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par Véronique POLONOVSKI et Frédérique SALPIN, novembre

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32 \ DÉCOUVERTE N° 365 \ NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009 © F. Salpin.


Matière & ÉnergieLA TEINTURE,L'ART DE COMBINERCOLORANTS ET FIBRESEn 1851, Eugène Chevreul (1786-1889), alors directeur des teintures à la Manufacture nationaledes Gobelins, écrivait dans Les tapisseries <strong>et</strong> les tapis des Manufactures nationales : « L’art d<strong>et</strong>eindre consiste à imprégner, aussi profondément que possible, le ligneux, la soie, la laine <strong>et</strong> lapeau, de matières colorantes qui y restent fixées mécaniquement, <strong>par</strong> affinité chimique, ouenfin à la fois <strong>par</strong> affinité <strong>et</strong> mécaniquement. » Ainsi, pour mieux appréhender ce qu’est leprocessus de teinture, il est nécessaire de s’intéresser aux différentes familles de colorants <strong>et</strong> defibres textiles. Cela nous perm<strong>et</strong>tra de comprendre comment est réalisée la teinture desécheveaux de laine à l’atelier de la Manufacture nationale des Gobelins, où c<strong>et</strong> art estpratiqué depuis longtemps avec un savoir-faire éprouvé.PAR VÉRONIQUE <strong>POLONOVSKI</strong> ET FRÉDÉRIQUE <strong>SALPIN</strong>, MÉDIATEURS SCIENTIQUESAU DÉPARTEMENT DE CHIMIE DU PALAIS DE LA DÉCOUVERTESi l’on s’intéresse à l’histoire desmatières colorantes, les plusanciennes traces de l’utilisationde pigments* remontent à lapréhistoire avec les peintures<strong>par</strong>iétales* découvertes au fond de grottestelles que les célèbres grottes de Chauv<strong>et</strong>,d’Altamira ou de Lascaux. Dans le cas desfibres teintes, il est difficile de dater précisémentle début de l’utilisation de colorants*.En eff<strong>et</strong>, toutes les cultures passéesn'ont pas laissé de traces écrites de leurspratiques, <strong>et</strong> sur les sites archéologiques,selon les conditions géologiques, il n’estpas facile de r<strong>et</strong>rouver des fragmentspréservés de textiles anciens. Toutefois,les scientifiques sont convaincus que lateinture était pratiquée <strong>par</strong>tout dans lemonde. Ainsi, un texte chinois de3 000 av. J.-C. donne une liste de rec<strong>et</strong>tes decolorants employés pour teindre la soie, <strong>et</strong>d’après les fragments de textiles r<strong>et</strong>rouvés,l’histoire de l’utilisation de colorantsremonte, dans le bassin méditerranéen, àla Haute Antiquité (4 500 à 550 av. J.-C.).LES COLORANTSColorants naturelsLes colorants alors employés sont descolorants naturels, d’origine animale <strong>et</strong>végétale. Les plus fameux figurent dans l<strong>et</strong>ableau I. Au XIX e siècle, Jean-BaptisteDumas (1800-1884), prédécesseur deEugène Chevreul (encadré p. 34), rapporte* Les mots suivis d’un astérisque sont définis dans le glossaire situé à la fin de l’article.DÉCOUVERTE N° 365 \ NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009 \ 33


Figure 1. Cercles chromatiques obtenus <strong>par</strong> trichromie (combinaison de trois colorants bleu, jaune <strong>et</strong> rouge).De gauche à droite : © F. Salpin / Extrait de De la loi du contraste simultané des couleurs <strong>par</strong> M. E. Chevreul, 1839.dans son Précis de l’Art de la Teinture (1) que« les trois teintes primitives employéespour donner toutes les couleurs à la laine,sont : le bleu, le rouge <strong>et</strong> le jaune ». Ils'agissait alors de différents colorantsnaturels correspondant à ces troiscouleurs. Par la suite, de nombreux colorantsde synthèse, présentant un éventailtrès large de couleurs, ont été développés.Toutefois, à l’atelier de teinture de laManufacture, toutes les nuances onttoujours été obtenues <strong>par</strong> trichromie(fig. 1) <strong>et</strong> c’est encore le cas aujourd’huiavec trois colorants de synthèse bleu,jaune <strong>et</strong> rouge (fig. 2).(1) Dumas J.-B., Précis de l'art de la teinture, éd. Bech<strong>et</strong>Jeune libraire, Paris,1846.Colorants de synthèseEn 1856, William Henry Perkin (1838-1907), jeune chimiste britannique, cherchantà synthétiser un produit pourcombattre le paludisme, obtient uncomposé coloré viol<strong>et</strong>. C<strong>et</strong>te découverte,baptisée mauvéine, est le premier colorantartificiel brev<strong>et</strong>é <strong>et</strong> constitue lepoint de dé<strong>par</strong>t du développement descolorants de synthèse. Avec l'améliorationdes connaissances en chimie organique,de nombreux colorants sontproduits, venant remplacer au fur <strong>et</strong> àmesure les colorants naturels. Les colorantsde synthèse présentent plusieursavantages : il en existe un grand nombredisponibles, présentant des caractéristiquesspécifiques aux supportsauxquels ils sont destinés, <strong>et</strong> leur coûtest réduit. De plus, leur pur<strong>et</strong>é rend leurutilisation plus facile <strong>et</strong> régulière que lescolorants naturels. En eff<strong>et</strong>, un colorantnaturel est souvent composé d’unmélange de plusieurs molécules colorantes– ainsi l’extrait de racine de© Palais de la découverte.Michel Eugène Chevreul (1786-1889)Chimiste, élève de Louis Nicolas Vauquelin (1763-1829). La première <strong>par</strong>tie de ses travauxportent sur l’étude des corps gras. En 1824, il est nommé directeur des teintures à la Manufacturenationale des Gobelins (fondée au XVII e siècle <strong>par</strong> Jean-Baptiste Colbert) <strong>et</strong>installe un laboratoire de recherche dans l'atelier de teinture. Il s'attelle alors à l'étude desprocessus de teinture ainsi qu'à l'identification des principes colorants extraits des plantestinctoriales. Il s'intéresse à la définition des couleurs, les regroupant dans un cercle chromatiquedécoupé en 72 <strong>par</strong>ties, ainsi qu’à leur perception, <strong>et</strong> énonce la loi sur le contrastesimultané des couleurs <strong>et</strong> l'assortiment des obj<strong>et</strong>s colorés qui influencera certains peintrescomme le pointilliste Georges Seurat (1859-1891).34 \ DÉCOUVERTE N° 365 \ NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009


Matière & ÉnergieNomAspectDescriptionBois du BrésilCaesalpinia brasiliensisFournit une couleur jaune. Ce bois, importé d’Inde en Europedès le Moyen Âge, fut découvert en grande quantité enAmérique du Sud <strong>par</strong> le navigateur Pedro Alvares Cabral (1467-1520 ou 1526) qui rebaptisa alors ce pays Brésil.Extrait d'un ouvrage de Paul Hermann Wilhelm Taubert, Leguminosae, inEngelmann (ed.) : Natürliche Pflanzenfamilien. Vol. III, 3. 1891.Gaude ou réséda desteinturiersReseda luteolaDonne une couleur jaune d'une grande solidité* <strong>et</strong> futbeaucoup utilisée au Moyen Âge. C<strong>et</strong>te plante est originairedu pourtour du bassin méditerranéen <strong>et</strong> d’Asie occidentale.© USDA-NRCS PLANTS Database / Britton, N.L., and A. Brown. 1913. An illustratedflora of the northern United States, Canada and the British Possessions. Vol. 2: 200.GaranceRubia tinctorumGuède ou pastel desteinturiersIsatis tinctoraDe la racine de garance est extrait un colorant rouge. Utilisédès l’Antiquité, ce colorant est cultivé en France à <strong>par</strong>tirdu XVIII e siècle. Il est notamment employé pour teindre lespantalons des soldats de l’infanterie française jusqu’au débutde la Première Guerre mondiale.Illustration extraite de l'ouvrage de Franz Eugen Koehler Koehlers Medizinal-Pflanzen in naturg<strong>et</strong>reuen Abbildungen und kurz erläuterndem Texte, Gera,Allemagne, 1883-1914.Donne une couleur bleue. Sa culture fait dès le XIII e sièclela fortune <strong>et</strong> la renommée de la région de Toulouse, paysde cocagne, du nom donné aux boules ou coques forméeslors du traitement des plantes. Par la suite, ce colorant futremplacé <strong>par</strong> l’indigo venant des Indes.Illustration de Jacob Sturm extraite de l'ouvrage : Johann Georg Sturm,Deutschlands Flora in Abbildungen, 1796.KermèsKermes vermilioInsecte <strong>par</strong>asite du chêne, qui donne une couleur rougeappelée carmin, cramoisi ou écarlate. Un rouge de kermèscélèbre au XV e siècle est celui produit à l’atelier deJehan Gobelin <strong>et</strong> baptisé écarlate des Gobelins.© CNRS Photothèque / A. Renaux, D. Cardon.MurexFamille des muricidaeMollusque donnant une couleur pourpre (10 000 coquillagespour 1 gramme de colorant), qui fit la richesse de la villephénicienne de Tyr <strong>et</strong> devint, dans l’Antiquité, la couleurdes hauts dignitaires romains.© Palais de la découverte.CochenilleFamille des dactylopiusInsecte <strong>par</strong>asite du figuier de Barbarie, qui donne une couleurrouge carmin. Au fil du temps la cochenille a remplacéle kermès.© Palais de la découverte / C. Rousselin.Tableau I. Exemple de colorants naturels d’origine végétale <strong>et</strong> animale.DÉCOUVERTE N° 365 \ NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009 \ 35


Figure 2. Troiscolorants desynthèse : bleu,jaune <strong>et</strong> rouge.© F. Salpin.Pourquoi les jeans se décolorent-ils ?a) b)R N N R0Les jeans sont teints avec de l’indigo, <strong>et</strong> se décolorent lorsqueles fibres sont usées. L’indigo, colorant de cuve, pénètre au seindes fibres sous forme incolore <strong>et</strong> soluble, puis est régénéré soussa forme colorée <strong>et</strong> insoluble. Il est en fait piégé dans l'entremêlementdes fibres. Quand ces dernières cassent sous l’eff<strong>et</strong> del’usure du textile, la substance colorée se r<strong>et</strong>rouve libérée <strong>et</strong> l<strong>et</strong>issu perd sa couleur.c) d)Figure 3. Classification des colorants selon la naturechimique des chromophores présents.N0H 00 HNgarance compte une vingtaine decomposés colorés différents – ce quipeut entraîner une variation de sacouleur, alors qu’un colorant desynthèse, molécule colorante unique,présente une couleur toujours identique.Classement des colorantsLes colorants peuvent être classés de différentesfaçons : selon le processus tinctorialauquel ils <strong>par</strong>ticipent ou en fonction de lafamille chimique à laquelle ils ap<strong>par</strong>tiennent.La première classification distingue lesprocessus directs <strong>et</strong> indirects (tableau II).Les teintures avec des colorants naturelssont, la plu<strong>par</strong>t du temps, réalisées àl'aide de mordants (sel d’aluminium oualun, sels de fer, d’étain, de chrome…),substances perm<strong>et</strong>tant une meilleurefixation des colorants. Selon la nature dusel métallique employé pour mordancerles fibres, la nuance obtenue avec un colorantpeut varier.La seconde classification ré<strong>par</strong>tit les colorantsen différentes familles selon la nature36 \ DÉCOUVERTE N° 365 \ NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009


Matière & ÉnergieColorants directsAucun ajout dans le bain de teintureFibres naturelles végétales cellulosiques(coton, lin)PROCESSUSDIRECTFibres plongéesdirectement dansle bain de teintureColorants acidesAjustement du pH du bain de teintureColorants basiquesAjustement du pH du bain de teintureFibres protéiques (laine <strong>et</strong> soie), polyamideFibres acryliques <strong>et</strong> cellulosiquesColorants réactifsDécouverts dans les années 1950, conçus pourformer une liaison covalente (encadré La liaisonchimique) avec le support à teindreFibres cellulosiques, polyamides naturelles ousynthétiquesPROCESSUSINDIRECTModification dela fibre ou ajoutde composésde différentesnatures dansles bains d<strong>et</strong>eintureColorants à mordantPrésence d’un sel métallique, ou mordant, pourfixer le colorant sur le support à teindreColorants dispersésNon solubles dans l’eau, ils pénètrent dans lematériau de la fibre synthétique <strong>par</strong> applicationde divers traitements thermiquesColorants de cuveNon solubles dans l’eau, traitement (réduction)pour obtenir un composé soluble, puisrégénération (oxydation) du colorant aprèsfixation de la fibreTeinture de la laine, mais leur utilisation vadiminuant du fait des problèmesenvironnementaux liés au traitement des bainsaprès teintureTeinture des fibres synthétiquesL’indigo est l’exemple de plus connu descolorants de cuve. Il est employé pour teindreles jeans (coton).– les fibres naturelles d’origine végétale(fibres cellulosiques* : coton, lin, chanvre)ou animale (fibres protéiques* : laine, soie) ;– les fibres artificielles, obtenues <strong>par</strong> transformationde matières premières naturelles.La viscose est la fibre artificielle laplus ancienne, fabriquée à <strong>par</strong>tir de lacellulose de bois ;– les fibres synthétiques, obtenues <strong>par</strong>synthèse chimique à <strong>par</strong>tir de dérivés dupétrole le plus souvent. La première fibresynthétique, commercialisée en 1938, estle nylon, puis ap<strong>par</strong>urent les fibres acrychimiquedes chromophores* présents.Parmi ces familles, on peut citer les colorantsazoïques portant le groupement(fig. 3) représenté en (a), qui offrent unelarge gamme de couleurs <strong>et</strong> sont trèsutilisés, les colorants anthraquinoïques (b),les colorants de la famille du triphénylméthane(c) <strong>et</strong> les colorants indigoïdes (d).LES FIBRES TEXTILESLes fibres textiles peuvent être classées entrois grandes catégories :Tableau II. Classificationdes colorants selonle processus de teinturemis en jeu.DÉCOUVERTE N° 365 \ NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009 \ 37


liques, polyamides, polyester qui présententdes propriétés chimiques variées.Selon la nature chimique de la fibre, il estnécessaire d'employer la famille de colorantsadaptée afin de former une interactionstable entre le support <strong>et</strong> la matièrecolorante. Le tableau III donne quelquesexemples d'associations possibles fibrescolorants.LA TEINTURE DES FIBRES DE LAINEÀ LA MANUFACTURE NATIONALEDES GOBELINSLe processus de teintureLe processus de teinture direct peut êtredécrit de la façon suivante : le bain d<strong>et</strong>einture est pré<strong>par</strong>é selon les conditionsadaptées à la nature des fibres <strong>et</strong> à lafamille de colorants choisie pour lesteindre. Lorsque les fibres sont placéesdans le bain, elles gonflent <strong>par</strong> absorptiond’eau ; cela est renforcé <strong>par</strong> lechauffage du bain de teinture. Le colorantdissous migre alors vers les fibres.Il est absorbé à leur surface puis diffusedans ces dernières – on appelle c<strong>et</strong>tedernière étape la montée du colorant –<strong>et</strong> finalement se fixe dans les fibres.La teinture des écheveauxLes tapisseries réalisées à la Manufacturenationale des Gobelins sont riches encouleurs. Des écheveaux de 1 kilogrammede laine sont teints, selon les besoins,dans un bain contenu dans une cuve eninox de 200 litres, acidifié à pH 4 <strong>et</strong>chauffé à ébullition <strong>par</strong> un système àvapeur. Du sulfate de sodium est ajoutéau bain afin de faciliter la montée homogènedes colorants sur les fibres. Le teinturierdétermine, selon la couleur voulue,les masses requises de chacun des colorants<strong>et</strong> les écheveaux sont régulièrementtournés pendant 2 heures dans ce bain d<strong>et</strong>einture (fig. 4). Tout le savoir-faire duteinturier consiste à bien ajuster lesquantités de colorants pour obtenirplusieurs écheveaux de la teintesouhaitée. En eff<strong>et</strong>, les écheveaux de laineprésentent tous une légère couleur jaunequi varie d’un lot de fibres à l’autre, <strong>et</strong>dont il faut tenir compte lors de la pré<strong>par</strong>ationdu mélange de colorants. Ainsi, à laDirect Acide Basique Réactif À mordant Dispersés De cuvePolyester(Polaire,bonn<strong>et</strong>)Soie(Chemisier)Laine(Pull)Coton(Jupe jean)Nylon(Collants)Tableau III. Différentes fibres textiles <strong>et</strong> colorants associés.38 \ DÉCOUVERTE N° 365 \ NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009


Matière & ÉnergieFigure 4.Bains de teinture.© F. Salpin.DÉCOUVERTE N° 365 \ NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009 \ 39


CortexCuticuleCMC20 000 nm 2 000 200 7 2 1Figure 5. Structure d’une fibre de laine.<strong>Véronique</strong>PolonovskiAprès des études debiochimie <strong>et</strong> chimie <strong>et</strong>un doctorat de résonancemagnétique nucléaireappliquée aux protéines,<strong>Véronique</strong> Polonovskia intégré le dé<strong>par</strong>tementde chimie du Palais dela découverte, où elle seconsacre à la médiationscientifique. Elle <strong>par</strong>ticipeaux diverses activitésdu dé<strong>par</strong>tement, commel’animation <strong>et</strong> laconception d’exposésou ateliers, l’accueil degroupes scolaires oula formation d’étudiants.fin du processus de teinture, si la couleurobtenue n’est pas exactement celleattendue, le teinturier la corrige en ajoutantle(s) colorant(s) faisant défaut <strong>et</strong> lebain est à nouveau chauffé.La laine, toujours prisée aujourd’huiLa laine fait <strong>par</strong>tie des premières fibresnaturelles a avoir été utilisées <strong>par</strong>l’Homme <strong>et</strong> est toujours largementemployée aujourd’hui. La productionannuelle mondiale est de 2,1 millions d<strong>et</strong>onnes ; 40 % des fibres proviennent demoutons mérinos dont la toison est plusdense <strong>et</strong> les fibres sont plus fines quecelles issues des autres races ovines.La laine ap<strong>par</strong>tient à la famille des kératinesdures, comme les cheveux, la corneou encore les ongles <strong>et</strong> les plumes. L’épidermede la peau, quant à lui, ap<strong>par</strong>tient àla famille des kératines molles.Structure d’une fibre de laineD’un diamètre d’environ 20 µm, la fibreest composée de deux types de cellules(fig. 5) :– à l’extérieur, les cellules de la cuticule,de structure lamellaire, ont la formed’écailles se chevauchant les unes lesautres <strong>et</strong> représentent 10 % de la mass<strong>et</strong>otale de la fibre de laine ;– à l’intérieur, le cortex, qui représenteprès de 85 % de la masse de la fibre, estcomposé de cellules fibreuses. Chaquecellule corticale est constituée d’unensemble de faisceaux, chacun étant àson tour composé d’un assemblage debrins <strong>et</strong> ainsi de suite jusqu’au filamentle plus fin correspondant à l’assemblagede deux longues chaînes protéiques.L’ensemble est maintenu <strong>par</strong> lecomplexe cellulaire membranaire (CMC)qui assure un rôle de liant entre toutesles cellules, à l’image du mortier entreles briques d’un mur.La laine est un matériau protéique, c’està-direconstitué de chaînes d’acidesaminés. Parmi ces acides aminés,certains présentent un caractère acide <strong>et</strong>d’autres un caractère basique. Celaconfère à la laine un caractère amphotère: selon les conditions de pH appliquées,elle se comporte comme uncomposé acide, basique ou portant unecharge n<strong>et</strong>te nulle (fig. 6).Classification générale des matières colorantesEn 1928, la Soci<strong>et</strong>y of Dyers and Colourists <strong>et</strong> l’American Association of TextilesChemists and Colorists crée le Color Index qui regroupe l’ensemble des matières colorantes.Colorants <strong>et</strong> pigments sont classés sé<strong>par</strong>ément. Les pigments sont désignés <strong>par</strong> leradical P, suivi de la couleur <strong>et</strong> d'un numéro d'ordre. Pour les colorants sont indiqués lacaractéristique chimique du processus tinctorial (acide, basique, direct <strong>et</strong> réactif), lacouleur <strong>et</strong> un numéro d'ordre. Cela perm<strong>et</strong> d'ordonnancer les appellations commercialesdifférentes d'un fabricant à l'autre. À titre d'exemple, le colorant Acid Blue 25 correspondà « Acilan direct blue A » chez Bayer <strong>et</strong> à « ERIO blue GRL » chez Ciba.40 \ DÉCOUVERTE N° 365 \ NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009


Matière & ÉnergiePour aller plus loinLa liaison chimiqueLa liaison chimique est le phénomènephysique qui lie les atomes entre eux,soit <strong>par</strong> échange ou <strong>par</strong>tage d’un ouplusieurs électrons, soit <strong>par</strong> des forcesélectrostatiques.L'électronégativité d'un élément chimiqueest la grandeur qui représente sa capacité àattirer les électrons dans une molécule. C’estc<strong>et</strong>te différence d'électronégativité entredeux atomes qui détermine de façonformelle la nature de la liaison chimique.Parmi les liaisons existantes, on peut en citertrois principales :– s’il y a une faible différence d'électronégativitéentre deux atomes se forme une liaisoncovalente (fig. I), résultant de la mise encommun de deux électrons de valenceapportés <strong>par</strong> les deux atomes. C’est uneliaison forte ;– s’il y a une forte différence d'électronégativitéentre deux atomes se forme une liaisonionique (fig. II), provenant de l'interactionélectrostatique entre un cation chargé + <strong>et</strong>un anion portant une charge –. C’est égalementune liaison forte ;– s’il y a une forte différence d'électronégativitéentre un atome d'hydrogène <strong>et</strong> unatome assez électronégatif, tel l'oxygène<strong>par</strong> exemple, se forme une liaison hydrogène(fig. III). C’est une interaction de typeélectrostatique, une liaison faible, le plussouvent entre différentes molécules.Ainsi, pour prendre l’exemple de la laine <strong>et</strong>du processus de teinture :– la laine, fibre protéique, est un enchaînementd’acides aminés reliés entre eux <strong>par</strong>des liaisons covalentes ;– la structure tridimensionnelle de la laine,c'est-à-dire la façon dont est repliée la fibreprotéique, est assurée <strong>par</strong> des liaisonsioniques ou hydrogènes entre les différentsacides aminés de la fibre ;– l’interaction majoritaire entre le colorant <strong>et</strong>la fibre de laine est une liaison ionique.Figure I. Liaison covalente.CH 2CH 2S S CH 2Figure III. Liaison hydrogène.OFigure II. Liaison ionique.O CH 2CCH 2CH 2COHO -+ H 3NHODÉCOUVERTE N° 365 \ NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009 \ 41


© F. Salpin.Figure 6. Fibre de lainedans différentesconditions de pH.+ + - -H 3 N–W–COOH H 3 N–W–COO H 2 N–W–COOConditions Conditions Conditionsacides isoélectriques basiques<strong>Frédérique</strong>SalpinAprès des études dechimie à l’universitéParis-VI <strong>et</strong> un doctoraten chimie-physiqueportant sur l’étude <strong>par</strong>spectroscopie Ramand’obj<strong>et</strong>s du patrimoine,elle est aujourd’huimédiateur scientifiqueau sein du dé<strong>par</strong>tementde chimie du Palais dela découverte. Elle arécemment <strong>par</strong>ticipéà la réalisation <strong>et</strong> la miseen place de nouveauxexposés.Pour la teinture de la laine, il faut seplacer en conditions acides <strong>et</strong> utiliserdes colorants directs acides. Ainsi lesinteractions formées pour la fixation descolorants sont majoritairement desinteractions ioniques entre la fibrechargée + <strong>et</strong> le colorant dissous dans lebain de teinture, portant une charge –.Le fait de placer les fibres protéiquesdans des conditions basiques les fragilise<strong>et</strong> c’est pourquoi les colorantsbasiques ne sont pas employés pour lateinture de la laine. Toutefois, lorsquel’on veut démonter une teinture, c’est-àdire« dé-fixer » le colorant des fibres, onse place en conditions basiques <strong>et</strong> ainsil’interaction ionique entre le colorantacide <strong>et</strong> la fibre, portant dans ce cas unecharge –, ne se fait plus, la laine perd lateinture précédemment appliquée.Étant donné la structure complexe de lafibre de laine, le chemin de diffusion desmolécules de colorant au sein de c<strong>et</strong>tedernière n’est pas encore totalementélucidé. De plus, malgré les progrèsconstants des techniques d’analyse, lesite de fixation des colorants dans lesfibres n’est pas à proprement <strong>par</strong>leridentifié.Aujourd'hui, beaucoup d’études ont pourobjectif de diminuer le coût de revient dela teinture, soit en développant desprocessus perm<strong>et</strong>tant de teindre lesfibres textiles à moins hautes températures,soit en m<strong>et</strong>tant au point des colorantsmoins polluants ou tout au moinsen facilitant leur élimination des bainsrestant après teinture. Alors, à quandune teinture « verte » ? L’avenir nous ledira. V. P. ET F. S.Pour en savoir plus- R<strong>et</strong>rouvez dans ce numéro une applicationmédicale des colorants dans l’article« Des colorants à la chimiothérapie » (rubriqueLa science à toutes les sauces).Site du Mobilier national, des Manufacturesnationales des Gobelins, de Beauvais <strong>et</strong>de la Savonnerie- www.mobiliernational.culture.gouv.fr/Les auteurs tiennent à remercier l’administrateur général de la Manufacture nationale des Gobelins ainsi que l’ensembledes membres de l’atelier de teinture pour leur accueil <strong>et</strong> leur disponibilité à l’occasion de la rédaction de c<strong>et</strong> article.42 \ DÉCOUVERTE N° 365 \ NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009


Matière & Énergie© F. Salpin.GlossaireChromophores : dans unemolécule, groupement d'atomesresponsable de la couleurdu composé.Colorants : matières coloréessolubles dans le milieu d’application(<strong>par</strong> exemple, l’eau des bainsde teinture).Fibres cellulosiques : fibresconstituées de cellulose c’est-à-direde longues chaînes consistanten la répétition d’un même motif :deux molécules de glucose liéesentre elles.Fibres protéiques : fibres constituéesde protéines c’est-à-dire de longueschaînes d’acides aminés.Peintures <strong>par</strong>iétales : peinturesréalisées pendant la Préhistoiresur les <strong>par</strong>ois de grottes.Pigments : matières colorantesinsolubles mises en suspension dans unliant, ce qui perm<strong>et</strong> ainsi de colorerle support (<strong>par</strong> exemple les peintures).Solidité du colorant : caractérisela résistance de la teinture auxagressions physiques <strong>et</strong> chimiquessubies au cours de l'usage du textil<strong>et</strong>eint (à la lumière, à l'humidité, aufrottement, au lavage …). La soliditéà la lumière est déterminée <strong>par</strong>com<strong>par</strong>aison à une gamme-étalonde laine teinte avec huit colorantsbleus dont la solidité croîtrégulièrement de 1 à 8. Une échellede gris comportant cinq échantillonsde référence est employéepour évaluer les solidités face auxautres types de dégradation.DÉCOUVERTE N° 365 \ NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2009 \ 43

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