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« Ce<br />
<strong>Vevey</strong> - Riviera<br />
Employés d’EPA «sous pression»<br />
Le Régional 27 août 2004 - No 240<br />
CRAINTES • Suite au rachat d’EPA par Coop, ses employés se verront tous proposer<br />
des postes dans les autres enseignes du groupe, mais devront faire preuve de souplesse, avertit la direction.<br />
A <strong>Vevey</strong>, le personnel est inquiet. Confidences.<br />
«<br />
C’est un gros?», avoue Isabelle<br />
Germanier, traçant de son index<br />
un point d’interrogation dans l’espace.<br />
Gestionnaire de vente chez<br />
EPA <strong>Vevey</strong> et membre de la commission<br />
du personnel, elle n’a pas<br />
peur de l’affirmer: «Certains employés<br />
se sentent sous pression». A la<br />
suite du rachat d’EPA par Coop, son<br />
personnel a certes «reçu des garan-<br />
Règlement de compte <strong>à</strong> OK Coindet<br />
ATTAQUE FRONTALE • Bernard Nicod accuse nommément trois notables veveysans de lui avoir fait perdre<br />
11 millions de francs <strong>à</strong> cause des retards accumulés sur le chantier de Midi-Coindet <strong>à</strong> <strong>Vevey</strong>.<br />
L’un d’entre eux le menace d’une plainte. Ambiance...<br />
sont les frères Dénéréaz et<br />
Yves Christen», lâche Bernard<br />
Nicod. «L’avocat veveysan, son frère<br />
notaire et l’éminent politicien<br />
veveysan», tels que mentionnés dans<br />
son discours d’inauguration du<br />
complexe immobilier et commercial<br />
de Midi-Coindet, sont dans le collimateur<br />
du promoteur lausannois.<br />
Revenant sur les «6570 jours d’entraves<br />
liés <strong>à</strong> l’obtention du permis de<br />
construire», Bernard Nicod déterre<br />
la hache de guerre dans le conflit qui<br />
l’opposa en plein boom immobilier<br />
<strong>à</strong> Philippe et Jean-David Dénéréaz:<br />
«Ils ont tout fait, mais vraiment tout<br />
pour empêcher et combattre cette<br />
construction». Mettant dans le<br />
même paquet le parlementaire fédéral<br />
et ancien syndic de <strong>Vevey</strong> Yves<br />
Christen, témoin clé de l’affaire,<br />
l’entrepreneur s’emballe en marge<br />
des festivités. Fidèle <strong>à</strong> son style, il<br />
vocifère dans le combiné des termes<br />
que la décence nous interdit de<br />
reproduire ici. Et l’homme d’affaires<br />
de porter ce coup de grâce contre les<br />
trois notables: «Ils m’ont fait perdre<br />
11 millions! J’aurais préféré les donner<br />
<strong>à</strong> Mère Thérèsa»: (vraiment?),<br />
avant de raccrocher aussi sec.<br />
Etrange volte-face...<br />
Philippe Dénéréaz s’insurge: «C’est<br />
scandaleux». Contacté <strong>à</strong> l’heure du<br />
repas, l’avocat manque de s’étouffer<br />
au téléphone: «Cet homme est un<br />
menteur, c’est lui qui nous a fait<br />
perdre 1,5 million de francs en violant<br />
sa signature». Peinant <strong>à</strong> reprendre<br />
son calme, il rappelle avoir remporté<br />
son procès contre Bernard<br />
Nicod. Alors propriétaire d’une parcelle<br />
dans le quartier convoité par<br />
l’homme d’affaires pour y ériger<br />
Midi-Coindet, les frères Dénéréaz<br />
lui ont signé, <strong>à</strong> sa demande, une<br />
promesse de vente par laquelle il<br />
s’engageait <strong>à</strong> acheter le terrain dans<br />
les trois ans. Au terme du délai, «il<br />
s’est désisté, arguant que nous<br />
l’avions trompé», se souvient Philippe<br />
Dénéréaz. Lequel l’a aussitôt<br />
mis en poursuite. Non content de<br />
s’opposer <strong>à</strong> ce commandement de<br />
payer, Bernard Nicod ouvre alors un<br />
procès en libération de dette devant<br />
la cour civile du Tribunal cantonal,<br />
contestant la validité de sa signature,<br />
«procès qu’il a perdu en 1997»,<br />
insiste Philippe Dénéréaz. Mais<br />
devant la menace de recours de<br />
Bernard Nicod, «et apprenant par<br />
un ami banquier qu’il était totalement<br />
insolvable et sans un sou, nous<br />
avons décidé d’abandonner notre<br />
créance pour vendre le terrain <strong>à</strong><br />
quelqu’un d’autre».<br />
ties d’emploi», rappelle Michel Produit,<br />
chef de vente de Coop Vaud,<br />
Valais, Fribourg, «mais nous ne<br />
savons pas où nous allons travailler»,<br />
s’inquiète Isabelle Germanier. «A<br />
ceux qui seraient intéressés, nous<br />
offrons la possibilité de commencer<br />
dans notre futur magasin de <strong>Vevey</strong>»,<br />
rassure Jean-François Zimermann,<br />
responsable de vente Coop City et<br />
Restructuration oblige, les employés d’EPA <strong>Vevey</strong> craignent de perdre leur atout proximité. S. Noyer<br />
Moins ébranlé, Yves Christen,<br />
s’avoue tout de même surpris par<br />
cette attaque en règle: «Je ne comprends<br />
pas, j’ai toujours été favorable<br />
<strong>à</strong> la réalisation de Midi-<br />
Coindet». Obligé de faire un effort<br />
pour se souvenir de ce passé judiciaire,<br />
il finit par confirmer: «J’ai en<br />
effet été cité <strong>à</strong> comparaître par<br />
Philippe Dénéréaz comme témoin<br />
contre Bernard Nicod dans cette<br />
affaire». Philippe Dénéréaz détaille<br />
l’intervention <strong>à</strong> la barre du politicien:<br />
«Il a simplement déclaré qu’en<br />
tant qu’entrepreneur, Bernard Nicod<br />
était censé savoir ce qu’il faisait et<br />
que par conséquent, il lui était difficile<br />
de dire que sa signature n’était<br />
pas valable».<br />
Démolir, vite!<br />
Quant aux «nombreux squatters et<br />
artistes de tous poils» qu’il accuse<br />
encore dans son discours Yves<br />
Christen d’avoir protégé, ralentissant<br />
<strong>à</strong> nouveau le projet, Bernard<br />
Nicod fait allusion aux habitants du<br />
Toit du monde. Abritant une vingtaine<br />
d’artistes, l’emblématique<br />
immeuble aux ateliers <strong>à</strong> bas loyers<br />
devait être rasé pour laisser place au<br />
complexe immobilier et commercial.<br />
Saluant la «lucidité et l’efficacité»<br />
du syndic radical Dominique<br />
EPA pour la Suisse romande et le<br />
Tessin.<br />
Mais sur les 32 postes de travail que<br />
comptera ce dernier dès son ouverture<br />
le 24 novembre, 16 seront déj<strong>à</strong><br />
repourvus par simple transfert des<br />
employés de l’ancienne Coop. Il n’y<br />
aura donc pas de place pour l’entier<br />
des 42 employés d’EPA <strong>Vevey</strong>. «Des<br />
solutions seront trouvées. Nous<br />
avons beaucoup de temps devant<br />
nous», pondère<br />
Jean-François<br />
Zimermann,<br />
tablant sur les<br />
mouvements<br />
naturels du personnel.<br />
Treize mois pour<br />
être exact puisqu’EPA<br />
ne fermeradéfinitivement<br />
ses portes<br />
que le 31<br />
décembre 2005.<br />
«Nous leur faisons<br />
des propositions<br />
qui tiennent<br />
la route»,<br />
insiste Michel<br />
Produit. Mais la<br />
route jusqu’où<br />
justement, pour<br />
ces gens dont la<br />
majorité, habitant<br />
<strong>Vevey</strong> et<br />
environs, bénéfi-<br />
REGIONAL P 13 Date 27.08<br />
N C M J<br />
Rigot, grâce auquel «nous sommes<br />
parvenus <strong>à</strong> les déloger», le promoteur<br />
n’a visiblement pas encore<br />
digéré de n’avoir pu démolir aussi<br />
rapidement qu’il l’aurait souhaité le<br />
dernier bâtiment barrant la route de<br />
ses bulldozers.<br />
Mais Yves Christen semble avoir la<br />
conscience parfaitement tranquille.<br />
Le syndic de l’époque ne s’est jamais<br />
caché de sa volonté de promouvoir<br />
la culture locale, faisant de son soutien<br />
aux artistes l’un de ses chevaux<br />
de bataille. «Sauf un cas difficile qui<br />
a nécessité six mois d’attente et de<br />
recherches», se souvient-il, «le démantèlement<br />
de ce centre culturel s’est<br />
passé sans encombres».<br />
Six mois de retard supplémentaires<br />
qui portent <strong>à</strong> «onze le nombre d’année<br />
écoulées depuis l’approbation<br />
du plan de quartier», déplore<br />
Bernard Nicod, tentant la comparaison<br />
avec Shangai, Hong Kong ou<br />
Pékin, «où un autre rythme prévaut».<br />
L’homme se tresse au passage<br />
la couronne du martyr: «Que de<br />
nuits d’angoisse! Un calvaire! L’horreur<br />
<strong>à</strong> l’état pur...», et autocélébre<br />
son «obstination et son acharnement<br />
démesurés» pour mener <strong>à</strong> bien<br />
ce projet.<br />
Habitué <strong>à</strong> l’emphase du personnage,<br />
Yves Christen prend l’affaire<br />
cie actuellement d’un précieux<br />
atout proximité? Châtel St-Denis,<br />
Villeneuve, Rennaz, Lausanne?<br />
«Certains devront faire preuve de<br />
souplesse», avertit Michel Produit.<br />
«Je ne peux pas leur garantir un travail<br />
au-dessous de leur chambre».<br />
Mais le cadre dédramatise, invoquant<br />
les projets de développement<br />
de Coop du côté de Clarens,<br />
Montreux et Blonay, «d’ici <strong>à</strong> deux<br />
trois ans, sous réserve de l’obtention<br />
des permis de construire». En compensation<br />
<strong>à</strong> ceux qui n’auront<br />
d’autre choix que d’effectuer les trajets,<br />
Coop s’est engagée <strong>à</strong> contribuer<br />
<strong>à</strong> leurs frais de déplacement.<br />
Salaires menacés?<br />
«La première proposition qui m’a<br />
été faite était Coop Lutry, mais avec<br />
une importante baisse de salaire <strong>à</strong> la<br />
clé», confie Daniel Mermod, vendeur<br />
<strong>à</strong> EPA <strong>Vevey</strong> et domicilié <strong>à</strong><br />
Pully. La révélation nécessite l’intervention<br />
de Daniel Pythoud, le<br />
gérant du magasin, qui dissipe rapidement<br />
la menace qui plane sur les<br />
revenus de son personnel: «L’employée<br />
qui lui a signifié cette baisse<br />
était mal informée. La direction des<br />
ressources humaines a remis les pendules<br />
<strong>à</strong> l’heure. Les salaires ne seront<br />
pas touchés», garantit le gérant.<br />
«Sauf exception si la nouvelle fonction<br />
est totalement différente, le<br />
dumping salarial n’est pas <strong>à</strong> l’ordre<br />
13<br />
Bernard Nicod: “Que de nuits d’angoisse,<br />
un calvaire, l’horreur <strong>à</strong> l’état pur!”<br />
S. Noyer<br />
avec le sourire: «Il avait déj<strong>à</strong> fait des<br />
insinuations lors du bouquet de<br />
chantier». Plutôt révolté, Philippe<br />
Dénéréaz ne l’entend lui pas de cette<br />
oreille, brandissant la menace<br />
pénale: «S’il persiste, je dépose une<br />
plainte contre lui».<br />
Serge Noyer<br />
du jour», confirme Jean-François<br />
Zimermann.<br />
Dans ces négociations, l’employé<br />
Daniel Mermod vient de faire office<br />
de «brise-glace», explique gérant.<br />
Soulagé, le vendeur en charcuterie<br />
sera muté <strong>à</strong> la Coop de Prilly sans<br />
perte de revenu. Seul bémol, «mon<br />
salaire sera bloqué pour un an, c’est<strong>à</strong>-dire<br />
sans augmentation possible<br />
jusqu’<strong>à</strong> fin 2005», précise l’employé,<br />
qui se déclare cependant «très satisfait».<br />
Le quiproquo révèle un certain flou<br />
au niveau des consignes directoriales.<br />
«Avec quelque 50’000 collaborateurs,<br />
notre organisation<br />
interne est complexe, ce qui peut<br />
créer des malentendus, mais ça ne<br />
devrait pas être le cas», déplore Jean-<br />
François Zimermann.<br />
Possible raison de ce malentendu,<br />
les employés d’EPA bénéficieraient<br />
de salaires mensuels plus élevés que<br />
ceux de Coop, «jusqu’<strong>à</strong> 300 <strong>à</strong> 400<br />
francs», révèle le gérant d’EPA<br />
<strong>Vevey</strong>. «C’est faux», conteste Jean-<br />
François Zimermann, «il faut comparer<br />
ce qui est comparable.<br />
Davantage que de simples vendeurs,<br />
les employés d’EPA sont des<br />
conseillers <strong>à</strong> la clientèle. Pour un<br />
emploi identique, je peux même<br />
vous garantir que les conditions de<br />
Coop sont meilleures que celles<br />
d’EPA».<br />
Serge Noyer