ensemble.<br />

<strong>Le</strong>s retombées <strong>de</strong>s RETEX s’appliquent au triptyque<br />

“<strong>Doctrine</strong>, technologie, formation” au travers <strong>de</strong>s axes<br />

d’efforts suivants :<br />

• l’adaptation <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>s d’actions et <strong>de</strong>s procédures<br />

tactiques et techniques en tant que para<strong>de</strong>s aux EEI, mais<br />

aussi mo<strong>de</strong>s d’action offensifs ciblés sur les réseaux EEI ;<br />

• le développement <strong>de</strong> nouvelles technologies - notamment<br />

<strong>de</strong> détection, d’intervention et <strong>de</strong> protection - tout en<br />

permettant la conduite et l’exécution <strong>de</strong> la mission initiale ;<br />

• l’amélioration <strong>de</strong> la capacité opérationnelle <strong>de</strong> la force<br />

par une préparation opérationnelle qui “colle au terrain”.<br />

Applications particulières à la protection dans le cadre <strong>de</strong> la<br />

lutte contre les EEI<br />

<strong>Le</strong>s applications <strong>de</strong> ces RETEX et travaux relatifs menés dans<br />

le cadre <strong>de</strong> la lutte contre les EEI concernent particulièrement<br />

la sauvegar<strong>de</strong> - protection <strong>de</strong> la force.<br />

<strong>Doctrine</strong> et renseignement<br />

• Rédaction d’un “corpus doctrinal” traitant <strong>de</strong> la lutte et <strong>de</strong><br />

la protection contre les EEI. L’ensemble <strong>de</strong>s niveaux <strong>de</strong><br />

responsabilités est traité et le CD ROM <strong>de</strong> sensibilisation à<br />

la lutte contre les EEI est diffusé.<br />

• Développement <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> collecte d’information et<br />

d’analyse scientifique <strong>de</strong>s événements EEI afin d’agir sur<br />

les réseaux qui constituent la chaîne <strong>de</strong> mise en œuvre <strong>de</strong>s<br />

EEI (procédés <strong>de</strong> traçabilité <strong>de</strong>s explosifs, <strong>de</strong>s composants,<br />

<strong>de</strong>s munitions, <strong>de</strong>s filières...).<br />

• Recherche <strong>de</strong> procédures <strong>de</strong> partage <strong>de</strong> l’information et<br />

d’échange du renseignement (banques <strong>de</strong> données,<br />

diffusion en boucle courte, organisation <strong>de</strong> cellules<br />

appropriées, référentiel renseignement EEI...).


photo fournie par l’auteur<br />

Technique et équipement<br />

• Développement <strong>de</strong> moyens <strong>de</strong> détection, d’investigation,<br />

<strong>de</strong> caractérisation <strong>de</strong> la menace, <strong>de</strong> localisation et<br />

d’intervention à plus ou moins longues distances <strong>de</strong> l’EEI<br />

(robots ou drones, caméras et jumelles (J+N), matériels <strong>de</strong>s<br />

équipes spécialisées d’intervention, systèmes <strong>de</strong> détection<br />

<strong>de</strong> composants électroniques, procédés d’analyse à<br />

distance <strong>de</strong> la composition <strong>de</strong> l’EEI, systèmes <strong>de</strong> leurre et<br />

<strong>de</strong> brouillage <strong>de</strong>s EEI...).<br />

• Mise en place <strong>de</strong> matériels individuels ou collectifs <strong>de</strong><br />

protection <strong>de</strong>s véhicules. Pour autant, cela reste loin <strong>de</strong> la<br />

gamme <strong>de</strong> véhicules développée en Irak par l’US Army 7, et<br />

du DINGO II développé par l’Allemagne. Ces engins ont<br />

notamment une coque en profil d’étrave réduisant les<br />

effets <strong>de</strong> souffle (“blast”), une gar<strong>de</strong> au sol importante et<br />

un centre <strong>de</strong> gravité bas.<br />

• Modalités d’utilisation <strong>de</strong> brouilleurs d’autoprotection 8 et<br />

<strong>de</strong> protection 9.<br />

• Développement <strong>de</strong> matériels et d’équipements <strong>de</strong> protection<br />

<strong>de</strong>s sites et infrastructures.<br />

<strong>Doctrine</strong><br />

Formation<br />

• Expression <strong>de</strong>s besoins en formation dans le<br />

cadre d’une formation différenciée en fonction<br />

du niveau du personnel (combattants, unités,<br />

états-majors, équipes spécialisées).<br />

• Renforcement <strong>de</strong> la préparation opérationnelle<br />

<strong>de</strong>s forces, notamment <strong>de</strong>s procédures <strong>de</strong><br />

planification, <strong>de</strong> conduite et d’exécution <strong>de</strong>s<br />

mouvements et stationnements, <strong>de</strong> réaction en cas<br />

<strong>de</strong> suspicion ou <strong>de</strong> détection d’EEI, <strong>de</strong> conduite à<br />

tenir en cas d’attaque par EEI, <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s<br />

personnes, sites et infrastructures.<br />

• Efforts sur l’acquisition <strong>de</strong>s savoir-faire<br />

individuels et collectifs en cas d’attaques par<br />

EEI. (gestion <strong>de</strong> l’inci<strong>de</strong>nt, capacité <strong>de</strong> réaction,<br />

protection, secours et assistance aux blessés).<br />

1 Engin explosif improvisé (EEI) est la traduction littérale française<br />

<strong>de</strong> “Improvised Explosive Device”, appelé couramment IED.<br />

2 Cf. <strong>Doctrine</strong> interarmées <strong>de</strong> lutte contre les EEI - PIA 03-260.<br />

Définition <strong>de</strong> la lutte contre les EEI.<br />

3 AAP 6/Allied Army Publication number 6 th .<br />

4 PIA 03.260 : <strong>Doctrine</strong> interarmées <strong>de</strong> lutte contre les EEI. Une menace<br />

permanente, multiforme, très évolutive et qui s’exerce dans les trois<br />

milieux d’engagement <strong>de</strong>s forces (terrestre, maritime ou aérien).<br />

5 Etu<strong>de</strong>s développées dans le cadre <strong>de</strong> lutte contre les EEI dans les<br />

domaines du surblindage <strong>de</strong>s véhicules, <strong>de</strong>s contre-mesures<br />

électroniques, <strong>de</strong>s équipements <strong>de</strong> détection et d’intervention à<br />

distance, <strong>de</strong> la protection <strong>de</strong>s sites et infrastructures.<br />

6 Engins improvisées RBC : engins improvisés radiologiques,<br />

biologiques ou chimiques. PIA 03-260 - Titre 2.<br />

7 Système MRAP : Mine Resistant Ambush Protection.<br />

8 Brouilleur d’autoprotection : création d’une “bulle” protective autour<br />

d’un individu, d’un véhicule ou d’une infrastructure.<br />

9 Brouilleur <strong>de</strong> protection : création d’une “bulle” protective étendue<br />

à plusieurs individus, véhicules ou bâtiment.<br />

Confrontée à <strong>de</strong> nouveaux belligérants, qui agissent et vivent parmi les populations <strong>de</strong>venues acteurs et<br />

enjeux, l’action militaire se doit d’évoluer en permanence et <strong>de</strong> s’adapter rapi<strong>de</strong>ment pour trouver les<br />

para<strong>de</strong>s aux mo<strong>de</strong>s d’actions changeants <strong>de</strong> l’adversaire. La lutte contre les EEI se situe au cœur <strong>de</strong> la<br />

problématique <strong>de</strong> la sauvegar<strong>de</strong> et <strong>de</strong> la protection <strong>de</strong> la force. La principale difficulté pour faire échec à la<br />

menace EEI tient à la gran<strong>de</strong> diversité <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fabrication <strong>de</strong>s EEI et à la gran<strong>de</strong> facilité avec laquelle il<br />

est possible <strong>de</strong> leur assigner un objectif, <strong>de</strong> les mettre en œuvre et <strong>de</strong> les modifier en toute discrétion.<br />

<strong>Le</strong> défi et les enjeux sont importants. Toutefois, le respect <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme, du droit international, les<br />

contraintes et impératifs stratégiques, les intérêts <strong>de</strong> la nation hôte ainsi que la prise en compte <strong>de</strong>s<br />

dommages collatéraux liés au milieu doivent rester prépondérants pour une nation comme la nôtre.<br />

Comprendre plus que connaître le milieu dans lequel la force intervient est une <strong>de</strong>s priorités pour mener<br />

une lutte tout azimut contre les EEI.<br />

SEPTEMBRE 2008 39<br />

DOCTRINE N° 15

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!