Cel<strong>le</strong>s des deux protagonistes féminines (Lucy E et Lucy S), mais<strong>au</strong>ssi cel<strong>le</strong> de <strong>le</strong>ur ami-amant commun rencontré à des époques différentes,Jonathan, qu’on ne voit pas.Les voix introduisent l’espace, nous font voyager menta<strong>le</strong>ment(Jonathan disparaît dans un pays exotique) (4) ; el<strong>le</strong>s sérient,<strong>au</strong>ssi, plusieurs temporalités : <strong>le</strong> présent de la narration et diverséléments biographiques du passé entre Jonathan et chacune desdeux femmes, <strong>le</strong> tout décliné <strong>au</strong> présent.Je retourne à mes premières amours : <strong>le</strong> texte. Je me souviens quej’avais toujours un carnet sur moi, et dès qu’une idée me venait,dans la rue ou dans une sal<strong>le</strong> de cinéma, je la notais. Je ne reviendraipas sur <strong>le</strong>s tenants et aboutissants du film (voir note 3).Je dirai, simp<strong>le</strong>ment, qu’ une fois la structure polyphonique desvoix trouvée et adoptée, <strong>le</strong>s plans, ceux des quatre séquences centra<strong>le</strong>ssituées à des saisons différentes (<strong>le</strong> tournage s’est étalésur un an), comme <strong>le</strong>s plans de coupe (de chevil<strong>le</strong>s respiratoiresdevant durer une ou deux secondes, ils se sont transformé encondensés métaphoriques de ce qui est développé différemment par<strong>le</strong>s voix). On a l’exemp<strong>le</strong>, dans la « séquence des Buttes Ch<strong>au</strong>mont» (où Élodie et Anne-Sophie sont à la fois filmées par Dominik,photographiées par Marcel Mazé et dessinées par Garance),d’une métaphore claire de l’appropriation de l’apparence et de lapersonnalité des actantes-personnages par <strong>le</strong> cinéaste, et, pluslargement, par <strong>le</strong> film-vampire.Les voix enregistrées <strong>au</strong> préalab<strong>le</strong> ont, ensuite, servi de filconducteur <strong>au</strong> montage réalisé avec la complicité de FrédériqueDev<strong>au</strong>x. Afin de ne pas monter sur du film si<strong>le</strong>ncieux, nous avonsconçu une première bande-son avec des bruits (vents, cris d’anim<strong>au</strong>x)provenant de diverses sources. Je n‘avais pas encore lamusique. Ce n’est qu’en septembre 2003 que j’ai rencontré, chezPip Chodorov, trois jeunes musiciens, Jeremy Chinour, AnthonyLerat et Cyril Descans, qui ont composé (je <strong>le</strong>ur avais donné BernardParmegiani comme modè<strong>le</strong>) diverses propositions musica<strong>le</strong>s quenous montions, après sé<strong>le</strong>ction, dans la plus grande hâte : uneprojection du film étant déjà prévue <strong>le</strong> 18 novembre 2003 à la Cinémathèquefrançaise. C’est une copie de travail incomplète quifut présentée.La bande image était devenue comme une nouvel<strong>le</strong> matrice : oncollait, on mettait <strong>le</strong>s sons là où, selon moi, c’était <strong>le</strong> plusopérant. Les mots qui avaient suscité <strong>le</strong>s images se trouvaienteux-mêmes mis en jeu et en question par <strong>le</strong>s images ayant acquis<strong>le</strong>ur propre vie. Lors de la conception, moi, homme d’écriture,j’ai bâti mon projet avec des mots, des phrases. Durant <strong>le</strong> montage,<strong>le</strong>s images dictent <strong>le</strong>ur loi : des phrases sont dédoublées,hachées, reprises.
Ce traitement analogique, métaphorique, poétique d’un matéri<strong>au</strong>psychologique, existentiel, esthétique… ne pouvait être circonscritpar une intrigue conventionnel<strong>le</strong>, avec dialogues et scénariobien charpentés. J’ai opté pour un flux de paro<strong>le</strong>s mises en abyme,et qui brassent diverses périodes allant du passé <strong>au</strong> présent avecquelques avancées vers <strong>le</strong> futur.Raphaël BassanLe départ d’Eurydice, Raphaël Bassan (1968-69)Notes(1)(2)(3)(4)Suite <strong>au</strong> décès du musicien, Le Départ d’Eurydice a été longtempsmontré dans sa forme si<strong>le</strong>ncieuse. Il a été sonorisé, en 2001,pour la rétrospective <strong>Jeune</strong>, dure et pure de la Cinémathèque.Il fait partie des Col<strong>le</strong>ctions du MNAM de Be<strong>au</strong>bourg.Textes publiés dans <strong>le</strong> recueil Rites et rituels, poèmes 1966-1972, de Raphaël Bassan, Éditions Europe/Poésie (2001).Lire <strong>au</strong>ssi, sur ce film : http://www.etna-cinema.net/bassan.phphttp://www.cineastes.net/filmo/filmo-bassan.htmlLe passage <strong>au</strong>dio qui figure dans <strong>le</strong> CD accompagnant la revuese situe après la disparition de Jonathan (la dernière partiedu film) ; ce qui conduit <strong>le</strong> narrateur-cinéaste à mettre àplat <strong>le</strong>s questions de tous ordres suscitées par <strong>le</strong> film. Sanstrancher : la fin est ouverte.