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Jeunesse Prospective - Prospective Jeunesse

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<strong>Prospective</strong><strong>Jeunesse</strong>DroguesSantéPréventionNuméro double – janvier et mars 2009PréventionActeurs et pratiques en Wallonie et à BruxellesNuméro d’agréation : P405048 • Bureau de dépôt • 1050 Bruxelles 5Politiques de prévention etpromotion de la santéLe guide « Mille Facettes » :reflet de trente années de pratique en préventionPsychotropes, adolescence etperspectives d’interventionRoger LonfilsNicole Stenuit (Nadja)Damien Favresse(ULB-PROMES)


<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> est un centred’étude et de formation fondéen 1978. L’association est activedans le domaine de la préventiondes méfaits liés aux usages dedrogues, dans une optique depromotion de la santé.CHOIX ECOLE ASSUETUDES SANTE FETE ALCOOL ADDICTIONS USAGES DANGER PEUREDUCATION ADOLESCENCE JEU TABAC PLAISIR PROTECTION CONDUITES A RISQUEEXPERIENCES SOINS ABUS CONSOMMATION ENNUI ESTIME DE SOI PROHIBITIONGROUPE ECSTASY DOSE INTERNET CANNABIS PREVENTION DEPENDANCE DROGUESBIEN-ETRE JOINTS TOXICOMANIE FUITE RISQUES JEUNES CHOIX ECOLE ASSUETUDESSANTE FETE ALCOOL ADDICTIONS USAGES DANGER PEUR EDUCATION ADOLESCENCEJEU TABAC PLAISIR PROTECTION CONDUITES RISQUE EXPERIENCES SOINS ABUSCONSOMMATION ENNUI ESTIME DE SOI PROHIBITION GROUPE ECSTASY DOSE INTERNETCANNABIS PREVENTION DEPENDANCE DROGUES BIEN-ETRE JOINTS TOXICOMANIEFUITE RISQUES JEUNES CHOIX ECOLE ASSUETUDES SANTE FETE ALCOOL ADDICTIONSUSAGES DANGER PEUR EDUCATION ADOLESCENCE JEU TABAC PLAISIR PROTECTIONCONDUITES A RISQUE EXPERIENCES SOINS ABUS CONSOMMATION ENNUI ESTIMEDE SOI PROHIBITION GROUPE ECSTASY DOSE INTERNET CANNABIS PREVENTIONDEPENDANCE DROGUES BIEN-ETRE JOINTS TOXICOMANIE FUITE RISQUES JEUNESCHOIX ECOLE ASSUETUDES SANTE FETE ALCOOL ADDICTIONS USAGES DANGER PEUR<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> EDUCATION propose ADOLESCENCE trois <strong>Prospective</strong> JEU TABAC <strong>Jeunesse</strong> PLAISIR a créé, PROTECTION avec CONDUITES A RISQUEservices : EXPERIENCES SOINS ABUS Infor-Drogues CONSOMMATION et Modus ENNUI Vivendi, ESTIME DE SOI PROHIBITION- Formation et accompagnement GROUPE ECSTASY de DOSE l’asbl INTERNET Eurotox, CANNABIS relais en PREVENTION Communautéfrançaise FUITE RISQUES de Belgique JEUNES de CHOIX ECOLE ASSUETUDESDEPENDANCE DROGUESprofessionnels (seuls BIEN-ETRE ou en équipe) JOINTS TOXICOMANIESANTE FETE ALCOOL ADDICTIONS USAGES DANGER PEUR EDUCATION ADOLESCENCE- Publication de la revue <strong>Prospective</strong> l’Observatoire Européen des Drogueset DE des SOI Toxicomanies PROHIBITION (OEDT). GROUPE ECSTASY DOSE INTERNETJEU TABAC PLAISIR PROTECTION CONDUITES A RISQUE EXPERIENCES SOINS ABUS<strong>Jeunesse</strong> CONSOMMATION ENNUI ESTIME- Entretiens individuels CANNABIS PREVENTION www.eurotox.orgDEPENDANCE DROGUES BIEN-ETRE JOINTS TOXICOMANIEFUITE RISQUES JEUNES CHOIX ECOLE ASSUETUDES SANTE FETE ALCOOL ADDICTIONSUSAGES DANGER PEUR EDUCATION ADOLESCENCE JEU TABAC PLAISIR PROTECTIONCONDUITES A RISQUE EXPERIENCES SOINS ABUS CONSOMMATION ENNUI ESTIMECONTACT : 144 chaussée d’Ixelles, 1050 Bruxelles, 02/512 17 66infos@prospective-jeunesse.be – www.prospective-jeunesse.beEditeur responsable :Jean-Guillaume GOETHALSRédacteur en Chef :Etienne CLEDASecrétaire de rédaction :Anne DISCARTComité d’Accompagnement :Philippe BASTIN, Line BEAUCHESNE,Marc BUDO, Alain CHERBONNIER,Ariane CLOSE, Martine DAL,Gérard DAVID, Christian DE BOCK,Christel DEPIERREUX,Damien FAVRESSE, Manu GONÇALVES,Ludovic HENRARD, DamienKAUFFMAN, Pascale JAMOULLE,Thierry LAHAYE, Patricia PIRON,Pascal Rigot, Micheline ROELANDT,Jacques VAN RUSSELT,Soutien administratif :Maria DRAPPADessins :Jacques VAN RUSSELTLes articles publiés reflètent lesopinions de leur(s) auteur(s) maispas nécessairement celles des responsablesde « <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong>– Drogue Santé Prévention». Ces articles peuvent êtrereproduits moyennant la citationdes sources et l’envoi d’un exemplaireà la Rédaction. Ni <strong>Prospective</strong><strong>Jeunesse</strong> asbl, ni aucune personneagissant au nom de celle-cin’est responsable de l’usage quipourrait être fait des informationsreprises dans cette publication.Impression :Nuance 4, NaninneGraphisme et mise en page :N°ISSN : 1370-6306


ÉDITORIALPrévention et usages de drogues : sortir du capharnaüm.La prévention est le parent pauvre des dépenses publiques consacrées aux politiques desdrogues en Belgique. Moins de quatre pour cent y sont allouées 1 . Les acteurs et les projetsde prévention existent néanmoins et bénéficient d’une expérience d’une trentaine d’annéesde pratique et de réflexion. Les articles de Martine Dal, directrice de <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong>et Nicole Stenuit de l’équipe de Nadja à Liège en témoignent dans ce numéro. Il n’estnéanmoins pas question d’un secteur réellement structuré. La prévention en lien avec lesusages de drogues constitue un lieu de rencontre entre des initiatives issues d’acteurs trèsdifférents. Parmi ceux-ci, certains ont fait le pari d’inscrire leurs actions dans le champ dela promotion de la santé. La « prévention des assuétudes 2 », constitue en effet l’une desdix problématiques de santé prioritaires du programme quinquennal de promotion de lasanté de la Communauté française de Belgique.Sur le terrain, ces services collaborent avec ou font face à des équipes issues des servicesd’aide et de soins aux toxicomanes qui étendent leur action vers la prévention, aux servicesde prévention et de proximité créés par les communes avec un financement du Ministèrefédéral de l’Intérieur, aux forces de l’ordre qui entrent dans les écoles avec leur projet MEGA,aux services de l’Aide à la <strong>Jeunesse</strong> et particulièrement les AMO dont les missions de préventioncommunautaire ne cessent de s’étendre, aux centres de jeunes et organisations dejeunesse qui intègrent la question des drogues dans la variété des conduites à risque queleur public rencontre, aux services de prévention du sida et autres maladies dont certainsmodes d’ingestion de produits comportent des risques de transmission, aux centres desanté mentale, aux plannings familiaux, PMS, PSE, RYD et dernièrement aux CLPS quihébergent depuis 2007 les « point d’appuis assuétudes 3 ». Un grand capharnaüm.Ce foisonnement s’accompagne pourtant du reproche régulier qu’en matière de drogues,« on » ne ferait pas assez de prévention et qu’elle manquerait d’efficacité. Le paradoxe estqu’au nom de ces croyances, les nouveaux projets se multiplient, ajoutant sans cesse denouvelles couches à la confusion, alors que les services spécialisés ne voient pas leurs moyensrenforcés. La dispersion des deniers publics dépensés s’accompagne d’une concurrenceentre ceux qui cherchent à les obtenir.Ce numéro double a pour ambition d’apporter davantage de lisibilité et de clarté à proposdes acteurs et des pratiques de prévention présents en Belgique francophone. Objectifpartagé par Eurotox qui réalise un cadastre de la prévention dont Lucia Casero nous présenteici les premiers résultats.Choisir de consacrer ce premier numéro sous le titre <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention aux acteurs et aux pratiques de prévention sur le territoire de la Communautéfrançaise est une manière d’afficher notre projet pour cette revue : être un lieud’échange, de promotion des pratiques et d’affirmation des valeurs portées par la promotionde la santé dans le domaine des usages de drogues.Étienne Cléda – Rédacteur en chef1 En 2004 (derniers chiffres disponibles), tous niveaux confondus, les pouvoirs publics belges ont dépensé295 millions d’euros pour financer leurs politiques en matière de drogues. Celles-ci comprennent lesprogrammes de prévention, l’assistance et la sécurité. Le montant alloué à la prévention s’élève à 11, 4millions d’euros. DE RUYVER, Br., PELC, Is. et a., ss la dir. de, Drogues en chiffres II. Etude des acteursconcernés, des dépenses publiques et des populations atteintes. Etude de suivi, Gent, 2007, p. 73, 108,148 et 182.2 L’intitulé « assuétudes » nous semble particulièrement mal choisi tant il tend à faire croire que le seulrisque lié aux usages de drogues est la dépendance pathologique.3 A ces acteurs de terrain s’ajoutent les campagnes d’information grand public telles que celles lancéesdepuis 2008 par IDA, opérateur du « Fonds Fédéral Assuétudes » ou, depuis plus longtemps, par l’IBSRà propos de la conduite d’un véhicule sous influence (BOB).PRÉVENTIONSActeurs et pratiques enWallonie et à Bruxelles<strong>Prospective</strong>s et paradoxesde la prévention 2Marine DalPolitiques de préventionet promotion de la santé 10Roger LonfilsPrévention et réduction des>risques en Communauté française.Première étape d’un cadastre 16Lucia CaseroUsages de drogues et assuétudes :acteurs de prévention à Bruxelleset en Wallonie 20Etienne ClédaLe guide « Mille Facettes » :reflet de trente années depratique en prévention 22Nicole StenuitDrogues : Valeurs et enjeuxliés à la Réduction des Risques 28Ludovic Henrard et Bruno ValkeneersQuelle efficacité de la préventiondes addictions chez les adolescents? 32Sandrine Roussel etDominique DoumontPsychotropes, adolescenceet perspectives d’intervention 34Damien FavresseLa surconsommation d’alcoolen situation festive :quelle prévention et pour quoifaire? La parole aux jeunes 40Céline PuissantPerceptions de la politique de santéliée au cannabis. Parole d’usagers. 46Anne Discartpage 1


verse et du partage en y associant des positionscontradictoires et complémentaires afin dedynamiser la réflexion, ouvrir les horizons etinviter chacun à se positionner dans un continuumentre savoirs pratiques et théoriques.D’emblée, nous faisions le pari d’y interrogerdes questions de société au sens large, dépassantla problématique des drogues et se situantdans une optique de prévention générale. Notresouci constant est de mettre en débat laquestion des drogues, des lois, des normes, desplaisirs et souffrances… en les reliant à la complexitéde nos êtres dépendants et aux différentscontextes qui nous entourent. C’est faire de laprévention.1/ Evolution de notre cadred’interventionSi le domaine de la prévention des assuétudesest par excellence un domaine complexe et quirecouvre une pluralité d’approches psychomédico-socio-culturelles-pénales,il n’en demeurepas moins qu’il évolue au cœur de tensionsqui, d’une part lui sont spécifi ques et,d’autre part sont reliées au mode de développementdu champ socio-culturel occidental au senslarge. Entendons par là, la multiplication desliens d’interaction et d’interdépendance émergeantau sein d’une société de plus en plus complexe.En effet, la question des drogues met enévidence des problèmes et des questions multiplesoù le psychisme, le social, le judiciaire, lepolitique se trouvent intriqués.La prévention entre normalisation pénaleet « normalisation » anthropologiqueUne tension forte du secteur est la contagion dudomaine socio-sanitaire par le système sécuritaire.Si elle traverse l’ensemble du champ social,le secteur de la prévention des assuétudes enest un laboratoire exemplatif et largement exploré.Toutes nos interventions butent sur cesfameux rapports à la Loi, la norme, la règle et cequi les réunit c’est le concept de « limite ».En 1998, une journée d’étude organisée par laFedito (Fédération des institutions pour toxicomanes)questionnait l’espace de la préventiondes assuétudes « prise en otage entre dissuasionet autonomie ».Plus précisément, le propos était de questionnerla place de la prévention entre un modèle de normalisationpénale (dissuasion) et un modèle denormalisation qualifié d’anthropologique. « Dansun modèle pénal dissuasif visant l’abstinencecomme norme, la consommation de produitspsychotropes – illégaux – n’est pas reconnuepuisqu’elle est assimilée artificiellement à l’abusou, pire, à la toxicomanie, alors que l’on saitqu’entre abstinence et abus se trouve un largeespace occupé par la multiplicité des usages deconsommation (occasionnel, régulier, problématique,récréatif, ludique, thérapeutique, social,religieux, abusif, pathologique, etc.). Cet espacesocio-culturel est nié et occulté dans un tel modèle.Tandis que dans un modèle non dissuasifne visant pas l’abstinence comme norme, l’usageest reconnu comme faisant partie de la normeacceptable, une norme qualifiée d’anthropologique.Cette normalisation anthropologique viseune relative liberté de choix ainsi qu’une autonomieresponsable par l’acquisition de connaissanceset l’exercice de la critique. Elle se réclamed’une conception humaniste tolérante qui visele respect des consommateurs considérés commedes citoyens librement consentants » 2 .C’est cette approche dite « anthropologique »des drogues et de leurs usages qui fait dès lorsl’identité des offres de services proposées par<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong>. Partant d’une étude historiquedes produits inscrits dans des cultures 3 ,les intervenants de <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> poursuiventleur réflexion en développant le conceptd’ « espace d’usage ». Ils développent la complexitéen termes de contextes d’usage cherchantà préciser les éléments favorisant ou limitant laconsommation de psychotropes en lien avec lathéorie du désormais célèbre « triangle du1 Les illusions de la prévention. Actes, <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong>, Décembre 1985.2 Journée d’étude FEDITO « Drogues : au nom des lois », M.Rosenzweig, Atelier 4 Prévention, 2 juin 1998.3 ROSENZWEIG, M., Les drogues dans l’histoire, entre remède et poison. Archéologie d’un savoir oublié, De Boeck,Paris-Bruxelles, 1998.<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 3


De plus, dans notre domaine de la prévention,nous nous devons de rappeler sans cesse quenous sommes tous des être dépendantset que la majorité des personnes que nousrencontrons ne sont pas « toxicomanes »ou/et ne s’y reconnaissent pas, qu’une majoritéde personnes consomment (des produitslégaux ou illégaux - des assuétudessans produits) par recherche du plaisir oupour soulager des souffrances avec ou sansdommages pour elles et leur entourage.Docteur ClaudeOlievenstein » 4 qui permetde lire cette consommation comme une relationentre une personne et un produit dans un contextespécifique. Dans le même temps, Patrick Ceustersanalyse l’objet de la prévention en le mettanten lien avec les différentes conceptions de lasanté. La trame de sa réflexion sera l’évolutionhistorique des conceptions de la santé et desapproches de prévention qui peuvent en découler5 . De ces analyses, émerge l’idée que la dangerositédes produits est le résultat des interactionsentre doses, usages et contextes d’usage.Il s’agit dès lors de prendre en compte cette complexitéet la multiplicité des causes et déterminantsde chaque situation.Dans ces espaces d’incertitude, notre filrouge (dont témoignent de nombreux débatsau sein des cahiers) se conforte d’uneapproche démocratique. Il nous importede reconnaître la diversité des types deconsommation en ne les réduisant pas àceux de la maladie ou du délit, mais aussi dereconnaître l’usager de drogues comme unepersonne avec sa singularité propre, sans jugementsur la consommation de drogues, etd’affirmer son droit à la reconnaissance sociale(en dépit du statut illégal de certains de sescomportements). Cela nécessite que la loi anticipeet propose de nouvelles interprétations,mais j’y reviendrai. Pour exemple, « la loi Drogues» du 3 mai 2003, introduisant les notionsfloues d’« usage problématique » et de « nuisancespubliques », tend à une appréciationsubjective et empêche d’informer correctementle citoyen. Ces confusions ne peuvent qu’amenerle public à confondre acteurs de préventionet forces de l’ordre, a fortiori lorsque ces dernièresenvahissent le champ scolaire sous prétexted’un rôle préventif pour informer les jeunessur la dangerosité des produits illégaux biensûr, en se focalisant sur eux. Démarches baséessur la peur que nous savons oh combien contreproductiveset à l’inverse des nôtres. On mé-4 OLIEVENSTEIN, Cl. La drogue ou la vie, Robert Laffont, Paris, 1983.5 CEUSTERS, H.-P., Drogues et prévention : Pour une réduction des risques…de confusion, dans Cahiers de <strong>Prospective</strong><strong>Jeunesse</strong>, n°27, 2003, p.3-9.6 BEAUCHESNE, L., professeur au département de criminologie de l’université d’Ottawa, in Les Cahiers de <strong>Prospective</strong><strong>Jeunesse</strong> : Les programmes de prévention d’abus des drogues en milieu scolaire, n° 4,1997, p. 23-26 ; Le plaisir suspect :la culture protestante américaine et son inscription en matière de drogues, n° 8, 1998, p.14-19 ; A propos du cannabis,que fait le Québec ?, n° 18, 2001, p. 42-48 ; La récupération politique des stratégies de réduction des méfaits en contexteprohibitionniste, n° 27, 2003, p. 20-26 ; La réduction des méfaits : le cas du tabac, n° 33, 2004, p.30-36 ; Deux projetsde lois canadiens sur les drogues. Vers plus de répression, n° 38, 2006, p. 22-29.7 Paul Ricoeur, Libération, 16 décembre 1993, cité par Christine Vander Borght, Atelier lors du 3 e Congrès de Thérapiefamiliale –Barcelone- octobre 1997.page 4 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


lange ainsi sous un même vocable « préventiondes drogues », prévention de l’usage et de seseffets nocifs sur le bien-être, prévention de l’insécurité,prévention de l’illégalité de l’usage,prévention de l’exclusion sociale… De nombreusesétudes ont démontré l’effet incitatif detelles démarches auprès des jeunes particulièrement,et nécessairement confrontés aux prisesde risques.Dès 1997, Line Beauchesne collabore à notrerevue et publie plusieurs articles 6 qui, à partirde ses études sur le contexte canadien enmatière d’usage de drogues, confirment nosapproches.Dans le même temps, le décret de promotion dela santé en Communauté française est instituéet apporte une reconnaissance légale à nos pratiquespréventives. Il était grand temps. Moment-clédans nos questionnements car cedécret marque une ouverture vers les champsculturel et social. De quoi nous conforter dansune approche globale de la santé mais pas nousrassurer.Il nous revenait alors d’affiner nos expériencessociales et nos stratégies préventives dans unchamp d’étude en progression : celui des représentationssociales, culturelles, économiques etpolitiques de la santé. Nous les avons travailléesen mettant en évidence :- La prévention spécifique centrée sur lescomportements de consommation ;- La prévention globale centrée sur les aspectsenvironnementaux et relationnels,partant des principaux contextes de viedes jeunes ;- L’aide aux jeunes via le public intermédiairedes adultes qui ont des responsabilitésvis-à-vis d’eux.Tendre à concilier les notions de responsabilisation,participation, décentralisation, autonomie,solidarité, santé communautaire, actions locales,lobbying… et construire nos stratégies préventivesen articulation avec le travail que noussouhaitons, ne pouvait se faire sans se confronterà des questions éthiques.Des recherches évaluatives de l’efficacité desprogrammes de prévention de l’abus de drogueschez les jeunes en milieu scolaire ont étéréalisées au Québec. Ces études mettent enavant la pertinence de trois «indicateurs» dequalité des initiatives de prévention (stratégies) concernant la question des usages desdrogues dans une démarche de promotion dela santé et de réduction des risques liés auxusages de psychotropes. Nos interventionstendent à rencontrer ces indicateurs, à savoir :- nécessité d’utiliser des stratégies multiplesd’interventions qui répondent à la multiplicitédes motifs de consommation ;- les messages en matière de drogues doivents’inscrire dans un discours global de promotionde la santé : développement d’habiletésqui augmentent l’estime de soi et le goûtde vivre ;- les adultes entourant le jeune sont lesmessagers les plus crédibles de cetteprévention ;Line Beauchesne (1997)La responsabilisationet la participation en questionSensibles aux études d’Alain Ehrenberg, sociologuefrançais, qui étudie les liens entre l’individuet les normes collectives contemporaines,nous ne pouvions faire l’économie de questionnerle développement croissant des tendances à laresponsabilisation et participation des personnes.Responsable jusqu’ou ? Participer comment ?Ces questions concernent autant les professionnelsque les bénéficiaires qui s’adressent à notreservice. Le philosophe Paul Ricoeur donnait àces questions une formulation qui a toute saportée pour nous tous intervenants sociaux :« La souffrance des victimes crée des obligationspour les autres. Dans quelles conditions cetteaffirmation morale légitime-t-elle la violence dessauveurs ? »« Le devoir d’assistance est impérieux. Mais àquelles souffrances sommes-nous dans l’obligationde répondre ? A quel secours sommesnoustenus de recourir en tant que témoins ?Quel cadre de travail devons-nous installer pourqu’il soit à la fois respectueux des individus etde leur singularité et tout autant garant du respectdu droit… » ? 7<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 5


Plus précisément, concernant la question desdrogues, le problème qui d’emblée se pose estla frontière entre sphère intime, privée et publique,entre le droit à la libre disposition de soi,revendication liée à la modernité (augmentationde la liberté et de l’autonomie individuelle) et lefait d’être membre d’une société. 8 Selon AlainEhrenberg, l’usage de psychotropes doit êtrereplacé dans un monde guidé par le culte de laperformance et l’obligation de réussir alors queles grands systèmes de référence ont disparu. Lapersonne devient son propre référent et le recoursau « produit » peut être lu comme une manièrede résoudre le malaise que cette perte a suscité,voire d’y trouver un élément structurant.Il faut donc repenser la loi et l’interdit non pourdes raisons morales mais parce que les problèmesde la distance à soi et à l’autre deviennentmassifs dans une société où le « gouvernementde soi », avec toutes ses conséquences, est devenula règle. Cela nécessite de distinguer lesnotions de risque pour soi et de risque pourautrui – limites de la liberté privée – dans uneperspective normative en tenant compte de ladiversité des produits et des pratiques (usageoccasionnel, régulier, intégré/problématique,usages et cultures…). Cela suppose de repenserles conditions de partage entre lesconduites qui doivent être laissées à la li-berté privée et celles qui doivent déclencherl’action publique. 9Au-delà de ces questions importantes pour nousintervenants, il nous faut aussi être constammentattentif à ne pas – imposer – mais à laisser auxpersonnes qui s’adressent à nous la possibilitéd’analyser, d’interpréter, de débattre, et structurerles enjeux essentiels pour elles dans leurcontexte. Lors de la première journée liégeoisede promotion de la santé en octobre 2002, laparticipation était définie comme « être intégréà un processus d’apprentissage mutuel oùl’échange des connaissances et d’expériencesconstitue un enjeu central » 10 .2/ Notre cadre aujourd’hui :pour une approchesystémique etanthropologique enprévention des assuétudes… Ou comment tendre à infléchirles pratiques préventives en approchesparticipatives, décentralisées etpartenariales …La promotion de la santé nous laisse des illusionset des désillusions. Notre travail de prévention50Une revue est le fruit de multiples collaborationsMarie ABSIL, Sébastien ALEXANDRE, Philippe ALLARD, Philippe BASTIN, Line BEAUCHESNE,Isabelle BOQUET, Jean-Marc BOUTTEFEUX, Marc BUDO, Emmanuelle CASPERS, Henri PatrickCEUSTERS (Rédacteur en chef des numéros 1 à 40), Alain CHERBONNIER, Etienne CLÉDA(rédacteur en chef des numéros 41 à 51), Ariane CLOSE, Martine DAL, Gérard DAVID, Christiande BOCK, Christel DEPIERREUX, Bernard DE VOS, Marie-Sophie DEVRESSE, Tony de VUYST,Danielle DOMBRET, Isabelle DOSSOGNE, Maria DRAPPA, Damien FAVRESSE, ManuGONCALVES, Christian GRÉGOIR, Vincent GUÉRIN, Claire HAESAERTS, Ludovic HENRARD,Damien KAUFFMAN, Pascale JAMOULLE, Antonio JOAQUIM, Alexia JONCKEERE, Dan KAMINSKI,Thierry LAHAYE, Roger LONFILS, Alain MICHELET, Thérèse NYST, Anne PAPEIANS, TatianaPEREIRA, Patricia PIRON, Philippe QUACHEBEUR, Renaud QUOIDBACH, Pascal RIGOT, Micheline ROELANDT, MichelROSENZWEIG, Gustave STOOP, Eric VANDERSTEENEN, Jacques VAN RUSSELT, Christelle VERSLUYS.Depuis le numéro 1 paru en décembre 1996, les Cahiers de <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong>, aujourd’hui devenu <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé| Prévention, ont compté 50 personnes dans leurs comité d’accompagnement et équipe de rédaction. Merci à eux !page 6 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


à <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> nécessite d’être continuellementdans la « prospective ». Pour cela, ilfaut des démarches ouvertes, systémiques, collectives,sociétales. Donc, des démarches menéesde manière transdisciplinaire et en réseau. Noussommes bien dans une perspective systémiquede la santé.Cette tendance aux décloisonnements deschamps d’action des fonctions collectives (économiques,sociales, culturelles) nous exposentà un double mouvement : spécialisation et individualisationde nos interventions d’une part etde globalisation de nos approches d’autre part.Ce décloisonnement implique également la créationde nouveaux partenariats avec d’autresacteurs proches, et parfois plus lointains.Cela s’élabore notamment en 4 étapes :1 Construire par et avec les personnes quis’adressent à nous, considérer leurs savoirscomme indispensables à l’action.2 Mutualiser nos expériences, nos savoirs faire,nos outils et être lucide sur nos propres représentationsdu monde social.3 Prendre en compte la construction culturellede ces savoirs, donc relier les expériencespersonnelles à leur contexte spécifique.4 Confronter nos pratiques aux données épidémiologiqueset aux recherches. Notre positionau sein d’Eurotox avec Infor-Drogueset Modus Vivendi nous permet de privilégiercette confrontation et d’en rendre comptedans notre revue 11 .Mais dans ce mouvement démocratique quifort heureusement dépasse le secteur de lapromotion de la santé, autant nous pouvionssaluer l’ouverture de la santé vers l’ensemblede la vie sociale autant – désillusion – nouscraignons actuellement que la promotion dela santé ne se limite aux seules politiques desanté publique et interventions des professionnelsde la santé. Les tensions entre politiquesde santé publique et politiques de promotionde la santé en matière d’usages de psychotropes– tensions entre raisons d’Etat et raisonsindividuelles – ont été largement exploréesdans notre cahier n°31 12 , je ne m’y attarderaidonc pas. Mais j’en relève néanmoins un aspectqui nous inquiète particulièrement :« Favoriser la participation, en tant qu’élémentde choix, des priorités et expression des demandes,des désirs et donc des plaisirs de groupesdifférents sociologiquement, économiquementet culturellement risque de ne pas correspondreà nos attentes… surtout si celles-ci se fondentsur des priorisations de santé publique ». 13 Dansun cahier précédent Roger Lonfils, pose un regardcritique sur l’évolution actuelle de la promotionde la santé ressentie sous l’angle des limites.(Limite des concepts, des budgets, des stratégiesproposées, des pratiques et dans la philosophiesous-jacente). Nous ressentons profondémentces limites mais nos convictions militantes etprofessionnelles nous permettent de réaffirmerque la promotion de la santé est un choix desociété, exigeant de mobiliser de nouvelles stratégiesqui considèrent que la santé concernel’ensemble de la vie sociale, donc la mobilisation8 EHRENBERG, Al., Troubles dans l’humeur, dans Clinique des toxicomanies - L’addiction d’absence – Revue Cliniquesméditerranéennes, n°47/48, Ed. Erès, 1995, p. 121-146.9 EHRENBERG, Al., ibidem.10 LEVA, Ch., «La Conférence locale de promotion de la santé : un outil de communication auprès des professionnels»...et si la promotion de la santé pouvait faire l’objet d’un échange..., dans Les Cahiers de <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong>, n° 34,Santé et communication : info ou intox ?, 2005, p. 28-35.11 Eurotox, - Observatoire socio-épidémiologique en matière de drogues et d’alcool pour la Communauté française - voirl’article de Lucia Casero dans ce même numéro. Par ailleurs, les Cahiers bénéficient de contributions scientifiquesrégulières de l’équipe ULB-PROMES qui publie tous les quatre ans une enquête relative à la santé et au bien-êtredes jeunes d’âge scolaire. L’article de Damien Favresse publié dans ce numéro présente les résultats de la dernièrelivraison de cette recherche.12 Voir les articles d’Alain Cherbonnier, Promotion de la santé : confusions et paradoxes, p. 7-13 et d’EmmanuelleCaspers : Promotion de la santé : tactiques en toc ou tact éthique ?, p. 28-40, dans Les Cahiers de <strong>Prospective</strong><strong>Jeunesse</strong>, n°31, Santé et prévention : braderie ou promotion ?, 2004.13 LONFILS, R., C’est pour ton bien, dans Les Cahiers de <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong>, n° 31, Santé et prévention : braderie oupromotion ?, 2004, p. 13-18.<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 7


de « savoirs expérientiels » dans tous les secteursde la vie sociale par opposition aux savoirsinstitués.« L’espérance est le cœur anthropologique dela prévention, la raison qui nous fait croire quel’avenir peut et doit être protégé. Faire de laprévention, c’est non pas se limiter à enseignercomment acquérir le bien être en combattant lasouffrance mais c’est aussi apprendre à percevoirle bien-être, transmettre comment prendreconscience de ce qui le constitue, pour savoirle trouver et le reconnaître, quand il est là » 14 .Et du côté des pouvoirs publics: « Au-delà desactions visant à favoriser les comportementsindividuels favorables au bien-être, le rôle despouvoirs publics est, dans ce contexte, de proposerdes mesures diverses (réglementaires,économiques, sociales, environnementales, etc.)permettant des conditions de vie favorables à laconstruction de ce bien-être, de construire lesconditions du possible pour que la santé descitoyens puisse se déployer 15 ».Toujours dans nos recherches de concepts et derigueur méthodologique, l’évolution actuelle del’anthropologie sociale a largement imprégnénotre « vision » de la prévention. « L’anthropologie– qui s’intéresse à la construction culturelledu savoir – des comportements relatifs à lasanté, contribue au développement d’un cadreconceptuel plus large qui permet un nouveauregard et éclairage sur les stratégies préventivesmises en œuvre » 16 . Cela particulièrement dansle domaine des consommations problématiquesde drogues qui soulèvent des questions de l’ordrede l’intime (désir, plaisir, bien-être et mal-être,croyances, manière de vivre au niveau relationnel,émotionnel, affectif, environnemental, de se nourrir,de se loger, de travailler …) et de l’ordre ducollectif visant le bien-être de la population.A <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong>, la question de l’usagedes drogues, est donc d’abord une question an-thropologique et socioculturelle définitivementinscrite dans la dynamique de l’offre et de la demande,bien avant de constituer une problématiqueprioritairement clinique. C’est ce qui faitnotre spécificité.Cette démarche anthropologique se réclamed’une conception humaniste tolérante qui visele respect des consommateurs, considérés commedes individus librement consentants. Dansle cadre d’une approche globale, non-stigmatisanteet visant la responsabilisation et la réductiondes risques, notre rôle n’est sûrement pasde dépister, mais de privilégier, dans nos actions,les facteurs environnementaux, prépondérantspour comprendre les conduites à risque en matièrede substances psychoactives. Notre approchene peut répondre à l’ensemble des questionsposées sur le terrain, d’où l’importance que nousaccordons à la synergie et à l’exploitation desressources locales. De plus, il est important detravailler avec les familles et les contextes sansdistinction de « publics cibles », si l’on veut permettreun impact positif vis-à-vis de la santéglobale de ces personnes et réduire le recours àdes structures de soins spécialisées qui répondentplus à des problèmes de consommationavérée et installée de longue date. Travailler surles représentations et déterminants de santépour chacun, permet la création d’un espace de« non-jugement » qui favorise la parole dans unchamp d’intervention où la peur, les tabous, lesrumeurs, les interdits empêchent cette parole.C’est au prix de toute cette complexité que nouspouvons situer la prévention dans un travail démocratiqueet une logique d’émancipation. L’enjeufutur sera « d’accoucher ensemble de nosdiverses expériences sociales pour les transformeren savoirs sociaux stratégiques » 17 . J’entendspar là d’approfondir des démarches intersectorielleset les relier au monde politique… Unbeau défi pour les 50 prochains numéros de notrerevue. ■14 COHEN, B., Repères pour une anthropologie de la prévention, dans L’observatoire, n° 51-52, 2006, parution février2007, p. 61.15 LECORPS, Ph. et PATURET, J.-B., Santé publique, du biopouvoir à la démocratie, Editions de l’Ecole Nationale deSanté Publique, Bruxelles, 1999.16 DOZON, J.-P., Qu’est ce que prévention veut dire et implique ? dans Bruxelles Santé, Actes du colloque « Les normesde santé », n° spécial, 6 mai 2008, p. 9-16.17 CARTON, L., Forum sur l’éducation permanente, dans Santé Conjuguée, avril 2005, n° 32, p. 6-10.page 8 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


Les illustrateurs …Les messages se complète, s’illustre, s’allège parl’image. La couverture, du premier au 49 e numéro,reprenait un dessin d’Etienne Schreder, les numéros10 et 11, en 1999, ont reçu les contributions de Serduet à partir de ce numéro 11, depuis aujourd’hui 10 ans,Jacques Van Russelt a été le compagnon visuel etincisif de la revue. Quelles plumes !Passerelles,une couverturesymboliqued’Etienne Schreder >Economiesouterraine,le premier dessinde Jacques VanRusselt publiédans le n° 11, mars1999. Le premierd’une longue série.Des causes ?,un dessin de Serdupublié dans le n° 10,janvier 1999.<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 9


L’INTÉGRATIONDES POLITIQUES DEPRÉVENTION DANSLE CADRE DE LAPROMOTION DE LA SANTÉ> Roger Lonfils est médecin, directeur de la promotion de la santé en Communauté française.Il précise que cet article n’est pas un avis de la Direction générale de la santé.Aborder les politiques de prévention en Communauté française, c’estnécessairement les replacer dans un cadre de référence de promotion dela santé. Cadre législatif, cadre programmatique, dispositif décentralisé,proximité des acteurs avec le public, écoute et parole des communautés…et face à cela des politiques publiques qui ont parfois d’autres références,d’autres infl uences, pas nécessairement incohérentes en soi mais qui peuvents’avérer diffi cilement conciliables avec la promotion de la santé.Si l’on observe l’intégration des politiques deprévention dans le cadre de la promotion de lasanté, on sera rapidement confronté en Communautéfrançaise à un sentiment de frustration etd’inquiétude. Passés ces sentiments dus essentiellementau découpage institutionnel qui limitele champ de la santé relevant de la responsabilitéde la Communauté française et à l’éternelsous-financement qui freine l’opérationnalisationdes choix politiques, il est permis deréfléchir à d’autres éléments positifs ou négatifsqui influencent les politiques menées en promotionde la santé.Il est peut-être important de prime abord depréciser le champ dont on parle ; celui de la promotionde la santé et celui de la prévention considéréedans ses aspects collectifs ; pour ma part,dans cet article, est exclue toute relation thérapeutiqueindividuelle, même si elle a un caractèrepréventif.S’interroger sur l’intégration des politiques deprévention dans la promotion de la santé, c’estd’abord se questionner sur les politiques publiquesmises en place ; ensuite, c’est analyser leséléments favorables ou non qui entrent en jeudans les choix politiques et décisions ainsi quedans l’exécution.page 10 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


Le cadre de référenceLe décret de 1997 1 de promotion de la santé n’estpas qu’un texte fastidieux à découvrir, il est labase suffisante pour une politique de promotionde la santé. Se situant dans les stratégies de laCharte d’Ottawa de promotion de la santé, cedécret a créé un dispositif décentralisé à la dispositiondes acteurs, leur a donné des possibilitésd’appui, de compétences et de développementde projets les plus proches des publics visés et aélargi le cadre d’actions à d’autres acteurs sesituant en dehors du champ de la santé.On ne peut laisser de côté le décret modificatifde 2003 qui élargit le cadre décrétal à la médecinepréventive (visant une implication des professionnelsde la santé, voulant argumenter unfinancement du secteur plus important) ainsi quele décret de promotion de la santé à l’école.Le cadre de référence pour les acteurs et pour lespolitiques ne se limite heureusement pas auxtextes légaux ; programme quinquennal et plancommunautaire opérationnel se révèlent bien plusproches de la réalité de chacun. Même si ces cadrespeuvent sembler généralistes, ils ont depuis1997 largement orienté l’évolution du secteur.Ces documents 2 que nous renseignent-ils de sifondamental ? Je citerais le précédent Conseilsupérieur de promotion de la santé à ce sujet quiaprès avoir cité l’article 1 er du décret de 1997 « Parpromotion de la santé, il faut entendre le processusqui vise à permettre à l’individu et à la collectivitéd’agir sur les facteurs déterminants dela santé, et, ce faisant, d’améliorer celle-ci enprivilégiant l’engagement de la population dansune prise en charge collective et solidaire de lavie quotidienne, alliant choix personnel et responsabilitésociale. La promotion de la santé viseà améliorer le bien-être de la population en mobilisantde façon concertée l’ensemble des politiquespubliques » (article 1 du décret de promo-tion de la santé du 14/07/1997), conclut sesrecommandations pour le prochain programmequinquennal par :« Le Conseil estime que cette définition a conservétout son sens plus de dix ans après le vote dudécret organisant la promotion de la santé enCommunauté française. L’élaboration du 3e Programmequinquennal lui offre l’occasion de rappelerces principes fondamentaux, d’autant plusessentiels en ces temps incertains de globalisationdes échanges et de marchandisation croissantede la santé, qui mettent à mal une conceptionsolidaire et citoyenne de la santé. Ceux-ciont inspiré l’élaboration des présentes recommandations».Pour terminer ce point - et ceci me paraît importantcomme a priori de l’efficacité de la promotionde la santé (contestée par d’aucuns) - je citeraiencore (de la charte de Jakarta) :« Les travaux de recherche et les études de caseffectués un peu partout dans le monde fournissentdes éléments attestant que la promotionde la santé a une réelle efficacité. Les stratégiesde promotion de la santé peuvent créer et modifierles modes de vie, ainsi que les conditionssociales, économiques, et de l’environnement,qui déterminent la santé. La promotion de lasanté est une approche concrète pour instaurerplus d’équité en matière de santé » 3 .Des politiquescohérentes et pertinentes…L’attente d’une large partie du secteur de la promotionde la santé est d’avoir les moyens et unereconnaissance des politiques dans leur travailet d’inclure les actions de prévention dans desstratégies de promotion de la santé (que l’onvise une priorisation par problématique ou non)en tenant compte prioritairement des inégalitéset des éléments qui agiront sur les conditions1 Décret du 14 juillet 1997 organisant la promotion de la santé en Communauté française http://www.cdadoc.cfwb.be/cdadocrep/pdf/1997//19970714s20356.pdf ; les autres décrets cités sont également accessibles sur ce site de laDirection générale de la santé.2 Programme quinquennal, plan communautaire opérationnel et recommandations du Conseil supérieur de promotionde la santé : ces documents sont accessibles sue le site de la Direction générale de la santé www.sante.cfwb.be .3 Extrait de la Déclaration de Jakarta http://www.cyes.info/themes/promotion_sante/declaration_jakarta.php .<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 11


qui déterminent la santé : travail, logement, environnement…Ces attentes ne peuvent qu’être partiellementsatisfaites face à des choix des politiques desanté plus influencés par des argumentationsde type santé publique et/ou obéissant à deséléments (impératifs) extérieurs.Au cours de ces dernières années en effet, la miseen place de programmes de médecine préventive(essentiellement des dépistages de maladies)sur base du décret de 2003 précité a été justifiéepar une priorisation de santé publique (la maladieexiste ; si la couverture du dépistage est deX, je diminuerai l’affection de Y cas, voire Z morts).Argumentation a priori imparable qui a largementmis de côté les stratégies de promotion de lasanté. Quant aux éléments extérieurs influençantles choix politiques, ils seront abordés plus loin ;disons à ce stade, que la pression de divers« groupes » de la société met le décideur dansdes options de choix réduites et, ici aussi, si distantesde la promotion de la santé.La pertinence des choix est en fin de compte assezpeu analysée. Malheureusement, ceci sedouble d’une question de cohérence des politiques.Cohérence signifie ici le lien entre les multiplespoints de décision. Quelle est la cohérencedes décisions santé de la Communauté française? Comment ces décisions se placent-ellesen regard des compétences de la Communautéfrançaise en matière d’éducation, d’aide à la jeunesse,de culture, d’égalité des chances… ? Commentd’autre part, sont-elles en phase avec lespolitiques de santé des divers niveaux de pouvoirs(entités fédérées et fédéral) ? Comment – plusimportant encore surtout en matière d’assuétudes– se situer par rapport à l’ensemble des politiquesde santé et sécuritaires ?La politique en matière d’assuétudes est certainementune des plus difficiles à concevoir defaçon cohérente ; non seulement la multiplicitédes niveaux de pouvoirs, mais « les philosophies» défendues sont aussi multiples que lesniveaux de décision. Quelle relation possibleentre l’approche sécuritaire, prohibitionniste etcelle de promotion de la santé et de la réductiondes risques? Ce point de rencontre est possiblesi cohérence ne signifie pas pensée et politiqueunique, si chacun cadre son champ d’activité etse limite à celui-ci.La difficulté d’une politique coordonnée au niveaubelge en matière d’assuétudes est révélatricedes méfiances de chaque niveau de pouvoir.Il est indispensable d’agir en mettant en avantles complémentarités de toutes les politiques(en faisant abstraction des divergences institutionnelleset en créant une dynamique de transversalité): pas de place pour des politiques quine prennent en compte les questions de santésans les replacer dans leur environnement sociétal(vulnérabilité, fragilité sociale et culturelle,décrochage scolaire, parentalité en difficulté,qualité de vie du milieu, logement, travail).On peut à ce sujet faire référence au rapport ducomité d’experts toxicomanies qui demeure àmon avis un document de référence, même s’ilest peu connu. 4Des acteurs de terrainBien qu’ils soient la pièce maîtresse de l’opérationnalisationdes décisions, je ne m’attarderaipas ici à leur propos. Ils sont présents ; ils sontnombreux, diversifiés dans leurs compétences,dans leur champ d’activité, dans leur rapport àleur public. Les acteurs plus proches du secteur« médical » se situent moins aisément dans lechamp de la promotion de la santé.4 Constats et recommandations en vue d’un plan concerté en matière d’assuétudes (RW/CF/CCF), Collège d’expertsen assuétudes - Juin 2005, disponible sur le site de la Direction générale de la santé. http://www.sante.cfwb.be/fi leadmin/sites/dgs/upload/dgs_super_editor/dgs_editor/documents/Publications/Assuetudes/assuetudes_rapport_06_2005.pdf .5 Extrait de l’Arrêté du Gouvernement de la Communauté française relatif au théâtre-action, pris en application dudécret du 10 avril 2003 relatif à la reconnaissance et au subventionnement du secteur professionnel des Arts de laScène http://www.cultureetdemocratie.be/fr/documents/theatre_action.doc .6 DELIENS, Cr., Carnet de voyage – partir en projet santé avec des partenaires, dans Santé en Communauté française,n°2, février 2009, p. 9-11.7 JESPERS, J.-J., journaliste et professeur à l’ULB, dans Bruxelles santé - Peur et prévention, p. 34.page 12 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


La promotion de la santé en Communauté françaisea trouvé son inspiration dans l’éducationpermanente ; des projets développés et financésdans les deux secteurs - santé et éducation permanente- existent.Les objectifs communs entre promotion de lasanté et culture peuvent être illustrés par cettedéfinition du théâtre action reprise par Cultureet Démocratie : « … [Les compagnies de théâtreactionont pour mission principale] … le développement,avec des personnes socialement ouculturellement défavorisées, de pratiques théâtralesvisant à renforcer leurs moyens d’expression,leur capacité de création et leur implicationactive dans les débats de la société… » 5 .Dans le cadre de son programme « A table lescartables », Cristine Deliens met en avant desobjectifs semblables : « Elles [les activités] sontbasées sur des principes pédagogiques et depromotion de la santé impliquant la participationdes élèves, la valorisation de chacun, le collectif,la créativité, l’ouverture (autres classes, extérieurde l’école, quartier) ainsi que l’utilisation desressources de proximité : parents, PSE et PMS,acteurs éducatifs et de santé, secteur socioculturel,école des devoirs et associations du secteurnon marchand… »Et plus loin : « Agir pour quoi et sur quoi ? Permettreà chacun de trouver sa place dans ungroupe, de prendre part à un projet, de s’exprimer,de donner son avis, de comprendre les liens entreles choses et ce qui mène à la santé ou surquoi il est possible d’agir, c’est contribuer - ànotre sens - à faire « des gens debout », des acteursd’aujourd’hui et de demain, des explorateursdu « pourquoi » et du « comment » quipourront, peut-être, mieux maîtriser leur projetde vie et contribuer collectivement à un monde« en meilleure santé » 6 .Le monde associatif n’est pas exclusif : les pouvoirspublics locaux – les communes – ont unrôle fondamental pour stimuler et soutenir despolitiques transversales. Le réseau des communesen santé était une tentative d’implicationdes communes.Les pressions sur les politiquesCes acteurs vont, sur le terrain, ressentir cruellementles incohérences, les absences de prisede décision, les dysfonctionnements dans lespolitiques menées, et ce d’autant plus que leurattente est liée directement à la pression exercéepar leur public.La question de la pertinence et de la cohérencea déjà été abordée ; au niveau des choix politiques,ceci va de pair avec des fi nancementsadéquats que la Communauté française a desdifficultés d’assumer dans son carcan budgétaire.Mais bien d’autres questions se posent quiinfluencent la prise de décisions. Une société quia peur, peur de ses concitoyens, peur de son environnement,peur de son cadre de vie individuel(logement, emploi…), se rétracte sur elle-même,s’enferme au sens propre et au sens figuré et sesent dans une grande insécurité. Elle exige deceux à qui elle a délégué des responsabilitésqu’ils prennent des mesures de protection (principede précaution) qui se traduisent en mesuresd’interdiction (pour notre bien évidemment…)et de sanction (tolérance zéro). L’accident, le faitdivers, l’évènement dramatique sont relayés parles média avec d’autant plus d’importance qu’ilsrépondent à l’attente anxieuse du public. « Parun paradoxe qui n’est qu’apparent, dans cettesociété hyper-sécurisée, le sentiment d’insécurités’aggrave, car on se rend compte que sécurité(de vie, d’emploi, etc.), santé et confort sontfragiles et que nous les payons un prix très élevé.Les médias exploitent cette crainte de l’insécuritéet en font un argument de vente. Une formepervertie du principe de précaution s’impose unpeu partout. Tous les risques sont mis en exergueet parfois sciemment exagérés pour susciter descomportements de consommation « paniques ».Il faut remarquer que les médias mettent surtouten avant les risques individuels (maladies cardiovasculaires,sida, cancer du fumeur) et non lesrisques liés au travail, qui sont considérés commerelevant de la fatalité... ». 7Avec un rien d’observation, il est aisé de deviner,à l’écoute de certaines nouvelles du journal télévisé,celle qui dès le lendemain va entraîner<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 13


une réaction du Ministre concerné et le typed’action qui sera choisie. A l’intrusion agressivedans une école, l’enfermement des élèves derrièredes grilles est certes un malheureux réflexede peur mais également une réaction immédiatequi évite d’analyser le pourquoi doit-onmettre des grilles. Les acteurs du secteur desassuétudes sont confrontés couramment à laprise de mesures sécuritaires qui évitent de seposer certaines bonnes questions.L’action politique est ainsi soumise aux pressionsde la société ou de certains de ses groupes (exemplele faible pourcentage des parents favorisésopposés au décret mixité), de certains médias(orientés plus vers l’événement dramatisant quevers la réflexion et la construction), des parlementaires(interpelant les Ministres dans desoptiques parfois peu constructives) et en fin decompte à la contrainte de son propre mandat (lemandat politique est un contrat à durée déterminée).Face à ce climat tendu, qui exige des politiquesdes mesures rapides, des décisions simples,tranchées, des plans d’urgence, le concretet le visible priment, en contradiction avec lesstratégies de promotion de la santé dont la miseen œuvre sur le terrain peut être perçu(e) comme« un détour » et une perte de temps, mais pour lesscientifi ques et acteurs de terrain des sciences humaineset du développement communautaire, cettemanière de faire est la plus « durable » en termes dechangement» 8 .Certains acteurs de la promotion de la santén’échappent pas à cette tendance normative tantpar leur soutien à de bons comportements tropsouvent édictés en vérité, à des interdictions quiseraient complémentaires de leurs actions. Jene peux m’empêcher de relever ici le concept de« dénormalisation ». Comme son nom l’indique,cette stratégie vise à organiser de manière systématiquel’adhésion sociale à la norme desanté publique 9 .Quand il s’agit de jeunes, surtout sur les questionsde prise de risques, la nécessité de prendredes décisions est invoquée. Cependant, « aucuneraison ne pourra jamais, à elle seule et à coupsûr, empêcher l’homme d’agir mal, délibérément.Le désir est à l’œuvre dans l’agir humain, et ledésir c’est l’autre de la raison si le pire, pour unregard extérieur, se trouve parfois être choisi,c’est parce que celui qui choisit s’imagine queson choix est le meilleur Le sujet résiste – mêmeà l’attention bienveillante de l’autre – pour desraisons qui lui sont propres, raisons auxquellessouvent lui-même n’a pas accès. Les injonctionslégitimes qui visent à lui apporter une meilleurequalité de vie sont rejetées ou superbementignorées » 10 .PerspectivesUn cadre existe, un dispositif est en place, desacteurs sont présents. Ce n’était pas l’objet decet article de faire une présentation des publicscibles.Mais ne soyons pas naïfs : les inégalitéssociales face à la santé augmentent en Belgique.Avoir une politique de promotion de la santé estun enjeu majeur pour la valorisation des personneset des groupes de personnes, par la miseen avant des compétences de chacun, pour unaccès à plus d’équité. Pour cela, il convient depoursuivre dans l’analyse et la remise en questionpermanente des choix politiques et du travaildes acteurs.Tenir compte des conditions sociales des personneset des communautés (y compris économiques,culturelles…) est un préalable à toute actionde promotion de la santé. En promotion de lasanté, il n’y a pas de mesures autoritaires quisoient justifiées et encore moins de mesures coercitiveset sécuritaires. Les personnes qui sontdans des situations de vulnérabilité (en relationavec leur logement, leur emploi, leur handicap,leur identité culturelle…) sont également celles8 DELIENS, ibidem, p. 6.9 PREVOST, M., Quand les a-normaux se rebiffent, à propos de l’article de P. Tréfois « fumeurs réveillez-vous » dansSanté Conjuguée, n°41, juillet 2007, p. 40.10 Philippe Lecorps et Jean-Bernard Paturet, extrait du livre Du biopouvoir à la démocratie, cité dans Fumer ou ne pasfumer... est-ce la question ?, Direction générale de la santé, 2002, p. 22.page 14 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


« Vers des recommandations faceaux inégalités sociales de santé »- Actes de la Deuxième Journéeliégeoise de promotion de lasanté (Octobre 2008)Le CLPS de Liège a fêté ses 10 ans le 7 octobre 2008. Cettejournée était une « étape-phare » d’une dynamique portéeet partagée par des professionnels, acteurs auprès despopulations précarisées en région liégeoise. Les actesde cette rencontre sont accessible gratuitementsur le site www.clps.be.Au sommaire : les modes de concertation, decommunication, les liens des professionnels et despolitiques avec les populations précarisées et lesreprésentations des réalités sociales propres à la régionliégeoise. Les thèmes de l’accessibilité des soins, laparticipation des populations, ainsi que laprofessionnalisation de la promotion de la santé, ontégalement fait l’objet de débats sur base d’un travail defond, mené préalablement par un ensemble de 44professionnels du social et de la santé issus de la région.NB : un « Cahier de recommandations » a également étémis à disposition sur le même site web ; il est destiné auxpolitiques et institutionnels.qui risquent le plus la stigmatisation et l’humiliation.Leur risque d’enfermement est multiple.Le choix des plans de santé nationaux par problématiquequi promeuvent une déclinaisonlocale par les Communautés ne doivent pas prendrela place de politiques de promotion de lasanté dont un des objectifs principaux est deréduire les inégalités, de créer du lien social.L’évolution ces dernières années met en évidenceune difficulté importante d’intégrer lespolitiques de prévention dans la promotion dela santé. Bien que le cadre de référence de promotionde la santé soit continuellement affirmépar les politiques (Gouvernement et parlementaires),la réalité est autre : programmes desanté publique, approche biomédicale, orientationplus marquée vers les acteurs médicaux dela santé, adhésion aux programmes nationauxsans toujours beaucoup de réflexion (la Communautédevenant un « exécutant » des décisionsnationales sous l’égide du fédéral).Cette évolution vers une référence santé publique,basée sur les chiffres répond de façon immédiateaux pressions de la société (via médiasinterposés) pour la sécurité, la protection, laprécaution et le sécuritaire mais vont à l’encontredes démarches de promotion de la santé.Le secteur santé de la Communauté française aune proximité avec la culture, l’éducation, l’aideà la jeunesse… qui sont autant d’approches quis’inscrivent dans des choix semblables. A chacunde se servir, de rappeler ou de forcer l’attentionvers ces leviers de prévention, vers ces possibilitésà notre disposition de transversalité. ■<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 15


PRÉVENTIONET RÉDUCTIONDES RISQUESActeurs et actions en Communauté française.> Lucia Casero, Pharmacienne, coordinatrice d’Eurotox.Début 2009, Eurotox publiait un état des lieux des actions et des acteurs deprévention des assuétudes et de réduction des risques fi nancés par les pouvoirspublics en Communauté française. Ce cadastre identifi e tant les caractéristiquesdes acteurs qui les mettent en œuvre que les publics cibles et bénéficiaires lesplus concernés par ces actions. Une première phase du travail s’est concentrée surles projets subsidiés par Les Ministères de la Santé (CF, RW, COCOF). Présentationdu projet et de ses résultats en texte et en tableaux.1 Le rapport complet est disponible enversion PDF imprimable sur le sited’Eurotox : http://www.eurotox.org Uneversion papier peut être commandée àl’adresse info@eurotox.orgUN CADASTREDepuis la première publication du rapport surl’usage des drogues en Communauté française(1999-2000), Eurotox a consacré une partie importantede cet ouvrage à la description des interventionsde promotion de la santé, de préventionet de réduction des risques. C’est à traversles différents rapports publiés depuis, que nousavons perçu un manque de vision globale desactions ainsi qu’un manque de comparabilité desinterventions, ce qui soulève la nécessité de réaliserune collecte de données harmonisées, permettantde décrire les actions dans leur globalité.Cette collecte s’est concrétisée en cette premièrephase de l’élaboration d’un cadastre des actionsde prévention et de réduction des risques menéesen Communauté française 1 . Ce travail est le résultatd’une collaboration avec les associationsdu terrain, qui désiraient obtenir une plus ampleconnaissance du secteur ainsi qu’une meilleurevisibilité de leurs actions.Les différentes phasesdu cadastre :une approche globale depromotion de la santéLes compétences en matière de drogues relèventprincipalement des secteurs de la santé et de lajustice. Néanmoins, d’autres secteurs y participent,comme le Ministère de l’intérieur, le cabinetet l’administration du Premier Ministre, le Ministèredes Affaires Etrangères, etc.). Les compétencesen la matière sont échelonnées entre l’étatfédéral, les entités fédérées, les provinces et lescommunes. Étant donné que le but du cadastreest de décrire l’ensemble des actions de préventionet de réduction des risques en Communautéfrançaise, il est important d’identifi erl’existence de ces actions dans chaque secteur(autant au niveau fédéral que communal, régionalet/ou provincial).Eurotox étant confronté à l’impossibilité de réaliserl’identification de toutes les actions lorspage 16 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


d’une seule phase, il a été prévu de conduire larecherche en trois étapes, afin d’assurer tout demême l’objectif d’élaborer le cadastre dans uneapproche globale de promotion de la santé. Lesdifférentes phases sont les suivantes :La première phase s’est centrée sur les actionsmenées par les acteurs travaillant dans le domainede la prévention des assuétudes et de laréduction des risques et ce, via un financementde la Communauté française (CF), la COCOF et/ou la Région wallonne (RW).La deuxième phase sera consacrée aux actionsréalisées dans le cadre des Plans Stratégiques deSécurité et de Prévention financées par le Ministèrede l’Intérieur. Seront également traités lesFonds de lutte contre les assuétudes du MinistèreFédéral de la santé. Cette partie du cadastreest actuellement en cours d’élaboration. Elle s’étalerale long de l’année 2009 et début de 2010.La troisième phase tentera de décrire les interventionsfinancées par la Communauté françaisedans le secteur de l’éducation permanenteet de l’aide à la jeunesse.Quels sont les institutionset projets qui ont participéà l’étude ?L’utilisation d’un plan méthodologique est indispensablepour obtenir des résultats fiables etcomparables. Ainsi, nous avons défini des critèresde sélection tant pour les institutions quepour les projets. Toutes les institutions qui satisfaisaientaux critères prédéfinis ont été intégréesdans l’enquête. De même, nous avonsidentifié les différents projets réalisés par cesinstitutions à nouveau sur base des critères définisa priori. Toutes les institutions retenuesdéveloppent des actions de prévention et/ou deréduction des risques via un financement de laCommunauté française, de la COCOF ou de laRégion wallonne. Tous les projets inclus fonctionnentavec un financement public ou privé,ils réalisent des actions de prévention (sont doncexclus les projets du champ curatif). Ces projetssont initiés ou en cours de réalisation en 2007et 2008 avec une durée minimale de trois moisou à caractère récurrent.Sur base de ces critères de sélection, 75 institutionsont été identifiées comme étant éligiblesà participer à l’enquête. La méthodologie adop-tée dans le cadastre a mis l’accent sur un travailde proximité avec les institutions sélectionnées.De ce fait, l’identification des projets s’est réaliséeen étroite collaboration avec les responsablesdes institutions/projets et ce via la réalisationd’entretiens. Cette tâche ardue mais nécessaire,qui s’est étalée pendant plusieurs mois, apermis de faire la distinction entre « projets » et« programmes » (diminuant ainsi le nombre debiais), l’appropriation du questionnaire de lapart des institutions et donc l’obtention d’untaux de réponse élevé.RÉSULTATS :COMPLÉMENTARITÉET PLURALITÉAu printemps 2008, 62 institutions ont été interviewéesafin d’identifier les projets réunissantles critères d’inclusion. Après élimination desinstitutions et projets hors critères ainsi que desrefus de participation, un total de 44 institutionsont reçu un questionnaire. Trente-quatre d’entreelles l’ont complété totalement ou partiellement,ce qui représente un taux de réponse global de77,3%. Ce taux de réponse élevé est dû en partieà la réalisation préalable d’entretiens et donc àla personnalisation de l’enquête.Au sein des 34 institutions qui ont participé àl’enquête, 129 projets ont été répertoriés.Aperçu global des institutionsLa plupart des institutions qui ont participé aucadastre ont le statut d’ASBL (91%). En ce quiconcerne la localisation géographique, l’état deslieux montre que 44% des institutions sont baséesen Région bruxelloise. Parmi les 56 % quisont basées en Région wallonne, le plus grandnombre sont installées en province de Liège(7/19) et dans la province du Hainaut (6/19).Néanmoins, il est important de signaler que lacouverture géographique des actions est bienplus large que le siège social des institutionsdont elles dépendent.Le financement des administrations publiquesest particulièrement important dans les institutions.Le cadastre souligne le fait qu’une grossepartie des institutions (près de 80%) fonctionnentavec un co-financement d’origine publique.Lorsque l’on compare le nombre de travailleursEurotox fondée en 1990, remplit lafonction d’Observatoire socioépidémiologiqueAlcool Drogues enCommunauté française ainsi que lamission de Sous Point focal du réseauREITOX (Réseau Européend’Information sur les drogues et lestoxicomanies) en Communautéfrançaise, pour l’Observatoire Européende Drogues et Toxicomanies (OEDT).L’association a pour objet la réalisationde projets d’études et de recherchesdans le champ des assuétudes. Elle apour but l’amélioration de laconnaissance du phénomène del’usage des drogues, de son contexte,de ses conséquences.Des informations complémentaires surl’association ainsi que les différentsrapports sont disponibles sur le site :www.eurotox.org<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 17


Les subsides octroyés par les pouvoirs publicsconstituent la source principale de financementdes projets. Une minorité de ceux-ci bénéficied’un soutien financier du secteur privé (dons,activités rémunérées…). Ceci met en évidencela dépendance des projets aux pouvoirs subsidiantset la nécessité des projets de fonctionneravec plusieurs subsides.De manière globale, les résultats de l’étude nousmontrent une complémentarité et une pluralitédans les différentes activités mises en place.Celles-ci sont réalisées dans des lieux d’actionassez diversifiés, et les outils employés sont trèsvariés. Si on analyse plus en détail ces informationson constate que les activités de sensibilisationet/ou d’information sont, avec la formationet la documentation, les plus répandues (88%,57% et 53% des projets respectivement). Commeon peut le voir dans le graphique 1, les lieuxde développement des activités les plus évoquéspar les intervenants sont : le milieu scolaire(34%), le milieu associatif (32%) et le milieufestif (20%). Pour ce qui est des outils utilisés(voir graphique 2), une majorité des projets ontrecours à des supports écrits, 82% des projetsutilisent des dépliants, brochures, livrets, 51%des affiches et 39% élaborent des rapports.Les projets ont prioritairement recours à un publicrelais afin de toucher la population bénéficiaire(82% des projets). Ils se concentrent sur un publicbénéficiaire de type spécifique (90%). Parmiles trois groupes de publics bénéficiaires les plusvisés par les projets, on recense les consommateurs(43%), les jeunes (37%) et les étudiants(31%), alors que les projets en faveur des détenus(9%), des femmes enceintes (9%) et des prostituées(10%) sont plus minoritaires.D’une façon générale, l’évaluation des projets etdes programmes est une question considéréecomme primordiale dans les actions de santépublique. Elle est également assez recherchéepar les organismes internationaux. Dans le cadredu cadastre, il apparaît que la plupart des projetsont été évalués ou le seront dans le futur. À cetégard, il faut mentionner que le questionnaire neprécisait pas la distinction entre « évaluation »et « monitoring ». On peut donc envisager qu’uneconfusion entre les deux termes ait pu se prorémunéréspar les institutions et le nombred’équivalents temps plein, il apparaît que lesinstitutions répertoriées travaillent de préférenceavec un personnel à temps partiel.Étant donné que le cadastre se concentre sur lesactions de prévention et de réduction de risques,il a été demandé aux institutions de nous communiquerle(s) type(s) d’approche (s) utilisé(s).Eurotox a choisi de ne pas partir d’une définitionpréalable des différentes approches mais plutôtde recenser et de décrire les actions telles qu’ellessont comprises et mises en œuvre par les intervenants.En d’autres mots, le cadastre montre lesdifférents types d’approches rapportées par lesacteurs du terrain sans qu’on puisse pour autantfaire une classifi cation unique des différentesterminologies utilisées (les approches réductionde risques, prévention des dépendances, préventionde l’usage abusif, etc. auraient pu être définieset interprétées de diverses manières par les professionnelsdu secteur). Ceci peut expliquer ladiversité et surtout certaines combinaisons d’approchesrépertoriées. Le tableau 1 donne les détailssur la question.Tab 1. Répartition des institutionsen fonction du type d’approche.Type d’approche n %Unique 11RDR 9 27,2Prévention des2 6,1dépendancesCombinées 22RDR1 3,0+ prév. dépendancesRDR + prév.usage+ prév. dépendancesRDR + prév. usage+ prév. usage abusif3 9,11 3,0RDR + prév. usage abusif 3 9,1RDR + prév usage abusif+ prév. dépendancesPrév. usage + prév. usageabusif + prév. dépendances6 18,22 6,1Prév. usage + abstinence 1 3,0Prév. usage abusif+ prév. dépendances1 3,0Toutes les approches 4 12,1Total 33 100Aperçu global des projetspage 18 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


Graphique 1.Répartition des projets selon les lieux de développement des activités(n=129) Plusieurs réponses possibles>%duire, entraînant ainsi un biais de surestimationdu nombre des projets effectivement évalués. Lesévaluations sont en majorité de type qualitativeet quantitative (80%) et effectuées par une personneou l’équipe appartenant à l’institution(70%). Près d’un quart des projets font appel àun évaluateur externe pour la réalisation decette tâche. Par contre, en ce qui concerne l’allocationd’un budget « évaluation », le cadastremontre que 65% des projets n’ont pas prévu uneenveloppe spécifique pour les dépenses qui serontliées à cette activité d’évaluation. Enfin notonsque, parmi les difficultés rencontrées lors dela réalisation de ces projets, on retient en prioritéle manque de ressources financières (43%),le manque de disponibilité interne (37%) et lemanque de disponibilité du public visé (31%).Un premier outilLe rapport cadastre constitue un premier outildescriptif de l’offre des actions de prévention etde réduction des risques liées à l’usage de droguesen Communauté française. Il a permis, danssa première phase (« phase santé »), d’apporterune vision générale des actions réalisées dansle secteur exploré. En réponse à la complexité dela problématique de l’usage des drogues, lesinstitutions de terrain mettent en place une multituded’actions complémentaires, dans des lieuxd’actions bien diversifiés et en ciblant un publicbénéficiaire de type spécifique. Le public relais%prend une place importante dans la conceptiondes actions. Le financement demeure une questioncruciale (dépendance des institutions auxfinancements publics et nécessité de travailleravec plusieurs financements).L’utilité d’un tel cadastre passe par des mises àjour régulières. Il est important de rendre l’outildescriptif le plus dynamique possible et ce, àtravers des actualisations qui permettront unemeilleure connaissance des actions et des acteurs.Une telle approche permettra égalementde réaliser des corrections et ajouts ainsi qu‘uneanalyse de l’évolution des actions. ■Graphique 2.Répartition des projets en fonction des outils utilisés.(n=129) Plusieurs réponses possibles<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 19


USAGES DE DROGUES ETASSUÉTUDES : ACTEURS DEPRÉVENTION À BRUXELLESET EN WALLONIE> Etienne Cléda, <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong>.La Communauté française Wallonie-Bruxelles a placé la prévention des assuétudes parmi les dixproblématiques de santé prioritaires dans son programme quinquennal de promotion de la santé2004-2008 1 . Treize services spécialisés bénéfi cient de subventions pour des projets de préventiondes assuétudes (prévention, formation, informations, outils méthodologiques, …) dans le cadre dece programme. Complémentairement, les Centres Locaux de Promotion de la Santé 2 hébergentdepuis septembre 2007 les « points d’appui assuétudes » en milieu scolaire chargés de favoriser lacollaboration entre les écoles, les PSE 3 et les associations spécialisées en prévention des assuétudes.Enfin, Eurotox a été choisi et est subsidié comme « Sous-point focal du réseau Reitox et observatoiresocio-épidémiologique alcool/drogues » 4 et récolte d’autres données qu’elle met en lien àdestination des pouvoirs publics et des acteurs en Communauté française (morbidité, données surles consommations, données sur les politiques développées, données sur des projets, des initiativesde promotion de la santé, etc.). Une carte pour y voir plus clair.TEXTOLa prévention des assuétudes selon le programme quinquennal de promotion de la santé.« La prévention des assuétudes repose sur unparadoxe puisqu’il s’agit pour une part d’inciterà éviter un comportement et pour une autre partd’éduquer à la responsabilité et au libre choix.La question des drogues fait partie de l’expériencehumaine, et ce dans toutes les cultures.Mais l’angoisse suscitée par les drogues et l’emprisedu modèle biomédical (à tout problèmeson traitement, son vaccin...) incitent à rechercherdes solutions en termes d’élimination,d’éradication. Un autre aspect de la problématiquedes assuétudes réside dans l’accent missur les psychotropes illicites, alors que les autresaccoutumances (aux médicaments, à l’alcool,au tabac) reçoivent une attention moindre, ouen tout cas soulèvent moins d’émotion et sontabordées de manière bien différente. […]Objectifs de promotion de la santéa) Développer les compétences favorisant lasanté mentale et relationnelle et promouvoirun équilibre de vie qui ne soit pas dépendant1 Arrêté du Gouvernement de la Communauté française approuvant le programme quinquennal de promotion de lasanté 2004-2008. Chapitre III. Des problématiques de santé prioritaires, p. 13.2 Voir les missions et la liste des centres agréés sur la page www.sante.cfwb.be/rubiques/organismes_agrees_conseil_davis/centres.3 Promotion de la Santé à l’Ecole.4 Cette mission se situe dans le cadre des obligations de la Communauté française vis-à-vis de l’Observatoire Européendes Drogues et des Toxicomanies (OEDT). (www.emcdda.europa.eu/html.cfm/index373FR.html).page 20 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


EurotoxBruxelles – 02 539 48 29www.eurotox.orgInfor-DroguesBruxelles – 02 227 52 52www.infordrogues.be<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong>Bruxelles – 02 512 17 66www.prospective-jeunesse.beFARESBruxelles – 02 512 29 36www.fares.beModus VivendiBruxelles – 02 644 22 00www.modusvivendi-be.orgAIGSVottem – 04 228 89 89www.aigs.bePériscope(Citadelle + Canal J)Tournai – 069 23 48 39www.citadelle-asbl.orgAVATVerviers – 087 22 16 45avatprevention@scarlet.beUnivers SantéLouvain-la-Neuve – 010 47 28 28www.univers-sante.beCPAS Charleroi SSMCharleroi – 071 32 94 18csm@cpascharleroi.beCoordinationprovinciale SidaAssuétudesNamur – 081 72 16 21sida.toxicomanie@province.namur.beSésameNamur – 081 23 04 40www.sesame.beALFALiège – 04 223 09 03www.centrealfa.beNadjaLiège – 04 223 01 19www.nadja-asbl.bede la consommation régulière de substancespsycho-actives.b) Aider les jeunes à se situer personnellementpar rapport à la consommation de substancespsycho-actives, en prenant en compte les projetsde vie personnels des jeunes et leurs conditionsde vie, mais aussi la réalité sociale.c) Développer des programmes de gestion et deréduction des risques sanitaires liés à la consommationdes différents produits, en tenant comptedu type de produits, du mode et de la fréquencede la consommation, du sexe et desdifférences d’âge et de maturité des jeunes, despropriétés des différents produits et des risquessanitaires liés à leur consommation.d) «Dénormaliser» l’industrie du tabac (= déconstruireles mécanismes par lesquels celle-ci seprésente comme légitime et normale et commercialiseun produit présenté comme légitimeet normal).Objectifs de préventionSensibiliser et former les intervenants de premièreligne (maisons médicales, centres de santémentale, généralistes...) à mettre en question leshabitudes de consommation et à soutenir lespatients. »Texte complet :www.sante.cfwb.be/textes-officiels/ps/<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 21


LE GUIDE « MILLE FACETTESPARLER DES DROGUESAVEC LES JEUNES »Reflet d’une pratique en prévention.> Nicole Stenuit, chargée de mission, équipe prévention de Nadja asbl.Nos représentations, notre perception du monde, de notre rapport aux autresse forgent au travers de tout ce qui constitue notre vécu, nos expériences,les contextes dans lesquels nous sommes intégrés, les personnes que nousrencontrons, les informations qui nous interpellent… Elles s’organisentautour de convictions et de valeurs qui donnent sens à nos comportementsainsi qu’à nos pratiques professionnelles. Dans cette optique, le guide« Mille Facettes. Parler des dépendances avec les jeunes » conçu récemmentpar l’équipe préventive du Centre Nadja, exprime une représentation dela problématique des assuétudes. Celle-ci fonde une démarche préventiveinscrite dans l’histoire du centre Nadja au travers de 30 ans d’expérience.L’Asbl Nadja : les originesIl y a trente ans, les parents d’un toxicomanefondent une asbl avec des amis sensibles àcette problématique. Les centres de soins spécifiquespour toxicomanes sont peu nombreux.Ils ouvrent une communauté thérapeutique calquéesur un modèle français : les ex-toxicomanessont jugés les plus qualifiés pour réapprendreaux toxicomanes à vivre dans un lieu sans drogues,coupé de la société. Après un an de fonctionnementgrâce à des fonds propres, les administrateursconstituent un projet CST 1 et engagentune équipe de travailleurs psychosociauxpour encadrer les toxico-thérapeutes, conditionnécessaire pour une reconnaissance INAMI. Lesrésidents refusent d’être secondés par des professionnels.Suite à cette dissension, la communautéferme ses portes. Se pose alors la questionde la poursuite du projet avec notre équipe fraîchementconstituée. Ouvrir un centre d’accueilapparaît comme la solution miracle.Une époque de rechercheet de rencontresVoici cinq personnes, issues d’horizons divers,parachutées dans le domaine de la « toxicomanie», avec leurs diplômes pour tout bagage.Notre fonction est floue. Si le cadre manque derepères, la bienveillance des administrateursnous soutient dans nos initiatives. Tout est àcréer. La situation est précaire mais l’absence desubsides ne nous oblige à aucune démonstrationde résultats immédiats. Notre manque d’expériencenous met à l’abri de théorisation unificatriceet du vouloir sauver à tout prix.Avec cette dimension de curiosité et d’intérêtqui nous réunit, avec le désir de prolonger l’aventureau-delà de l’année garantie, nous nouslançons dans la recherche d’informations. C’estle temps des rencontres avec les quelques centresspécialisés, c’est le temps des lectures, c’estle temps des questionnements à une époque oùle phénomène des « toxicomanies » commencepage 22 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


Le départ d’un membre de l’équipe permet auConseil d’administration d’engager un ancientoxico-thérapeute. « Il a une expérience de l’héroïnomanie,il pourra donc nous aider dans notrecompréhension du problème et assurer notrecrédibilité aux yeux du public ». La conviction quiveut que pour parler des drogues, il faille en avoirconsommé est tenace.Le vécu de notre collègue, le contexte de sa dépendance,sont si singuliers (adolescence, acciàinterroger les pouvoirs publics en Belgique.Nous informons le grand public et les professionnelsde la santé de l’existence du centre, nousvisitons les toxicomanes là où ils se trouvent :prisons, hôpitaux psychiatriques. Et l’appellation« Nadja », choisie par le fils du président du C.A.correspond bien à cette période de recherche.Elle fait référence au livre éponyme d’André Bretonqui raconte la rencontre du poète avec cepersonnage féminin et leurs errances. « Elle luidit son nom, celui qu’elle s’est choisi : Nadja,parce qu’en russe, c’est le commencement dumot espérance, et parce que ce n’en est que lecommencement. »Un point d’ancrageLe centre est ouvert à toute personne confrontéeà ce qu’on appelle alors «des problèmes de drogues». Et des personnes frappent à la porte, despersonnes à accueillir… Il s’agit principalementde résidents d’hôpitaux psychiatriques, de personnesen transit après un séjour en prison ouen communauté thérapeutique...Face à notre manque d’expérience, nous privilégionsl’écoute et l’observation. Nous ne procuronsaucun médicament, nous ne donnonspas d’argent. Nous n’offrons que l’accueil, uneécoute individuelle avec un membre de l’équipe,assortie d’une tasse de café. Nous cherchonsemploi, logement, nous déménageons,le cas échéant … En bref, nous essayons denous rendre utiles.Très vite, la proximité que nous établissons avecles visiteurs nous apparaît peu professionnelle.Il faut cependant resituer cette attitude danscette époque où les personnes manifestant desproblèmes de dépendance sont placées dans leshôpitaux psychiatriques ou en prison et maisonde défense sociale. Peu de communautés thérapeutiquesexistent. Elles accueillent sur base dela motivation. Le « toxicomane » est-il un maladeou un délinquant ? Aucune de ces représentationsne nous paraît adéquate. C’est un marginalalors, en révolte contre la société ? L’époquedes années 60, 70 est révolue. Partager des momentsde détente avec nos visiteurs nous amèneà percevoir en eux des êtres humains quirecherchent un sens au travers des circonstancesde vies qui leur échoient. Equivalence certes maisdifférence lorsqu’il s’agit d’un rapport contraignantavec une consommation qui envahit leurvie et leur rapport aux autres.Nous n’avons pas d’objectif d’abstinence dansune ère qui la préconise, nous pouvons dès lorsêtre à l’écoute. Notre absence de préjugés ouvreà la confiance. Lorsque la plupart de ces personnesnous content leur rencontre avec la « drogue», le contexte, leur vécu par rapport à cetévénement, nous observons que leur physionomiechange, il y a de la vie qui se manifeste dansle regard, dans la détente …Des ressources sont impliquées dans leur expérienceavec la consommation de drogues, desressources vitales : ressentir, se sentir dans l’immédiaten accord avec une image de soi acceptable,reconnue... La consommation de droguesimplique un investissement important. Commenten tenir compte pour les soutenir dans leur demandede changement ?Un centre de documentationen ébaucheNous cherchons des réponses à notre questionnementdans les livres et revues spécialisées.Un don de l’United Found of Belgium nous permetde constituer un fond documentaire. C’estl’occasion pour nous de rencontrer un publicen quête d’informations. Si nous prêtons attentionaux motifs de leur recherche de savoir, nousconstatons combien leur demande est variée.Un nouvel axe de travail s’ouvre à nous. Une documentalistebibliothécaire est engagée.Des demandes de préventionRue Souverain-Pont, 564000 Liège04.223.01.19nadja.prevention@skynet.bewww.nadja-asbl.be1 Cadre Spécial Temporaire, contrat du Ministère de l’Emploi et du Travail, offrant un emploi pour un an renouvelableaux chômeurs.<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 23


dent très grave avec complications physiques,découverte de la morphine en milieu hospitalieret recherche d’un nouveau départ dans la vie envoyageant vers le triangle d’or) qu’il est impossibled’en établir des généralisations.Très vite, le rôle de spécialistes nous est attribuépar certaines institutions scolaires et mouvementsde jeunesse… qui font appel à notreéquipe pour débattre avec leur public sur ce phénomènedrogues qui touche de plus en plus dejeunes. C’est la porte de la prévention qui s’ouvreà notre questionnement.Notre nouveau collègue s’implique avec nousdans ces animations. De commun accord il estconvenu que son témoignage doit se cantonnerau rôle de déclencheur au questionnement desjeunes sur leur propre perception de la consommationde drogues. Grâce à lui, nous éviteronstout discours ex-cathedra pour impliquer plutôtles jeunes dans une réflexion critique.Hélas, nous nous retrouvons entraînés dans uneexploration du monde au royaume de la drogue.Les questions fusent, certes mais à propos duparcours de notre collègue. Qu’elles pointent lecôté fabuleux ou sordide de son odyssée avec ladrogue, elles ont peu de rapport avec leur vécud’adolescents. Nous n’avons contribué qu’à renforcerleurs convictions, attrait ou rejet. Cetteperception entraînera-t-elle des changementsdans leurs comportements ? Nous en doutons.Nous avons peut-être contribué au grand tapagemédiatique qui mythifie si souvent le recoursaux drogues illégales. Quelques confidencesémergent mais comment en tenir comptedans l’ambiance générale et le peu de temps quinous est imparti.Un autre écueil se situe dans la place réservéeaux adultes : un rôle de spectateurs au mêmetitre que les jeunes dont ils sont responsables.Dans quelle mesure ne leur volons-nous pas lacommunication ?Très vite nous ne nous impliquons plus dans cetype d’interventions ponctuelles même si ellesprovoquent l’enthousiasme des spectateursadultes et jeunes.Ces rencontres avec les jeunes, dans leurs milieuxde vie, nous invitent à inscrire la consommationde drogues dans la recherche d’identité de l’ado-lescence. Les témoignages des personnes dépendantesnous ont révélé à quel point l’absencede personnes ressources leur a manqué àcette période. Comment ouvrir des portes auxjeunes dans leur apprentissage de vie, commentles aider à se construire en respectant leurs motivations? Les adultes ont une place importanteà prendre dans leur évolution.Une formation en communicationde Programmation-Neuro-LinguistiqueDe nombreux questionnements ont donc surgiau travers des péripéties vécues par l’équipe enrecherche de cadre et d’objectifs de travail. Nousavons oublié de vous signaler la prolongation denotre contrat transformé en TCT 2 , APE 3 ainsique l’octroi de subsides de la Communauté françaiseet de la Région wallonne. Partir de nosressources personnelles et de celles de nos environnementsplutôt que de se focaliser sur lesdéficiences et fragilités s’est inscrit dans nostribulations. Un questionnement nous réunit.Comment l’intégrer dans nos interventions ?Des compétences pratiques nous manquentencore. La Programmation-Neuro-Linguistiquepasse par là. L’équipe suit une formation commune.Elle a l’avantage d’offrir des modèles quireflètent en grande partie notre représentationdu rapport à l’autre. Elle propose certaines techniquesde communication adaptables à nosactivités.Une même lecture de la problématique des assuétudes,fondée sur les théories de la communication,imprègne les trois axes de travail quise sont développés petit à petit.Tous les comportements que nous adoptons sonten lien avec ce que nous pensons et ressentons.Ils témoignent de ce qui est important pour nous,à un moment précis, dans un contexte donné.Envisagé en tant que comportement humain,consommer une drogue exprime un sens spécifiquepour la personne qui y recourt. Elle chercheà obtenir ou à préserver ce qu’elle juge importantpour elle, à ce moment de son évolution. Si ellen’envisage aucun autre choix satisfaisant, laconsommation risque de devenir systématiquejusqu’à se transformer en dépendance.2 Troisième circuit de travail — 3 Aide pour l’emploipage 24 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


L’accent sur la préventionSelon cette lecture commune aux trois secteurs,toute réflexion sur les assuétudes se porte sur lesens que peut revêtir l’usage d’un produit, pourun individu, dans un certain milieu de vie. Laprévention ne consiste dès lors ni à lutter contreles drogues pour les éradiquer, ni à se focalisersur les produits ni à essayer d’isoler l’un ou l’autrefacteur de vulnérabilité. Elle ouvre le dialoguesur la recherche de chaque être humain pouraccéder au bien-être, donner un sens à sa vie, autravers des relations qu’il tisse avec les autres etdes multiples événements qui viennent se grefferdans son quotidien.Il ne s’agit pas de préconiser un code détaillé desbonnes ou mauvaises attitudes à adopter maisde susciter l’apprentissage de choix de vie épanouissants,de favoriser l’acquisition de ressourcesqui permettent à chacun de trouver sonidentité parmi les autres.Toute intervention préventive s’inscrit dans uncadre de communication. La prévention la plusefficace se vit au quotidien. Elle s’intègre à la viefamiliale dès le plus jeune âge, et plus tard à lavie scolaire puis professionnelle.Les artisans de cette prévention ne sont autresque les adultes en contact avec les jeunes dansleurs milieux de vie naturels (parents, éducateurs,travailleurs sociaux, enseignants, responsables etanimateurs de mouvements de jeunesse…). Ilssont à même d’établir un dialogue avec leur public,d’aborder la problématique de consommation etd’amener une réflexion sur les conduites à risque.Ils pourront également gérer de nombreuses situationsdans les limites de leur fonction. Seulesles situations jugées trop complexes nécessitentun accompagnement vers des structures de priseen charge. Ces milieux de vie et notamment lesinstitutions scolaires sont des lieux privilégiés desocialisation, offrant repères et limites.Notre intervention en matière de préventionconsistera donc principalement à accompagnerles adultes dans leur rôle d’acteurs deprévention.Des formations enCommunication et assuétudesLes adultes nous communiquent souvent leursentiment d’incompétence en matière de pré-vention. La drogue fait peur et suscite encore lafascination. Elle interpelle des valeurs fondamentalespour nous telles que la vie, la liberté, lamaîtrise de soi, l’intégration… Elle est le sujetde représentations souvent dramatisantes, oùl’amalgame est vite fait entre le consommateurdébutant et le toxicomane avéré. Le produit estvécu comme tout-puissant et la dépendance,inéluctable.Cette représentation -volontairement caricaturéeici – met l’adulte dans une position d’impuissanceet rend impossible toute communicationavec les jeunes. L’objectif d’un travailpréventif n’est pas tant de lutter contre la drogue-ce qui ne peut qu’être incitatif pour certainsjeunes- mais de lui faire concurrence ! Pour cela,il est nécessaire d’être à l’écoute de la démarchedes jeunes qui expérimentent la consommationou qui consomment de manière sporadique ourégulière. Ces constats nous amènent à proposersensibilisations, formations, supervisions réunissantles personnes motivées au sein des institutionsà mission éducative ou culturelles. Enréfléchissant sur les orientations à prendre pourle bien-être des jeunes, elles pourront intégrerdes projets à long terme adaptés aux objectifset valeurs de leur contexte.Le guide « Mille facettes.Parler des dépendancesavec les jeunes »Une réponse à des demandes individuellesDe nombreux adultes (enseignants, éducateurs,animateurs, intervenants psycho-médico-sociaux)frappent individuellement à notre porte.Confrontés à des jeunes qui adoptent des conduitesaddictives (consommation de drogues légaleset illégales, rapport problématique au jeu, àla nourriture…), ils requièrent connaissances etconseils pour aborder avec eux les risques qu’ilsencourent. Ils sont en recherche d’outils maisdéplorent le manque d’aide méthodologiquepour s’en servir de façon adéquate.Certes, nous leur conseillons de suivre une formation.Ils manquent de temps et signalentsouvent le peu d’investissement de leur directionpour leur accorder des disponibilités horaires.D’autre part, certains témoignent de la demandedes jeunes pour aborder le thème des drogues.<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 25


Ils ne peuvent remettreleur réponse aux calendesgrecques. Comment préservercette motivationévidente tout en respectantnos convictions face àune prévention à long terme,s’inscrivant dans un partenariatau sein des communautéssocio-éducatives ? Commentrépondre à une demandeimmédiate deconcret qui nous semblelégitime ?Partir des ressources là où elles se trouvent s’esttoujours inscrit dans notre recherche. Les personnesprésentant une demande de ce type nese voient donc pas remettre simplement quelquesoutils d’animation assortis d’un choix de connaissancesdélivrés par le centre de documentation.Un entretien avec un membre de l’équipe préventiveleur est proposé individuellement.La question de l’outilAucun outil n’est préventif en soi. Il s’inscrit dansun processus de communication dans lequel l’animateurconstitue l’ « outil privilégié ». Lors de nosentretiens avec ces futurs animateurs, le matériau« outil » sert de déclencheur pour une clarificationdes représentations de la problématique desconduites addictives. Que cherche-t-il à faire passercomme message au travers de l’outil ? Quellesvaleurs y sont-elles associées ? Quel impact aurat-ilsur le vécu des jeunes qu’ils côtoient ? Est-iladapté à leurs aspirations ? Quels en sont lesécueils ? Ouvre-t-il des portes à une responsabilisationou délivrent-ils des vérités incontournablesqui bloquent toute communication ?La réflexion théorique que nous abordons lorsde nos formations prend corps ici au départ d’unepratique. L’imagination prend le pouvoir. Nouscréons ensemble de nouveaux outils.Plutôt que de centrer le dialogue directementsur l’usage de drogues, les motivations qui y sontassociées peuvent servir de base pour un dialogueserein qui ouvre le débat à un autre niveau.Les adultes peuvent dès lors établir des pontsentre leur vécu et celui des jeunes : ils n’ont peutêtrepas expérimenté de drogues illicites maisles notions de dépendance, recherche de bien-être, prise de risque, rapport aux normes… sontau rendez-vous de toute expérience humaine.Par ce biais peuvent être discutés les risquesencourus au travers des comportements quechacun adopte pour satisfaire à nos aspirations.Les divers moyens pour gérer ou éviter ces risquespeuvent alors être évoqués sans recourir àla peur ou à une moralisation sur les bonnes oumauvaises conduites à adopter. .Ces moments d’animations avec les jeunes inscriventdans l’institution un temps et un espaceoù pouvoir se dire sous le couvert d’une mise ensituation proposée par l’outil. L’animateur quittele rôle de transmetteur de savoir pour les aiderà structurer leurs aspirations, leurs préoccupations,leur avis personnel en l’exprimant face auxautres sans crainte d’être jugés.Si cette partie de nos activités nous paraissaitau départ peu convaincante, nous acquérons laconviction que l’enrichissement mutuel que notreéquipe expérimente lors de ces mini-formationsindividuelles se répercutera dans le dialogueavec les jeunes.Publication de « Mille Facettes.Parler des drogues avec les jeunes »Le bouche à oreille fonctionne. Nous recevonsde plus en plus de demandes de ce type. La basede réflexions et d’outils devient assez riche pourformaliser tous ces éléments en un guide unique.Sa forme souple, attractive et évolutive constitueraun nouveau point d’appui pour accompagnerles adultes dans leur rôle d’acteurs de préventionen matière d’assuétudes.Au départ, l’objectif consiste à réunir, au coursd’une sensibilisation, des acteurs de préventionautour d’une base commune offrant des connaissancesthéoriques, des conseils méthodologiquesassortis d’outils détaillés.Reste à trouver une ossature qui structure lesdivers éléments et thèmes envisagés. Un schémaobligatoire ne peut cependant être imposé. L’animateurpourra piocher dans le guide les notionsà débattre selon ses préoccupations et celles deson public.Deux pistes jalonnent le guide :la piste 1 donne des éléments qui ouvrent à uneanalyse critique sur les produits, tandis quela piste 2 offre des éléments de réflexion sur ces« facettes » de l’expérience humaine.page 26 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


Pour essayer de classer les drogues, la documentationspécialisée utilise différents points de vuequi débouchent sur une expérience de vie. Répertorierles drogues selon les effets sur le psychisme(piste 1) amène un débat sur la recherchede sensations, d’émotions, le besoin de modifierses états de conscience que tout être humainéprouve (piste2). Classer les produits selon lemécanisme de dépendance physique et/ou psychiquequ’ils induisent (piste 1) ouvre à la notionde dépendance inhérente à la condition humaine(piste 2). La distinction drogues dures/droguesdouces si souvent mise en avant (piste 1)permet d’envisager les risques liés à de nombreuxcomportements (piste 2). Considérer lesdrogues selon le statut légal qui divise les psychotropes(piste 1) amène à réfléchir sur le rapportaux normes (piste 2).Des fiches thématiques développent chacunde ces thèmes pour aider l’animateur dans saréflexion. Elles sont assorties d’outils d’animationdétaillés selon des critères identiques. Unebrochure théorique accompagne cette partiepratique.Une ouverture vers des projetsinstitutionnelsTout en répondant à des demandes individuelles,la pratique de ce guide peut susciter l’émergencede réflexion et le partenariat. Il favorisel’échange entre plusieurs utilisateurs au seind’une institution à partir d’un matériau semblableet ouvre à la coopération autour d’une pratique.L’évaluation des préoccupations des jeunesau travers des animations de groupes différentspeut déboucher sur la mise en place de projetsinstitutionnels.Un outil qui fédère un réseaude partenairesDès sa sortie de presse, nous présentons l’outildans les différents réseaux de partenaires danslesquels nous sommes impliqués. Ceux-ci marquentleur intérêt à la fois pour l’outil et pour uneréflexion autour de la démarche en vue d’unediffusion locale.Partageant la même réflexion préventive, <strong>Prospective</strong><strong>Jeunesse</strong> s’allie à notre réflexion pourdévelopper une recherche-action autour de lapratique de ce guide, en Communauté fran-çaise. Un mi-temps supplémentaire est accordéafin de valoriser davantage le projet et de le menerà bien. Un subside extraordinaire nous permetde former les services spécialisés intéressés,afin qu’ils deviennent à leur tour formateursd’acteurs de terrain sur leurs territoires respectifs.Seize de ces services deviennent ainsi partenairesde cette recherche-action. Voici cespartenaires pour Bruxelles et pour le Brabantwallon : le FARES, <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong>, UniversSanté. Pour le Namurois : Sésame, Destination,Zone T, le Répit. Pour le Hainaut : CLPS de Mons-Soignies, Projet Périscope (Citadelle/Canal J),Symbiose, le service Prévention de la Ville deMons. Pour le Luxembourg: ODAS-Coordination.Pour la région de Liège : CLPS de Liège, ALFA,SRP La Teignouse.Un outil au centre d’une recherche-actionSi l’outil sert de base à la réflexion, il est senséévoluer au fil du temps grâce à ces utilisateurs,qu’ils soient animateurs ou partenaires « MilleFacettes », sans que cette évolution ne l’écartede la démarche éthique qui l’origine. L’outil seraenrichi, complété. Chacun mettra la main à lapâte, pour améliorer la recette et s’assurer qu’eleplaise à tous les palais. Des rencontres sontprogrammées régulièrement afin de favoriser leséchanges de pratiques et enclencher le processusde créativité au départ de leurs expériencesavec l’outil. Elles se passent à un niveau local,d’une part, entre animateurs, au départ de leursexpériences avec les jeunes ; entre centres spécialisés,d’autre part, lors de séances d’intervision.La co- animation - avec <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong>- de ces rencontres est un chaînon essentieldans le maillage de cette recherche-action.Dans le sillage du service Traitement, les servicesPrévention et Documentation évoluentcontinuellement grâce à leurs réflexes de questionnement,de remise en question et de réorientationperpétuels. La démarche « Mille facettes» qui vous a été présentée n’est qu’uneillustration, un reflet de ce mouvement d’interrogationet d’ajustement aux besoins (ici trèsconcrets) du public. Ce type de réponse trouvesa place dans le large éventail des possibilitésoffertes par le Centre, aux côtés d’autres propositionset pratiques. ■<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 27


DROGUES : VALEURSET ENJEUX LIÉS À LARÉDUCTION DES RISQUES> Ludovic Henrard et Bruno Valkeneers, membres de la Plateforme Réduction des Risques.Les stratégies de Réduction des Risques, quoique pertinentes et efficaces,sont entravées aux niveaux politique et judiciaire. Par le fi nancementparticulièrement précaire dans notre pays. Par l’absence de cadre légal pourl’exécution des missions de Réduction des Risques. Modus Vivendi asbl, leCentre d’Action Laïque, les fédérations d’institutions d’aide aux toxicomanesbruxelloise et wallonne (FEDITO), la Ligue des Droits de l’Homme et la Liaisonantiprohibitionniste, partant de leur soutien aux principes éthiques et auxobjectifs guidant les stratégies de RdR, demandent que la mise en placede ces actions soit mieux fi nancées et surtout légalement protégéeset garanties.La Réduction des Risques (RdR) vise à prévenir età limiter les dommages sanitaires et sociaux liésaux consommations de drogues. En dépit des viesépargnées et d’un large consensus professionnelsur la pertinence de ces actions, la RDR souffred’un sous financement structurel et de l’absenced’un cadre légal pour l’exécution de ses missions.Du point de vue financier, la précarité du dispositifd’échanges de seringues en Wallonie et àBruxelles en est une illustration récente parmid’autres. Du point de vue légal la mise en placed’un dispositif de contrôle de la qualité des produitsprohibés en est une autre.Une plateforme propose de fédérer les acteurs desstratégies de RDR autour d’une charte et d’œuvrerpour une reconnaissance des missions de RDR.Dans le contexte actuel la RDR est une stratégiede santé publique efficace qu’il convient d’élargiren respectant les valeurs qui l’on fondée et qu’ellevéhicule. Elle concerne tous les usages, qu’ils soientexpérimentaux, récréatifs, ponctuels, abusifs ouinscrits dans une dépendance. Elle peut égalementêtre élargie aux personnes s’apprêtant à consommerune drogue pour la première fois. Les risquesprincipalement associés aux drogues sont les risquesde dépendance, de lésions somatiques et lesrisques psychosociaux. Les objectifs de la Réductiondes Risques ne sont pas subordonnés à ceuxde l’abstinence, de la répression de la criminalitéou de la réduction des nuisances sociales liées àl’usage de drogues. Ils sont surtout motivés pardes considérations humanistes et de santé publiquedans un contexte où malheureusement laprohibition maximalise les risques liés à l’usagede drogues.Principes et valeursDès les premières initiatives, une série de valeurset de principes d’intervention ont guidé les actionsde RDR: ne pas banaliser l’usage de drogues, nepage 28 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


pas le diaboliser, ne pas porter de jugement moralsur les consommations. Il s’agit de reconnaîtrel’usager comme un citoyen à part entière et favorisersa responsabilisation, de promouvoir sasanté physique et mentale et de favoriser l’évolutiondes représentations sociales sur les usagersde drogues …Ces valeurs sont fondamentales. La Réduction desRisques reconnaît l’usager de drogues avant toutcomme une personne, avec sa dignité, son humanité.Il s’agit pour le professionnel de l’aide socialeet de la santé de respecter les choix de l’usager,certainement pas de poser un jugementmoral sur la consommation des personnes.Les objectifs de la Réduction des Risques, en particulierla prévention du sida et des hépatites, nedoivent pas être confondus avec la prévention del’usage de drogues. Prévention, traitement et RdRparticipent ensemble à la promotion de la santéde la population en général et des usagers de droguesen particulier. Pragmatique, la RdR intervientauprès des consommateurs à tous les stades deleur consommation, de leurs pratiques et de leurinsertion sociale.Les dispositifs de RdR s’appuient sur une paletted’initiatives allant des programmes de préventiondes usages problématiques à l’analyse de droguesde synthèse en milieu festif en passant par l’échangede seringues et la distribution de matériel stérile.Ces initiatives prennent place sur les lieux deconsommation: dans les festivals, les boîtes denuit, la rue, les prisons,… Elles cherchent à impliqueret à responsabiliser ses bénéficiaires. Lesprojets de RdR se construisent autour, pour et avecl’usager et lui redonnent l’importance à laquelleil a droit. Bref, ils constituent un pas vers la citoyennetétrop souvent déniée aux usagers de produitspsycho actifs.En dépit du cadre légal actuel en matière de drogueset du caractère illégal de certains comportementsliés à leur usage, la RdR considère l’usagerde drogues dans sa citoyenneté, c’est-à-dire pourvudes droits fondamentaux propres à tout individu:droit à la participation sociale, à la santé, àl’éducation, au travail, au respect …La plupart des usagers de drogues sont capablesd’agir de manière responsable vis-à-vis d’eux-mêmeset d’autrui pour autant que les moyens leursen soient donnés. Ils sont acteurs des stratégiesde RdR. Il n’y aurait, par exemple, pas de programmesd’échange et de récupération de seringuessans la participation responsable des usagers dedrogues.L’échange de seringues unepratique efficace mais précaireLe dispositif d’échange de seringues a été lancéfin des années quatre-vingt au moment où le sidaconstituait une nouvelle menace pour la santépublique. A l’époque, il n’y a ni comptoirs d’échangede seringues, ni collecte des seringues usagées,ni matériel stérile accessible. Les seringues sontutilisées, réutilisées, elles passent de la main à lamain et sont parfois abandonnées sur la voie publique.Le risque de contamination au virus HIV etaux hépatites est alors sans commune mesureparmi le public injecteur et menace la populationdans son ensemble.Dans l’urgence, les usagers de drogues, le mondeassociatif et scientifique s’organisent et à l’instard’autres pays européens lancent les premièresinitiatives d’échange de seringues : une seringuepropre contre une seringue usagée. En peu detemps ces initiatives démontrent leur efficacité.Au début des années nonante elles sont intégréesdans les programmes officiels de santé publiqueen tant que dispositif de prévention.Outre l’objectif premier de prévenir la propagationdu SIDA et des hépatites (B et C) auprès des usagersde drogues injecteurs (UDI) le dispositif présentede nombreux avantages: contacts réguliersavec les usagers injecteurs non demandeurs d’aide,possibilité d’établir un dialogue avec ces personnes,de fournir une série de petits soins (CLIP del’asbl DUNE par exemple), et d’éviter la propagationdes seringues usagées dans l’espace public.Malheureusement, le programme d’échange deseringues souffre d’un sous financement structurelqui ne permet plus de mener une politiquecohérente.<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 29


Une plateforme de la RdRBien conscients des multiples freins plus oumoins délibérés rendant difficile la mise en placede ces projets et leur survie aléatoire, plusieursacteurs se réunissent en plate-forme pourdéfendre et promouvoir la RdR à Bruxelles et enWallonie. Elle formule une série de demandes :Elaborer un cadre législatif clair :- permettant la mise en place d’actionsde Réduction des Risques,- protégeant les travailleurs actifsdans ces programmes,- garantissant l’accès des usagersde drogues à ces services;Financer les projets de promotion de la santé defaçon adaptée;La RdR doit être considérée à sa juste valeur etintégrée comme un des piliers de nos politiquesde santé dans le domaine des drogues légales etillégales. Il est largement temps de se donner lesmoyens d’action adaptés pour protéger la santéde la population.Soutenir les projets de RdR, leur donner un cadrejuridique clair et leur assurer un financementsuffisant et structurel constituent une priorité.En permettant aux usagers de se responsabiliseret de se protéger, en leur octroyant le droit à lasanté nous donnerons à l’usager de drogues lesmoyens d’être un citoyen comme les autres.Chaque année, le dispositif d’échange de seringuesWallonie/Bruxelles distribue en moyenne 320 000seringues 1 et 41 500 seringues via les opérationsStérifix, sans pouvoir fournir en proportion égalele matériel connexe nécessaire à une préventionVHC cohérente. Car pour être cohérent le dispositifdevrait permettre la distribution systématiquede flapules d’eau stérile, de tampons désinfectants,d’acide ascorbique stérile en dose unitaire, et deStéricups© (cuillères et filtres). Ajoutez à cela lescontainers de récupération du matériel souillé, lagestion des déchets et la diffusion de brochuresd’information.Le sous- financement du dispositif et le manquede matériel stérile disponible qui en découle exposentles usagers à des conduites à risques. Aterme, ces conduites pourraient engendrer unerecrudescence particulièrement coûteuse des infections.Ce sous financement peut égalementavoir des conséquences sur le processus de responsabilisationdes consommateurs. Commentfavoriser leur autonomie lorsqu’on ne leur fournitpas les moyens suffisants pour se protéger ?Si la prévention coûte cher, elle est certainementrentable dans le domaine des comportements àrisque. A titre indicatif le SIDA implique un traitementà vie estimé à 12 000 euros par an et parpatient, le traitement de l’hépatite C revient à 21600 euros par patient par année de traitement. Laprévention de quelques nouveaux cas permettraitde dégager les ressources supplémentaires nécessairespour fi nancer le dispositif d’échange deseringues en 2009.Malgré le poids de ces arguments et de nombreusesinterpellations, le dispositif d’échange de seringuesde la Communauté française de Belgiquereste asphyxié financièrement depuis plusieursannées. Par manque de moyens, les acteurs de laprévention sont réduits à utiliser du matériel quine répond plus forcément aux normes légalesétablies par le décret régissant l’échange de seringueset sacrifient les standards de qualité nécessairesà une prévention VHC effi cace. Ils sontégalement amenés à chercher constamment différentessources de financement pour assurer leminimum vital auprès des usagers.La recherche permanente de budget et l’incertitudepar rapport à l’avenir de leurs projets rend letravail des professionnels de la RdR particulièrementpénible. L’énergie dépensée à assurer la1 319 707 seringues ont été distribuées en Communauté française en 2007, Ce chiffre est rapportés par les partenairesau sous point focal Communauté française Eurotox asbl, via Modus Vivendi asbl.page 30 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


survie des comptoirs d’échange et à récolter lesfonds indispensables est autant d’énergie dont nebénéficie pas le consommateur.Quelques signaux positifsTout n’est pas noir, fort heureusement, dans l’horizonde la RdR.Ainsi, ce 22 janvier a été déposé au Sénat une “Propositionde résolution visant à protéger les utilisateursde stupéfiants et en particulier de droguesfestives par l’instauration d’un contrôle de qualitéde ces substances”. En bref, ce texte pourrait servirà enfin donner un cadre légal à l’analyse desdrogues de synthèse pour les consommateurs.Là aussi, bien loin d’inciter à consommer, il s’agitpour les professionnels de la santé et les jobistesd’avoir un moyen d’entrer en contact avec desusagers non demandeurs d’aide, de leur fournirquelques informations et quelques conseils deprudence,… Les retombées positives du programmesont bien plus larges que le fait d’éviter lesoverdoses par exemple.Cette proposition de résolution va dans le bon senspuisqu’elle vise à : … créer un cadre légal dans laperspective de la réduction des risques, de tellemanière que non seulement les services d’aide,mais aussi les services de prévention et les utilisateurspuissent mettre des échantillons de drogueà la disposition des laboratoires. La présente propositionde résolution est axée essentiellement surla consommation récréative de drogues festives,que l’on observe principalement durant les sortieset qui est souvent le fait d’utilisateurs occasionnelset expérimentaux 2 .Ce document a le mérite d’exister et de lancer ledébat sur le statut légal des acteurs de la RdR. Carde nombreuses entraves législatives empêchenttoujours une aide optimale aux usagers. En vertud’une loi datant… de 1921, les acteurs socio sanitairesamenés à conserver ou transporter des produitspsycho actifs dans le cadre de leur travailrestent par exemple passibles de poursuites pé-nales. Même si tout cela est fort théorique, ce typede réglementation est de nature à paralyser lesinitiatives dans ce domaine…A l’image du dispositif d’échange de seringues,ces programmes de prévention sont égalementsous financés lorsque autorisés. En contradictionavec les déclarations politiques officielles et avecles priorités établies dans la note politique droguessensée guider l’action du gouvernement,les programmes de prévention et de réductiondes risques liés à l’utilisation ne captent qu’unemaigre part des dépenses publiques en matièrede drogues. 4% selon l’étude politique des droguesen chiffres, alors que les politiques sécuritairesprennent plus de la moitié du budget. Quia dit priorité à la prévention ?Dans l’imagerie sociale enfin beaucoup reste àfaire : Aider un usager de drogues à rester en bonnesanté, c’est parfois encore dans l’imaginairecollectif, l’encourager à consommer. Cette attitudecontre productive pour la santé de classes entièresde citoyens doit appartenir au passé. ■Pour aller plus loinDossier d’information et de sensibilisation de la Plateforme RdR :➜ www.feditobxl.be/publications_secteur.phpLa Charte de la Réduction des Risques :➜ www.modusvivendi-be.org/cms/la_rdr.phpSoutenir le dispositif d’échange de seringues :➜ www.modusvivendi-be.org/cms/appel_dispo_echange.php2 Proposition de résolution visant à protéger les utilisateurs de stupéfiants et en particulier de drogues festives parl’instauration d’un contrôle de qualité de ces substances.<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 31


QUELLE EFFICACITÉPOUR LA PRÉVENTIONDES ADDICTIONSCHEZ LES ADOLESCENTS ?> Sandrine Roussel et Dominique Doumont.En avril 2008, Sandrine Roussel et Dominique Doumont, chercheuses au seinde l’Unité d’Education pour la Santé (RESO) de l’Ecole de Santé Publique del’UCL, on réalisé un dossier technique visant à dégager des bonnes pratiqueset des critères de qualité pour la prévention des « assuétudes » chez lesadolescents. Il a été rédigé à la demande du Centre Local de Promotion dela Santé du Brabant wallon, organisateur d’une table ronde intersectorielleautour de cette question. Ce parcours de la littérature récente a bénéfi ciéde l’aide du centre de documentation de l’asbl Nadja à Liège.Une thématique complexe…Ce dossier souligne l’extrême complexité d’unethématique en apparence simple : l’efficacité desinterventions en matière de prévention d’assuétudes.Complexe, cette thématique l’est à plusd’un titre…D’abord, qu’entend-t-on par « assuétudes », ouplutôt quel distinguo opère-t-on entre assuétudes,addictions et dépendances ? Quel comportementrelève-t-il d’une addiction ? Est-il desaddictions socialement admises – la consommationd’alcool, le workaholism, la télévision, lesmédicaments, … – qui font nettement moinsl’objet de programme de prévention ? L’addictionest-elle avant tout un phénomène d’asservissementde la personne ou un phénomène qui dérangela société ? Une indispensable clarificationde concepts permettrait peut-être une meilleureROUSSEL, S. et DOUMONT, D., Quelle efficacitépour la prévention des addictions chez lesadolescents, Série des dossiers techniques,08-49, Avril 2008, UCL-RESO.Le dossier est téléchargeable gratuitement àl’adresse suivante :http://www.uclouvain.be/reso-dossiers.htmldéclinaison des objectifs à atteindre, mais seraitencore insuffisante…Une seconde clarification se doit d’être opérée :que visent les acteurs qui préviennent : l’abstinence,la consommation responsable, le sevrage ?Se positionnent-ils dans une optique de sensibiliser,d’accompagner, de juger voire de stigmatiser,d’éradiquer ? La réponse à ces questions n’est pastoujours dénuée de toute ambiguïté…1 Absil G., Vandoorne C., Coupienne V., Leva C., Anceaux P., Bastin P., Anciaux G., Dungelhoef C. et Humblet D.,L’évaluation des projets de prévention des assuétudes, dans l’Observatoire, 51-52, 2006, p. 139-145.page 32 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


En outre, si la tendance actuelle est de parlerde comportements addictifs, force est de constaterque la prévention des addictions concerneavant tout la consommation de substances. Elles’enracine, en outre, dans un contexte culturelplus ou moins prohibitionniste ou plus ou moinspermissif.Certains auteurs 1 le soulignent : la préventiondes addictions recouvre beaucoup de choses…Clarifier ces objectifs est pourtant essentiel pourévaluer l’efficacité des interventions. Le champdes évaluations et le champ des interventionsde prévention des addictions restent dans unelarge mesure à être conjugués. Les évaluationsdes interventions sont peu nombreuses etlorsqu’elles existent offrent peu d’éclairages pouraccroître l’efficacité de la pratique. La complexitédes facteurs en jeu, la nécessité d’une évaluationdes impacts à long terme sont autant d’élémentsqui font de l’évaluation un véritable défi.Des critères de qualitéEn dépit de la complexité de la… « problématique», divers critères de qualité peuvent êtredégagés.Seraient efficaces, les interventions qui :- s’inscrivent dans la durée et s’intègrentdans un projet global de santé,- sont modulées en fonction du contexteet des besoins des jeunes,- s’intègrent au territoire avec la participationde l’ensemble des intervenantsconcernés,- proposent une approche multidisciplinaireet multi-secteur,- travaillent les compétences psychosocialesdans une optique de santé globale aulieu de se focaliser sur un produit,- sont construites en collaboration/partenariatavec les jeunes,- favorisent les méthodes interactives,- interviennent à un âge précoce.Usages traditionnels et néo-traditionnelsdes psychotropesLe dernier numéro de la revue canadienne« Drogues, santé et société », juin 2009Le discours tant populaire que scientifique sur les drogues et l’alcoolest plus souvent négatif que positif. On s’intéresse aux méfaits despsychotropes et à leurs aspects déviants, davantage qu’à leurs bienfaits età leurs dimensions régulatrices (ou normalisatrices) des comportementset des pratiques. Il y a bien eu, récemment, une ouverture sur les bienfaitspour la santé de certains psychotropes, que l’on pense au vin et à laprévention du cancer ou au cannabis pour les personnes souffrantesdu sida ou autres maladies, mais cette représentation positive demeuremarginale et ne fait pas toujours l’unanimité. Les représentationsnégatives à l’endroit des psychotropes et de leurs usages s’appuient,très souvent, pour une large part, sur des considérations moralisatrices(implicites ou explicites) pour se justifier. Sans vouloir nier les méfaitspour la santé, pour les personnes et pour la société de certains usagesde psychotropes, il importe de rappeler le rôle positif qu’ont joué au fildu temps et jouent encore les drogues et l’alcool dans différentescommunautés et cultures. (…)Aux usages des psychotropes s’ancrant dans des traditions séculaires,s’ajoutent, aujourd’hui, les usages que nous pouvons qualifier de « néotraditionnels». Il s’agit plus particulièrement d’usage de psychotropes quise font dans le cadre de nouvelles religions ou pratiques religieuses. Dansla plupart des cas, on adapte des usages ancestraux de psychotropes àde nouveaux contextes et à de nouvelles formes de ritualités. Il s’agit engénéral de syncrétismes religieux, dont l’un des exemples les plus fameuxest certes le Santo Daime, une religion d’origine brésilienne présenteaujourd’hui un peu partout en Occident, qui préconise la prise ritualiséede l’hallucinogène ayahusaca comme mode de « communion » de sesfidèles. On peut penser aussi au rôle que joue le ganja, la marijuana, pourles adeptes du mouvement rastafari. À ces usages « néo-traditionnels »de psychotropes qui se consolident rituellement au cours du 20 e siècle,s’ajoutent les formes plus récentes de « néo-chamanisme » qui serépandent un peu partout en Occident et sur lesquelles nous savonspeu de chose.La revue est téléchargeable gratuitement en ligne sur le sitewww.drogues-sante-societe.orgA la lumière de ce qui précède, les auteurs dece dossier seraient tentés d’en ajouter deux :une clarification des concepts et des objectifsainsi qu’une pratique plus systématique del’évaluation. ■<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 33


PSYCHOTROPES,ADOLESCENCEET PERSPECTIVESD’INTERVENTION> Damien Favresse, Chercheur à l’Unité de Promotion Education Santé (ULB-PROMES)de l’Ecole de Santé Publique de l’Université Libre de Bruxelles.De nombreux discours alarmistes circulent autour des psychotropes à l’adolescenceréactivant le mythe d’une jeunesse en perdition. Mais qu’en est-il vraiment ? Lesadolescents d’aujourd’hui sont-ils si différents des adolescents d’hier ? Y a-t-il descaractéristiques spécifi ques aux usagers ? Pour tenter d’apporter quelques éléments deréponses à ces questions, la problématique des psychotropes chez les jeunes va d’abordêtre abordée sur base de l’évolution des différents usages et des aspects transversaux àces consommations pour, ensuite, être replacée dans le cadre de l’adolescence et desperspectives d’intervention. Les résultats présentés sont issus de l’étude sur la «Santé et lebien-être des jeunes» 1 , versant francophone belge de l’étude internationale HBSC (HealthBehaviour in School-aged Children). Une partie de cette enquête, réitérée tous les 4 ans,porte sur les consommations de psychotropes licites et illicites des adolescents 2 .Evolution des usagesAu cours de ces dernières années, la situations’est légèrement améliorée et ce, plus particulièrement,en ce qui concerne les usages desjeunes en fin de scolarité primaire.Plus spécifiquement, parmi les jeunes de 5èmeet 6ème primaires, le fait d’avoir déjà expérimentéplus d’une fois de l’alcool au cours de lavie était déclaré par 72,6% de ceux-ci en 1994et 61,9% de ceux-ci en 2006, l’usage au moinshebdomadaire d’alcool était rapporté par 13,3%d’entre eux en 1994 contre 4,7% en 2006 et lefait d’avoir déjà expérimenté du tabac en concernait13,6% en 1994 et 11,6% en 2006. Cetterégression est de bon augure dans la mesure oùnotamment la précocité de l’expérimentationd’alcool se révèle un bon prédicateur de l’usageet de la dépendance à l’âge adulte 3 .Parmi les jeunes du secondaire, la plupart desusages relatifs à l’alcool restent stables depuisles années 90. La consommation au moins heb-1 Depuis 1994, ce sont de 12 000 à 15 000 jeunes qui sont interrogés par année d’enquête.2 FAVRESSE, D. et autres, Tabac, alcool, drogues et multimédias chez les jeunes en Communauté française de Belgique.Résultats de l’enquête HBSC 2006, SIPES-ULB (ESP), Bruxelles, 2008, www.ulb.ac.be/esp/sipes.page 34 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


domadaire d’alcool, qui touchait un peu plus dequatre jeunes sur dix en 1986, concerne depuis1998 à peu près un jeune sur quatre. L’usage deplus de 7 verres d’alcool par semaine, qui touchaitun peu plus de 10% des jeunes à la fin des années80, tourne autour des 8% depuis le début desannées 90, l’usage de plus de 2 verres d’alcoolpar jour est restée autour des 4% depuis 1988 etle fait d’avoir déjà expérimenté plus d’une fois del’alcool au cours de la vie concerne environ 9 jeunessur dix depuis le milieu des années 80.A côté de cette stabilité, les abus d’alcool telsque l’ivresse ou le «binge drinking», mesuré parune consommation de 5 verres ou plus à unemême occasion, sont en légère augmentation.L’enivrement plus d’une fois au cours de la vie,qui était déclaré par 25,0% des jeunes en 1994,en concernait 30,4% en 2006 et la pratique dubinge drinking, à au moins 3 occasions au coursdu dernier mois, était le fait de 18,0% des jeunesen 2002 et de 20,1% d’entre eux en 2006.Après une recrudescence à la fin des années 90,les usages de tabac sont en régression et lesusages de cannabis se stabilisent, voire amorcentune légère diminution depuis 2002. L’expérimentationdu tabac est ainsi passée de 52,7% en1994 à 57,2 en 1998 pour revenir à un niveau de51,2% en 2006 et le tabagisme quotidien concernait14,9% des jeunes en 1994, 20,1% en 1998et 13,6% en 2006. Parmi les jeunes fumeurs, unléger fléchissement de la quantité de cigarettesconsommée est également observé.Le fait d’avoir déjà usé de cannabis était rapportépar 16,3% des jeunes en 1994, 26,6% en2002 et 27,3% en 2006. Son usage hebdomadaireétait déclaré par 4,1% des adolescents en1994, 8,1% en 2002 et 6,5% en 2006 et saconsommation quotidienne se retrouvait chez2,7% des jeunes en 1998, 4,4% en 2002 et 3,1%en 2006.Quant à l’usage d’ecstasy, son expérimentation, quitouchait 6,4% des jeunes en 1998, en concernent3,8% en 2006 et l’usage au cours des 30 derniersjours qui se rapportait à 2,7% de ceux-ci en 1994est redescendu à 1,7% d’entre eux en 2006.Aspects transversauxdes usages 4Comme déjà constaté de par le passé 5 , lesconsommations -et plus encore la poly consommation-de psychotropes s’accentuent fortementavec l’âge. Ces usages sont habituellement plusprononcés chez les jeunes des filières d’enseignementprofessionnel et technique que chezceux des filières d’enseignement général et lesgarçons s’illustrent par l’adoption plus régulièresde ces conduites que les filles.Sur un plan personnel et par rapport aux autresjeunes, deux éléments sont transversaux à l’ensembledes conduites analysées : les plaintesrégulières en matière de nervosité et la sensationrécurrente de déprime. La fatigue matinale lesjours d’école caractérise également plus fréquemmentles adolescents consommant régulièrementdes produits psychotropes. A l’inverse,pour une majorité des conduites analysées, lesusagers ne ressentent pas de déficit de confianceen soi et ne se sentent ni plus malheureux, niplus heureux que les jeunes n’adoptant pas cetype de comportements 6 .La sensation régulière de nervosité est déjà présentechez les jeunes des 5ème et 6ème primairesayant déjà expérimenté le tabac et chez ceuxayant une consommation au moins hebdomadairesd’alcool.3 PITKANEN, T. et autres, Age of onset of drinking and the use of alcohol in adulthood : a follow-up study from age 8-42for females and males, dans Addiction, t. 100(5), 2005, p. 652-661.4 Nos analyses portent sur des données ajustées pour le sexe, l’âge et la filière de formation (général, technique,professionnel). Cet ajustement supprime l’influence éventuelle de ses variables sur les résultats observés.5 PIETTE, D. et autres, La santé et le bien-être des jeunes d’âge scolaire. Quoi de neuf depuis 1994 ?, ULB-PROMES(ESP), Bruxelles, 2003.6 Les consommateurs de plus de 7 verres d’alcool par semaine font exception dans la mesure où ils se sentent plusheureux et expriment un niveau de confiance en soi supérieur aux autres jeunes.<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 35


Les jeunes usagers proviennent davantage defamille monoparentale, de famille recomposéeou ne vivent pas avec leurs parents que les autresjeunes et éprouvent plus des difficultés à parleravec leurs parents. Sur ce point, il importe desouligner que ce n’est pas la structure familialeen tant que telle qui favorise la consommationde produits psycho actifs mais plutôt lesliens familiaux existants dans la structurefamiliale tels que les relationsconflictuelles parents-enfants 7 . Les informationsrelatives à la consommation desproches en matière de tabac et d’alcool mettentégalement en évidence lelien entre l’usage du jeuneet, par ordre d’importance,l’usage de ses amis, de lafratrie et des parents.Sur un plan psychosocial et transversal aux différentesconduites analysées, les usagers depsychotropes se distinguent des autres jeunespar une propension plus importante à avoiradopté ou subi des conduites violentes, à rencontreret sortir avec leurs ami(e)s en dehors del’école et, pour les plus âgés, à avoir eu plusieurspartenaires sexuels. Cet investissement à l’égarddes ami(e)s et le fait d’être acteur ou victime deviolence caractérisent déjà des usages moinsréguliers en fin de scolarité primaire. Ces usagersn’ont, par contre, pas spécifiquement un nombreplus élevé d’amis et se différencient sur le plande la facilité à se faire aisément de nouveauxamis. Les buveurs réguliers d’alcool, les usagersquotidiens de cigarettes et les usagers hebdomadairesde cannabis rapportent davantagecette facilité que les autres jeunes alors que lesusagers récents d’ecstasy sont semblables auxautres jeunes sur ce plan.Sur le plan scolaire et par rapportaux autres jeunes, les jeunes usagersde psychotropes sont plus enclins à nepas aimer l’école et, pour ceux de l’enseignementsecondaire, à brosser les cours. A remarquerd’une part, que le fait de ne pas aimerl’école est déjà présent chez les jeunes des 5èmeet 6ème primaires ayant déjà expérimenté letabac et chez ceux ayant une consommation aumoins hebdomadaires d’alcool et que d’autrepart, les fumeurs quotidiens de tabac, les usagershebdomadaires et quotidiens de cannabis et lesusagers récents d’ecstasy ont changés plus fréquemmentd’établissement scolaire que lesautres jeunes.Les résultats de nos analyses laissent ainsi entendrequ’en général les consommations de psychotropeset les conduites abusives à l’adolescencene sont pas le fruit d’un mal-être global.Ces conduites semblent d’une part, survenir chezdes jeunes faisant états de moments réguliers demal-être (déprime, nervosité) et d’autre part, obéirà des facteurs interpersonnels et sociaux (importancede la sociabilité juvénile, consommationdes proches, etc.). Ils mettent également en évidencequ’une partie des conséquences souvent7 LEDOUX, S. et autres, Consommation de substances psychoactives à l’adolescence. Revue des études de cohorte,dans Alcoologie et Addictologie, t. 22 (1), 2000, p. 19-40.page 36 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


liées à l’abus de substances psychotropes (comportementsviolents, problème d’intégration scolaire,etc.) préexistent en partie à l’expérimentationprécoce et aux abus de psychotropes.Adolescence et risqueL’adolescence est une période de transition entrel’enfance et l’âge adulte au cours de laquellese construit l’identité du jeune. Cette construction,combinant le développement individuel etsocial, va amener le jeune d’une part, à se différencier,à se singulariser, à se spécifier des autrespour devenir un être unique et d’autre part, às’identifier, à s’intégrer, à se référer aux autrespour devenir un être social 8 . L’expérimentationde conduites à risque fait fréquemment partiede ce processus identitaire dans la mesure oùelle peut aider le jeune, non seulement, à se découvrir,à tester les limites, à exprimer son autonomieenvers ses parents mais aussi à être reconnuet valorisé auprès de ses pairs. Pour unemajorité de jeunes, ces conduites à risque vontêtre circonscrites à une période spécifique avecl’accord plus ou moins tacite des parents. Il enest, par exemple, de l’expérimentation de l’ivresseou des sorties arrosées du samedi soir qui seréalisent bien souvent avec le cachet implicitedes parents.La prise de risque à l’adolescence s’inscrit biensouvent dans des rapports intergénérationnels,dans un décalage entre des conduites «subjectivement»perçues comme bénéfiques par lesadolescents et «objectivement» conçues commeà risque par les adultes. Ce sont donc davantageles adultes qui perçoivent les comportementsadolescents comme à risque plutôt que les adolescentseux-mêmes. Les jeunes ne raisonnentgénéralement pas en termes de risque - raisonnementpeu cohérent avec leurs représentationsrelativement abstraites du futur - mais plutôt entermes d’apports immédiats, d’apports inscritsdans le concret des actions. La consommationde psychotropes par les jeunes est ainsi habituellementorientée vers d’autres fins que le risque :dépasser ses inhibitions, accroître sa capacitéphysique, se valoriser auprès des pairs, «expérimenterdes états de conscience modifiée», etc.Cette quête apparaît notamment lors de l’usageassez répandu d’alcool au cours des premièresrelations sexuelles. Si cet usage peut favoriserl’adoption de rapports non protégés ou non souhaités,il constitue bien souvent pour le jeune unmoyen de contourner la crainte de l’échec, unprétexte si nécessaire, «au fait de ne pas avoir étésoi-même», «une manière de se garder une portede sortie, de sauver la face» 9 . Pour l’adolescent,l’adoption de conduites à risque et de l’usage depsychotropes ne signifie donc pas d’emblée unemise en péril de sa santé.La dépendance à des produits psycho actifs présenteà l’adolescence un caractère relativementmarginal notamment parce que les usages dedrogues dites dures (cocaïne, héroïne, etc.) sontparticulièrement peu répandus chez les mineursou encore parce que les symptômes de sevragefont suite à des années de consommation. Aborderles usages de substances psycho actives à l’adolescence,c’est aussi prendre en compte que :- ces usages sont instables et changeantsau cours de cette période de vie,- le niveau de consommation à l’adolescenceest peu prédictif de la consommationà l’âge adulte et ceci contrairementà la précocité de ces usages,- les usages abusifs à l’adolescence sontle plus souvent liés à des moments spécifiques à forte connotation sociale etrécréative alors que les usages adultes,s’ils sont moins «abusifs», sont davantageinscrits dans le quotidien et liés àdes raisons personnelles (oublier le travail,se détendre, etc.),- les usages abusifs, plus présents chez lesjeunes adultes que chez les adolescents,ont tendance à s’estomper avec l’entréedans la vie active et l’implication dansune relation affective et familiale stable.A l’adolescence, et encore plus pour les jeunesadultes, ce sont surtout les comportements sous8 TAP, P., Identité individuelle et personnalisation. Production et affirmation de l’identité, Privat, Toulouse, 1980..9 LE BRETON, D., Conduites à risque ou… passion du risque ?, dans La santé de l’homme, n° 386, 2006 p. 22-25<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 37


l’influence de psychotropes et, plus particulièrementsous l’influence de l’alcool (conduite d’unvéhicule, rapports sexuels non protégés, bagarres,etc.) qui sont les plus préoccupants. C’estaussi la période où les conduites d’usage répétéet/ou de dépendance en sont habituellement àleurs balbutiements.Les usages réguliers et les abus sont plus souventassociés à des caractéristiques familiales (perceptionnégative des parents, dépression parentale,relations conflictuelles parents-enfants, etc.)et scolaires (échecs et réorientations scolaires,brossage des cours, etc.) qui peuvent inciter lejeune à s’écarter de ces instances de vie et à serapprocher de pairs partageant une situationsemblable. Si les conduites abusives éclosentavec l’émancipation adolescente, il ne faut pasoublier d’une part, que l’enfant n’arrive pas «indemne»à l’adolescence : il est déjà le résultatd’un parcours de vie le prédisposant plus oumoins à l’adoption de conduites à risques.D’autre part, l’adolescent est un acteur qui interagitavec les diverses composantes de son environnementpsychosocial, qui se construit unparcours personnel fait d’essais et d’erreurs, deréussites et d’échecs, de transformations du réseauamical, de confrontations raisonnées etcritiques, de recherches de plaisirs, qui va évolueret se modifier au gré de ses expériences de vie,de ses rencontres, etc.Les conduites abusives ne sont donc pas immuablesmême si, pour certains adolescents, ellesvont débuter au cours de cette période de vie, sedévelopper et perdurer à l’âge adulte.Les valeurs (performance, dépassement de soi,épanouissement personnel, hédonisme, etc.)véhiculées par la société ne sont pas limitées àun secteur de vie en particulier. Elles se conjuguentégalement dans les consommations deproduits psycho actifs, qui peuvent devenir pourune partie des jeunes un moyen de se mesurerentre eux, de s’affirmer et de se dépasser.Enfin, l’adolescence n’est pas une simple juxtapositionde conduites à risques. Les adolescentssont également des adultes en devenir, ni pires,ni meilleurs que ces derniers mais qui, dans unmême temps, présentent des qualités indéniables.Ils sont souvent sensibles aux injustices eten plein développement de leurs capacités critiques.Ils font souvent preuve d’inventivité, decréativité, de dynamisme, d’adaptabilité. Souvent,pour eux, la pratique d’un sport, d’une activité,d’un loisir (roller, vélo, jeux électroniques,musiques, tag, etc.), ce n’est pas un simplemoyen de se maintenir en forme ou de se détendre,c’est aussi souvent l’occasion d’exprimerleurs habiletés, de faire preuve de dextérité 10 .Perspectives d’interventionLe caractère pluridimensionnel, transversal etinstable des consommations et des abus à l’adolescenceplaide en faveur de :- la mise en place, à différents niveaux d’actions,de diverses stratégies d’interventions impliquantles divers acteurs gravitant autour desadolescents (développement de compétencespersonnelles, implication de la communautééducative, participation des parents, informationpar les pairs, régulation de la publicité relativeaux psychotropes licites, mesures de réductiondes risques inhérents aux consommations,réorientation des politiques de santé,dénormalisation des conduites de consommationcourante, etc.),- l’accompagnement du jeune dans son développementpersonnel et social, dans la prise encharge de son existence, dans son émancipationà l’égard des représentations véhiculées par lesmédias, dans son apprentissage à porter unregard critique à l’égard de ses conduites, dansla procuration de ressources lui permettant degérer ses consommations (renforcement de sescapacités d’actions, gestion de situations stressantes,capacité de résister à la pression despairs, renforcement de l’estime de soi, capacitéde se projeter dans l’avenir, etc.) 11, 12 .10 FIZE, M., Les adolescents, Le Cavalier Bleu, Paris, 2002.11 BANTUELLE, M. et autres, Comportements à risque et santé : agir en milieu scolaire, INPES, St-Denis, 2008.12 ROUSSEL, S. et autres, Quelle efficacité pour la prévention des addictions chez les adolescents ?, Dossiers techniques,UCL-RESO (ESP), Bruxelles, 2008. Voir l’article en page 32 de ce numéro.page 38 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


L’adolescent est d’une part, le fruit de son enfanceet d’autre part, un processus en construction,en maturation. Il convient de ne pas attendrel’adolescence pour intervenir, de privilégierles interventions construites dans la durée,s’étendant sur plusieurs années et prenant encompte le degré d’évolution du jeune 13, 14 .La prévention des usages de psychotropes et desconduites abusives ne s’arrête naturellement pasaux interventions ciblant spécifi quement lesusages ou les conséquences d’un ou plusieursproduits, d’un ou plusieurs comportements. Eneffet, les jeunes connaissant des déficits d’intégrationscolaire et des problèmes d’ordre familialprésentent un risque plus élevé d’adopter desconduites abusives et problématiques. En outre,pour les jeunes adultes, l’intégration professionnelleet la construction d’une famille diminuentla fréquence des comportements abusifs. D’unemanière générale, il apparaît que toute mesureou action permettant d’optimiser le «métier» deparents dans son accompagnement des enfantset dans l’émancipation des adolescents, permettantde favoriser l’intégration scolaire et socioéconomiquedes jeunes, participe d’une manièreou d’une autre à la promotion de la santéet à la prévention des usages de substancespsycho actives.De même, aborder les conduites abusives, cen’est pas uniquement se centrer sur les risquesliés à leurs usages, c’est aussi aborder la notionde plaisir, des consommations en général, desvaleurs véhiculées par la société, de la dimensionsociale des comportements, de l’école, desloisirs, etc.Ces perspectives d’intervention ne peuvent évidemmentse faire sans une implication des diverssecteurs œuvrant auprès des jeunes. Ce qui supposeentre autres que des concertations et mesuresinterministérielles permettent de favorisercette rencontre intersectorielle.Alcool :deux nouveaux outils pédagogiquesd’Infor-DroguesInterdire la publicité pour l’alcool. Pourquoi ?Un dossier d’information présente, de manière objective et chiffrée, la place de l’alcool dans notresociété. Il met ensuite à nu les stratégies marketing des vendeurs d’alcool. Il est accompagné dequatre pistes d’animation, axes de réflexion pour travailler à l’apprentissage de la responsabilisationen matière de consommation d’alcool.Deux ou trois choses à propos du binge drinking (pour ne pas hurler avec les loups)Un outil pour mieux comprendre le phénomène de la « biture express », déjouer les pièges de lacommunication médiatique à son propos et de réagir de manière adéquate lorsqu’il survient.Pour les consulter ou les recevoir :Infor-Drogueswww.infor-drogues.be onglet « éducation permanente/les outils »courrier@infot-drogues.be02 227 52 52Enfin, n’oublions pas que les adolescents présententdes atouts non négligeables (capacités critiques,créativité, adaptabilité, dynamisme, etc.)sur lesquels les intervenants peuvent s’appuyerpour mener à bien leur programme d’action. Deplus, les adolescents sont rarement installés dansdes conduites addictives même si, pour une minoritéd’entre eux, les usages de psychotropes àl’adolescence sont les prémisses de comportementsdurables, ces usages présentent souventun caractère instable et réversible. ■13 CUIJPERS, P. Et autres, The effects of drug abuse prevention at school : the ‘Healthy School and Drugs’ project, dansAddiction, n° 97, p. 67-73.14 BANTUELLES M. et autres, op.cit. .<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 39


LA SURCONSOMMATIOND’ALCOOL ENSITUATION FESTIVEQuelle prévention et pour quoi faire ? La parole aux jeunes !> Céline Puissant, assistance sociale, La Teignouse AMO.Les consommateurs d’alcool sont de plus en plus jeunes, le phénomène du« binge drinking » 1 augmente, les occasions de faire la fête se multiplient pourles jeunes qui, de plus en plus souvent, adoptent des comportements à risque.L’AMO La Teignouse a voulu, avec le projet « Ce soir on sort, chacun sa fête »,donner la parole aux jeunes afi n de comprendre le sens qu’ils donnent à cesconsommations, de provoquer une discussion, de confronter les avis. Ainsi,l’équipe s’est adressée aux équipes éducatives de divers établissements scolairesde son territoire d’action en vue de travailler avec des jeunes de 15 à 17 ans,âge des premières sorties.Présentation du projet et paroles de jeunes.Le projet « Ce soir on sort,chacun sa fête »Deux écoles ont souhaité prendre part au projet.Ce dernier a été présenté à l’ensemble des élèvesdes deux établissements. Il leur a été proposéde participer à des groupes de paroleconcernant les sorties et l’alcool. Environ cinquantejeunes volontaires ont été interrogés etont livré leurs impressions sur la prévention, ontpartagé leurs représentations de la fête, desconsommations d’alcool et des dangers qu’ellespeuvent engendrer.Des grandes tendances ont été tirées de cesentretiens, et une première synthèse a été validéepar les jeunes eux-mêmes.La parole a ensuite été donnée aux parents, souventmentionnés par les jeunes. Les réponsesapportées et les échanges d’idées ont permis deconfronter les représentations des jeunes et cellesdes adultes.Suite à cela, un document 2 constitué de plusieurspoints de vue (y compris celui de professionnelsde la santé) a été élaboré, dans le butde donner un éclairage sur le phénomène de laconsommation d’alcool et des conduites à risquedes jeunes en milieu festif. Il se veut être unebase de réflexion et de débat. Outre la confrontationdes points de vue, le document proposequelques pistes de réflexion pour les acteurs deprévention.Par la suite, un DVD a été réalisé grâce auconcours de différents groupes de jeunes ayantaccepté d’être filmés lors de leurs sorties. Ce DVDest un outil actuellement utilisé lors de rencontres,de conférences ou d’informations à desti-1 Boire pour boire, uniquement pour atteindre l’ivresse.2 « Ce soir on sort, chacun sa fête ! Consommation, dépendances et bien-être : de la recherche de sens à l’élaborationde projet », La Teignouse AMO, 2007.page 40 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


nation de groupes de jeunes et/ou d’adultes.Avec ce projet, l’AMO La Teignouse souhaite,dans un premier temps, proposer un accompagnementà la lecture des comportements desjeunes qui puisse déboucher, dans un secondtemps, sur un travail en amont avec les adulteset les jeunes, la mise en place de projets pertinentsdont l’objectif serait de favoriser des conditionsde bien-être.Ainsi, des séances de sensibilisation à destinationdes adultes ont été organisées. Dans lesdeux écoles participantes, des actions ont permisde valoriser des consommations saines et debasculer les références. Exemple : la mise surpied, avec les jeunes, d’un stand attractif de boissonssoft lors d’un bal de rhétos ou l’Aqua-Fiesta,manifestation organisée à la fin des examensayant pour objectif de proposer des alternativesà la consommation d’alcool.En outre, l’AMO a pour ambition de contacter lesMaisons de Jeunes, Mouvements de <strong>Jeunesse</strong>…afin de toucher les différents milieux de vie desjeunes sur la région.En parallèle à ces différentes actions, l’AMO LaTeignouse gère une plate-forme régionale sur lemême thème et qui regroupe des intervenantsdu monde scolaire, de la santé, du domaine socialet judiciaire.Prévention… ce qu’ils en disent…La prévention désigne l’ensemble des mesuresqui sont appliquées en amont de l’éclosion d’unphénomène afin d’éviter son apparition ou, s’ilexiste déjà, de sorte à agir pour en diminuer lesconséquences. La Teignouse envisage l’objet dela prévention - la surconsommation d’alcool parles jeunes en situation festive - non pas de façonnégative (maladie, nuisance sociale…) mais enréférence au concept de santé.Lorsqu’il est question de trouver des idées enmatière de prévention, ‘‘ montrer les produits ’’ou ‘‘ faire peur ’’ sont des pratiques régulièrementcitées. Lors des rencontres, certains jeunes nousont parlé de campagnes et d’images ‘‘ choc ’’pour attirer l’attention et faire réagir. Pourtant,lorsqu’on leur demande si une telle stratégieaurait un effet sur leurs propres comportements,ils reconnaissent que non.Des expériences ont d’ailleurs prouvé que ces«Ce soir on sort, chacun sa fête » ou commentcomprendre les consommations d’alcool des jeunesen situation festive. Brochure, affiches et vidéogratuitement téléchargeables sur le site« www.lateignouseamo.be »campagnes basées uniquement sur la peur oul’information objective ne sont pas efficaces àlong terme. Par contre, les programmes de préventionqui portent leur attention sur les jeunes(qui ils sont, comment ils vivent, en leur apprenantà surmonter leurs diffi cultés au jour lejour…) sont efficients, pas seulement dans ladiminution de la consommation de drogues maisaussi dans leurs comportements rebelles, derecherche d’attention.Nous avons demandé aux jeunes ce qu’ils pensentde la prévention, quels sont leurs souhaits, et quisont les personnes qui, à leurs yeux, sont les mieuxplacées pour leur parler de prévention…Ce qu’ils en disent…« Oui en fait il y a tellement de prévention qu’onne nous laisse même plus voir de nous-mêmes,quoi ! »« La meilleure prévention, c’est une présentationclaire, précise, avec un avis objectif, et pas répétitive.Pas genre : tous les ans à la même époque,on fait un truc…»« Et puis aussi, on écoute plus une personne quil’a vécu directement que quelqu’un qui radotetout le temps et dit : ‘‘Non, ne fais pas ça’’. »« Moi, j’ai une grande sœur qui va au bal souventet elle m’a expliqué. Et je suis sûr que si elle nem’avait pas dit un peu ce qui se passait dedansça aurait pu être pire. »« Faut plutôt que ce soit quelqu’un en qui on aconfiance, quelqu’un qu’on connaît bien. »« Ben, oui il faut montrer les mauvais côtésparce que l’alcool, quand on boit, on est content,on est joyeux, on oublie tous ses soucis, maisaprès, il y a la gueule de bois, tu ne sais pasétudier, tes parents qui te gueulent dessus…»« Des témoignages…»« Ben ou mettre des prospectus ou quoi, afficherdes affiches de prévention. »<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 41


Ce qu’en disent les parents…« Pour ce qui concerne le milieu de vie, un éducateurde rue, un animateur qui peut informer,orienter, écouter. Et pour les électrons libres, desactivités avec une certaine prise de risques(comme l’escalade, le rafting). Montrer qu’onpeut prendre des risques mais contrôlés. »« Accès moins facile, moins de boissons alcoolisées,prévoir plus d’endroits réservés aux jeunes.De manière générale, créer, améliorer les conditionsde vie des jeunes. »« On dit que l’exemple vient d’en haut, donc onpourrait aussi faire des fêtes sans alcool. Un jouroù je faisais la folle, mon fils m’a dit : ‘‘T’as bulà?’’… Il pense que parce que je suis extravagante,j’ai bu, mais on sait aussi s’amuser sansboire…»« Distribuer des alcootests. On en rit sur le coup,mais ça peut amener des discussions. »« Etre à leur écoute, les laisser parler ensemble.Parler entre parents ce n’est pas évident : çan’existe pas, des lieux où on peut parler.»« Les organisateurs ont des responsabilités. »« Nous sommes bien démunis par rapport à lapublicité qui est faite pour l’alcool…»« Pourquoi ne pas imaginer des soirées où lesboissons alcoolisées seraient plus chères queles soft? »Des professionnels en parlent…Certains jeunes sont parfois complètement ignorantsde la réalité des sorties ou des produits etd’autres ont une connaissance très précise detout ce qui s’y rapporte. Ils ne sont pas égauxface à cela et c’est la raison pour laquelle la préventiondoit s’adapter aux écoles, aux types degroupes et à la connaissance des jeunes en lamatière.Les outils de prévention vécus comme ‘moralisateurs’n’ont plus vraiment d’impact, les jeunesont le sentiment d’entendre toujours les mêmesdiscours et certains disent ne plus y prêter attention.Ils préfèrent échanger entre eux sur lesujet, même s’ils estiment bien souvent que desméthodes ‘choc’ sont à appliquer auprès des plusjeunes (photos, films…), tout en reconnaissant,nous l’avons dit, que ces méthodes ont peu oupas d’impact sur leur propre consommation.Certains pensent qu’ils seront plus touchés parle discours d’autres jeunes, un peu plus âgésqu’eux et qui ont fait des expériences. Par contre,d’autres estiment que le recul des adultes est unatout. Ils ont par ailleurs souligné l’importancedu rôle de leurs parents, et nous avons très souventressenti leur besoin d’avoir en face d’eux desadultes qui prennent le temps de les écouter.La plupart des jeunes interviewés se disent prêtsà s’investir en matière de prévention mais nes’imaginent pas tous le faire dans les mêmeslieux (certains préférant s’adresser à des membresde leur famille, d’autres aux autres élèvesde l’école par exemple). Le recul que permettraitl’encadrement par des adultes représente pourcertains un élément important.Lorsqu’on interroge les parents, certains considèrentle milieu familial comme un lieu de préventionprivilégié et soulignent l’importance deleur rôle d’éducateur, de ‘‘fournisseur de limites’’.D’autres nous ont dit avoir l’impression que lorsquece sont eux qui délivrent les messages préventifsà leurs enfants, l’impact de ces messagesest faible, voire inexistant.Des parents estiment que les divers lieux de viedes jeunes devraient être davantage investis auniveau de la prévention. Par exemple, une personnede référence dans l’école, qui soit ‘‘du côtédes élèves’’, pourrait, selon eux, être un acteurde prévention privilégié.Ils sont conscients que les moyens investis dansle marketing lié à la vente d’alcool sont nettementplus importants que ceux accordés à la prévention,ce qui peut engendrer un sentiment d’impuissance.Plusieurs d’entre eux pensent que seul un événement‘‘marquant’’ lié à ce type de consommation,vécu par un membre de l’entourage prochedu jeune, pourrait induire une modification ducomportement de leur enfant.En tant qu’acteurs de prévention, nous pensonsqu’il importe de rester modeste : il n’est pas ennotre pouvoir de supprimer les risques. Ce quenous visons par contre, c’est la création d’uncontexte susceptible de les diminuer.En donnant aux jeunes les informations qui lesaideront à poser des choix éclairés, en favorisantl’acquisition de compétences leur permettantd’agir directement sur la santé pour l’améliorer,page 42 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


en les aidant à prendre conscience des impactsde leurs choix personnels sur leur santé ou leurqualité de vie.Pour atteindre ces objectifs, nos priorités sontd’offrir une place au dialogue, à la rencontre etau renforcement personnel de chaque jeune.Quelques pistes de réflexions …En matière de prévention, il n’existe pas de solutionmiracle. Ce que nous souhaitons partagerici, ce sont des réflexions qui pourraient êtreutiles à tout qui souhaite développer un projetde prévention ou, ‘‘tout simplement’’, être acteurde prévention.Au contact des jeunes (dans le cadre de ce projetmais aussi par notre travail de terrain en tantqu’AMO), nous estimons que la prévention de lasurconsommation d’alcool par les jeunes ne peutêtre séparée de la prévention, de ce qui précariseou détériore les liens et les solidarités sociales :le chômage, le désœuvrement, la pauvreté, leracisme, la violence… Comme le souligne AlainMorel dans son ouvrage 3 : ‘‘ La prévention demanifestations de mal être des jeunes se fourvoielorsqu’elle se focalise sur les adolescents et leurscomportements dits « à risque », car elle alourditcette période de la vie d’enjeux excessifs et neprend pas en compte la réalité de leurs difficultésni ce que traduisent ces attitudes de détressemais aussi de désir de vivre et de créativité. Pouravoir quelques chances d’être reçue positivement,l’éducation à visée préventive doit donc partirdes conditions d’existence et des préoccupationsde ceux dont elle cherche l’adhésion.’’Pouvons-nous affirmer que nous connaissonsles conditions d’existence et, a fortiori, les préoccupationsdes jeunes que nous côtoyons?L’identification de ces éléments pourrait sansdoute être la première étape de notre actionauprès des jeunes.Le rôle et la place des adultesou comment se positionner entant qu’acteur de prévention ?Quand la cohérence est une nécessité …Si différentes études s’accordent pour observerque le premier contact du jeune avec l’alcoolLes jeunes : acteursde prévention?Plusieurs adolescents interviewés se sententinvestis d’une mission de protection enversles plus jeunes, notamment dans leurs milieuxfamiliaux. Ils disent souvent ne pasvouloir pour leur petit frère ou leur petitesœur ce qu’ils vivent ou font eux-mêmes.Lorsqu’on leur demande s’ils pensent qu’ily a des messages à faire passer auprès desadolescents plus jeunes, certains ont desidées bien claires :« Moi franchement je dirais à mon frère :‘‘Amuse-toi, fais ta jeunesse, mais n’abusepas’’, c’est tout ! »« Peut-être pas leur interdire de faire desconneries mais qu’ils fassent attention auxconséquences. »« Bien choisir ses amis, ne pas faire quelquechose si on n’en a pas envie, faire ce quenous on a envie de faire, faut bien réfléchiravant de faire quelque chose. »« Pas faire comme tout le monde. »« Chacun doit faire ses propres choix. »« Moi je trouve que ce qu’il faudrait montreraussi c’est qu’ils ont le droit de ne pas êtred’accord avec certaines choses et que c’estpas parce qu’on fait comme tout le mondequ’on est spécialement mieux. Non, justement.»« Il faut faire ses propres expériencesaussi. »s’effectue généralement en famille, force est deconstater que la relation jeune-alcool va fairel’objet de multiples attentions de la part desadultes (qu’il s’agisse du législateur, des familles,du secteur socio-éducatif, du secteur répressifou des lobbys alcooliers).Les intérêts des uns ne concordant pas nécessairementavec les intérêts des autres, des questionsfondamentales se posent :- Comment le jeune va-il se retrouver dans desmessages antagonistes?- Comment assurer une cohérence minimaledes adultes face aux stratégies multiples enprésence?3 MOREL, A., ss la dir. de, Prévenir les toxicomanies, Paris, 2004.<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 43


La Teignouse AMO :de la recherche de sensà l’élaboration de projetsde préventionLe secteur de l’Aide à la <strong>Jeunesse</strong> a déterminéune politique de prévention dont l’objectifest double :- donner le droit à chacun de mener une existencedigne, de reconnaître ce droit à l’autre,de promouvoir des conditions permettantde ne pas avoir recours à la violence ;- veiller à ce que les réactions des personnesà l’accumulation de micro-violences ne lesamènent pas à des actes répréhensiblescontre les autres ou contre eux-mêmes.Pour les AMO, tout comme pour les servicesde promotion de la santé, il s’agit de travaillersur les causes et le contexte des difficultésrencontrées par les jeunes et leurs famillesplutôt que de se concentrer sur leurs manifestations.Les projets que mènent les AMOs’inscrivent donc dans une logique de travailpréventif et non curatif.Les AMO ont d’ailleurs dans leurs missionsl’aide préventive des jeunes dans leur milieude vie et dans leurs rapports avec l’environnementsocial. Leur objectif est de leur permettrede s’inscrire le plus harmonieusementpossible dans cet environnement, surtoutlorsqu’il est difficile.Les AMO agissent partout où le jeune vit : famille,école, quartier, communauté ethnique…Elles s’y inscrivent dans un esprit de partenariatet de collaboration ainsi que dans le respectdes attributions des autres institutionsqui œuvrent pour le jeune et autour de lui.Tout jeune de moins de 18 ans qui a besoind’aide, de conseils ou d’écoute ou qui éprouvedes difficultés peut faire appel à un Serviced’Aide en Milieu Ouvert, ainsi que toutepersonne, parent ou familier qui rencontredes difficultés dans l’éducation ou la relationavec un enfant.L’AMO travaille à la demande, de façon libreet non contraignante. L’aide qu’elle accordeensuite est gratuite, confidentielle et anonyme.Aucune information envers une instancede décision ne peut être transmise sansl’accord et à la demande formelle du jeune.- Quelle place pour le dialogue concernant laconsommation d’alcool au sein de la famille?- Faut-il être non-consommateur pour se reconnaîtrele droit d’aborder la question avec lesjeunes?- Quelle crédibilité le monde des adultes peut-ilencore espérer avoir aux yeux des jeunes?On comprendra par conséquent que faire peserla prévention sur les seules épaules des jeunesserait voué à l’échec au vu, notamment, de ladiversité des intérêts en présence.On peut dès lors affirmer que tout adulte quise veut acteur de prévention doit envisager lephénomène dans la globalité et la complexitédes modèles socio-culturels de notre société,traversés par des logiques commerciales etsécuritaires.La question de la cohérence se pose tant enterme de cohérence des différents milieux qu’enterme de cohérence personnelle, entre ce que l’ondit et ce que l’on fait. Car parler de l’alcool, c’est,pour la plupart d’entre nous, penser à notre proprerapport à l’alcool. C’est alors à chaque adultede se poser la question de savoir s’il est à l’aiseavec le sujet et si, en étant lui-même consommateurd’alcool, il se reconnaît le droit de délivrerdes messages préventifs aux jeunes.« Se poser en modèle cohérent ne veut pas direque l’on soit dépourvu de contradictions. Lesjeunes n’attendent d’ailleurs pas tellement desadultes qu’ils en soient dépourvus mais bienqu’ils les acceptent. Une fois clarifiées et reconnues,elles peuvent laisser place à un discoursauthentique que le jeune peut entendre.» 4La prévention, une affaire de spécialistes?Si l’on considère la prévention comme un processusd’éducation à long terme au travers duquotidien, commençant bien avant les premièresconsommations, il apparaît que chaque personneen contact avec le jeune va pouvoir développerdes attitudes préventives, quelle que soitsa situation par rapport au jeune : parent, éducateur,enseignant, animateur, commerçant…Chacun peut, de sa place et à sa place, contribuer4 JANSSEN, B., PLAS, C. et CHERBONNIER, A., Parolesd’ados, paroles d’acteurs de terrain au sujet du tabac.Une base de réflexion et de débat autour des usages,de la consommation et de la dépendance.page 44 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


à l’éducation et à la prévention en écoutant lesjeunes, en étant un point de repère pour eux, enles conseillant, en les informant, etc.Voici quelques pistes permettant à chacun d’explorer:- la question du sens- les limites, le balisage- la coopération- la bienveillance et la confianceLa question du sens« On est jeune, c’est pas à trente ans qu’on vapouvoir sortir. »En effet, certains jeunes n’ont pas envie de grandircar ils perçoivent le monde adulte commeennuyant.Les jeunes s’interrogent sur le sens de leur vie,de celle des adultes… Comment témoigner dece qui fait sens pour nous dans le quotidien, dansnos métiers, nos familles? Osons-nous leur parlerde nos rêves, de nos aspirations, de ce en quoinous croyons? La tendance au ‘‘jeunisme’’ ambiantfait parfois de nous des adultes désincarnéshésitant à témoigner de nos valeurs au risquede paraître ‘‘ringards’’.Alors quelles perspectives, quels ‘‘combats’’ quidonneraient un sens à leur vie, les nouvelles générationspeuvent-elles s’approprier?Les limites, le balisageNous l’avons vu précédemment, les jeunes attendentde nous des limites, que ce soit pour s’yconformer ou pour les transgresser. Ils en ontbesoin pour se construire et sortir de l’anomie.Les limites, les repères font partie intégrante d’unsystème d’éducation cohérent et respectueux del’enfant.Néanmoins, pour diverses raisons, nous n’avonspas toujours envie ou n’osons pas nous opposerà lui. Or, non seulement l’enfant, le jeune a besoinde limites, d’interdits, mais en outre la positionque nous adoptons et lui communiquons peutavoir un impact réel sur son comportement.Ainsi par exemple, il a été démontré que la désapprobationdes parents permettait de reculerl’âge de la première consommation d’alcool chezles jeunes, ce qui est loin d’être négligeablelorsqu’on sait que la plupart du temps la premièreconsommation d’alcool a lieu dans la fa-AMO La TeignouseAssociation agréée en 1996 par la Communautéfrançaise, secteur Aide à la <strong>Jeunesse</strong>,membre de la Fédération des Institutions etServices d’Aide aux Adultes et aux Jeunes(FISSAAJ) et du Conseil d’Arrondissementde l’Aide à la <strong>Jeunesse</strong> de Huy (CAAJ). Elles’adresse aux jeunes de 0 à 18 ans de larégion Ourthe-Amblève-Condroz.Les 6 axes de travail de l’AMO La Teignouse- Accrochage scolaire- Projet Parentalitémille et que plus le comportement est installétôt, moins il sera facile de s’en défaire.Nous pouvons par ailleurs éduquer nos enfantsà la consommation au sens large et démonteravec eux les mécanismes qui les entraînent versle ‘‘tout, tout de suite’’ et les mirages de l’oubli.Bien sûr, si l’on veut être cohérent, cela nécessiteraque les adultes que nous sommes nousinterrogions sur nos propres consommations.La coopérationLes rôles des adultes doivent s’articuler et secompléter. La prévention dans une soirée n’exclutpas une action répressive sur le chemin du retour.Eduquer nos enfants ne nous exempte pas d’interpellerle législateur en matière de vente d’alcoolà des mineurs.La bienveillance et la confianceA la question : ‘‘Y a-t-il des choses que vousauriez voulu qu’on vous dise avant que vous necommenciez à sortir?’’, un jeune a répondu : ‘‘Jete fais confiance’’.Loin de l’angélisme ou de la diabolisation, osonsla confiance…Elle se construit dès le plus jeune âge ; soyonsconvaincus que nos jeunes ont des capacités etpeuvent ‘‘résister’’ si nous leur fournissons desoutils. Construisons avec eux le cadre : sortir ouimais quand, à quelle fréquence, dans quellesconditions et avec quels critères, avec quellessanctions en cas de non-respect des limites …‘‘A quoi t’engages-tu?’’. ■- Prévention en milieu scolaire- Accompagnement individuel- Travail de quartier- Projet communautaire «Consommation,dépendance et bien-être : de la recherchede sens à l’élaboration de projets»Clos Nolupré, 17c.4170 Comblain-au-Pont04/369.33.30 - amo@lateignouse.bewww.lateignouseamo.be<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 45


PERCEPTIONS DE LAPOLITIQUE DE SANTÉLIÉE AU CANNABIS> Extraits d’un chapitre du livre « Les habitués du cannabis », de Catherine Reynaud-Maurupt,présentés par Anne Discart, <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong>.Dans l’ouvrage « Les habitués du cannabis, une enquête qualitative auprès des usagersréguliers. », publié par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, l’auteurCatherine Reynaud-Maurupt consacre un chapitre de son étude qualitative à la manière dontles usagers de cannabis perçoivent la politique de santé notamment à travers la campagne« Le cannabis est une réalité », une campagne de prévention mise en œuvre à partir du plande lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool par la MILDT 1 et l’INPES 2 pour lesannées 2004 à 2008.Objectif manquéUne enquête qualitative a été menée auprès desconsommateurs réguliers de cannabis au sujetde la campagne « Le cannabis est une réalité ».Malgré une diffusion importante sous forme despots télévisuels ou radiophoniques, affiches oufascicules, cette campagne semble avoir manquéLe chapitre 5 du livre « Les habitués du cannabis » présente aussi le point devue des usagers à propos de la campagne qu’illustre cette affiche (MILDT 2006).Le livre est téléchargeable gratuitement à l’adresse :http://www.ofdt.fr/ofdtdev/live/publi/rapports/rap09.htmlson objectif auprès de sa principale cible : lesconsommateurs réguliers. Elle a par contre étéjugée positive pour un public constitué d’adolescents« novices » en matière de cannabis. C’esten définitive un public de « jeunes expérimentateurs» que le message a touché, exprimant lanécessité de ne pas débuter l’usage ou de ne paspasser à un usage régulier.Problèmes de fondUn effet pervers de la campagne réside dans lefait qu’elle a principalement été sujette à moqueriesde la part des consommateurs régulierset de leur entourage.Cette absence d’adhésion à la campagne s’observedans la manière dont les messages ont étéperçus et critiqués par les consommateurs decannabis. En voici quelques échos :« Ils prenaient des cas typiques, enfin des stéréotypespour eux, alors que dans la vie, c’estpas forcément comme ça ». (Elvina, 19 ans)page 46 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


Qualifiées de caricaturales, les situations psychosocialesmontrées dans la campagne empêchaientune identification par la cible.« Est-ce que tu as entendu parler de la campagnede prévention « le cannabis est une réalité » ?« Ouiii, ouiiii, je l’ai vue. Absurde, ah ouais ! Ridicule! On nous présente des jeunes qui ont pasd’expérience du cannabis et pas d’expériencetout cours, qui sont super jeunes… je sais pas,ouais, d’accord c’est un problème dans la sociétéparce qu’il y a de plus en plus de jeunes deplus en plus tôt qui commencent à fumer… (…)Là ils parlent de jeunes qui commencent à quinze,seize ans, quoi, alors quand je voyais les spotset que je les entendais parler, ça me faisait rire,quoi… » (Eric, 25 ans)Observatoire françaisdes drogues et destoxicomaniesL’OFDT est l’organisme public chargé durecueil, de l’analyse et de la synthèse desdonnées relatives aux drogues illicites, àl’alcool et au tabac en France.Avenue du Stade de France, 393218 Saint-Denis La Plaine Cedex01 41 62 77 16 - ofdt@fdt.frwww.ofdt.frUn manque de pertinence et donc de crédibilitéa été relevé à propos du contenu du message :l’association faite entre l’échec social et l’usagedu cannabis ne correspondant pas à l’expériencepersonnelle vécue par les consommateursinterrogés dans le cadre de l’enquête.« Mais là où je n’ai pas aimé la pub c’est que enfait, c’est forcément à partir du moment où tufumes, ça y est, il y a plein de malheurs qui t’arrivent.Or les malheurs sont souvent juste déclenchéspar le shit et le shit n’en est pas lacause. Ouais, voilà c’est ça en fait, je trouve celadéplacé, je trouve. À part quelques cas qui nesupportent vraiment pas les effets, la plupart desgens supportent les effets, ensuite si tu ne lesgères pas bien, il y a un problème avant qui étaitdéjà chez eux, et pas dans le cannabis en soi ».(Alexandre, 24 ans).Problèmes de formeCe ratage d’identification à l’expérience dite« réelle » se trouve renforcé par la forme queprend le message : celui-ci est présenté par desacteurs et non par des usagers de cannabis.Un reproche concerne aussi l’amalgame fait entreles différents types de consommateurs et doncun manque de clarté et de pertinence concernantla cible :« Enfin faut arrêter, il y a des personnes qui sontcomplètement insérées dans cette société, quitravaillent, qui prennent des drogues et des droguesplus dures, et je pense qu’il faut arrêter defaire un amalgame, et distinguer les différentstypes d’usage, pour ensuite pouvoir faire, justement,pouvoir identifier les personnes qui en ontle plus besoin (…) Pour pouvoir les aider ». {Denise,25 ans}« Moi, je ne me suis pas retrouvé dans les personnages,voilà quoi, moi c’est ça qui n’a pas étépertinent pour moi quoi, c’est que… dans le publicvisé, j’étais pas visé quoi, alors que je faispartie de ce public ». {Christian, 25 ans}Il apparaît donc indispensable de définir la cibleadéquatement et de mieux adapter le messageà la cible.Le message semble en effet dans le cas présent1 Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie2 Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009page 47


CommentaireCes témoignages d’usagers nous incitent à nous interroger quant à notre crédibilité envers lespublics que nous souhaitons atteindre. S’il n’y a pas de campagne parfaite ou idéale, il peut yavoir une campagne construite au départ d’un public cible clairement identifié, prenant encompte la diversité et la complexité des réalités vécues.Le public accordera sa confiance à un annonceur qu’il estime pertinent. Susciter cette confiancesuppose de prendre position, au départ d’une identité d’annonceur. Parler, c’est toujours parlerde soi. C’est parfois se présenter comme un interlocuteur.Au-delà d’une démarche de santé publique, une enquête telle que celle-ci interroge sur l’identitéà tenir en tant qu’interlocuteur et sur l’image que l’annonceur donne de lui-même. Il y a là,aussi tout un travail de fond, essentiel et premier, à ne pas négliger.n’avoir pas répondu aux attentes des consommateursde cannabis, qui l’ont trouvé « dramatisant» ou « diabolisant » : « Faut arrêter dedramatiser la chose, il y a des trucs plus dangereuxque le cannabis, et le problème de pseudoflemmardise et de désocialisation c’est quandmême individuel, c’est pas des problèmes quisont dus au cannabis, c’est des problèmes quisont dus à la personne et il faut, il faudrait mieuxs’occuper des gens plutôt que des produits qu’ilsprennent ». (Boris, 28 ans)Cette dramatisation ressentie dérange d’autantplus les consommateurs qu’ils ont l’impressionque la campagne véhicule des idées fausses sureux, idées péjoratives qui leur sont dès lors dommageables: « Je trouve qu’on dirait qu’on parledes drogues dures. Ça creuse le fossé entre lesgénérations. Quand les parents voient ça à latélé, comment veux-tu que les enfants puissentexpliquer ce que c’est et qu’ils en parlent ? ».(Séléna, 25 ans)Une question de confianceTous ces éléments mettent à mal la confianceaccordée à l’annonceur. D’autres éléments deréponse illustrent encore ce manque de confiance: « J’ai jamais… j’en ai jamais été malade, alorsqu’on dise : « tu vas fumer un pétard, tu vas mourir», évidemment, tout le monde va… plein degens vont essayer et ils vont voir qu’ils ne vontpas mourir et qu’ils vont se marrer et ils vont sedire : « Bon, on se fout de ma gueule ! ». Donc àla limite je trouve que c’est super grave parcequ’après si tu tiens le même discours sur lesautres drogues. Genre les ecstas, enfi n il y aquand même des trucs qui sont… c’est pas lamême chose quoi, j’estime que c’est pas la mêmechose, et tu vas dire « attends, ils nous ont pipotéssur le shit… qu’est-ce qu’ils sont encore entrain de nous raconter comme conneries sur lesecstas ? Je ne les crois plus ». (Karine, 25 ans)Les souhaits des usagersNous pouvons tirer des informations utiles enécoutant les souhaits émis par les usagers.Parmi ceux-ci :- les consommateurs dits réguliers auraient souhaitévoir une appréhension politique et publiquedu cannabis similaire à celle de l’alcool,suivant l’idée que « Un joint ça va, trois jointsbonjour les dégâts ! ». C’est le dépassementd’un seuil critique de consommation (seuil« effet-dose ») qu’ils identifi ent comme lasource des risques sanitaires et des risquesd’accidents. A leurs yeux, la prévention routièrese présente comme le domaine précurseurdans lequel les deux produits peuvent être misà égalité ;- souhait d’une prévention « intelligente », quidonne de « vraies informations » (informationsfactuelles) et ne recherche pas à faire peur ;d’une campagne qui « incite à réfléchir sur sespratiques » ;- ou, à l’opposé, souhait d’une campagne qui faitprendre conscience des risques médicaux liésà l’usage du cannabis, pour faire peur (imageschocs). ■page 48 <strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong> Drogues|Santé|Prévention | 50-51 | Numéro double – janvier et mars 2009


Un trimestriel pour interroger sous des regards différentsles thèmes liés aux usages de drogues, la promotion de la santéet les politiques et pratiques sociales en matière de jeunesse.Retrouvez tous les numéros sur le site :www.prospective-jeunesse.be/cahiers<strong>Prospective</strong><strong>Jeunesse</strong>DroguesSantéPréventionMilieux de vie- Famille et parentalité(nos 22-24-42-43-44-49)- L’école (nos 3-4-6-25-29)- La fête (n° 35)- Le monde du travail (n° 26)- La prison (nos 13-16-40)Contextes d’usage- La loi et la répression judiciaire(nos 1-2-38)- Pauvreté, marginalité etexclusion (nos 11-12-36-37)- Culture et consommation(nos 5-17-30)Produits et leurs effets- Plaisir (nos 7-8-9-10)- Dépendance (n° 39)- Drogues de synthèse(nos 14/15)- Cannabis (nos 18-20-21)- Alcool (n° 32)- Tabac (n° 33)- Alicaments (n° 19)- Ordinateur (n° 47)- Amour (n° 48)Pratiques professionnelles- Promotion de la santé (nos 31-34)- Pratiques de prévention (nos 31-50)- Réduction des risques (nos 27-28)- Représentations (n° 46)- Secret professionnel (n° 23)- Travail en réseau (n° 45)- Soins aux usagers (n° 41)ABONNEMENT ANNUELFrais d’envoi comprisBelgique Autres paysInstitution 24 € 28 €Particulier 20 € 24 €Etudiant 15 € 20 €Prix au numéro :7 €Numéro de compte bancaire :210-0509908-31FORMULAIRE D’ABONNEMENT OU DE COMMANDE AU NUMÉROInstitution :Nom :Prénom :Téléphone :Courriel :Adresse de livraisonRue et n° :Code Postal :Ville :Pays :COMMANDEAbonnement pour l’année … ❏ Institution ❏ Particulier ❏ Etudiant… numéros (détails à préciser au verso)Souhaitez-vous une facture : ❏ oui ❏ nonDate : Signature :


<strong>Jeunesse</strong><strong>Prospective</strong>DroguesSantéPréventionNuméro double – janvier et mars 2009<strong>Prospective</strong> <strong>Jeunesse</strong>, Drogues-Santé-Préventionest un trimestriel lancé en décembre 1996.Lieu pluridisciplinaire de réflexion, de formation et d’échange d’expériences,d’idées, de points de vue, cette revue interroge sous des regards différentsdes thèmes liés aux usages de drogues, à la promotion de la santéet aux politiques et pratiques sociales en matière de jeunesse.Pour consulter les sommaires des numéros paru ou contacter l’équipe de rédaction,visitez le site : www.prospective-jeunesse.be/cahiersAvec le soutien de la Communauté Wallonie-Bruxelles(Communauté française de Belgique),et de la Commission communautaire françaisede la région de Bruxelles-Capitale.

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