Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
12<br />
Le Régional 27 août 2004 - No 240<br />
<strong>Vevey</strong> - Riviera<br />
REGIONAL P 12 Date 27.08 N C M J<br />
La stratégie de la course poursuite<br />
GRANDE DISTRIBUTION • Avec l’inauguration <strong>à</strong> <strong>Vevey</strong> de Midi-Coindet, Migros devance Coop<br />
et «précipite» la mue de Manor, remportant une victoire inattendue dans la guerre commerciale que se livrent<br />
au centre-ville les poids lourds du marché. Enquête.<br />
Trop petit, trop vieux, pas<br />
assez de choix! Mais<br />
quand allez-vous agrandir?».<br />
Lorsque les clients de<br />
Migros ne sont pas contents, ils<br />
l’expriment: «Notre magasin de<br />
<strong>Vevey</strong> est celui qui suscitait le plus<br />
de remarques», confesse Jacqueline<br />
Pisler, porte-parole de Migros<br />
Vaud. Et comme, <strong>à</strong> <strong>Vevey</strong> aussi, le<br />
client est roi, les leaders du marché<br />
suisse du commerce de détail se<br />
plient en quatre pour satisfaire ses<br />
exigences. Avec Midi-Coindet<br />
tout d’abord, il dispose depuis le<br />
25 août d’une nouvelle galerie<br />
marchande dotée de 18 enseignes,<br />
dont «la locomotive Migros»,<br />
pavoise sa porte-parole. Principale<br />
locatrice du bâtiment, cette locomotive<br />
aura au passage investi 9<br />
millions de francs dans l’aménagement<br />
de son supermarché. Erigé<br />
en face de Saint-Antoine, dont la<br />
rénovation a été précipitée (voir<br />
encadré) par le développement de<br />
Migros et de Coop, et idéalement<br />
situé <strong>à</strong> proximité de toutes commodités,<br />
«ce centre est hyper<br />
convivial», se félicite Jacqueline<br />
Pisler.<br />
Avec ses 182 appartements, Midi-<br />
Coindet constitue en réalité un<br />
nouveau quartier de 520 habitants<br />
au cœur de la cité. Une forte majorité<br />
de non-veveysans (70%) est<br />
venue s’y installer, séduite par «la<br />
proximité de Lausanne, du lac et<br />
des Alpes, ainsi que des loyers<br />
attractifs», analyse Cathernie<br />
Mottier, responsable des locations<br />
<strong>à</strong> la Régie du Croset, gérante des<br />
lieux. Du studio <strong>à</strong> 650 francs aux<br />
5,5 pièces en attique <strong>à</strong> 2200<br />
francs, tout est déj<strong>à</strong> loué. Propriété<br />
d’un groupe d’investisseurs privés<br />
«ne tenant pas <strong>à</strong> se faire connaître<br />
et des banques», insiste Jacques<br />
Nussbaumer, directeur de la<br />
gérance, ce complexe immobilier<br />
et commercial aura coûté la bagatelle<br />
de 108 millions de francs.<br />
Bernard Nicod accuse!<br />
Du premier coup de pioche le 4<br />
février 2002 <strong>à</strong> son ouverture au<br />
public, Midi-Coindet a été construit<br />
en 629 jours ouvrables, <strong>à</strong><br />
«une cadence d’enfer», lance<br />
Bernard Nicod. Profitant de la<br />
conférence de presse d’inauguration<br />
du 24 août, le promoteurconstructeur<br />
des lieux s’est fendu<br />
d’une intervention plutôt musclée.<br />
Détaillant les multiples difficultés<br />
qui ont jalonné cette réalisation,<br />
Bernard Nicod fustige un<br />
«avocat veveysan, son frère notaire<br />
et un éminent politicien», portant,<br />
en marge des festivités, de lourdes<br />
accusations <strong>à</strong> leur encontre (lire<br />
page 13). Au-del<strong>à</strong> de ce coup<br />
d’éclat, Dominique Rigot, le syndic<br />
radical de la ville salue les<br />
«délais records» qui ont présidé <strong>à</strong><br />
cette réalisation. Lesquels ont permis<br />
<strong>à</strong> Migros de respecter sa planification,<br />
selon Jacqueline Pisler.<br />
Ce dont ne peut se targuer Coop,<br />
souffrant d’un important retard<br />
sur le chantier de Cité-Centre,<br />
autre complexe immobilier et<br />
commercial en construction <strong>à</strong> la<br />
rue du Simplon. Coop qui pourtant<br />
«avait annoncé <strong>à</strong> hauts cris<br />
qu’elle ouvrirait avant nous», se<br />
souvient la porte-parole de Migros,<br />
savourant <strong>à</strong> demi-mot cette victoire<br />
inattendue du géant orange<br />
dans la conccurence que se livrent<br />
<strong>à</strong> <strong>Vevey</strong> les leaders de la grande distribution.<br />
«Nous n’avons pas apprécié!»<br />
Numéro deux du marché en<br />
termes de chiffre d’affaires et de<br />
parts de marché (voir tableau),<br />
Coop vient de perdre une bataille<br />
contre son principal concurrent.<br />
Censée être inaugurée en juin<br />
déj<strong>à</strong>, sa nouvelle succursale de<br />
Cité-Centre n’ouvrira ses portes<br />
que le 24 novembre. Six mois<br />
de retard <strong>à</strong> cause notamment de<br />
l’effondrement non prévu d’un<br />
immeuble voisin du chantier.<br />
«Nous n’avons pas tellement<br />
apprécié!», grince Michel Produit,<br />
chef de vente de Coop Vaud,<br />
Valais et Fribourg. Entreprise<br />
générale responsable de ce chantier,<br />
HRS a d’ailleurs été condamnée<br />
<strong>à</strong> une amende de 15’000<br />
francs par le préfet, mais surtout <strong>à</strong><br />
reconstruire l’immeuble en question<br />
par la Municipalité. Magnanime,<br />
la porte-parole de Migros<br />
compatit: «Lorsque deux centres<br />
ouvrent en même temps, il est<br />
légitime de vouloir être le premier,<br />
mais nous n’allons pas rire de leur<br />
mésaventure. Au contraire, c’est<br />
détestable, parce qu’il y a des<br />
emplois et des entreprises lésées<br />
derrière».<br />
Dernier rebondissement en date,<br />
refusant de s’avouer vaincue,<br />
Coop vient d’inaugurer le 4 août<br />
son nouveau magasin Pronto dans<br />
l’aile est de l’ancienne poste. Un<br />
joli coup qui lui permet bel et bien<br />
d’ouvrir une nouvelle antenne <strong>à</strong><br />
<strong>Vevey</strong> avant Migros. Ce dont se<br />
défend Michel Produit: «Il s’agit<br />
d’un concours de circonstances.<br />
L’ouverture de ce Pronto était planifiée<br />
de longue date». De plus,<br />
même si elle fait partie du groupe<br />
Coop, «la chaîne qui gère ces<br />
magasins est indépendante». Seule<br />
ombre au tableau, ce point de<br />
vente pensait pouvoir entrer dans<br />
la catégorie «commerce familial»<br />
pour bénéficier d’horaires d’ouverture<br />
élargis, sept jours sur sept de<br />
6h <strong>à</strong> 20h. Mais les autorités communales<br />
ont contraint Coop-<br />
Mineraloel AG, la chaîne en question,<br />
<strong>à</strong> faire machine arrière. Il ne<br />
suffit pas que la famille du gérant<br />
s’occupe du magasin de 18h30 <strong>à</strong><br />
20h comme c’était prévu, mais<br />
toute la journée, stipule le règlement.<br />
«L’ouverture prolongée<br />
reste cependant <strong>à</strong> l’étude», affirme<br />
Jürg Kretzer, porte-parole de la<br />
chaîne.<br />
La faute aux clients?<br />
Comme l’illustre <strong>à</strong> merveille<br />
l’exemple de <strong>Vevey</strong>, si l’un des leaders<br />
du marché construit, l’autre<br />
se doit aussi d’affirmer ou de réaffirmer<br />
sa présence sur le terrain,<br />
obéissant <strong>à</strong> une stratégie de course<br />
Construit en 629 jours ouvrables, le complexe immobilier et commercial de Midi-<br />
Coindet aura coûté la bagatelle de 108 millions de francs.<br />
poursuite. «C’est faux», rétorque<br />
Raymond Léchaire, responsable<br />
de Coop Suisse romande, «ce sont<br />
les exigences des clients qui imposent<br />
cette évolution. Ils veulent<br />
des allées larges, des places de parc<br />
sur place et surtout, un vaste assortiment.<br />
Lorsque nous faisons de la<br />
publicité, ils râlent parce qu’ils ne<br />
trouvent pas les produits». Des<br />
clients qui, dans son discours, se<br />
transforment en «parts de marché<br />
<strong>à</strong> ne pas perdre», imposant ces<br />
expansions: «Nous n’avons pas<br />
d’autre choix». Et le responsable<br />
d’enfoncer le clou: «De toute<br />
façon, nous avions pris la décision<br />
de construire <strong>à</strong> <strong>Vevey</strong> longtemps<br />
avant Migros». Pôle position aussitôt<br />
contestée par la porte-parole<br />
de Migros: «Non, c’est nous! Nos<br />
premières démarches en vue de<br />
réaliser un grand centre commercial<br />
sur la Riviera remontent <strong>à</strong><br />
1972 avec le projet Léman parc de<br />
Saint-Légier».<br />
Pour le consommateur, peu importe.<br />
Réel vainqueur de cette<br />
lutte, il disposera bientôt, avec ces<br />
deux hypermarchés flambants<br />
neufs et l’ancêtre Saint-Antoine<br />
revu et corrigé, de trois grandes<br />
surfaces urbaines parfaitement<br />
adaptées <strong>à</strong> ses nouvelles habitudes<br />
d’achats dans un rayon de moins<br />
d’un kilomètre.<br />
Textes et photo<br />
Serge Noyer<br />
Infographie, Marc Rouiller<br />
Saint-Antoine rouillé!<br />
Numéro trois de la branche, Manor n’échappe pas <strong>à</strong> cette logique:<br />
«La concurrence que se livrent ces deux gros mastodontes nous a<br />
probablement obligé <strong>à</strong> accélérer notre propre rénovation», concède<br />
Maurice Plat, sous directeur de la succursale de <strong>Vevey</strong>. «C’est comme <strong>à</strong><br />
l’école, le premier de classe stimule les autres élèves», claironne<br />
Jacqueline Pisler, porte-parole de Migros. «Mais notre rénovation était<br />
de toute façon programmée», s’empresse de préciser Maurice Plat. Non<br />
sans avouer une certaine crainte, le cadre de Manor se console: «Nous<br />
allons souffrir de l’ouverture des deux nouveaux centres commerciaux,<br />
car les clients aiment la nouveauté, mais nous nous en réjouissons aussi,<br />
car s’ils sont attirés par le centre-ville, tout le monde en profitera».<br />
Inauguré en 1974, Saint-Antoine subit actuellement d’importants travaux<br />
d’agrandissement et de réaménagement. Devisés <strong>à</strong> 50 millions,<br />
dont 25 <strong>à</strong> la charge de Manor, «ces travaux sont très chers», concède<br />
André Duperret, directeur de St-Antoine, «parce qu’il faut rénover et<br />
transformer tout en continuant <strong>à</strong> exploiter». La mue du bâtiment<br />
signera notamment la disparition de ses emblématiques façades d’acier<br />
«Corten», remplacées par des façades vitrées. «Censées devenir grises en<br />
vieillissant, elles ont en fait rouillé. Ce n’est pas très esthétique et beaucoup<br />
de gens s’en plaignent», déplore Maurice Plat. La fin des transformations<br />
est prévue pour le printemps 2006.