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La lumière des étoiles », par Johan KIEKEN, juillet-août-septembre ...

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<strong>La</strong><strong>lumière</strong>JOHAN <strong>KIEKEN</strong>Médiateur scientifiqueau dé<strong>par</strong>tement d'astronomieastrophysiquedu Palais de la découverte<strong>des</strong><strong>étoiles</strong>Tout ce que l'on connaît aujourd'hui<strong>des</strong> lointaines <strong>étoiles</strong>, <strong>des</strong> processusphysiques qui leur donnent naissanceaux phases ultimes de leur vie,les astrophysiciens l'ont apprisen déchiffrant le message contenudans leur <strong>lumière</strong>. En effet, seulel'étoile Soleil est suffisamment prochepour nous permettre, en plus,un accès direct à sa haute atmosphère<strong>par</strong> l'intermédiaire du vent solaire* ,et à ses régions centrales, sous laforme d'un flux détectable de neutrinos.Enfin, l'étude prometteuse <strong>des</strong> on<strong>des</strong>gravitationnelles n'en est qu'à sesbalbutiements. Que nous apprenddonc la <strong>lumière</strong> <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong> (fig. 1) ?* Les mots en grassont expliqués dans l’encadréQuelques repères


46DÉCOUVERTE N°329 JUIL.-AOÛT-SEPT. 2005De quelle <strong>lumière</strong> <strong>par</strong>le-t-on ?Il faut tout d'abord s'entendre sur ce que l'onappelle « <strong>lumière</strong> <strong>»</strong>. Jusqu'au tout début duXIX e siècle, ce mot était synonyme de« <strong>lumière</strong> visible <strong>»</strong> et ne désignait que l'intervalledu spectre électromagnétique comprisentre 400 et 700 nm. Nous savonsaujourd'hui que ce spectre visible ne représentequ'une infime fraction <strong>des</strong> radiationsélectromagnétiques émises <strong>par</strong> les <strong>étoiles</strong>(fig. 2). En effet, les <strong>étoiles</strong> rayonnent danstout le spectre, <strong>des</strong> plus courtes jusqu'auxplus gran<strong>des</strong> longueurs d'onde, mais demanière inégale : l'énergie électromagnétiquen'est pas émise avec la même intensité selonla longueur d'onde considérée.Le développement de nouvelles techniquesd'observation et la satellisation d'observatoiresspatiaux durant ces quarante dernièresannées ont répondu conjointement à deuxbesoins :- exploiter tout le spectre électromagnétique ;- s'affranchir de l'absorption de la majeure <strong>par</strong>tiede ce spectre <strong>par</strong> l'atmosphère terrestre (1) .A l'aube du XXI e siècle, l'étude multispectrale<strong>des</strong> <strong>étoiles</strong> et de leur environnement estainsi devenue une technique de l'astrophysiquepuissante autant qu'incontournable.Le système <strong>des</strong> magnitu<strong>des</strong>Un simple coup d'œil nocturne à la voûtecéleste suffit pour constater que toutes les<strong>étoiles</strong> n'ont pas le même éclat. Dès le II esiècle av. J.-C., l'astronome grec Hip<strong>par</strong>queavait ébauché une classification <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong> enfonction de leur luminosité ap<strong>par</strong>ente. Il lesavait rangées selon six catégories d'intensité,appelées magnitu<strong>des</strong>. Il attribua la premièremagnitude aux <strong>étoiles</strong> les plus brillantes et la(1) L'atmosphère terrestre n'est trans<strong>par</strong>ente que dans lafenêtre visible (de 300 nm à 1 000 nm) et la fenêtre radio (de1 cm à 20 m).Longueur d’onde10 - 6 nm10 - 5 nm10 - 4 nm10 - 3 nm10 - 2 nm10 - 1 nm1 nm10 nm100 nm10 3 nm = 1 µm10 µm100 µm1000 µm = 1 mm10 mm = 1 cm10 cm100 cm = 1 m10 m100 m1 000 m = 1 km10 km100 kmRayonsgammaRayons XRayonnementultravioletLumière visibleRayonnementinfrarougeMicro-on<strong>des</strong>On<strong>des</strong> radioFIGURE 2Le spectre électromagnétique.400 nmVioletBleuVertJauneOrangeRouge700 nmsixième magnitude aux <strong>étoiles</strong> les plusfaibles. Les astronomes ont formalisé depuisce système tout en étendant ses limites.Pour rendre compte <strong>des</strong> véritables propriétésphysiques <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong>, ce n'est pas seulementleurs magnitu<strong>des</strong> ap<strong>par</strong>entes quel'astronome cherche à déterminer. En effet,une étoile intrinsèquement très lumineusemais très éloignée de nous pourra, dans leciel, luire d'un éclat plus faible qu'une étoilemoins brillante, mais beaucoup plus proche.Les astronomes ont donc introduit le conceptde magnitude absolue, qui est la magnitudeap<strong>par</strong>ente d'un astre s'il était observé depuisune distance de 32,6 années-<strong>lumière</strong>.Magnitu<strong>des</strong> ap<strong>par</strong>ente et absolue sont reliées<strong>par</strong> la distance de l'observateur à l'astre considéré.On estime les distances aux <strong>étoiles</strong>proches <strong>par</strong> triangulation, à <strong>par</strong>tir de deuxpoints diamétralement opposés de l'orbite terrestre(fig. 3). Malgré cette base de 300 mil-


48DÉCOUVERTE N°329 JUIL.-AOÛT-SEPT. 2005DCÉtoile éloignéeDCÉtoile procheDéplacement ap<strong>par</strong>ent d’une <strong>étoiles</strong>ur la voûte célesteBSoleilA300 millions de kmFIGURE 3Principe de la mesure de la distance d'une étoile <strong>par</strong> triangulation.sentent une température d'environ 3 000 K.Rigel, une autre étoile très brillante d'Orion,source d'une belle <strong>lumière</strong> bleue, affiche unetempérature de 11 000 K.<strong>La</strong> taille <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong>En plus de modifier la longueur d'onde dupic d'émissivité, la variation de températured'un corps noir modifie également la quantitéd'énergie électromagnétique émise chaqueseconde <strong>par</strong> chaque unité de surface de cecorps. Stefan découvrit en 1879 que cettequantité varie comme la puissance quatrièmede la température absolue.l = σT 4 (3)l est la luminosité surfacique (W.m -2 ), T est latempérature absolue (K) et σ est la constantede Stefan-Boltzmann (5,67×10 -8 W.m -2 .K -4 ).Ainsi, si un corps noir voit sa températuredoublée, il émettra 2 4 = 16 fois plus d'énergie.Pour obtenir la luminosité globale d'uncorps noir, il suffit de multiplier sa luminositésurfacique <strong>par</strong> sa surface.L (W) = l × S (4)avec S = 4πR² pour une étoile de rayon R.Voilà que la taille même <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong> nousdevient accessible ! Prenons une étoile auhasard. L'équation (1) nous dévoile sa luminositétotale. L'acquisition de son spectre et lamesure du maximum d'émission permettentde calculer sa température de surface grâce àl'équation (2), et donc sa luminosité surfacique<strong>par</strong> l'intermédiaire de l'équation (3). Lerapport de la luminosité totale sur la luminositésurfacique donne alors directement la


DÉCOUVERTE N°329 JUIL.-AOÛT-SEPT. 200549Lumièrevisiblesurface de l'étoile et donc son rayon.L'éventail <strong>des</strong> rayons stellaires ainsi déterminésest impressionnant et couvre plusieursordres de grandeurs : les plus petites <strong>étoiles</strong>sont à peine plus gran<strong>des</strong> que la planèteJupiter alors que les plus gran<strong>des</strong>, si ellesoccupaient le centre de notre système solaire,engloberaient toutes les planètes jusqu'àSaturne (tableau I) !Nous ne pouvons passer sous silence les difficultésinhérentes à une telle méthode, quinécessite tout d'abord une bonne connaissance<strong>des</strong> distances <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong>. Or, la mesure de la<strong>par</strong>allaxe est entachée d'incertitu<strong>des</strong> importantesqui nous empêchent, à l'heure actuelle,de prétendre à une précision supérieure à50 % à quelques centaines d'années-<strong>lumière</strong>.Une deuxième difficulté provient du fait quele milieu interstellaire n'est pas vide, maisrempli de gaz et de poussières, qui peuventabsorber et altérer le rayonnement <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong>.L'atmosphère terrestre elle-même modifiecette <strong>lumière</strong>, mais on peut contourner ce pro-Intensité500 nm1 000 nm12 000 °CLongueur d’onde6 000 °C2 000 nm3 000 °CFIGURE 4Intensité du rayonnement émis <strong>par</strong> un corps noiren fonction de la longueur d'onde. Un corps noirà 12 000 K émettra principalement dans l'ultravioletet nous semblera bleu. A 6 000 K, il rayonnera dansle jaune et à 3 000 K, il émettra la plus grande <strong>par</strong>tiede son énergie dans l'infrarouge et semblera rouge.TABLEAU ICaractéristiques de quelques <strong>étoiles</strong> remarquables.ÉtoileMagnitudeap<strong>par</strong>enteLuminosité(en luminositéssolaires)CouleurTempératurede surface(en kelvins)Diamètre(en rayonssolaires)Distance(en années<strong>lumière</strong>)Soleil- 26,71Jaune5 77010,000016Sirius A- 1,538Blanc10 00028,7Arcturus- 0,1160Orange4 3002336Rigel0,179 000Blanc-bleu11 00070900Bételgeuse0,833 000Rouge3 100630520Sirius B11,50,002Blanc25 0000,00228,7


50DÉCOUVERTE N°329 JUIL.-AOÛT-SEPT. 2005Corps noir chaudNuage de gaz plus froidPrismeSpectre de raies d’absorptionPrismeSpectre continuSpectre de raies d’émissionFIGURE 5Spectre continu, spectre d'émission et d'absorption.blème en plaçant les observatoires sur orbite.Enfin, la troisième difficulté résulte de lanature physique <strong>des</strong> constituants de l'atmosphèrestellaire considérée. Comme nous leverrons <strong>par</strong> la suite, ces gaz peuvent laisserleur empreinte dans le spectre que nous recevonssur Terre, sous forme de raies d'absorptionqui ap<strong>par</strong>aissent en noir dans le spectre.Certaines molécules dans l'atmosphère <strong>des</strong><strong>étoiles</strong> les plus froi<strong>des</strong> (T < 3 500 K) présententun nombre de raies si important qu'on<strong>par</strong>le de ban<strong>des</strong> d'absorption ; lorsqu'ellessont intenses, ces ban<strong>des</strong> déforment le spectreau point de rendre impossible l'identificationdu pic d'émission. On est donc contraint dedéterminer la température de surface de ces<strong>étoiles</strong> <strong>par</strong> d'autres moyens.<strong>La</strong> composition <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong>Nous avons vu que le rayonnement électromagnétiqueémis <strong>par</strong> un corps noir, idéal carpurement théorique, ne contient qu'une informationrelative à sa température et à sa superficie,mais rien sur sa composition.Heureusement pour nous, les <strong>étoiles</strong> ne sontpas <strong>des</strong> corps noirs <strong>par</strong>faits. En étudiant leurspectre, nous pouvons aujourd'hui obtenir deprécieux renseignements sur leur nature physique,et nous faire une idée assez précise deleur composition. En effet, les atomes quicomposent la matière peuvent individuellementémettre ou absorber, selon les conditions,<strong>des</strong> photons de longueur d'onde et doncd'énergie bien déterminée. Ces longueursd'onde sont différentes selon l'élément chimiqueconsidéré et son degré d'ionisation. Cefait remarquable pose les fondements théoriquesde la spectroscopie, technique qui permet,à distance, l'identification <strong>des</strong> élémentschimiques.Les différents types de spectresLes corps opaques (soli<strong>des</strong>, liqui<strong>des</strong> ou gazà haute pression) rayonnent comme <strong>des</strong> corpsnoirs et présentent un spectre continu. C'estainsi que se comportent ces gigantesquessphères de gaz sous haute pression que sontles <strong>étoiles</strong>, comme l'a découvert Isaac Newton(1643-1727) en 1665 lorsqu'il décomposa la<strong>lumière</strong> du Soleil en un spectre continu. Dugaz à basse pression présente, lui, un spectrediscontinu composé de raies d'émission.Enfin, il existe une troisième classe de


DÉCOUVERTE N°329 JUIL.-AOÛT-SEPT. 200551FIGURE 6Le spectre solaire.Joseph von Fraunhofer (1787-1826)y découvrit <strong>des</strong> raies sombres dès 1815.Il fallut attendre les travaux de GustavKirchhoff (1824-1887) et Robert Bunsen(1811-1899) en 1860 pour exploiter ce faitsurprenant en terme de compositionchimique de l'atmosphère de notre étoile.© Nigel A. Sharp, National OpticalAstronomy Observatory/Associationof Universities for Research inAstronomy/National Science Foundation.spectres, continus, au sein <strong>des</strong>quels ap<strong>par</strong>aissent<strong>des</strong> raies sombres : ce sont <strong>des</strong> spectresd'absorption. On remarque au XIX e siècle queces raies se situent aux mêmes longueursd'onde que <strong>des</strong> raies d'émission déjà étudiées.On les attribue à la présence d'un gaz ténu etfroid situé entre le corps noir (une étoile) etl'observateur (fig. 5).L'analyse spectroscopique précise de notreSoleil (fig. 6) révèle ce type de spectre.On interprète aujourd'hui la présence deraies d'absorption dans le spectre solairecomme une conséquence de la présence d'uneatmosphère autour de notre étoile, plus froideque la surface, et qui absorbe une <strong>par</strong>tie de la<strong>lumière</strong> émise <strong>par</strong> le Soleil en y laissant, aupassage, la signature irréfutable de sa compositionchimique.Les résultats<strong>La</strong> spectroscopie a permis de découvrir quel'hydrogène est, de loin, l'élément le plus abondantdans les <strong>étoiles</strong> mais aussi dans l'Univers.Le deuxième élément <strong>par</strong> son abondance estpratiquement absent sur Terre. Il ne fut découvertqu'en 1868 dans le spectre du Soleil –Hélios en grec – aussi lui donna-t-on le nomd'hélium. Hydrogène et hélium représentent99,9 % du nombre total d'atomes dansl'Univers. Le reste est constitué d'atomes pluslourds, dont l'abondance décroît approximativementen fonction de leur numéro atomique. Ontrouve ainsi l'oxygène, le carbone puis l'azote,éléments dont nous sommes formés et dont l'astrophysiquenucléaire nous apprend qu'ils ontété créés au sein d'<strong>étoiles</strong> en fin de vie.D'autres informationsL'effet Zeeman<strong>La</strong> présence d'un champ magnétique lors del'émission de <strong>lumière</strong> modifie le spectre decette dernière. Observé pour la première foisen 1896, ce phénomène, appelé effet Zeeman,a généralement pour conséquence de triplerles raies. Leur sé<strong>par</strong>ation étant proportionnelleà l'intensité du champ magnétique, l'effetZeeman donne accès, à distance, à lamesure du champ magnétique <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong>.George Elery Hale (1868-1938) appliquacette technique au Soleil en 1908 et démontraque les taches solaires sont <strong>des</strong> régions où lechamp magnétique est très intense.


52DÉCOUVERTE N°329 JUIL.-AOÛT-SEPT. 2005- 6- 4- 2Géantes bleuesSupergéantes rougesGéantes rouges0100Magnitude absolue+ 2+ 4+ 6+ 81Séquence principaleSoleil+ 100,01Naines rouges+ 12+ 14+ 160,0001Naines blanches10 000 K 6 000 K 3 000 K05BO AO FO GO KO MOType spectralM5FIGURE 7Diagramme HR. L'axe horizontal représente la température de surface ou la couleur et l'axe verticalreprésente la luminosité absolue ou la luminosité en unités solaires.L'effet DopplerEn tant qu'onde, la <strong>lumière</strong> <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong> estsoumise à l'effet Doppler-Fizeau. Ce phénomènenous est familier lorsqu'il concerne leson<strong>des</strong> sonores. Si une source se rapproche denous, elle semble émettre un son plus aigu quesi elle est au repos <strong>par</strong> rapport à nous. À l'inverse,une source s'éloignant de nous sembleémettre un son plus grave. Pour la <strong>lumière</strong>,cela se traduit <strong>par</strong> un décalage vers le bleupour les objets en mouvement vers nous et undécalage vers le rouge pour les objets quis'éloignent. <strong>La</strong> position <strong>des</strong> raies spectralesvarie donc en fonction de la vitesse de lasource, et c'est en com<strong>par</strong>ant leurs longueursd'onde aux mesures effectuées en laboratoiresur <strong>des</strong> sources fixes que les astrophysicienspeuvent déduire cette vitesse de l'équationsuivante :v = (λ obs- λ labo)/λ labo× c (5)où v est la vitesse de la source, c est la céléritéde la <strong>lumière</strong> dans le vide et vaut 299 792 458m.s -1 , λ obsest la longueur d'onde de la raieobservée et λ laboest la longueur d'onde de lamême raie, mesurée en laboratoire.<strong>La</strong> vitesse de la source v peut se révélernégative, ce qui signifie que la source se rapprochede nous. Quoiqu'il en soit, la vitessecalculée n'est qu'une vitesse radiale (selonl'axe source-observateur), ce n'est pas la véritablevitesse de la source <strong>par</strong> rapport à l'observateur.L'effet Doppler-Fizeau possède trois applicationsimmédiates. D'abord, il donne unaccès aux vitesses radiales propres <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong>.On a pu montrer que, <strong>par</strong> exemple, le Soleil etson cortège de planètes se rapprochent del'étoile de Barnard à la vitesse de 108 km.s -1alors qu'ils s'éloignent de l'étoile ß de la PetiteOurse à la vitesse de 17 km.s -1 . Ces observa-


DÉCOUVERTE N°329 JUIL.-AOÛT-SEPT. 200553tions permettent d'affiner la modélisation dela structure de notre galaxie, la Voie lactée. Aune échelle plus grande, le décalage systématiquede la <strong>lumière</strong> <strong>des</strong> galaxies vers lerouge, découvert <strong>par</strong> Edwin Hubble (1889-1953) en 1929, a révolutionné la cosmologieen même temps que notre vision du mondeen introduisant le concept d'expansion del'Univers.Ensuite, la mesure d'une succession périodiquede très faibles décalages vers le bleu etvers le rouge chez certaines <strong>étoiles</strong> est interprétéecomme une pulsation de leur atmosphère.L'étoile δ Céphée présente une telle<strong>par</strong>ticularité : elle voit sa magnitude ap<strong>par</strong>entepasser de 3,4 à 4,3 en 5 jours et9 heures et son diamètre osciller de 10 %autour d'une trentaine de diamètres solaires.Enfin, le décalage de la longueur d'ondepermet de révéler <strong>des</strong> astres invisibles. <strong>La</strong>majorité <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong> de la galaxie vit encouple, <strong>par</strong>fois en système triple, quadrupleou même sextuple ! Prenons le cas de systèmesbinaires : certains sont trop éloignésde nous (ou leurs composantes sont trop serrées)pour que nous puissions les voir autrementque sous la forme d'un point brillant.<strong>La</strong> spectroscopie permet alors de sé<strong>par</strong>er lesdeux composantes et même d'estimer leursmasses respectives minimales. En effet, lesdeux <strong>étoiles</strong> gravitent autour du centre demasse du système, ce qui produit un effetDoppler variable – doublement périodique<strong>des</strong> raies – qui révèle l'existence <strong>des</strong> deuxastres. Une fois sa période de révolution et savitesse déterminées, l'application <strong>des</strong> lois dela mécanique nous livre la masse minimalede chaque composante ou sa masse réelle sile système est vu <strong>par</strong> la tranche. C'est ens'appuyant sur ce principe physique queMichel Mayor et Didier Queloz ont découverten 1995 la première planète extrasolaire,51 Peg b. En raison du contraste de luminositéénorme entre la planète et son étoilehôte, seuls le rayonnement et les raies d'absorptionde l'étoile sont décelables et présen-TABLEAU IIType spectral et classe de luminositéde quelques <strong>étoiles</strong> remarquables.ÉtoileSoleilSirius AArcturusRigelBételgeuseSirius BType spectralG2A1K2B8M2A4Classe deluminositéVTABLEAU IIINombre d'<strong>étoiles</strong> de chaque type <strong>par</strong> milliond'années-<strong>lumière</strong> cube dans le disque de la Voielactée (d'après Astronomie et Astrophysique : cinqgran<strong>des</strong> idées pour explorer et comprendre l’Univers,de Marc Seguères et Benoît Villeneuve, 2 e édition,(2002), p. 244, éditeur De Bœck Université).Classe I-IVClasse VClasse NBSérie principaleOBAFGKMNaines blanchesVIIIIINGéantes 100,00052040601201801 000300


54DÉCOUVERTE N°329 JUIL.-AOÛT-SEPT. 2005tent une oscillation autour d'une longueurd'onde moyenne.Classer les <strong>étoiles</strong>Les astronomes Hertzsprung (2) et Russell (3)ont remarqué que, si l’on représente les <strong>étoiles</strong>sur un diagramme établissant leur luminositéabsolue en fonction de leur température <strong>des</strong>urface, elles ne se ré<strong>par</strong>tissent pas au hasard.Ce type de représentation porte désormais lenom de diagramme Hertzsprung-Russell oudiagramme HR (fig. 7).Quatre-vingts pour cent <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong> sontsituées sur une diagonale appelée séquenceprincipale. Le reste se ré<strong>par</strong>tit en deux catégories.Au-<strong>des</strong>sus de la séquence principale,sur la droite du diagramme, se trouvent <strong>des</strong><strong>étoiles</strong> très lumineuses mais <strong>par</strong>adoxalement« froi<strong>des</strong> <strong>»</strong> et sous la séquence principale, surla gauche du diagramme, <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong>« chau<strong>des</strong> <strong>»</strong> mais peu lumineuses. Commenous l'avons vu précédemment, la luminositéd'une étoile étant fonction de sa températureet de sa taille, ces <strong>étoiles</strong> sont donc caractérisées<strong>par</strong> une taille hors norme. On donne lenom d'<strong>étoiles</strong> géantes aux <strong>étoiles</strong> froi<strong>des</strong> etlumineuses situées au-<strong>des</strong>sus de la séquenceprincipale et celui de naines blanches aux<strong>étoiles</strong> chau<strong>des</strong> et peu lumineuses situées sousla séquence principale.De la théorie à la pratiqueIl existe un autre type de diagramme HR, où,en abscisse, la température de l'étoile est remplacée<strong>par</strong> son type spectral (fig. 7). C'est lediagramme le plus utilisé aujourd'hui. Le typespectral d'une étoile fait référence à l'intensité(2) Ejnar Hertzsprung (1876-1967), astronome danois quidécouvrit les <strong>étoiles</strong> géantes et naines.(3) Henry Norris Russell (1877-1957), astronome américainqui proposa une théorie <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong> doubles à éclipses.relative de certaines raies de l'élément hydrogène.En estimant à l'œil nu l'intensité de cesraies, on peut rapidement avoir une bonneidée de la température de l'étoile. Cetteméthode est plus rapide que si l'on recherchaitle pic d'émission dans le spectre, quand bienmême cela serait possible.Pour <strong>des</strong> raisons historiques, les sept typesspectraux principaux sont, <strong>par</strong> ordre de températuredécroissante : O, B, A, F, G, K et M,auxquels sont venus s'ajouter récemment lestypes spectraux d'objets intermédiaires entre<strong>étoiles</strong> et planètes, les naines brunes. Cestypes sont divisés à leur tour en dix catégories,de 0 à 9. Il convient alors de préciser laclasse de luminosité de l'étoile, c'est-à-dire saposition <strong>par</strong> rapport à la séquence principale,au groupe <strong>des</strong> naines blanches ou <strong>des</strong> géantes.Pour y <strong>par</strong>venir, la <strong>lumière</strong> va, une fois deplus, nous offrir une solution élégante. S'ils'agit d'une étoile géante, ses couches externessont ténues et sources de raies d'absorptionfines et nettes. S'il s'agit d'une naine blanche,donc une étoile au fort potentiel gravitationnel,son atmosphère est dense : les raies d'absorptionsont intenses et floues. Les <strong>étoiles</strong> dela séquence principale présentent <strong>des</strong> raiesd'absorption de netteté intermédiaire. <strong>La</strong> netteté<strong>des</strong> raies permet donc de ranger les <strong>étoiles</strong>selon <strong>des</strong> classes de luminosité, notées de I àIV pour les géantes (<strong>des</strong> supergéantes les plusbrillantes aux sous-géantes), V pour les<strong>étoiles</strong> de la séquence principale et une dernièrecatégorie pour les naines blanches.<strong>La</strong> méthodologie exposée dans les <strong>par</strong>agraphesconcernant la température de la surfaceet de la taille <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong> était certespédagogique mais inadaptée au traitementd'une grande distribution d'<strong>étoiles</strong>. En voicidonc une nouvelle : c'est en com<strong>par</strong>ant lesintensités relatives de différentes raies dumême élément que l'on évalue maintenant letype spectral et donc la température de surfaced'une étoile. De même, sa taille – sa


DÉCOUVERTE N°329 JUIL.-AOÛT-SEPT. 200555Luminosité (en unités solaires)10 610 510 410 310 210110 - 110 - 210 - 3Contraction ennaine blancheFin <strong>des</strong> réactions nucléairesSéquenceFusion deprincipalel’héliumHydrogène épuisé, évolution vers laphase de géante rougePériode stable,fusion de l’hydrogèneVers le stadede la naine noireÉjection <strong>des</strong>couches superficiellesStade <strong>des</strong>upergéante rougeFlash de l’héliumStade degéante rougeNébuleuseproto-solaireAprès sa naissance,le Soleil se dirigevers la séquenceprincipale10 7 Température (10 3 K)10 - 4 80 40 20100 60 30 15 10 7,55 3 2Type spectral05BOAOFO GO KO MOFIGURE 8Parcours du Soleil dans le diagramme HR.classe de luminosité – est déterminée <strong>par</strong> l'intensitéabsolue de ces mêmes raies.L'interprétationdu diagramme HRDepuis les travaux d'Eddington (4) dans lesannées 1920, on sait que la luminosité <strong>des</strong><strong>étoiles</strong> de la séquence principale est une fonctioncroissante de leur masse, les plus lumineusesétant les plus massives. On a appriségalement, et c'est l'un <strong>des</strong> très grands résultatsde l'astrophysique, que les <strong>étoiles</strong> ne sont paséternelles, qu'elles naissent au sein de gigantesquesnuages de gaz et de poussière, rayonnentdurant la majeure <strong>par</strong>tie de leur vie, avec(4) Sir Arthur Stanley Eddington (1882-1944), astrophysicienbritannique, pionnier de la dynamique stellaire et de la relativitégénérale.calme ou agitation selon leur masse puis achèventleur existence comme elles ont vécu, paisiblementou dans une explosion spectaculaire.Au cours de sa vie, une étoile évolue dans lediagramme HR. Sa naissance est un phénomènerelativement rapide à l'échelle de l'âgede l'Univers : à peine une dizaine de millionsd'années. Ce temps est suffisant pour que laproto-étoile enclenche en son sein <strong>des</strong> réactionsde fusion nucléaire et acquière ainsi lestatut d'étoile, si sa masse est supérieure àenviron 0,08 masse solaire. Arrivée alors àmaturité, l'étoile entre dans une phase de stabilité,sur la séquence principale. Cette stabilitétemporaire est le fruit d'un combatpermanent entre les forces de gravité, tendantà écraser l'étoile sous son propre poids et lapression de radiation, qui tend à la dilater.Les <strong>étoiles</strong> les plus massives consommentleur combustible à un taux accéléré et possèdent<strong>par</strong>adoxalement la durée de vie la plus


56DÉCOUVERTE N°329 JUIL.-AOÛT-SEPT. 2005courte. Si le Soleil a une durée de vie d'environ10 milliards d'années, une étoile de3 masses solaires ne vivra que 500 millionsd'années et une étoile de 25 masses solaires,seulement 3 millions d'années. À l'opposé,une étoile n'affichant qu'une masse de0,4 masse solaire possède une durée de vie de200 milliards d'années, bien supérieure à l'âgeprésumé de l'Univers.Qu'arrive-t-il à une étoile de type solaire à lafin de sa vie ? Dans 5 milliards d'années, notreSoleil grossira, absorbera Mercure, Vénus etpeut-être la Terre, pendant que sa températurede surface chutera à 3 500 K. Il atteindra, auterme d'une alternance chaotique de pério<strong>des</strong>de turbulence et de calme, la phase de géanterouge puis celle de supergéante rouge dans lediagramme HR (fig. 8). Doté d'une trèsgrande luminosité, notre Soleil expulsera sescouches superficielles, donnant ainsi naissanceau très photogénique phénomène denébuleuse planétaire. Subsistera au centre decette dernière le cadavre de ce qui fut jadis leSoleil. Cet objet étrange, appelé naineblanche, concentre la masse d'une étoile dansle volume d'une planète.Conclusion<strong>La</strong> <strong>lumière</strong> reste à ce jour l'unique moyend'investigation <strong>des</strong> lointaines <strong>étoiles</strong>.L'analyse de cette <strong>lumière</strong> permet aux astronomesde récolter une fantastique moissond'informations sur ces <strong>étoiles</strong> et de déterminerleur luminosité, leur taille, la température deleur surface, leur vitesse <strong>par</strong> rapport à nousqui les observons, la présence d'un champmagnétique et jusqu'à la composition chimiquede leur atmosphère. Il subsiste uneinterrogation fondamentale : d'où les <strong>étoiles</strong>tirent-elles leur fantastique énergie ? Quelleest l'origine de la pression de radiation quileur permet de vaincre l'effondrement ? <strong>La</strong>réponse fut apportée <strong>par</strong> l'astrophysiquenucléaire durant la première moitié du XX esiècle : l'énergie dégagée <strong>par</strong> les <strong>étoiles</strong> trouveson origine dans les réactions de fusionnucléaire à l'œuvre dans leur cœur.C'est grâce à l'infime <strong>par</strong>tie de cette énergieque nous recevons sur Terre sous forme de<strong>lumière</strong>, que nous pouvons maintenant déterminer,dans les gran<strong>des</strong> lignes, un scénariocohérent de naissance, vie et mort <strong>des</strong> <strong>étoiles</strong>.J. K.Titulaire d'une maîtrise de physiqueet d'un DEA en astrophysique, <strong>Johan</strong>Kieken a effectué trois années de thèsedans le domaine de la planétologie.Il intègre le Palais de la découverte en2005, en tant que médiateur scientifiqueau sein du dé<strong>par</strong>tement d'astronomieastrophysique.Il assure, à ce titre, <strong>des</strong>séances de planétarium et <strong>des</strong> exposéspour le grand public.

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